Le potentiel des albums jeunesse pour soutenir la compréhension du monde de la pensée chez l’enfant d’âge préscolaire


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Le potentiel des albums jeunesse pour soutenir la compréhension du monde de la pensée chez l’enfant d’âge préscolaire. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, .

Julie Mélançon, Professeure, Université du Québec à Rimouski, campus de Lévis

Résumé
L’enfant d’âge préscolaire développe progressivement une théorie de l’esprit, soit une compréhension du monde de la pensée, qui lui permet d’attribuer des états mentaux (vouloir, ignorer, penser, croire) à lui-même et à autrui, de comprendre des situations de fausses croyances (tromperie, malentendu), etc. (Doherty, 2009). Considérée comme un préalable à la métacognition et un facteur d’adaptation socioscolaire (Larzul, 2010), cette compétence est importante pour le cheminement scolaire de l’enfant. L’exposition à la littérature jeunesse, médiatisée par un adulte, contribuerait au développement d’une théorie de l’esprit chez l’enfant (Mar, Tackett et Moore, 2010; Symons, Peterson, Slaughter, Roche et Doyle, 2005). Une recherche menée auprès de familles américaines a montré que 78% des livres lus à des enfants d’âge préscolaire référaient à des états internes et plus du tiers mettait en scène une fausse croyance (Cassidy et al., 1998). L’étude exploratoire qui sera rapportée ici avait pour but de recenser les albums de littérature jeunesse présents dans cinq classes de maternelle cinq ans. Un échantillon de ces livres a été analysé pour en évaluer le contenu en termes de mots, d’états mentaux et de situations de fausse croyance. Les résultats observés confirment ceux de Cassidy et al. (1998) et mettent en évidence le potentiel des ouvrages de littérature pour le développement d’une théorie de l’esprit chez l’enfant.

Abstract
Preschoolers gradually develop a theory of mind which enables them to attribute mental states (volition, desires, knowledge, thoughts, beliefs) to themselves and others, and to understand false beliefs situations (deception, misunderstanding) etc. (Doherty, 2009). Because it is considered as a prerequisite to metacognition and social and school adaptation (Larzul, 2010), this skill is important for the academic progress of the child. We know that exposure to children’s literature, mediated by an adult, contributes to theory of mind development (Mar, Tackett and Moore, 2010; Symons, Peterson, Slaughter, Roche and Doyle, 2005). A research conducted among American families found that 78% of books read to preschoolers refer to internal states and more than a third staged a false belief (Cassidy et al., 1998). The exploratory study to be reported here aimed to identify children’s literature albums present in five kindergarten classes. A sample of these books was analyzed to assess the content in terms of words, mental states and situations of false belief. The results confirm those observed by Cassidy et al. (1998) and highlight the potential of children’s literature to promote theory of mind development in preschool.
Mots clés : Littérature jeunesse, théorie de l’esprit, états mentaux, fausse croyance, préscolaire

Keywords: Children’s literature; theory of mind; mental states; false belief; kindergarten

  1. Problématique et cadre théorique

La réussite éducative est au cœur des préoccupations du monde de l’éducation, et les regards se tournent souvent vers le préscolaire pour envisager des actions préventives. Les programmes d’éducation destinés aux enfants d’âge préscolaire (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2006, 2013) ont pour mandat de soutenir leur développement global. Parmi les recommandations qui émanent d’un avis du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) (2012), les habiletés langagières, cognitives et socioémotionnelles apparaissent particulièrement déterminantes pour la réussite éducative. La pensée étant au carrefour du développement cognitif, langagier et social, il convient donc de se centrer, comme formateur, sur la formation de la pensée des enfants et d’élargir leurs capacités d’adaptation à la société (MELS, 2006) pour bien les préparer à l’école et à la vie (Duval et Bouchard, 2013).

L’école devrait se préoccuper de la pensée du jeune enfant, et plus particulièrement de sa compréhension du monde de la pensée (la sienne et celle des autres), telle que révélée par ce qu’on appelle sa « théorie de l’esprit » (Astington et Hughes, 2013). Qu’est-ce que l’enfant comprend de la pensée? La pensée ne se voit pas, mais elle détermine nos actions, nos apprentissages et notre interprétation des situations vécues au quotidien. Selon Astington (1998), soutenir le jeune enfant dans sa compréhension du fonctionnement de la pensée, c’est-à-dire l’équiper d’une théorie de l’esprit consciente et explicite, l’aiderait à avoir une meilleure emprise sur ses apprentissages et sa pensée, ce qui aurait des conséquences sur son fonctionnement social comme sur sa réussite scolaire (Astington et Edward, 2010; Larzul, 2010).

Or, comment soutenir la compréhension du monde de la pensée de façon structurée et efficace sans alourdir la tâche de l’enseignante et la planification de la journée, sans dériver vers des activités trop scolarisantes à la maternelle? (Association d’éducation préscolaire du Québec [AEPQ], 2004). Cet article propose d’envisager un contexte riche déjà inscrit dans la routine de la classe et qui répond bien aux besoins de l’enfant d’âge préscolaire : la lecture d’histoires, et, plus précisément, la lecture interactive d’albums de

littérature jeunesse facilement accessibles à l’enseignante, voire qu’elle utilise déjà. Le présent texte expose les réflexions qui se dégagent d’une étude exploratoire ayant conduit à analyser plus d’une centaine d’albums de littérature jeunesse déjà présents dans des classes de maternelle cinq ans, afin d’examiner leur potentiel à soutenir la compréhension de la pensée par l’enfant. Avant d’aborder davantage la méthodologie et les résultats de cette étude, il convient de s’attarder au développement de la théorie de l’esprit, domaine d’études peu connu en éducation, et d’aborder les travaux qui examinent l’apport de la littérature jeunesse à son développement à l’âge préscolaire.

1.1. La théorie de l’esprit

Largement étudié en psychologie développementale, le développement de la théorie de l’esprit (en anglais theory of mind) conduit l’enfant d’âge préscolaire à comprendre le fonctionnement de la pensée, plus précisément ce que lui et les autres pensent et ressentent, c’est-à-dire leurs états mentaux (pour une revue, voir Doherty, 2009). Cette composante du développement, considérée comme un précurseur de la métacognition (Flavell, 1997, avril; Melot, 1999), sollicite à la fois la compréhension des émotions, la compréhension des interactions sociales et les capacités d’adaptation de l’enfant (Nader- Grosbois, 2011). Elle devrait être considérée comme un facteur d’adaptation sociale et de réussite scolaire (Larzul, 2010).

