Identité et multimodalité: le cas d’un élève plurilingue dans une école en milieu francophone minoritaire


Citer
Pour citer
Identité et multimodalité: le cas d’un élève plurilingue dans une école en milieu francophone minoritaire. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, .

Geneviève Brisson, Doctorante, Universtity of British Columbia

Résumé

Notre étude de cas ethnographique s’est déroulée dans une classe de 6e année dans une école en milieu francophone minoritaire en Colombie-Britannique. Elle visait une meilleure compréhension de l’influence des littératies médiatiques multimodales sur le développement identitaire d’élèves plurilingues. Dans le présent article, nous présentons des données recueillies lors de la création et de la reconstruction d’un texte multimodal par Blastoise, un garçon parlant anglais, français et russe. Le plurilinguisme, les positionnements identitaires et la multimodalité servent de cadre théorique à cette recherche. L’analyse des résultats indique que cet élève fait une utilisation somme toute limitée des divers modes disponibles (ex. : mot écrit, son, image, vidéo) et montre également l’absence du russe, l’une des ressources du répertoire linguistique de l’élève. Par contre, l’utilisation que cet élève fait du français, de l’anglais et d’autres modes lui permet de se positionner en tant que bon élève et expert en jeux vidéo.

Abstract

Our ethnographic case study took place in a grade-6 classroom in a French-language minority school in British Columbia. Our aim was to better understand the influence of digital and multimodal literacies on plurilingual students’ identity construction. In this article, we present data collected as Blastoise (a boy who spoke English, French and Russian) created and reconstructed a multimodal text. The concepts of plurilingualism, identity position and multimodality serve as theoretical frameworks for this research. Analysis of the results suggests that this student had a somewhat limited use for divers modes (e.g. written word, sound, image, video), and it also shows the absence of Russian, one of Blastoise’s resources from his linguistic repertoire. The student’s use of French, English and other modes, however, does afford him ways to position himself as a good student and as a video game expert.

Mots-clés : plurilinguisme, identité, littératie, milieu francophone minoritaire, multimodalité

Keywords: plurilingualism; identity; literacy; Francophone minority setting; multimodality

  1. Problématique

Au cours des vingt dernières années, la population s’est diversifiée dans les villes de la Colombie-Britannique, devenant de plus en plus multilingue et multiculturelle (Marmen et Corbeil, 2004). Selon Moore et Sabatier (2012), Vancouver, la métropole de la Colombie- Britannique, figure parmi « les premières métropoles canadiennes pour sa diversité linguistique et culturelle » (p. 11). Cette diversité est présente dans les écoles anglophones et les écoles d’immersion française, mais ce phénomène vient aussi modifier la composition des écoles en milieu francophone minoritaire de la province (pour plus de détails, dans l’ensemble du Canada, voir les travaux de Bouchamma, 2008; Dalley, 2009; Gérin-Lajoie et Jacquet, 2008; Heller, 1984, 1996; Litalien, Moore et Sabatier, 2012; Prasad, 2012). Dalley (2009) suggère que les écoles et communautés francophones en milieu urbain – principalement en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique – bénéficient de l’arrivée d’immigrants. D’autres chercheurs, tels Bouchamma (2008) et Prasad (2012), émettent cependant certains bémols: ils soulignent que l’intégration des élèves issues de l’immigration est un défi majeur pour les écoles en milieu francophone minoritaire au Canada.

En Colombie-Britannique, le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF) – la commission scolaire francophone – administre les écoles francophones dans toute la province. Les jeunes qui vont à ces écoles francophones vivent dans des milieux qui sont souvent multiculturels et multilingues, et où l’anglais et les cultures anglophones sont très influents. Les écoles du CSF accueillent des élèves en provenance de plus de 70 pays, et « plus de cinquante- deux langues autochtones et de migration » (Litalien et al., 2012, p. 194) y ont été répertoriées. À la maison et dans leur communauté, plusieurs élèves et leur famille utilisent régulièrement une langue autre que l’anglais ou le français. L’utilisation que les élèves plurilingues font des langues de leur répertoire linguistique est étroitement liée à leur développement identitaire. En effet, selon Moore (2006), des relations complexes se nouent entre les langues des locuteurs plurilingues et la construction de leurs identités. C’est en interaction qu’un locuteur plurilingue s’engage « dans la construction et la négociation des multiples composantes d’une identité complexe » (Lüdi, 1992, 1995, cité par Moore, 2006, p. 32).

Plusieurs chercheurs, tels Block (2007), Dagenais (2012), Norton et Toohey (2011), et Ricento (2005), ont exploré les processus de construction identitaire et les aspects socioculturels de l’identité dans les domaines des langues secondes ou additionnelles. Moje et Luke (2009), quant à eux, ont écrit sur les processus de construction identitaire dans le domaine des pratiques de littératie. De fait, des recherches empiriques mettent en évidence des liens significatifs entre la construction identitaire d’élèves plurilingues et les littératies médiatiques multimodales, que ce soit en classe (voir, par exemple, Ajayi, 2009; Giampapa, 2010; Lambert, 2011; Lotherington, 2007; Ng, 2011; Stille, 2011) ou hors du contexte scolaire (voir, par exemple, Domingo, 2011a, 2011b; Lam, 2000, 2004, 2006; Meredith, 2011; Skinner et Hagood, 2008; Yi, 2009). À notre connaissance, il n’existe pas d’étude portant sur des élèves plurilingues en milieu francophone minoritaire canadien, les littératies médiatiques multimodales en classe et la construction identitaire de ces élèves. Puisque le nombre d’élèves plurilingues augmente dans les écoles en milieu francophone minoritaire, il nous apparait important de nous intéresser davantage à ces élèves et à leur processus de positionnement identitaire, sous l’influence des littératies médiatiques multimodales, afin de mieux les accueillir et de favoriser leur intégration à l’école. De l’avis de plusieurs chercheurs (voir, par exemple, Cummins, 2009; Cummins, Brown et Sayers, 2007), la reconnaissance de l’ensemble des ressources linguisitiques des élèves plurilingues et de leurs multiples positionnements identitaires pourrait avoir une influence positive sur leur investissement dans leur réussite académique.

Afin de mieux comprendre les positionnements identitaires d’élèves plurilingues, nous avons mené une étude de cas ethnographique dans une classe de 6e année à l’école Félix-Leclerc1, une école francophone en milieu urbain, en Colombie-Britannique. Cette étude portait sur l’influence des littératies médiatiques multimodales sur le développement identitaire de quatre élèves plurilingues. Dans le présent article, nous nous concentrons sur l’un de ces quatre élèves, Blastoise2, un garçon parlant anglais, français et russe3. Les questions suivantes ont guidé notre recherche:
1) Comment Blastoise utilise-t-il les divers modes dans la création de son texte multimodal?
2) En tant qu’élève plurilingue, Blastoise utilise-t-il l’ensemble des langues de son répertoire dans la création de son texte multimodal? Quand, comment et pourquoi les utilise-t-il?

3) Qu’est-ce que son utilisation de modes et de ressources linguistiques peut nous révéler par rapport à ses positionnements identitaires?