1.1.1. L’étude de la théorie de l’esprit chez le jeune enfant

Depuis plus de 35 ans, la psychologie du développement a démontré qu’à l’âge préscolaire l’enfant se construit une théorie naïve du fonctionnement de la pensée, soit une théorie de l’esprit, laquelle lui permet d’attribuer des états mentaux affectifs (heureux, triste, soulagé) et cognitifs (savoir, ignorer, penser, croire, vouloir, se souvenir, réfléchir) à lui-même et à autrui (Doherty, 2009). L’enfant comprend alors progressivement que les individus ont des émotions, des désirs, des pensées, des connaissances, des croyances, et que ces états mentaux guident leurs actions. L’enfant apprend à lire dans la pensée, la sienne et celle des autres, et à interpréter les

comportements en fonction des états émotionnels et mentaux. Par exemple, Mathilde comprend que sa sœur est triste parce qu’elle a eu un casse-tête en cadeau alors qu’elle pensait recevoir une poupée. Elle peut aussi comprendre que Béatrice s’inquiète parce qu’elle ne sait pas où est son chien. L’enfant saisit aussi progressivement que les gens ne pensent pas tous la même chose, qu’ils ne pensent pas de la même façon et que leurs croyances peuvent être différentes des siennes, voire différentes de la réalité (il est question alors de fausses croyances). Par exemple, Béatrice croit que son chien est dans la cour, mais Mathilde, elle, sait qu’il est dans la maison. Au quotidien, les situations de tromperie (mensonges, secrets) ainsi que les malentendus ou les conflits sont des occasions où l’enfant est confronté à ce type de fausse croyance. Par exemple, Stéphanie dit à sa mère qu’elle ne sait pas ce qui s’est passé dans la cuisine, même si c’est elle qui a fait tomber le pot de farine. Ou encore, Carl est fâché parce qu’il pense que Dominic l’a frappé intentionnellement, mais ce dernier n’a pas vu que Carl était derrière lui en reculant. De nombreuses études ont été menées à partir de tâches classiques d’attribution de fausse croyance (ex. : déplacement inattendu [Wimmer et Perner, 1983]), pour examiner si l’enfant peut comprendre, par exemple, que Maxi va aller voir dans sa chambre pour chercher sa boite de chocolat parce qu’il ne sait pas que sa mère l’a déplacée dans l’armoire en son absence). La méta-analyse de Wellman, Cross et Watson (2001) a montré que ce type de compréhension d’états mentaux se développe autour de quatre ans. Or, tout n’est pas joué à cet âge. On reconnait aujourd’hui une progression développementale de la théorie de l’esprit, notamment mesurée à partir de tâches standardisées évaluant différents aspects de la compréhension des états mentaux (ex. : désirs, croyances, émotions) (Wellman et Liu, 2004).

Des travaux francophones montrent que des variations interindividuelles parfois importantes sont encore observées chez des enfants de maternelle (Larzul, 2010; Mélançon, 2005). Des données recueillies auprès d’enfants québécois ont mis en évidence qu’à la fin de la maternelle cinq ans, ces enfants peuvent attribuer certains états mentaux à autrui (ex. : ignorance, fausse croyance), mais qu’ils ne sont pas tous capables d’expliquer des comportements sur la base d’états mentaux, qu’ils utilisent peu de mots

d’états mentaux (ex. : savoir, penser, croire) et qu’ils manifestent une compréhension encore implicite du monde de la pensée (Mélançon, 2005; Mélançon et Ziarko, 2012, juin). On peut donc penser que la maternelle est un moment charnière pour favoriser le développement de la théorie de l’esprit et soutenir la compréhension de la pensée chez l’enfant.

1.1.2. Comment développer une théorie de l’esprit?

Dans le domaine de la théorie de l’esprit, bien que l’on ne trouve pas d’explication théorique unique pour rendre compte de la façon dont se développe cette compréhension du monde de la pensée (Deleau, 1999), l’approche théorique de la « perspective intersubjective » (Bruner, 1996), inspirée du modèle historico-culturel de Vygotski (1997), s’impose de plus en plus. La relation réciproque qui existe entre le langage et le développement d’une théorie de l’esprit (Astington et Baird, 2005; Milligan, Astington, et Dack, 2007) fait maintenant l’objet d’un consensus dans le domaine, reconnaissant notamment le rôle de la médiation exercée par l’adulte dans le développement d’une compréhension du monde de la pensée. Les conversations au quotidien à propos de situations de fausses croyances (mensonges, malentendus, tromperies) rendent la pensée visible à l’enfant, par l’utilisation de mots traduisant des états mentaux (ex. : « il pensait que… mais ne savait pas que… ») (Bruner, 1996). À ce sujet, plusieurs travaux ont montré le rôle du contexte familial dans la mise en mots des états mentaux (ex. : croire, ignorer, souhaiter, se souvenir, etc.) (Cutting et Dunn, 1999; Jenkins et Astington, 1996; Perterson et Slaughter, 2003). Ces conversations qui accompagnent les expériences du quotidien permettent à l’enfant d’intégrer une « communauté d’esprits » (entering a Community of minds [Nelson, 2005, 2007]).

L’école serait susceptible de jouer un rôle dans le développement d’une théorie de l’esprit de plus en plus réflexive (Astington, 1998; Astington et Hughes, 2013), mais cette composante du développement de l’enfant est peu connue dans le domaine de l’éducation. Comment l’enseignantei peut-elle soutenir la compréhension du monde de la pensée chez l’enfant?

Bruner (1996) affirme que les individus utilisent la psychologie populaire sous une forme narrative pour expliquer et comprendre le monde physique comme le monde social. « Des questionnements judicieux peuvent conduire les activités mentales à devenir objet de réflexion : ” Souviens-toi… “, ” Comment as-tu fait? “, “Est-ce que tu sais que… ou tu penses que…? “, “Comment sais-tu ça? “, ” Camille, elle croit que…” » (Mélançon et Ziarko, 2013, p.14). Ces dialogues incluent aussi toute forme de récits (oraux comme écrits) qui conduisent l’enfant à interpréter les situations à partir de ce qu’il connait ou a lui-même vécu, et à faire des inférences pour expliquer les situations observées (Nelson, 2005). Une telle culture populaire qui insiste notamment sur les émotions et les états internes est susceptible de se retrouver dans la littérature, dont celle destinée aux jeunes enfants.

1.2. L’apport de la littérature jeunesse pour le développement de la théorie de l’esprit

Des travaux anglophones, principalement menés en milieu familial, soutiennent que les livres d’histoire auraient un potentiel pour soutenir la compréhension du monde de la pensée.

Les travaux de Mar, Tackett et Moore (2010), en Ontario, ont étudié l’influence de l’exposition aux médias (livres jeunesse, films, émissions de télévision) dans le développement d’une théorie de l’esprit d’enfants de 4 à 6 ans. Cette recherche a été menée en milieu familial et une mesure indirecte de l’exposition de l’enfant aux médias a été obtenue par un questionnaire de reconnaissance de titres de livres, d’auteurs, de titres de films et d’émissions de télévision (incluant parfois des faux items) aux parents. Il a été, entre autres, montré que les enfants dont les parents ont le mieux reconnu les titres de livres sont ceux qui ont le mieux performé aux tâches de théorie de l’esprit. Ce facteur particulier a prédit 26% de la variance, au-delà des variables d’âge, de sexe, d’antécédents parentaux et de vocabulaire. De tels résultats induisent que l’exposition à des livres

d’histoire pour enfants soutient la capacité à attribuer des états mentaux à autrui. Cet effet pourrait-il être en partie dû au contenu même des ouvrages de littérature jeunesse?