Dans les sections qui suivent, nous présenterons tout d’abord les assises théoriques ainsi que les principaux éléments méthodologiques. Ensuite, nous dresserons le portrait de Blastoise et de son utilisation des divers modes et ressources linguistiques, dans la création et la reconstruction de son texte multimodal. Suivront la discussion des résultats de la recherche et une brève conclusion.

  1. Cadre conceptuel

Le plurilinguisme, les positionnements identitaires et la multimodalité servent d’assises théoriques à la présente recherche.

2.1. Plurilinguisme

Selon Heller (1996) et, Marshall et Moore (2013), le bilinguisme et le multilinguisme sont souvent associés à des compétences équivalentes et équilibrées dans toutes les langues parlées. Cette vision idéalisée des compétences des locuteurs bilingues et multilingues est remise en question depuis de nombreuses années. Le plurilinguisme (ou la compétence plurilingue) est un des concepts mis de l’avant pour remplacer ou compléter les théories du bilinguisme et du multilinguisme (voir, par exemple, Cenoz et Gorter, 2013; Coste, Moore et Zarate, 2009; Marshall et Moore, 2013; Moore, 2006).

Le concept de plurilinguisme offre une vision dynamique des répertoires linguistiques permettant d’inclure des compétences diverses dans plusieurs langues (Coste et al., 2009; Moore, 2006). Le locuteur plurilingue est défini comme un acteur social qui, sur le plan individuel, développe et utilise un répertoire composé d’un éventail de ressources linguistiques (Coste et Simon, 2009; Marshall et Moore, 2013). Le locuteur plurilingue est capable d’activer une ou plusieurs des ressources linguistiques de son répertoire, selon son interprétation de la situation, de ses interlocuteurs, de ses objectifs de communication et de la valeur accordée aux différentes langues. Selon Moore (2006), ses choix linguistiques sont influencés par les discours locaux et

les positionnements identitaires que ces discours permettent d’adopter. Beacco (2005), quant à lui, mentionne que les langues du répertoire du locuteur plurilingue peuvent «servir de matériau pour exprimer son appartenance à un groupe » (p. 20). Dans un contexte spécifique, les locuteurs plurilingues peuvent donc mobiliser leurs ressources linguistiques de façon originale et adopter ainsi différentes facettes de leur identité (Coste et Simon, 2009). Dans cet article, nous utiliserons le concept de «positionnements identitaires» (comme défini dans la section suivante du cadre conceptuel), plutôt que celui de «facettes identitaires».

Le concept de plurilinguisme suppose une vision dynamique des langues; en effet, les langues et les utilisations que nous en faisons évoluent, car les variantes d’une langue peuvent avoir des statuts divers. Certaines variantes sont légitimées et prédominantes socialement; cette légitimation se fait dans le cadre d’espaces particuliers de pratique (ex. : dans la classe, à l’école, au parc, avec mes amis). Une variante linguistique peut donc être légitimée dans un espace donné et être invalidée hors de cet espace (Moore, 2006). Le répertoire linguistique des locuteurs plurilingues ne doit pas être vu comme des additions de monolinguismes (Cenoz et Gorter, 2013; Coste et al., 2009; Council of Europe, 2007); leurs compétences langagières ne sont pas nécessairement égales ou semblables à celles des monolingues. Par contre, ces locuteurs sont capables d’utiliser leurs ressources linguistiques pour des besoins de communication spécifiques et différenciés. Dans une perspective d’enseignement, la théorie du plurilinguisme permet de se dégager du modèle du locuteur monolingue natif comme étant la norme ou l’idéal à atteindre (Cenoz et Gorter, 2013; Moore, 2006). Les variantes et pratiques bi/plurilingues qui émaillent quotidiennement les conversations des jeunes plurilingues sont souvent perçues de façon négative et « généralement évaluées par les enseignants comme des énoncés fautifs relevant d’interférences » (Moore, 2006, p. 161). Selon Coste et Simon (2009), ces variantes et pratiques bi/plurilingues reflèteraient des rattachements symboliques à un groupe d’appartenance. De plus, Moore (2006) suggère que ces « pratiques de langues illégitimes » (p. 96) peuvent être comprises comme un double langage ne démontrant pas automatiquement une méconnaissance de la langue scolaire de référence, mais plutôt un désir du locuteur d’afficher publiquement certains choix linguistiques. C’est donc l’utilisation variable que font les locuteurs plurilingues des ressources linguistiques de leur répertoire, selon l’interprétation qu’ils font de la situation (ex. :

interlocuteurs, objectifs de communication, légitimation des langues) (Beacco, 2005; Moore, 2006), qui démontre un positionnement identitaire.

2.2. Positionnements identitaires

Cette recherche s’inscrit dans le champ des études sur la théorie des positionnements identitaires influencée par les travaux de Davies (2008), de Davies et Harré (1990), ainsi que de Holland et Leander (2004). L’identité est un concept complexe, une construction sociale produite en interaction avec des personnes, des textes, des contextes et des discours. Davies et Harré (1990) définissent la construction identitaire comme une négociation, une interaction entre des positionnements interactifs et des positionnements réflexifs4. Le processus de positionnement interactif implique qu’un individu (ou un groupe) attribue un positionnement identitaire à un autre individu (ou groupe); le processus de positionnement réflexif implique l’autoattribution d’un positionnement identitaire (Davies et Harré, 1990; Pavlenko et Blackledge, 2004). Cependant il est possible que des gens avec qui les élèves interagissent – tels les pairs et les enseignants – n’acceptent pas un positionnement. Un positionnement réflexif peut être contesté (Pavlenko et Blackledge, 2004). Selon Pavlenko et Blackledge (2004) et « many individuals find themselves in a perpetual tension between self-chosen identities and others’ attempts to position them differently» (p. 20). L’utilisation du concept de positionnement identitaire nous permet d’explorer et d’analyser l’identité comme étant négociée, fluide et multiple, et d’identifier une multiplicité de positionnements dans le cadre d’une même activité de création et de reconstruction d’un texte.

Davies and Harré (1990) ont formulé leur théorie des positionnements identitaires dans le cadre d’interactions orales. D’autres chercheurs ont enrichi cette théorie afin d’y inclure d’autres types d’interactions. Alors que Pavlenko et Blackledge (2004) explorent les positionnements identitaires dans toutes les pratiques discursives, Holland et Leander (2004) suggèrent que le processus de positionnement se fait également par l’utilisation de textes, de films et d’autres médias. Dans cet article, nous utilisons une version enrichie de la théorie des positionnements identitaires qui englobe toutes les pratiques discursives ainsi que les interactions avec les textes de tout acabit.

Le concept de Discours, avec un D majuscule (Gee, 1996, 2005), est étroitement lié à notre définition de la construction identitaire. Selon Gee (1996, 2005), les Discours sont des façons d’être dans le monde, qui intègrent les mots, les actions, les valeurs, les croyances et les attitudes à adopter afin d’être membre d’un groupe. Une personne qui connait le Discours d’un groupe sait comment agir, parler et même écrire, afin d’être reconnu comme membre de ce groupe (Gee, 1996, 2005). Cette personne peut donc adopter un positionnement identitaire en lien avec ce Discours.

2.3. Multimodalité

Selon Kress et Van Leeuwen (2001), et Lebrun, Lacelle et Boutin (2012), la multimodalité est l’utilisation de plus d’un mode sémiotique (ou système de signes), lors de la conception d’un objet ou d’un texte permettant la communication entre individus ou collectivités. Les modes sémiotiques – par exemple, les images, mots/langue, sons, gestes, regard (Jewitt, 2009) – sont des ressources permettant de créer un texte ayant du sens pour le créateur et ses lecteurs. Selon Pahl et Rowsell (2006), la littératie multimodale donne plus de possibilités aux créateurs, car elle offre un éventail de modes et de médias plus large que la littératie traditionnelle, qui est basée sur un seul mode (la langue) et un seul médium (les mots sur la page). La possibilité de créer un texte, en utilisant diverses combinaisons de modes et de médias, permettrait donc aux élèves plurilingues de négocier divers positionnements identitaires, car les textes sont, selon Stille (2011), « material forms which instantiate learners’ identities » (p. 67). Nous parlerons tant de la création d’un texte multimodal que de sa reconstruction, car le texte change et s’enrichit lorsque que le créateur (dans ce cas-ci, un élève) est en interaction avec son texte lors d’une présentation en classe ou en entrevue.

  1. Méthodologie

Nous analysons un texte multimodal créé en classe par Blastoise avec le logiciel Keynote. Nous utilisons des données recueillies dans le cadre d’une étude de cas qualitative particulariste (Merriam, 1998, 2009) portant sur la construction identitaire d’élèves plurilingues par le biais des littératies médiatiques multimodales.

3.1. Blastoise, un locuteur plurilingue

Blastoise est un garçon de 6e année ayant fait toute sa scolarité à l’école Félix-Leclerc. À la maison, il parle anglais avec son jeune frère (qui fréquente aussi l’école Félix-Leclerc), français avec son père et russe avec son grand frère, sa mère et sa grand-mère (fig. 1). À l’école, il parle français avec son enseignante et les autres adultes qui l’entourent. Avec ses pairs, il parle anglais et français. Il est passionné de jeux vidéo et affectionne particulièrement tout ce qui touche les Pokémons. En classe, il s’intéresse aux mathématiques et aux sciences et, lorsqu’un sujet l’intéresse moins, nous le retrouvons souvent le nez plongé dans un livre (en anglais) à propos des sciences ou des jeux vidéo.

Blastoise peut écrire et lire en français, en anglais et en russe. Tous les samedis, il va à l’école russe, où il suit des cours de mathématiques, d’histoire, de russe et d’autres sujets scolaires. Il mentionne régulièrement des éléments reliés à la culture russe. Par exemple, lors d’une discussion sur le français autour du monde, il explique :

…parce que ma mère m’a dit que hum (pause) un poète (hum) (pause) russe Alexa (pause) Alexander Sergeï Pouchkine mais hum après ça il est allé avec sa grand-mère et ses sœurs, et quand il vivait avec sa grand-mère, il parlait russe. Avant ça, il était avec ses parents et il parlait le français.

Lors d’une table ronde du lundi matin, en décembre, il parle de la chanson du jeu vidéo Tetris. Il explique que c’est une chanson russe connue sous le nom de Karobouchka, qui signifie « petite boite ».

Figure 1 : Carte linguistique de Blastoise, septembre 2013

!

3.2. Outils de collecte de données

Le texte multimodal analysé ici – intitulé Super Mario Bros. Les Niveaux perdus…2™ (fig. 2) – a été créé par Blastoise pour un projet en classe. Les données d’une entrevue individuelle semi- dirigée (Merriam, 1998) avec Blastoise ont été intégrées à l’analyse de ce texte multimodal. Lors de cette entrevue, nous avons questionné Blastoise sur la création de son texte et sur sa présentation en classe. Nous lui avons demandé, par exemple, de nous parler de la genèse de son histoire et de nous expliquer comment et pourquoi il avait sélectionné ses images. Blastoise nous a parlé de plusieurs de ses diapositives de son texte en nous les montrant sur son ordinateur portable. Les notes prises sur le terrain et les entrevues semi-dirigées, avec la mère de Blastoise et son enseignante, ont aidé à l’identification des Discours (Gee, 1996, 2005). Ces notes étaient descriptives et analytiques (Dyson et Genishi, 2005; Glesne, 2011). Les notes descriptives contenaient des détails factuels et concrets tels que l’organisation physique de l’espace, les actions posées par les élèves, l’heure où se déroulaient l’activité observée, etc. Les notes analytiques, quant à elle, contenaient des réflexions et des questionnements sur l’activité en cours, ainsi que des liens avec des théories. Elles étaient nos premières ébauches d’analyse. Les entrevues individuelles, avec la mère de Blastoise et ses enseignantes, portaient plus généralement sur l’utilisation des langues en classe et à la maison et sur les intérêts de Blastoise.

La mère de Blastoise nous a parlé, entre autres, de la passion de son fils pour les Pokémons et autres jeux vidéo; ce fait a également été relevé par ses enseignantes.

Pour ce projet, les élèves devaient créer un texte multimodal s’inspirant des Livres dont vous êtes le héros. Dans ces histoires, les auteurs offrent aux lecteurs des choix et ces derniers décident comment ils veulent faire évoluer le récit. En classe, les élèves pouvaient créer leur texte individuellement ou en équipe. Blastoise a choisi de travailler seul. Les consignes pour la création de ce texte touchaient le contenu (ex. : une introduction avec titre, lieu, époque et nom du personnage) et le contenant (ex. : nombre de diapositives ou d’éléments multimédia) (fig. 3).

Figure 2 : Extrait de Super Mario Bros. Les Niveaux perdus…2™ , créé par Bastoise

3 4

5 6

7 8

Figure 3 : Consignes pour le projet Histoire dont vous êtes le héros

3.3. Stratégies d’analyse des données

Nous avons procédé à une analyse multimodale du texte créé par Blastoise. Ce texte a été réalisé à l’aide de Keynote pour Mac, un logiciel permettant de créer des diaporamas numériques. Notre analyse s’appuie sur les concepts de plurilinguisme, de multimodalité et de positionnement identitaire tels que définis dans notre cadre théorique. Les questions suivantes ont guidé notre analyse :

  • Comment Blastoise utilise-t-il les divers modes dans la création de son texte?
  • Utilise-t-il l’ensemble des ressources linguistiques de son répertoire? Comment et pourquoi sont-elles utilisées?
  • Qu’est-ce que son utilisation de modes et de ressources linguistiques nous révèle sur ses positionnements identitaires?