Aux États-Unis, une recension de livres lus dans 47 familles d’enfants âgés de 3 à 6 ans a été réalisée par Cassidy et al. (1998) pour en analyser le contenu. À partir de l’analyse de 317 livres sur les 432 ouvrages recensés par les parents, les chercheurs ont mis en évidence que la majorité des livres qui avaient été lus à ces enfants contenaient des concepts associés à la théorie de l’esprit. En effet, 78% des ouvrages analysés référaient à des états émotionnels et/ou mentaux, tels ressentir, vouloir, savoir, penser, croire, etc. Par ailleurs, plus du tiers (34%) des ouvrages mettait en scène une situation de fausse croyance (ex. : un déguisement, un changement de lieu, faire semblant, une tromperie, un manque d’information). Enfin, 43% des livres utilisaient des mots pour décrire les traits de personnalité d’au moins un des personnages. Avec une grille d’analyse plus fine comprenant davantage de critères, Dyer, Shatz et Wellman (2000) ont examiné un corpus de 90 livres narratifs (45 ouvrages destinés aux enfants de 3-4 ans et 45 livres pour les enfants de 5-6 ans) tirés d’une banque d’ouvrages choisis par des experts dans le domaine de la littérature jeunesse. Leurs observations précisent qu’autant le texte que les illustrations offrent des références fréquentes à différents types d’états mentaux, implicites comme explicites.

Ces travaux anglophones donnent à penser que la littérature jeunesse adressée aux enfants d’âge préscolaire présente un riche potentiel pour rendre la pensée visible et, ainsi, soutenir le développement d’une théorie de l’esprit chez l’enfant. Par exemple, dans un conte classique comme Le petit chaperon rouge, on évoque des états de fausse croyance : la petite fille croit (injustement) que le personnage dans son lit est sa grand-mère, parce qu’elle ne sait pas que le loup est arrivé avant elle, puisqu’elle n’a pas vu le loup manger la grand-mère (Hinchcliffe, 1996). Ainsi, lire des histoires aux enfants les expose à des situations où ils doivent comprendre les comportements des personnages, et les états émotionnels et mentaux qui conduisent à ces actions. Les mots utilisés (ex. : croire, ignorer, penser, etc.) sont notamment susceptibles de soutenir cette compréhension.

Cassidy et al. (1998) avancent que l’exposition à de telles situations fictives fournit un contexte riche pour discuter des états mentaux, et ainsi rendre plus explicite la relation entre les croyances, les désirs et les comportements des protagonistes. D’ailleurs, certains écrits proposent des interventions et des formes de questionnements qui s’avèrent bénéfiques pour une meilleure compréhension des situations et états mentaux par l’enfant lors de la lecture (Aram, Fine et Ziv, 2013; Labounty, Wellman et Olson, 2008; Riggio et Cassidy, 2009; Symons, Peterson, Slaugther, Roche et Doyle, 2005).

Par contre, les travaux rapportés ici ont été réalisés en milieu familial et uniquement en contextes anglophones. Peut-on penser qu’il en serait de même à l’école? Martucci (2014) confirme que peu de recherches ont été menées à ce sujet en contexte scolaire. En 2004, Peskin et Astington ont conduit une étude auprès de 48 enfants choisis dans huit classes de maternelle 4 ans pour déterminer si l’exposition au « langage métacognitif » entrainait une augmentation de la compréhension conceptuelle des états mentaux, de même qu’une augmentation de la production et de la compréhension du vocabulaire métacognitif. Pendant quatre semaines, les 24 sujets composant le groupe expérimental ont été exposés, à l’école et à la maison, à la lecture d’albums dont les textes avaient été enrichis de mots « métacognitifs » comme penser et savoir. Les 24 sujets du groupe témoin, quant à eux, ont bénéficié de la lecture de ces mêmes livres, mais dans leur version non modifiée. Ces albums comprenaient néanmoins des mots associés aux émotions, aux désirs, aux intentions, ainsi que des images chargées en états mentaux implicites nécessitant une interprétation de la part du lecteur. Les résultats de leurs observations ont montré que l’exposition à un langage riche en mots évoquant des états mentaux favorisait la présence de ces mots dans le langage de l’enfant. Toutefois, ce sont les contextes où ces situations étaient plus implicites (comme c’était le cas pour les albums présentés au groupe témoin) qui ont favorisé davantage la compréhension de situations de fausse croyance, telles que mesurées par des tâches inspirées par la théorie de l’esprit. Ces résultats conduisent donc Peskin et Astington (2004) à conclure que ce n’est peut-être pas tant l’exposition à des mots d’états mentaux que le dialogue à propos

des situations qui aurait un effet sur la compréhension du monde de la pensée par l’enfant. Ainsi, en ayant recours à l’étayage, l’enseignante aurait avantage à rendre l’enfant actif dans l’interprétation des situations, à l’amener à se questionner sur les actions et les états mentaux des personnages afin de favoriser sa compréhension du monde de la pensée (Martucci, 2014).

L’analyse qualitative de conversations spontanées observées dans deux classes du préscolaire entre des enfants de 4 ans et leur enseignante, lors de la lecture d’histoires, réalisée par Martucci (2014), appuie l’idée que la période de lecture interactive en classe maternelle est un contexte d’interaction riche (l’auteur parle d’un « forum ») susceptible d’impliquer la référence à des états mentaux variés : émotions, désirs, états cognitifs.

Le recours à la littérature jeunesse au préscolaire est une pratique partagée par de nombreux enseignantes et déjà inscrite dans la routine de la classe au préscolaire (CSE, 2012). Loin de n’être bénéfique que pour favoriser l’éveil à l’écrit (Giasson, 2003), les œuvres de littérature illustrées pourraient donc aussi avoir un potentiel de soutien au développement d’une théorie de l’esprit, soit la compréhension du monde de la pensée chez l’enfant d’âge préscolaire.

1.3. Questions de recherche et objectifs

Considérant ce qui vient d’être présenté, cette étude s’appuie sur les interrogations suivantes :
• Les albums de littérature jeunesse francophones présentent-ils la même richesse que ce qui a pu être observé dans les travaux anglophones?
• Que penser des livres auxquels les enfants sont exposés à l’école? Contiennent-ils des mots relatifs aux états émotionnels et mentaux? Évoquent-ils des situations de fausse croyance?
• Comment les enseignantes exploitent-elles ces albums? Mettent-elles en place un dialogue à propos des états mentaux des personnages pour soutenir le

développement social et la compréhension du monde de la pensée chez les enfants?

Afin de répondre à ces interrogations, une étude exploratoire a été réalisée. Elle poursuivait trois objectifs:

  1. recenser les albums de littérature jeunesse déjà présents dans cinq classes de maternelle cinq ans;
  2. analyser certains de ces albums de littérature jeunesse pour en examiner les caractéristiques : présence de mots référant à des états émotionnels et mentaux et présence de situations diverses de fausse croyance;
  3. documenter, par des entretiens semi-dirigés, l’exploitation faite par les enseignantes de ces albums en classe, à l’aide de données préliminaires.
  4. Méthodologie

Cette recherche exploratoire est de type qualitatif et consiste principalement en une analyse de corpus.