Notre analyse multimodale de texte s’inspire des travaux de Domingo (2011a, 2011b, 2012), qui soutient que l’analyse des textes multimodaux ne peut pas se faire de façon linéaire, car ces textes permettent la superposition (en anglais, « layering ») de modes. Nous analysons la création du texte et sa reconstruction, c’est-à-dire la présentation du texte, en classe et lors de l’entrevue avec les chercheurs. Nous avons tout d’abord développé une méthode visuelle d’analyse des modes utilisés (Domingo, 2011a, 2011b, 2012) par Blastoise (fig. 4). Nous avons placé toutes les diapositives dans un tableau et avons décrit les modes (fig. 4, Analyse et transcription multimodale) de façon factuelle (ex. : dimension des lettres, couleurs). Puis, nous avons écrit une description narrative de chaque diapositive. Cette description, comme le suggére Domingo (2011a, 2011b), fait le lien entre les diapositives et les données en provenance de l’entrevue avec Blastoise (Domingo, 2011b). Par la suite, nous avons utilisé les couleurs de chaque mode et avons surligné les éléments reliés à ces modes dans les descriptions des modes ainsi que dans la partie narrative. Cette méthode de microanalyse nous a permis de faire un « layered reading » (Domingo, 2011b, p.67), c’est-à-dire une lecture des diverses couches, des superpositions des modes utilisés par Blastoise, puisque que, selon Domingo (2011a, 2011b, 2012), les modes s’utilisent simultanément et sont interdépendants. Comme l’écrit Lacelle (2012), il y a des
« synergies intersémiotiques (…) à l’œuvre en multimodalité » (p.130). La suite de l’analyse impliquait l’identification des discours (Gee, 1996, 2005) liés au répertoire linguistique de Blastoise et présents dans le texte. L’ensemble des données colligées dans cette recherche nous a permis d’identifier plusieurs discours au sein de cette classe de 6e année. Pour les besoins de cet article, nous avons retenu trois discours nous apparaissant comme les plus pertinents pour l’analyse, soit les discours des jeux vidéo et de l’anglais, de l’école et du français, et de la famille et du russe. Le discours des pairs intervient tant dans la création que dans la reconstruction de ce texte.

Les méthodes suivantes nous ont permis d’assurer la crédibilité de notre analyse: l’observation continue et prolongée en classe, l’utilisation de plusieurs sources de données, ainsi qu’une réflexion constante sur notre propre subjectivité en tant que chercheure et ancienne enseignante à l’école Félix-Leclerc (Creswell, 2007; Glesne, 2011).

Figure 4 : Analyse et transcription multimodale

1
SUPER MARIO BROS. LES NIVEAUX PERDUS…2™
H istoire par Blastoise

Clique Pour commencer Multimodal Analyses Key Arrière-plan
Mots écrits Coueour Animation Images
Geste/Expression facial Voix
Musique/Son
Arrière-plan Arrière-plan typique de
Keynote
Le même que dans le
Projet Espace (27-11-
2013).
Blastoise a peut-être été influencé par cette autre présentation faite avec des
coéquipiers. Description narrative
La première diapositive nous montre le titre SUPER MARIO BROS LES NIVEAUX
PERDUS… 2TM, en majuscules.
Nous y trouvons aussi le nom de l’auteur de l’histoire (son vrai nom dans la version originale de la présentation Keynote, remplacé ici par son pseudonyme)
Il y a aussi un lien vers la diapositive suivante,
« Clique Pour commencer », soit la page suivante dans l’histoire. L’arrière-plan est turquoise, un arrière-plan typique de Keynote

Réflexion
Les titres sont en majuscules et attirent plus l’attention que le nom de l’élève. La supersposition (« layering ») des modes est limitée. Pas d’image, seulement l’arrière-plan de Keynote.

Notes d’entrevues
« Je voulais faire quelque chose de Mario…Parce que tout le monde dans la classe n’aime pas Pokémon ». (Blastoise, entrevue individuelle)

Notes sur les vidéos
Après que Bob1 lui ai demandé de le lire, Blastoise lit le titre. Il lit à voix basse, regarde son écran d’ordi, lève peu les yeux vers l’audience formée des élèves de sa classe.
Mots écrits (Couleur, Police, Taille) 1) Titre en lettre majuscules
Police: Baskerville Turquoise
78 points
2) Sous-titre: Lettres majuscules et minuscules Police: Hoefler text
56 points
3) Majuscules et minuscules (Format de titre en anglais)
Police: Hoefler Text 36 points
Taille plus petite
3) Lien vers la diapositive suivante
Animation “Porte tournante” vers la prochaine diapositive
Animation couramment utilisée dans Keynote
Images Aucune

  1. Résultats

4.1. Multimodalité

Dans le texte Super Mario Bros. Les Niveaux perdus…2tm (fig. 2), Blastoise utilise un nombre limité de modes, soit des mots écrits, des couleurs, des images et des animations (par le biais des transitions entre les diapositives). Lors de la présentation en classe et en entrevue avec les chercheurs, les gestes et la voix s’ajoutent aux modes utilisés pour véhiculer son message et se positionner réflexivement. Sur la première et la dernière diapositive de ce texte, Blastoise a utilisé un thème (ou arrière-plan) standard de Keynote sans le modifier. Sur les diapositives suivantes, il couvre l’arrière-plan d’illustrations de jeux vidéo Mario Bros, trouvées sur le Web. Sur les diapositives 2 à 4, ces images sont difficiles à identifier, car Blastoise a utilisé des boites de texte à fond blanc, recouvrant ainsi les illustrations. Par exemple, sur la deuxième diapositive, Blastoise introduit son récit en utilisant des mots écrits, cachant ainsi entièrement l’image de Bowser, un personnage central dans les jeux vidéo de Mario Bros et dans l’histoire créée par Blastoise. Les mots dominent le plan visuel sur ces diapositives. Sur les diapositives 5, 6, et 8 à 14, le rapport est inversé. La boite de texte devient transparente, permettant à l’image d’être vue, lue et d’être porteuse de sens. Les transitions entre les diapositives rappellent les pages d’une livre qu’on feuillette. Le programme Keynote offre la possibilité d’intégrer des sons et des vidéos. D’autres élèves dans la classe ont ajouté des effets sonores à leur texte, mais Blastoise ne l’a pas fait. Lors de l’entrevue individuelle, nous l’avons questionné à ce propos. Il a dit : « Je voulais comme quand c’était game over de faire le game over sound, mais je savais pas comment faire ça».

Lors de la présentation de son texte en entrevue individuelle, Blastoise utilise sa voix et des gestes. Sa voix est posée et il n’hésite pas à ajouter des éléments d’information supplémentaires à propos de son histoire et de la création de celle-ci. Assis devant son ordinateur, il navigue avec assurance sur le Web, répond à mes questions à propos des jeux vidéo de Mario Bros, me parle en détails des personnages mis en scène dans son texte et me montre de nombreuses images. Par écrit, il est impossible de faire entendre sa voix, et, par le fait même, de rendre compte de son

assurance, mais voici un court extrait où la richesse des détails fournis nous semble bien illustrer l’assurance de cet élève.
Geneviève : Ok! Donc ça (pause), tu as choisi le fond de ton écran.
Blastoise : ouais, mais je l’ai choisi comme un cat (pause); tu vois, c’est celui-là (il montre une image sur son ordinateur portable)
Geneviève : Aaah!
Blastoise : Parce que ça c’est dans le nouveau jeu Super Mario 3D. C’est un nouveau jeu qui est sorti (pause), qui est très bon. Alors, tu dois comme sauver cette petite fille qui était volée par Bowser. Bowser souvent il vole Peach, mais cette fois il a décidé de juste voler ça parce qu’il était tanné que Mario le toujours tuait5.

Lors de la présentation en classe, par contre, sa voix est basse et il hésite. Il regarde ses pairs seulement lorsqu’il a lu tous les mots sur les diapositives. Il s’en tient au texte écrit, ne dit rien sur les illustrations et n’ajoute aucun détail supplémentaire. Par exemple, lorsqu’il débute sa présentation, il chuchote le titre de son texte et change de diapositive immédiatement. L’enseignante et un autre élève doivent l’encourager à recommencer et lui répéter de lire son titre.

4.2. Répertoire linguistique

Blastoise utilise principalement des mots écrits en français dans la création de son texte. Par exemple, il utilise le nom français du jeu vidéo – Les niveaux perdus – au lieu de la version anglaise – The lost levels. Cette traduction demandait peu d’efforts, mais Blastoise l’a fait, même si en interaction avec ses pairs il emploie habituellement la version anglaise du titre. Lors de sa présentation en classe et en entrevue, le français est encore la langue dominante. Le français est la seule langue légitimée (Moore, 2006) dans le cadre de l’espace de pratique qu’est cette classe de 6e année à l’école Félix-Leclerc, une école francophone en milieu minoritaire. Elle est légitimée de diverses manières dans les discours officiels de Félix-Leclerc: tous les enseignant(e)s et autres membres du personnel parlent français, les affiches dans l’école sont presque exclusivement en français, tous les messages à l’interphone et les assemblées se

déroulent en français, tous les enfants doivent parler français à l’école, les devoirs et travaux sont en français, etc. De plus, dans le cas spécifique qui nous intéresse, Blastoise a créé ce texte en suivant des consignes écrites en français et il était spécifié qu’il devait y avoir 20 mots minimum par diapositive. Les consignes ne spécifiaient pas que les mots devaient être en français, mais à l’école francophone, ce fait est sous-entendu.

Grâce aux mots de vocabulaire reliés aux jeux vidéo de Mario Bros, l’anglais se faufile dans le texte de Blastoise. Des mots comme power-up, catsuit, ice flower et game over font partie intégrante des jeux Mario Bros et du texte de Blastoise. Les jeux vidéo sont une passion de Blastoise, passion qu’il vit en anglais. Cette langue est prédominante et légitimée en Colombie- Britannique, et une majorité des élèves à l’école Félix-Leclerc parlent anglais couramment. Même si le personnel de l’école et la commission scolaire exigent que les enfants parlent français lorsqu’ils sont à l’école, les échanges dans la cours de récréation se déroulent bien souvent en anglais, et ce, malgré les efforts du personnel (une situation similaire à celle décrite par Heller, 1996). De plus, selon Blastoise, l’anglais est la langue légitimée et prédominante dans l’espace de pratique que sont les jeux vidéo. Le discours des jeux vidéo se combine avec celui des pairs et influence la création du texte de Blastoise. En entrevue, Blastoise nous explique bien cette relation.
Geneviève : Parce que Super Mario tu connais très très bien. Pourquoi est-ce que ça été Super Mario au lieu des Pokemons. Je sais que tu aimes beaucoup les Pokemons aussi.
Blastoise : Pokemon c’est mon favori, mais cette fois je voulais faire quelque chose de Mario.
Geneviève : Ok !
Blastoise : Je voulais pas faire quelque chose de Pokemon parce que tout le monde dans la classe n’aime pas Pokemon [sic].

Donc l’un des positionnements identitaires de Blastoise, adopté à travers la création et la reconstruction de ce texte multimodal, est influencé par les discours des jeux vidéo/de l’anglais et des jeux vidéo/pairs.

Le russe, une autre langue du répertoire linguistique de Blastoise, n’apparait pas dans son texte. Dans l’espace de pratique qu’est la classe de 6e année à l’école Félix-Leclerc, le russe n’est ni légitimé ni prédominant. Le seul autre élève qui parle russe dans cette école est le jeune frère de Blastoise, qui est dans une autre classe. De plus, selon les dires de Blastoise, il n’utilise pas le russe lorsqu’il joue à des jeux vidéo. Cette langue est, par contre, légitimée et prédominante dans sa famille, comme l’indique sa carte linguistique (fig. 1). De plus, c’est une langue qui est importante dans sa vie. Dans le cadre d’un questionnaire abordant les ressources linguistiques, Blastoise indique que le russe est sa langue préférée, car « il y a tellement de mots, et expressions et sens que tu peux pas traduire [sic]» (fig. 5). De plus, lors de la création de sa silhouette linguistique, il n’indique que des éléments russes, c’est-à-dire un chapeau russe et une balalaïka (fig. 6). En entrevue individuelle à propos de son texte Super Mario Bros. Les Niveaux perdus…2tm, Blastoise ne mentionne aucun élément russe ou relié à la culture russe. Par contre, nos notes de terrain contiennent plusieurs exemples de positionnements identitaires réflexifs et interactifs (Davies et Harré, 1990; Pavlenko et Blackledge, 2004) reliés à la langue et la culture russe de Blastoise, mais dans le cas de la création et de la reconstruction de ce texte multimodal, ces positionnements n’ont pas été négociés.

Figure 5 : Questionnaire rempli par Blastoise, mars 2014

Figure 6 : Silhouette linguistique de Blastoise, mars 2014

  1. Interprétation et discussion des résultats

À titre de rappel, les questions de recherche suivantes ont guidé notre analyse : 1) comment Blastoise utilise-t-il les divers modes dans la création de son texte? 2) utilise-t-il l’ensemble des ressources linguistiques de son répertoire? Comment et pourquoi sont-elles utilisées? 3) qu’est- ce que son utilisation des modes et des ressources linguistiques nous révèle sur ses positionnements identitaires?

5.1. Langues, multimodalité et positionnements identitaires

Lors de la création et de la reconstruction de son texte – en entrevue et lors de la présentation devant les autres élèves – Blastoise a fait des choix parmi ses ressources linguistiques. Selon Beacco (2005) et Moore (2006), ce qui démontre un positionnement identitaire, c’est justement les choix ou l’utilisation variable qu’un locuteur fait des langues et variantes de son répertoire linguistique. Les choix sont le résultat de l’analyse qu’un locuteur fait de la situation dans laquelle il se retrouve: interlocuteurs, objectifs de communication, valeur accordée aux différentes langues, règles de l’espace de pratiques, etc. Les positionnements identitaires adoptés par les locuteurs sont influencés par les positionnements identitaires que les discours permettent d’adopter Moore (2006). Les discours (Gee, 1996, 2005) qui, selon notre analyse, ont influencé les positionnements identitaires négociés dans ce texte multimodal sont les discours des jeux vidéo et de l’anglais, de l’école et du français, de la famille et du russe, et des pairs.

Tout d’abord, lors de la création et de la reconstruction de son texte multimodal, Blastoise se positionne réflexivement comme un « bon élève6 ». Dans une école francophone en milieu minoritaire, le discours (Gee, 1996, 2005) du bon élève est étroitement lié à l’utilisation de la langue française (voir, par exemple, Heller, 1984, 1996); les mots français sont donc un outil primordial au positionnement comme bon élève. Ce positionnement, Blastoise le négocie donc en utilisant les modes mots écrits (en français) et voix (en français), en entrevue individuelle, mais aussi le mode images. Par exemple, Blastoise respecte les consignes, tel le minimum de mots par diapositive (fig. 2). De plus, la majorité des mots écrits sont en français. Il fait pareillement lors de sa présentation devant la classe et répond à l’unique question d’une élève en

français. Cette dernière soulignait la récurrence de la diapositive indiquant game over. Blastoise a répondu « y’a autant de game over que y’a de possibilités [sic] ». Quant aux images, Blastoise excède les demandes de son enseignante en incluant un minimum d’une image par diapositive, alors que les consignes demandaient deux éléments multimédias dans toute la présentation. Elizabeth, son enseignante, suite à la présentation de son texte multimodal devant la classe, émet ce commentaire :

J’ai bien aimé [ta présentation]. Moi j’aimais beaucoup la construction de l’histoire (pause), je trouvais que ça se suivait bien, une belle construction dans ton histoire, un beau plan (…). Le visuel vraiment, la façon (pause), les images que tu avais choisies quand tu parlais d’un bouton, il y avait vraiment un petit Mario qui sautait avec un petit bouton.