2.1. Sujets

La participation de cinq enseignantes de maternelle de la région de Québec/Chaudière- Appalaches a été sollicitée pour ce projet. Le recrutement s’est fait auprès d’enseignantes et de directions d’écoles de la Commission scolaire de la Côte du sud et de certains milieux de stage d’étudiantes au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement au primaire. Les milieux approchés ont reçu une lettre présentant le projet et les participants intéressés ont complété un formulaire de consentement.

Les premières enseignantes à se manifester ont été retenues; il s’agit de quatre femmes et un hommeii dont l’expérience d’enseignement varie de deux à 29 ans. Parmi ces participantes, trois ont moins de trois ans d’expérience dans une classe préscolaire, les deux autres ayant respectivement 13 et 15 ans d’expérience à ce niveau scolaire. Toutes

les enseignantes participantes déclarent lire des histoires en classe au moins une à deux fois par jour. Leur groupe est composé de 10 à 11 enfants, et une classe en compte 20. Pour les remercier de leur participation, chaque enseignante a reçu un ouvrage de littérature jeunesse.

2.2. Déroulement

L’étude s’est déroulée en trois phases, correspondant aux différents objectifs poursuivis. Chacune de ces phases sera ici présentée successivement.

2.2.1. Phase 1 : recension des albums de littérature jeunesse présents dans la classe

Après entente avec chacune des enseignantes, une assistante de recherche s’est présentée en classe en l’absence des enfants. Les albums présents dans la classe ont été recensés en notant la référence ou en photographiant les pages permettant de constituer cette référence. Les livres n’ont pas été retirés de la classe, afin de ne pas en priver les enfants ni de perturber les activités régulières du groupe. Pour procéder à l’analyse, l’équipe de recherche s’est chargée d’obtenir une copie des albums en ayant recours à sa collection personnelle, à celle du LIMIER, à la didacthèque de l’UQAR et aux bibliothèques municipales de la région. Pour l’une des participantes, la classe n’a pas été visitée, celle- ci ayant fourni une liste exhaustive de son corpus de livres.

2.2.2. Phase 2 : analyse de certains des albums recensés

Les albums retenus ont été analysés à partir d’une grille traduite et adaptée de Cassidy et al. (1998). La grille de codification ainsi obtenue était composée de quatre catégories permettant de considérer : 1) les mots référant à des émotions, 2) les mots évoquant différents types d’états mentaux, 3) les situations référant à une fausse croyanceiii; 4) les mots décrivant des traits de personnalité d’un ou des personnages. Le tableau 1 présente la grille de codification utilisée, laquelle identifie les catégories et les critères qui y sont sous-jacents, illustrés par des exemples ayant guidé la codification.

Tableau 1 – Grille de codification (adaptation de Cassidy et al., 1998)

Catégories
Critères
Exemples d’éléments considérés
Émotions Ressentir • Être heureux, content, ravi
• Être fâché, être à bout de nerf
• Être fier, être satisfait
• Être soulagé, se sentir mieux
• Être étonné, surpris, estomaqué, émerveillé
• Être inquiet
• Être apeuré, horrifié
• Ressentir une envie de
• Avoir de l’amour à donner, ressentir de l’amour pour
• Aimer, adorer, raffoler, préférer
• Admirer (au sens de ressentir de l’admiration pour)
États mentaux Vouloir (désir) • Vouloir
• Souhaiter, espérer
• Avoir besoin de / avoir envie de / « J’aurais bien aimé »
• Vouloir « jouer », vouloir « descendre », etc.
Savoir/ignorer • Savoir / connaitre / ignorer / ne pas savoir que
• Prendre conscience
• Se rendre compte
• Comprendre
• Savoir faire quelque chose : ex. « savoir glisser »
Penser • Penser
• Se demander si
• Se dire, trouver que
• Avoir une idée, trouver des idées
• Réfléchir
• Imaginer
• Deviner
• Douter de quelque chose
Croire • Croire
• Prendre X pour Y
• Être convaincu(e), être certain
• Supposer
• On dirait
Contraste d’états mentaux Intra-individuel (au sein d’un même personnage) ou inter-individuel (entre deux ou plusieurs personnages)
Autres • Oublier
• Se souvenir
• Être confus
• Etc.

Situations de fausse croyance Déguisement Modification de l’apparence (contraste avec la réalité)
• Le déménageur se déguise en fantôme et effraie le vrai fantôme afin de le chasser hors de la maisoniv.
Changement d’endroit Déplacement inattendu
• Les poules, pour jouer, cachent leurs œufs afin que le renard ne puisse pas les trouver lorsqu’il entrera dans le poulailler.
Faire semblant Feindre
• Les enfants sont excités que Charlie ouvre l’emballage, mais ils font semblant d’être calmes.
Tromperie de l’autre Quelqu’un trompe/dupe volontairement quelqu’un d’autre (jouer un tour, bluff)
• Le fantôme hurle comme une corne de brume pour tromper les
«Whittakers» afin qu’ils recherchent une corne de brume plutôt qu’un fantôme.
Manque
d’information X ne sait pas que… (Le manque d’information peut être conscient ou non)
• Le personnage ne voyait pas la déchéance autour de lui
• Ruby pense qu’il est spécial et qu’il est mis à part des autres ours en peluche parce qu’il est le meilleur, mais en réalité, il a été mis à la poubelle parce qu’il est défectueux.
• Situation de malentendu, etc.
Autre • Se mettre à la place de l’autre
Personnages Trait de personnalité Trait de personnalité stable chez un personnage de l’histoire
• Négligeant
• Insouciant
• Méchant, autoritaire, drôle
• Tout trait de personnalité qui aide à la compréhension psychologique du comportement des autres

Pour cette étude exploratoire, seul le texte des albums a été pris en compte dans la codification; les images ont été commentées au besoin mais ne seront pas considérées ici. Le texte apparaissant en 4e de couverture a aussi été codé s’il n’était pas qu’une copie d’un passage de l’ouvrage.

La codification a été réalisée par deux assistantes de recherche formées à l’utilisation de la grille. Chacun des livres a été codé séparément par les assistantes. Le résultat de la codification a ensuite fait l’objet d’une concertation à deux, et souvent en présence de la chercheuse, afin d’arriver à un consensus.

Pour chaque album analysé, chacune des occurrences d’un mot évoquant de façon explicite l’un des critères du tableau 1 a été saisie. Par exemple, pour l’album Un nouvel ami pour Benjamin (Bourgeois et Clark, 1997), les assistantes ont identifié 17 mots évoquant une émotion, neuf références à l’état mental « vouloir», une référence à
« savoir» ou « ignorer» , cinq références à «penser» , deux références à «croire» , une référence à «décider» , deux états mentaux autres, deux manques d’information pour le protagoniste et deux évocations d’un trait de personnalité.