Elle reconnait la qualité de la présentation, son utilisation des modes images et mots, acceptant le positionnement de Blastoise et le positionnant interactivement (Davies et Harré, 1990; Pavlenko et Blackledge, 2004) comme un bon élève. La négociation des positionnements identitaires se fait donc par l’utilisation de divers modes simultanément (Domingo, 2011a, 2011b, 2012), et en interaction avec l’enseignante.

Blastoise se positionne – un deuxième positionnement réflexif – en tant qu’expert en jeux vidéo. Il démontre, dans son texte et son entrevue, une maitrise des mots, des images et de la langue liés aux jeux vidéo Mario Bros : il maitrise le discours (Gee, 1996, 2005) des jeux vidéo. Son histoire montre son expertise : il connait le bon (Mario), le méchant (Bowser) et ses acolytes (ex. : Goombas, Koopa Troopas), ainsi que les armes nécessaires (ex. : power-up, ice flowers et invincibility star); il présente ces informations tant avec des mots qu’avec des images. De plus, son histoire présente une fin manichéenne, comme tout bon jeu vidéo de Mario Bros (paix versus. monde dominé par Bowser). Il démontre également son expertise pendant l’entrevue avec les chercheurs. Voici deux extraits illustrant comment Blastoise se positionne comme un expert des jeux vidéo Mario Bros, en utilisant les modes voix et gestes/actions:

Extrait 1
Blastoise : Bowser c’est le vilain de (pause), c’est le même vilain de tous les jeux Mario.
Geneviève : Ok!
Extrait 2
Blastoise : Et après ici, ça c’est un très vieux jeu, mais hum j’ai pris un power-up qui est venu hum en décembre à la fin de novembre, et un nouveau jeu qui s’appelle Super Mario 3D world. Il y a quelque chose qui s’appelle un catsuit et des goombas … attends [il fait une recherche en ligne].
Geneviève : des goombas!?
Blastoise : Ouin, c’est, c’est (pause) ils sont toujours là avec les Koopa-troopas. Ouin tu vois?
Geneviève : [regarde l’écran du portable] Ah! (pause) Ok, ok!

Selon Davies et Harré (1990), la construction identitaire est une négociation, le fruit d’interactions entre les positionnements réflexifs (tel le positionnement d’expert de Blastoise) et les positionnements interactifs (où un individu attribue ou reconnait le positionnement de quelqu’un d’autre). Lors de l’entrevue individuelle, Blastoise revendique son positionnement d’expert en jeux vidéo, et la chercheure accepte ce positionnement en paroles et en actions: écoute attentive, absence d’interruptions, réponses affirmatives (ex. : « Ok! ») et attention envers les photos que Blastoise montre sur son ordinateur. La chercheure renforce le positionnement en utilisant des phrases telles que : « Ok toute ton histoire, reviens à ton Keynote. Toute ton histoire, tu es allé chercher des choses que tu connaissais très bien ». Lors de la présentation devant la classe, Blastoise n’arrive pas à se positionner de façon aussi évidente en tant qu’expert. Pourtant, il présente les mêmes diapositives que lors de l’entrevue, mais il s’en tient uniquement au contenu des diapositives et il n’explique pas la provenance des images ou ne donne pas de détails sur l’historique des jeux, comme il l’avait fait en entrevue. Il a les bras croisés derrière le dos, se balance d’avant à l’arrière, sa voix est basse et il est difficile de l’entendre. Malgré cela, l’enseignante et les élèves ne questionnent pas le contenu de ses diapositives et son positionnement d’expert n’est pas contesté ouvertement; par contre, il n’est pas confirmé, comme lors de l’entrevue individuelle.

L’utilisation de l’anglais fait aussi partie du discours (Gee, 1996, 2005) de l’expert en jeux vidéo. Blastoise a choisi l’anglais comme langue de jeux, tout comme des millions d’experts en jeux vidéo sur la planète. Nous trouvons quelques mots anglais, tels power-up, catsuit, game over, sur ses diapositives. Lors de nos observations en classe, nous avons remarqué que toutes les utilisations de l’anglais étaient soulignées – négativement – soit par l’enseignante, soit par un pair. La conséquence habituelle était une demande de traduction en français ou une version quelconque de la phrase « Parlez en français! ». La recherche du bon mot français et d’une manière de traduire une expression anglaise étaient deux activités faisant partie de la routine dans la classe. Comme suggéré par Moore (2006), les pratiques bilingues anglais/français – très présentes dans les conversations des élèves de cette classe – sont souvent traitées comme indésirables dans l’espace de pratique qu’est la classe francophone en milieu minoritaire. Dans le cas précis du texte de Blastoise, l’expression anglaise game over apparaît à trois reprises. Lors de la présentation en classe, Blastoise ne la prononce pas à voix haute. Il lit, par contre, le texte en français sur la diapositive. Il traite l’expression game over comme faisant partie de l’image et non comme un texte à lire. Tous les élèves et l’enseignante peuvent lire l’expression (fig. 2, diapositives 6 et 8), mais personne ne mentionne le fait qu’elle soit en anglais. Personne ne suggère de traduction française. Cette omission nous apparait significative. L’expression game over est acceptée comme partie intégrante du jeu Mario Bros; il n’est donc pas nécessaire de trouver un équivalent français. Cette utilisation de l’anglais pourrait refléter un rattachement à un groupe d’appartenance (Coste et Simon, 2009), c’est-à-dire les experts en jeux vidéo. L’expression anglaise semble acceptée, tant par l’enseignante que par les autres élèves, comme un élément essentiel d’un texte portant sur les jeux vidéo. Pourtant Blastoise ne prononce jamais le mot game over à voix haute devant la classe, sauf en réponse à la question d’une élève qui l’avait prononcé en le questionnant. Nous suggérons que cela pourrait contredire son positionnement de bon élève qui, comme nous l’avons expliqué auparavant, est associé à la langue française.

Le russe, une des ressources linguistiques du répertoire de Blastoise, n’apparait sous aucune forme dans le texte de Blastoise. Blastoise parle rarement (sinon jamais) russe en classe, mais il mentionne régulièrement cette langue. Par exemple, tous les lundis matin, lorsqu’il raconte sa fin

de semaine à la table ronde, Blastoise parle de l’école russe. Par conséquent, tous les élèves de la classe savent que Blastoise parle russe, mais aucun d’entre eux ne connait cette langue. En contrepartie, ils parlent tous français et anglais. Blastoise, dans la création et la reconstruction de son texte multimodal, a fait le choix de ne pas utiliser le russe, de ne pas se positionner comme locuteur de cette langue. Notre analyse suggère qu’il a interprété la situation, c’est-à-dire les interlocuteurs, les objectifs de communication et la valeur accordée aux différentes langues (Beacco, 2005; Coste et Simon, 2009; Moore, 2006), et que le russe n’était tout simplement pas une ressource désirable. Dans ce cas-ci, il semble qu’il préférait se rattacher, de façon symbolique, à une communauté d’experts en jeux vidéo qui parlent anglais, ainsi qu’à une communauté de bons élèves parlant français. La valeur de ces deux groupes est plus importante dans l’espace de pratique qu’est sa classe de 6e année à l’école francophone en milieu minoritaire en Colombie-Britannique. L’utilisation variable que font les locuteurs plurilingues des ressources linguistiques de leur répertoire démontre, selon Beacco (2005) et Moore (2006), un positionnement identitaire. Dans ce cas-ci, la présence du français et de l’anglais autant que l’absence du russe sont révélateurs des positionnements identitaires.

  1. Conclusion

L’analyse des résultats de cette recherche nous a permis d’identifier des positionnements identitaires réflexifs reliés à certains discours et à des ressources linguistiques, dans la création d’un texte et sa reconstruction. Ces positionnements sont négociés en utilisant plus d’un mode, soit les mots écrits, les images, la voix et les gestes. Blastoise se positionne comme un bon élève ainsi que comme expert en jeux vidéo de Mario Bros. Le premier positionnement est lié à l’utilisation du français et le second, à l’utilisation de l’anglais. Le français est légitimé par le discours scolaire, alors que l’anglais est prédominant dans la communauté ainsi que dans les jeux vidéo. Malgré l’importance du russe dans la vie familiale de Blastoise, cette langue n’est liée de façon explicite à aucun positionnement dans ce texte multimodal. Dans la classe de Blastoise, le russe n’est ni une langue prédominante ni une langue légitimée. Moore (2006) suggère que les positionnements identitaires adoptés par les locuteurs plurilingues sont influencés par les discours locaux. Il semble que Blastoise n’ait pas identifié, dans le discours de sa classe, la possibilité de se positionner en tant que locuteur russe.

Nous avons présenté une partie des données recueillies lors de notre étude de cas dans une classe de 6e année, en milieu urbain, à l’école Félix-Leclerc, une école en milieu francophone minoritaire en Colombie-Britannique. Le but de cette recherche était d’explorer la construction identitaire d’élèves plurilingues, en lien avec les discours (Gee, 1996, 2005) et les répertoires linguistiques (Coste, et al., 2009; Marshall et Moore, 2013; Moore, 2006), et l’influence de la littératie médiatique multimodale dans ce processus. Nous espérons que cet article ouvrira une avenue de recherche qui mériterait d’être explorée plus en profondeur, soit celle de la place offerte dans les écoles en milieu francophone minoritaire aux diverses langues (autres que le français) du répertoire linguistique des élèves plurilingues, et aux multiples positionnements identitaires liés à ces langues. La reconnaissance de l’ensemble des ressources linguisitiques des élèves plurilingues et des multiples positionnements identitaires reliés à celles-ci est une excellente façon d’aider ces élèves à s’investir dans leur réussite académique (voir, par exemple, Cummins, 2009; Cummins et al., 2007). Les théories de la multimodalité et du plurilinguisme sont deux outils pouvant servir d’assises théoriques pour une réflexion sur la pluralité linguistique et celles des discours (Gee, 1996, 2005), au sein des écoles en milieu francophone minoritaire au Canada.

Références

Ajayi, L. (2009). English as a second language learners’ exploration of multimodal texts in a junior high school. Journal of Adolescent & Adult Literacy, 52(7), 585–595.

Beacco, J.-C. (2005). Langues et répertoires de langues: Le plurilinguisme comme “manière d’être” en Europe. Strasbourg, France: Conseil de l’Europe.

Block, D. (2007). The rise of identity in SLA Research, post Firth and Wagner (1997). Modern Language Journal, 91(5), 863–876.

Bouchamma, Y. (2008). The challenges that Francophone minority community schools face in integrating immigrant students. Canadian Issues, 109–112.

Cenoz, J. et Gorter, D. (2013). Towards a plurilingual approach in English language teaching: Softening the boundaries between languages. TESOL Quarterly, 47(3), 591–599.

Coste, D., Moore, D. et Zarate, G. (2009). Compétence plurilingue et pluriculturelle: Vers un Cadre Européen Commun de référence pour l’enseignement et l’apprentissage des langues vivantes. Strasbourg, France: Conseil de l’Europe.

Coste, D. et Simon, D.-L. (2009). The plurilingual social actor. Language, citizenship and education. International Journal of Multilingualism, 6(2), 168–185.

Council of Europe (2007). Guide for the development of language education policies in Europe. From linguistic diversity to plurilingual education. Strasbourg, France: Conseil de l’Europe, Language Policy Division.

Creswell, J.W. (2007). Qualitative inquiry & research design: Choosing among five approaches. Thousand Oaks, CA: Sage Publications.

Cummins, J. (2009). Transformative multiliteracies pedagogy: School-based strategies for closing the achievement gap. Multiple Voices, 11(2), 1-19.

Cummins, J., Brown, K, & Sayers, D. (2007). Literacy, technology, and diversity: Teaching for success in changing time. Boston, MA: Pearson/A and B.

Dagenais, D. (2012). Identities and language teaching in classrooms. Dans C. A. Chapelle et L. Ortega, (dir.), The Encyclopedia of Applied Linguistics Language Learning and Teaching: Classroom Identities and Language Teaching (p. 1–6). Malden, MA: Wiley-Blackwell.

Dalley, P. (2009). Choix scolaires des parents rwandais et congolais à Edmonton (Canada).
Cahiers Franco-Canadiens De l’Ouest, 21(1-2), 305.

Davies, B. (2008). Re-thinking “behaviour” in terms of positioning and the ethics of responsibility. Dans A. M. Phelan et J. Sumsion (dir.), Critical readings in teacher education: Provoking absences. (p. 173-186). Netherlands: Sense Publisher.

Davies, B. et Harré, R. (1990). Positioning: The discursive production of selves. Journal for the Theory of Social Behaviour, 20(1), 43–63.

Domingo, M. (2011a). Analyzing layering in textual design: a multimodal approach for examining cultural, linguistic, and social migrations in digital video. International Journal of Social Research Methodology, 14(3), 219–230.

Domingo, M. (2011b). Migrating literacies in global and digital worlds: Exploring diversity, cultural knowledge and social identities of urban youth (thèse de doctorat). Récupéré du site de la bibliothèque de The University of British Columbia : http://www.library.ubc.ca/

Domingo, M. (2012). Linguistic layering: Social language development in the context of multimodal design and digital technologies. Learning, Media and Technology, 37(2), 177–197.

Dyson, A. H. et Geneshi, C. (2005). On the case: Approaches to language and literacy research. New York, NY: Teachers College Press.

Gee, J. P. (1996). Social linguistics and literacies (2e ed.). Londres, Royaume-Uni: Taylor & Francis.

Gee, J. P. (2005). An introduction to discourse analysis: Theory and method (2e ed.). New York, NY: Routledge.

Gérin-Lajoie, D. et Jacquet, M. (2008). Regards croisé sur l’inclusion des minorités en contexte scolaire francophone minoritaire au Canada. Éducation et Francophonie, XXXVI(1), 25–43.