2.2.3. Phase 3 : Entretiens individuels semi-dirigés avec les enseignantes

Chaque participante a été rencontrée par une assistante de recherche pour un entretien d’environ 20 à 30 minutes au cours duquel elle a été invitée à parler des ouvrages qu’elle utilise en classe, et de la façon dont elle réalise l’animation de ces ouvrages auprès des enfants. Différentes questions lui ont été posées, dont celles ci : 1) Utilisez-vous la littérature jeunesse en classe (dans quel but? à quels moments? à quelle fréquence? d’où viennent les livres utilisés?); 2) Selon vous, que peut-on exploiter à partir d’un ouvrage de littérature jeunesse?, etc. Les enseignantes ont été questionnées sur leurs connaissances du domaine de la théorie de l’esprit et sur leurs habitudes quant à l’exploitation des situations de fausse croyance et des états mentaux lors de la lecture d’histoires. L’entretien a été enregistré en format audio et un verbatim en a été fait pour en faciliter l’analyse. Toutes les précautions ont été prises afin d’assurer la confidentialité des propos recueillis.

2.3. Méthode d’analyse des résultats

Pour l’analyse des phases 1 et 2 de l’étude, correspondant à la recension et à l’analyse de corpus d’albums, une analyse quantitative de type descriptif a été réalisée à partir des données saisies dans la grille de codification. D’une part, une analyse « intra-album » a permis d’identifier les résultats pour chacun des albums codés : présence ou non d’états émotionnels et mentaux, de situations de fausse croyance, et description de traits de personnalité d’un ou des personnages, et occurrence notée pour chacun des critères de

ces catégories. D’autre part, une analyse « inter-albums » a été menée afin d’identifier le nombre d’albums (et leur pourcentage) évoquant les différentes catégories et chacun des critères. La phase 3 de la collecte correspondant aux entretiens semi-dirigés a conduit à une analyse qualitative de contenu (Van der Maren, 1996) des verbatims des entretiens réalisés.

  1. Résultats

Les résultats seront ici présentés en fonction de chacun des objectifs poursuivis. Ainsi seront abordées les points suivants : 1) la description du corpus d’albums de littérature jeunesse recensés dans les cinq classes participantes; 2) l’analyse de certains de ces albums à l’égard des états émotionnels et mentaux qui y ont été identifiés, ainsi que des situations de fausse croyance qui y étaient évoquées; 3) les observations dégagées des entretiens semi-dirigés.

3.1. Objectif 1 : recension des albums de littérature jeunesse

Le premier objectif de recherche visait à procéder à la recension des albums de littérature jeunesse des cinq classes de maternelle. Cette étape de recension a conduit à identifier respectivement 205, 59, 93, 58 et 108 albums dans les classes participantes. Une fois les titres communs regroupés, la recension des albums présents dans les classes a permis de constituer un corpus de 489 titres. Parmi ces albums, 114 ont fait l’objet d’une analyse de contenu. La sélection s’est faite sur la base de la disponibilité des ouvrages (collection personnelle des assistantes, LIMIER, didacthèque de l’UQAR, bibliothèques municipales de la région) aux fins d’analyse, ainsi que de la période de codage dont disposaient les assistantes. Le tableau 2 présente certaines caractéristiques du corpus des ouvrages ayant fait l’objet d’une analyse, soit l’année d’édition et les maisons d’édition les plus représentées.

Tableau 2 – Nombre d’albums (données brutes et pourcentages) analysés (n=114) en fonction de l’année d’édition et des maisons d’éditions les plus représentées.

Années d’édition Nombre d’albums analysés (n=114)
(et % du total)
1973 à 1989 16 (14%)
1990 à 1999 15 (13%)
2000 à 2004 10 (8,7%)
2005 à 2010 48 (42%)
2010 à 2013 25 (21,9%)
Maisons d’édition les plus représentées
Dominique et compagnie 10 (8,7%)
La courte échelle 13 (11,4%)
L’Envolée 24 (21%)
Scholastic 25 (21,9%)

Les albums ayant fait l’objet d’une analyse présentent les caractéristiques suivantes : les années d’édition varient entre 1973 et 2013, et près de 64% des albums analysés ont été édités depuis 2005. Quatre maisons d’édition représentent à elles seules plus de 63% des ouvrages du corpus : Dominique et compagnie (10), La courte échelle (13), L’Envolée
(24) et Scholastic (25). Il importe de mentionner aussi que les livres de la Collection Être écrits par Guylaine Lejeune sont particulièrement nombreux (18), de même que les albums de certains auteurs : Bertrand Gauthier (8), Robert Munch (8), Diane Thibault (6), Lucie Papineau (5) et Mélanie Watt (4).

3.2. Objectif 2 : analyse de certains albums

La phase correspondant à l’objectif 2 portant sur l’analyse du contenu d’albums en fonction de la grille retenue a été réalisée pour 114 des albums recensés.

De façon générale, après avoir codé ces albums en fonction de chacun des critères, il s’avère que 100 des 114 albums analysés évoquent au moins un des critères de la grille.

Parmi ces 100 albums, cinq ne réfèrent à aucun autre critère qu’à celui de la personnalité d’un des protagonistes (ex. : Le ciel de Thibault et Pelletier, 2007) et dix autres évoquent des émotions, mais ne comportent pas d’autres critères analysés (ex. : Mon premier jour d’école de Thibault et Pelletier, 2006). En contrepartie, parmi les 14 albums au sein desquels aucun critère n’a été identifié, on retrouve six albums aux Éditions L’Envolée de la collection Être (Lejeune et Barolle, 2009), dont L’escargot (2009), Le serpent (2009) et La coccinelle (2011), ainsi que Premier jour d’école (Thompson et Erdogan, 2006) et 10, 9, 8 dinosaures (Oldland, 2012), des éditions Scholastic.

Le tableau 3 présente les résultats obtenus pour chacun des critères observés. Il décrit, d’une part, le nombre d’albums (données brutes et pourcentages) dans lesquels on a identifié au moins une référence au critère et, d’autre part, le nombre maximalv de fois (occurrences) où le critère a été observé au sein d’un même album.
Tableau 3 – Nombre d’albums (données brutes et pourcentages) comportant une référence à des émotions et à des états mentaux (n=114) et occurrences de chacune des catégories pour un seul album.

    Nombre d’albums évoquant le critère (n=114) Maximum d’occurrences observées dans un

album
Émotions Ressentir 86 (75%) 32
États mentaux Vouloir (désir) 52 (46%) 13
Savoir/ignorer 49 (43%) 12
Penser 45 (39%) 10
Croire 25 (22%) 4
Décider 14 (12%) 2
Contraste d’états
mentaux 2 (2%) 1
Autre 8 (7%) 5
Situations de fausse croyance Déguisement 8 (7%) 5
Changement d’endroit 3 (3%) 1
Faire semblant 6 (5%) 5
Tromperie de l’autre 15 (13%) 7
Manque d’information 25 (22%) 5
Autre 1 (0,9%) 1
Personnages Trait de personnalité 47 (41%) 15

3.2.1 États émotionnels et mentaux

Parmi les 114 albums codés, 95 (83%) évoquent au moins un état mental et/ou émotionnel. De façon plus précise, le tableau 3 indique que trois albums sur quatre ont fait référence aux émotions (75%), certains comptant jusqu’à 32 occurrences dans un même album (ex. : l’émotion de la peur dans Benjamin et la nuit, de Bourgeois et Clark, 1986). Par ailleurs, les états mentaux les plus évoqués sont « vouloir », « savoir/ignorer » et « penser », qui se trouvent dans respectivement 46%, 43% et 39% des albums analysés. Dans certains livres, on note même plus d’une dizaine de référence au fait de
« vouloir » (ex. : La souris qui cherche un ami de Carle, 1999), « savoir/ignorer » (ex. : Zunik dans le dragon de Gauthier, 1991) ou « penser » (ex. : Bébés chouettes de Waddell et Benson, 1994), et ce, en utilisant parfois des synonymes. Notamment, dans Bébé chouettes, le verbe « penser » côtoie aussi « réfléchir » et « imaginer » à titre de synonymes, en plus de « supposer » et « vouloir » comme autres états mentaux soutenant l’histoire.