Giampapa, F. (2010). Multiliteracies, pedagogy and identities: Teacher and student voices from a Toronto elementary school. Canadian Journal of Education / Revue Canadienne De L’éducation, 33(2), 407–431.

Glesne, C. (2011). Becoming qualitative researchers: An introduction (4e ed.). Toronto, Canada: Allyn & Bacon.

Heller, M. (1984). Language and ethnic identity in a Toronto French-language school. Canadian Ethnic Studies/Études Ethniques Au Canada, 16(2), 1–14.

Heller, M. (1996). Legitimate language in a multilingual school. Linguistics and Education, 8(2), 139–157.

Holland, D. et Leander, K. (2004). Ethnographic studies of positioning and subjectivity: An introduction. Ethos, 32(2), 127–139.

Jewitt, C. (dir) (2009). The Routledge Handbook of Multimodal Analysis. Londres, Royaume- Uni: Routledge.

Kress, G. et Van Leeuwen, T. (2001). Multimodal discourses: The modes and media of contemporary communication. Londres, Royaume-Uni : Edward Arnold.

Lacelle, N. (2012). La déconstruction et la reconstruction des œuvres multimodales: une expérience vécue en classe à partir des bandes dessinées Paul et Persépolis. Dans M. Lebrun, N. Lacelle et J.-F. Boutin (dir.). La littératie médiatique multimodale (p. 125-140). Québec, Canada: Presses de l’Université du Québec.

Lam, W. S. E. (2000). L2 literacy and the design of the self: A case study of a teenager writing on the Internet. TESOL Quarterly, 34(3), 457–482.

Lam, W. S. E. (2004). Second language socialization in a bilingual chat room: Global and local consideration. Language Learning & Technology, 8(3), 44–65.

Lam, W. S. E. (2006). Re-envisioning language, literacy, and the immigrant subject in new mediascapes. Pedagogies, 1(3), 171–195.

Lambert, J. (2011). Case study 7 multi-language identity texts + internet technology : A case study in Guza, China. Dans J. Cummins et M. Early (dir.). Identity texts : the collaborative creation of power in multilingual schools (p. 97-101). Sterling, Va: Trentham Books.

Lebrun, M., Lacelle, N. et Boutin, J.-F. (2012). De la (r)évolution médiatique en communication à la littératie : la multimodalité. Dans M. Lebrun, N. Lacelle et J.-F. Boutin (dir.). La littératie médiatique multimodale (p. 1-16). Québec, Canada: Presses de l’Université du Québec.

Litalien, R. J., Moore, D. et Sabatier, C. (2012). Ethnographie de la classe, pratiques plurielles et réflexivité : pour une écologie de la diversité en contexte francophone en Colombie-Britannique. Canadian Journal of Education / Revue Canadienne de l’éducation, 35(2), 192–211.

Lotherington, H. (2007). Rewriting traditional tales as multilingual narratives at elementary school: Problems and progress. Canadian Journal of Applied Linguistics, 10(2), 241–256.

Marmen, L. et Corbeil, J.-P. (2004). Les langues au Canada: Recensement de 2001. Ottawa : Ministre des travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Patrimoine canadien et Statistique Canada

Marshall, S. et Moore, D. (2013). 2B or not 2B plurilingual? Navigating languages literacies, and plurilingual competence in postsecondary education in Canada. TESOL Quarterly, 47(3), 472– 499.
Meredith, K. (2011). Case study 10 : The multimodal discursive construction of a dancer on Youtube as identity text. Dans J. Cummins et M. Early (dir.). Identity texts : the collaborative creation of power in multilingual schools (p. 111-114). Stoke on Trent, Royaume-Uni: Trentham Books.

Merriam, S. B. (1998). Qualitative research and case study application in education. San Francisco, CA : Jossey-Bass.

Merriam, S. B. (2009). Qualitative research: A guide to design and implementation. San Francisco, CA : Jossey-Bass.

Moje, E. et Luke, A. (2009). Literacy and identity: Examining the metaphors in history and contemporary research. Reading Research Quarterly, 44(4), 415–434.

Moore, D. (2006). Plurilinguismes et école. Paris, France: Didier.

Moore, D. et Sabatier. C. (2012). Une semaine en classe en immersion française au Canada : Le projet CECA au Canada. Grenoble, France: Presses universitaires de Grenoble.

Ng, J. (2011). Case study 12: Identity texts in sister-class context: How are ELL students’ voice heard. Dans J. Cummins et M. Early (dir.), Identity texts : the collaborative creation of power in multilingual schools (p. 119-125). Stoke on Trent, Royaume-Uni: Trentham Books.

Norton, B., et Toohey, K. (2011). Identity, language learning, and social change. Language Teaching, 44(04), 412–446.

Pahl, K. et Rowsell, J. (dir.) (2006). Travel notes from the New Literacy Studies: Instances of practice. Clevedon, Royaume-Uni: Multilingual Matters Ltd.

Pavlenko, A. et Blackledge. A. (dir.). (2004). Negotiation of identities in multilingual contexts. Clevedon, Royaume-Uni: Multilingual Matters Ltd.

Prasad, G. (2012). Multiple minorities or culturally and linguistically diverse (CLD) plurilingual learners?: Re-envisioning allophone immigrant children and their inclusion in French-language schools in Ontario. The Canadian Modern Language Review/La Revue Canadienne Des Langues Vivantes, 68(2), 190–215.

Ricento, T. (2005). Considerations of identity in L2 Learning. Dans E. Hinkel (dir.), Handbook of research on second language teaching and learning (p. 895–911). Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum.

Skinner, E. N. et Hagood, M. C. (2008). Developing literate identities with English language learners through digital storytelling. Reading Matrix, 8(2), 1–27.

Stille, S. (2011). Ethical readings of student texts: Attending to process and the production of identity in classroom-based literacy research. Language and Literacy, 13(3), 66–79.

Versluys, E. (2010). Langues et identités au Sénégal. Paris, France : L’Harmattan.

Yi, Y. (2009). Adolescent literacy and identity construction among 1.5 generation students: From a transnational perspective. Journal of Asian Pacific Communication, 19(1), 100–129.

1 Le nom de l’école a été modifié.
2 Tous les prénoms sont des pseudonymes choisis par les participants.
3 L’ordre dans lequel les langues sont énumérées, dans l’article, n’est pas indicatif de la dominance d’une des langues ou de l’ordre dans lequel elles ont été apprises. C’est tout simplement une énumération d’une partie des ressources linguistiques de Blastoise.
4 Davies et Harré (1990) parlent de « reflective positioning » et de « interactive positioning ». J’utilise ici la traduction de Versluys (2010).
5 Les mots en caractères gras dans les extraits d’entrevues et d’interaction en classe sont en anglais.
6 Les titres des positionnements ont été attribués par les chercheurs.

Multimodalité(s)

Multimodalité(s) se veut un lieu de rassemblement des voix de toutes les disciplines qui s’intéressent à la littératie contemporaine.

ISSN : 2818-0100

Multimodalité(s) est produit en collaboration

UQAMNT2Fonds de recherche du QuébecFonds de recherche du Québec

Multimodalité(s) (c) R2LMM 2023

Site web Sgiroux.net