En effet, l’analyse de contenu montre que, au sein d’un même album, on trouve souvent différents types d’états émotionnels et mentaux évoqués pour un ou plusieurs personnages. À titre d’exemples, dans ces extraits de Benjamin et la nuit (Bourgeois et Clark, 1986), des états mentaux comme « savoir » et « croire » sont notés, de même que la référence à ce que ressent le protagoniste:

Benjamin savait glisser tout seul dans la rivière. Il savait compter à l’endroit aussi bien qu’à l’envers. Il savait boutonner sa chemise et nouer ses lacets. Mais Benjamin avait une peur bleue des endroits obscurs, où l’on se sent tout à l’étroit, et cela lui causait un énorme problème car…(p. 1)

et plus loin dans le récit :
…maintenant, Benjamin savait exactement ce qu’il fallait faire. Il rampa à l’intérieur de sa petite carapace sombre, convaincu qu’elle fourmillait de monstres et d’êtres mous et gluants. (…) Et puis, quand il fut bien certain que personne ne pouvait le voir, Benjamin alluma sa veilleuse. (p.29)

Ces extraits évoquent aussi des situations de fausse croyance, où le personnage croit des choses qui sont différentes de la réalité, et où il souhaite tromper son entourage.

3.2.2. Situations de fausse croyance

Le tableau 3 rapporte aussi que, parmi les 114 albums analysés, 41 histoires comportent au moins une situation de fausse croyance (36%). Certains albums analysés évoquent des situations de tromperie de l’autre (13%). Quelques albums expriment jusqu’à sept reprises ce type de situation de fausse croyance (ex. : Le Gloubilouache : Zachary et son Zloukch de Demers et Fanny, 2009). Les situations de tromperie concernent parfois le lecteur (dix albums) et aussi l’un des personnages (11 albums). De plus, on trouve des situations oùle lecteur (six albums) ou, encore plus fréquemment, le protagoniste (25 albums, dont Mini-loup, le petit loup tout fou de Matter et Hiest Lallemand, 1997, ou Papaye, le panda, de Papineau et Sarrazin, 2005) manque d’information, entrainant ainsi pour lui une fausse croyance (dans 22% des albums recensés).

Par exemple, dans la série Chester, on trouve plusieurs situations de tromperie entre le protagoniste et l’auteure. Notamment, dans Chester, le retour (Watt, 2008), en plus de désirer beaucoup de choses, Chester exige : « Et lorsque j’arriverai sur le tapis rouge, je veux que tous les gens voient que je suis une grande STAR!!! » (p.24). Dans l’image suivante l’auteure le dessine sur le tapis rouge déguisé en étoile. L’air fortement contrarié, il réplique : « Ce n’est pas ce que je voulais dire! » (p.27-28). On peut aussi trouver des cas où les situations de fausse croyance concernent plutôt le lecteur, pour le tromper (ex. : l’entrainer sur une fausse piste et révéler une solution surprenante à la fin) ou, dans le cas suivant, évoquer un manque d’information : « Connais-tu Yayaho, rigolo croqueur de mots? Il aime tellement les mots qu’il en mange des morceaux! Pour en faire quoi? Lis le livre et tu le sauras… » (4e de couverture, Yayaho, le croqueur de mots, Lemieux et Saint-Aubin, 2010).

Enfin, 41% des livres analysés mentionnent au moins un trait de personnalité pour l’un des protagonistes. C’est notamment le cas de Drôle de cochons (Munsch et Martchenko,

1999), où l’on nomme des traits de personnalité tels « brillants », « stupides » et
« imbéciles » jusqu’à 15 fois. Ces traits de personnalité sont même mis en relation avec des états mentaux « (…) Ils sont vraiment plus brillants que vous le pensez » (p.19).

3.3. Objectif 3 : entretiens semi-dirigés

L’objectif 3 de ce projet a conduit à réaliser des entretiens semi-dirigés avec les cinq enseignantes de maternelle participant au projet pour connaitre leur façon d’exploiter les albums de littérature jeunesse et la façon dont elles animent ces livres auprès des enfants. Une analyse préliminaire des verbatims des entretiens permet de documenter à quelles fins les enseignantes du projet déclarent exploiter les albums, les interventions qu’elles privilégient lors de leur animation, et si elles envisagent le développement des habiletés sociales et de la pensée lors de la lecture des albums en classe.

Toutes les enseignantes interrogées ont affirmé faire une lecture interactive d’un album de littérature jeunesse au moins une à deux fois par jour. Elles déclarent exploiter ces albums pour développer le goût de lire, pour amorcer un thème, favoriser la conscience de l’écrit et la conscience phonologique :

  • … mon but premier, c’est qu’ils aiment la lecture, qu’ils aient le goût de regarder des livres et quand je lis un livre, qu’ils disent : Hé! Moi, je veux le lire après! (enseignante A)
  • Je crois que c’est important dans une classe de maternelle parce que ça développe beaucoup l’imagination des enfants et c’est même un support aux projets qu’on fait. (enseignante D)

Les séquences didactiques partagées et commentées par les enseignantes indiquent qu’elles font des interventions avant, pendant et après la lecture :

  • C’est toujours un petit peu la même chose, je leur dis le titre, on regarde la couverture, les fais anticiper de quoi ils pensent que ça va parler, je leur parle toujours de l’auteur, de l’illustrateur… (enseignante E)
  • Des fois aussi j’explique les mots difficiles (…) Habituellement, j’interagis, je leur demande ce qu’ils pensent qu’il va arriver… en essayant de ne pas trop déborder parce que sinon mon histoire durerait une heure! (enseignante A)
    Certains ouvrages sont aussi repris plus d’une fois :
  • … ces temps-ci, j’expérimente la lecture partagée, alors à chaque jour c’est le même livre avec des intentions différentes (…) (enseignante B)

Une enseignante déclare exploiter à l’occasion les albums pour travailler les émotions :

  • (…) avec les années, j’ai trouvé un livre pour chaque émotion. (…) Souvent je lis ces livres le lendemain de l’animation de Fluppy et on fait un comparatif avec le personnage dans le livre et avec eux. (enseignante D)
    Cependant, la majorité d’entre elles reconnaissent ne pas le faire pour soutenir les habiletés sociales ni la pensée :
  • Non, je n’ai pas senti le besoin de ça. On fait le programme « Vers le Pacifique »… (enseignante B).
    Toutes les participantes se sont néanmoins montré intéressées à en connaitre davantage à propos de la théorie de l’esprit :
  • oui, mais c’est vague… (enseignante E).
  1. Discussion

Cette recherche exploratoire avait pour objectifs de recenser les albums de littérature jeunesse présents dans cinq classes de maternelle, d’analyser un certain nombre de ces albums pour en documenter les caractéristiques, à savoir la présence de mots référant à des états émotionnels et mentaux et la présence de situations diverses de fausse croyance, et de documenter par des entretiens semi-dirigés les pratiques des enseignantes à l’égard de ces ouvrages. Dans la section suivante, ce qui se dégage de la recension et de l’analyse des albums présents dans les classes de maternelle sera abordé en premier lieu. La façon dont ces albums sont utilisés en classe pour soutenir la compréhension de la pensée sera ensuite discutée.

4.1. Recension et analyse d’albums présents dans les classes de maternelle

L’analyse d’ouvrages présents dans les classes de maternelle a été réalisée en fonction de critères permettant de documenter la référence aux émotions (ressentir), aux états mentaux (vouloir, savoir/ignorer, penser, croire, etc.), aux situations de fausse croyance (déguisement, changement d’endroit, faire semblant, tromperie de l’autre, manque d’information, etc.) et au personnage (traits de personnalité). Pour chacune des catégories examinées, les résultats obtenus confirment les observations déjà réalisées par Cassidy et al. (1998) avec des albums anglophones. En effet, « [a] vast majority of books read [to] preschool children contained internal states references, and many of the books contained false beliefs and personality descriptors » (p.468). Les albums analysés dans la présente étude exploratoire à partir d’une adaptation de la grille de Cassidy et al. (1998) montrent en effet que plus de 80% de ces albums évoquent au moins un état mental et/ou émotionnel, ce qui correspond bien à ce qu’avaient noté initialement les auteurs de l’étude originale. Seuls quelques albums plus descriptifs (et par conséquent moins narratifs) offrent peu ou pas d’états émotionnels ou mentaux ou de situations de fausse croyance. Au contraire, des mots évoquant des émotions se trouvent dans une large majorité d’albums, et un grand nombre d’ouvrages expriment des états mentaux comme le « désir» («vouloir»), le fait de «savoir» ou d’ «ignorer» ainsi que de «penser». Ces mots réfèrent à des états internes qui contribuent à rendre visible la pensée des protagonistes, s’ajoutant ainsi aux expériences vécues par l’enfant pour comprendre le monde de la pensée.

Certains albums analysés proposent d’emblée des intentions pédagogiques particulières (monde imaginaire, humour, conscience phonologique, etc.). Or, il s’avère qu’ils présentent aussi un potentiel intéressant à évoquer de façon explicite des états mentaux. Par exemple, dans La grande fabrique de mots (Lestrade et Docampo, 2009), on peut lire :

« Il y en a pour une fortune! », pense Philéas. Cybelle sourit toujours. Et Philéas ne sait pas à qui s’adresse son sourire. Dans les yeux d’Oscar, il y a tant d’assurance. « Mes mots sont bien petits! », pense Philéas. Il prend une grande inspiration et, surtout, il pense à tout l’amour qu’il a dans le cœur. (p.23-24)

De même, dans Le gros monstre qui aimait trop lire (Chartrand et Rogé, 2005), les croyances du protagoniste sont évoquées de façon interrogative pour marquer les réflexions du monstre et rendre « visible » ce qui se passe dans sa tête :

Le gros monstre (…) était très fier de son cri : jamais il n’avait été si puissant! C’était peut-être à cause du loup qu’il avait mangé au déjeuner? Il s’assura que personne ne venait et trotta vers le livre qui l’intriguait beaucoup. JAMAIS il n’avait dû crier DEUX fois pour chasser un intrus. Cet objet était magique ou quoi? (p.6)

En conclusion à l’histoire, les illustrations viennent même soutenir la compréhension de la pensée des personnages par des bulles donnant accès aux images mentales, pensées évoquées aussi de façon explicite par le texte, auxquels s’ajoute même l’évocation de traits de personnalité :

Depuis ce jour mémorable, les monstres ont la tête tellement pleine de belles images et de merveilleuses histoires qu’ils oublient de faire leur travail. Profondément cachés dans la forêt, ils n’ont plus envie d’effrayer les humains. Ils sont toujours dans la lune, songeant aux belles princesses sauvées par de courageux monstres, euh, pardon! par de courageux chevaliers… (p.23-24)

Plus du tiers (36%) des albums recensés comporte aussi au moins une situation de fausse croyance, se manifestant majoritairement par une situation de tromperie ou de manque d’information. De plus, quatre livres sur dix s’attardent à décrire au moins un trait de personnalité d’un des protagonistes. Les contextes et situations évoquées pourraient ainsi constituer une occasion pertinente pour relier les états mentaux et les actions posées, permettant à l’enfant de comprendre que les attitudes et comportements dépendent de ce que l’on sait, de ce que l’on pense, de ce que l’on souhaite. Par exemple, dans La soupe

aux sous (Lemieux et Berthiaume, 1990), la conclusion de l’histoire, en plus d’exploiter un manque d’information pour le lecteur afin d’accentuer l’effet de surprise, offre une occasion de relier un état émotionnel à une situation de fausse croyance :

Aujourd’hui, Zoé était très fâchée. Savez-vous ce qu’elle a reçu en cadeau pour son anniversaire? Non… Pas des dominos, pas un casse-tête, pas une boite de Légo… « Mais chérie, lui a dit tant Irma, c’est toi qui m’as demandé des œufs! » [vs des jeux]. (p.19-20)

En somme, bien qu’exploratoires, les résultats obtenus par cette étude nous portent néanmoins à penser que la très grande majorité des albums de littérature jeunesse que l’on peut trouver en classe de maternelle sont susceptibles de constituer un contexte stimulant pour l’éveil de l’enfant au monde de la pensée, car ils contiennent des mots d’états émotionnels (ressentir) et mentaux (vouloir, savoir, penser, croire) ainsi que des situations de croyance et de fausse croyance (tromperies, malentendus) susceptibles de constituer des occasions de rendre le monde de la pensée plus visible pour l’enfant. Mais ces albums sont-ils exploités en ce sens? C’est ce à quoi l’objectif trois de la recherche tentait de répondre et ce dont il sera question ici.

4.2. Utilisation de ces albums en classe pour soutenir la compréhension de la pensée

On sait qu’à l’âge préscolaire, et plus précisément autour de 4-6 ans, l’enfant peut attribuer une fausse croyance à autrui (Wellman et al, 2001), voire à des personnages fictifs dans une histoire (Nicolopoulou et Richner, 2007). Or, la médiation exercée par l’adulte est souvent nécessaire à la bonne compréhension de ces situations par l’enfant, particulièrement lorsqu’elles sont relativement complexes, comme c’est le cas pour des émotions mixtes ou la tromperie (Martucci, 2014).

Lors des entretiens semi-dirigés, les cinq enseignantes de maternelle participantes ont rapporté faire la lecture interactive d’au moins un ou deux albums de littérature jeunesse par jour et exploiter les ouvrages par des questions et une animation dynamique. Elles

déclarent exploiter ces albums pour développer le goût de lire, pour amorcer un thème, favoriser la conscience de l’écrit et la conscience phonologique, mais certaines reconnaissent ne pas le faire pour soutenir les habiletés sociales ni la pensée de l’enfant. Le contexte de cette étude ne peut nous conduire à généraliser ces réponses, mais il soulève tout de même la question de l’exploitation du potentiel que présentent les albums que l’on trouve déjà dans la classe. En effet, Martucci (2014) avance que la simple exposition à ces ouvrages n’est probablement pas suffisante. Les albums, bien qu’ils soient déjà exploités de façon pertinente relativement à d’autres intentions (développement langagier, conscience de l’écrit, plaisir) par les enseignantes en classe, pourraient ne pas avoir suffisamment d’influence sur la compréhension du monde de la pensée par les enfants.

À ce propos, les conclusions de l’étude de Peskin et Astington (2004) montraient que l’exposition à un langage riche en mots d’états mentaux favorisait la présence de ces mots dans le langage de l’enfant. Toutefois, les contextes où les situations étaient plus implicites, donc pas nécessairement portées par des mots d’états mentaux, avaient favorisé davantage la compréhension de situations de fausse croyance et la réussite à des tâches de théorie de l’esprit. Peskin et Astington (2004), et Martucci (2014) rappellent donc ainsi toute l’importance de rendre l’enfant actif dans l’interprétation des situations, dans le questionnement sur les états mentaux et les actions des protagonistes, rôle qui pourrait revenir à l’enseignante. D’ailleurs, certains travaux menés en contexte familial ont étudié les bénéfices du dialogue lors de la lecture pour favoriser une meilleure compréhension des situations et états mentaux par l’enfant : par exemple, les discours observés lors de ces échanges sont significativement reliés à la performance des enfants lors de tâches de théorie de l’esprit et de narration (Symons et al., 2005). Notamment, faire référence aux émotions et échanger à propos des explications causales de ces émotions, de même que les explications causales exploitant les désirs et les émotions des personnages (Labounty et al., 2008), voire reprendre la lecture à plusieurs reprises et susciter intentionnellement une discussion à propos des situations et des personnages de l’histoire (Riggio et Cassidy, 2009) sont des stratégies jugées pertinentes.

Somme toute, on peut penser que lire des histoires aux enfants les confronte et les entraîne dans des situations où ils doivent comprendre les comportements d’autrui et les états émotionnels ou mentaux qui conduisent à ces actions. Il apparait que l’exposition à la littérature jeunesse jumelée à la médiation exercée par l’enseignante de maternelle pour mettre en évidence la pensée permettrait aux enfants d’âge préscolaire une meilleure compréhension des états mentaux, une prise de conscience du fonctionnement de la pensée et enrichirait leur propre lexique d’états mentaux (Peskin et Astington, 2004).

  1. Conclusion

Pour soutenir la réussite éducative, les programmes d’éducation au préscolaire comme au primaire rappellent l’importance de soutenir la formation de la pensée de l’enfant et d’élargir ses capacités d’adaptation à la société (MELS, 2006). Les écrits d’Astington soutiennent, en effet, que l’école devrait favoriser la compréhension du monde de la pensée et jouer un rôle dans le développement d’une théorie de l’esprit de plus en plus réflexive (Astington, 1998; Astington et Hughes, 2013). Au primaire, notamment, les différentes tâches scolaires exposent l’élève à des mots relatifs aux états mentaux destinés à rendre explicites ces processus, et il se doit donc de bien comprendre : savoir, penser, croire, comparer, évaluer, estimer, etc. (Astington et Olson, 1990). Or, la théorie de l’esprit comme composante du développement de l’enfant est peu connue dans le domaine de l’éducation et n’apparait pas explicitement dans les documents ministériels comme l’un des facteurs à prendre en compte au préscolaire ni au début du primaire. Dans la foulée des réflexions actuelles concernant les enjeux du développement à privilégier à la maternelle au Québec, soutenir le développement de la théorie de l’esprit chez les enfants de maternelle est une avenue qui mériterait d’être envisagée.

En ce sens, Astington et Hughes (2013) avancent que le fait d’ initier les enseignants au domaine de la théorie de l’esprit permettrait d’enrichir leurs interactions avec les enfants, et de les conduire à devenir plus habiles à soutenir le développement épistémique de ces derniers et à rendre plus explicite leur compréhension intuitive du monde de la pensée.

Bien que cela puisse être possible à travers différentes actions au quotidien, force est de constater que la littérature illustrée est un médium riche pour parler de la pensée avec les enfants. Sans nouveau programme à implanter ni matériel à acheter, les albums de littérature jeunesse déjà présents dans la classe pourraient constituer un contexte fertile à exploiter.

De par son caractère exploratoire, cette étude comporte assurément des limites qui doivent être prises en compte ici. Réalisée auprès de quelques classes seulement, l’interprétation des résultats nécessite des réserves. Tous les ouvrages recensés n’ont pas été analysés et la sélection des albums retenus aurait gagnée à être plus systématique. La grille d’analyse utilisée pourrait aussi être complétée par celle de Dyer et al. (2000), qui est plus précise et prend aussi en compte l’apport précieux des illustrations. De plus, un accord inter-juges assurerait une meilleure validité au processus de codification, lequel pourrait ensuite être réalisé pour un nombre plus important d’albums. Enfin, des analyses quantitatives mettant en relation ces observations avec des données évaluant le niveau de développement d’une théorie de l’esprit d’enfants de ces classes de maternelle favoriseraient une meilleure compréhension des relations existant entre l’exposition aux albums de littérature jeunesse et la compréhension du monde de la pensée chez ces enfants.

Cette étude constituait la phase préliminaire d’une programmation de recherche destinée à fournir aux enseignantes du préscolaire des moyens d’intervention structurés, complémentaires aux routines littéraires déjà proposées en classe, afin de soutenir la compréhension du monde de la pensée des enfants d’âge préscolaire. D’autres travaux sont donc nécessaires pour mieux comprendre le potentiel des ouvrages de littérature jeunesse présents dans les classes de maternelle quatre ans comme cinq ans. Cette période s’avère particulièrement sensible, car elle constitue le moment où l’enfant s’intègre progressivement à une « communauté lettrée » (literate world [Olson, 1994]) mais aussi à une « communauté d’esprit » (community of mind [Nelson, 2005, 2007]).

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i Pour les besoins de cet article, le féminin sera privilégié, le corps enseignant intervenant au préscolaire et au primaire étant majoritairement composé de femmes.
ii Pour éviter de pouvoir identifier le participant parmi les autres participantes, le féminin « enseignantes » et « participantes » est utilisé sans discrimination de genre dans l’ensemble du texte.
iii Pour la catégorie Situations de fausse croyance, une distinction a été ajoutée pour chaque critère afin de noter si la fausse croyance affecte le lecteur (ex. : on tente de tromper le lecteur en lui cachant une information) ou le protagoniste (ex. : l’un des personnages est trompé, car il ne sait pas quelque chose).
iv Pour les situations de fausses croyances, les exemples ont été traduits de la grille originale de Cassidy et al. (1998).
v Le nombre minimal d’occurrences pour chacun des critères étant toujours égal à zéro, l’indication du minimum n’apparait pas dans le tableau.

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