Le sujet multimodal et l’appropriation du littéraire


Sébastien Ouellet Université du Québec à Rimouski.

Résumé

L’enseignement de la littérature est généralement caractérisé par des approches traditionnelles qui ne laissent que peu de place aux représentations personnelles des élèves et à la relation subjective qui pourraient servir de tremplin à une plus grande appropriation du littéraire. Or, l’influence de plus en plus grande des modes d’expressions numériques et la prédominance de l’image dans la sphère médiatique nous amènent à considérer la littératie médiatiquemultimodale (Jewitt, 2008; Kress et Van Leeuwen, 2001; Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012) comme une approche favorisant l’appropriation du langage littéraire. Nous proposons d’analyser les effets d’un dispositif didactique qui mise sur la lecture et l’écriture subjectives et qui s’arrime avec les perspectives multimodales dans l’enseignement du français. De plus, ce dispositif est fondé sur le roman graphique. Pour cette recherche, nous avons mis à contribution des observations faites en classe de français au secondaire afin d’analyser des scénarimages (scénarios imagés) et des bandes-annonces produits par les élèves. Ce projet montre que les élèves actuels constituent une génération de sujetsqui puisent à toutes les sources pour construire leurs références en lecture et en écriture. Notre recherche montre également que la multimodalité peut jouer un rôle fondamental dans l’appropriation du langage littéraire.

Mots clés : appropriation littéraire, lecture subjective, écriture subjective, littératie médiatique multimodale, sujet multimodal.

Un problème d’appropriation de la littérature

Le défi posé par l’enseignement de la littérature est régulièrement mis en évidence (Rouxel et Langlade, 2004; Canvat, 2005; Roy, Brault et Brehm, 2008). En effet, la difficulté à susciter une véritable relation personnelle avec les œuvres littéraires caractérise le rapport à la littérature de plusieurs élèves du secondaire (Miquelon, 2013). Cette attitude des élèves est souvent accompagnée de pratiques d’enseignement dites traditionnelles qui consolident la sous-utilisation des représentations personnelles et mettent de côté toute une dimension subjective susceptible de favoriser l’appropriation du texte littéraire par les élèves et les apprentissages langagiers qui pourraient être réalisés (Legros, 2005).

Dans ce contexte, notre étude de cas consiste donc à décrire et à analyser un dispositif didactique novateur fondé sur la lecture et l’écriture subjectives, et ce, en mettant de l’avant la dimension multimodale à partir de l’étude du roman graphique en classe de français. Pour ce faire, notre recherche vise principalement à caractériser le phénomène d’appropriation littéraire : quels sont les effets d’un tel dispositif sur cette appropriation? Également, compte tenu de l’environnement numérique dans lequel évoluent les élèves, comment favoriser cette appropriation (Fraisse, 2012)?

Un cadre de référence multidisciplinaire

Nous mettons à contribution différents champs de recherche pour cerner le processus d’appropriation qui se produit entre un sujet et un objet littéraire. D’abord associée à la géographie et l’urbanisme, la notion d’appropriation est définie comme une prise de possession qui vise à « rendre propre quelque chose, c’est-à-dire de l’adapter à soi et, ainsi, de transformer cette chose en un support de l’expression de soi » (Serfaty-Garzon, 2003, p. 27). Elle est aussi considérée par les psychosociologues comme une forme de contrôle d’un individu ou un groupe sur un objet (Carù et Cova, 2003 dans Anberrée, 2012; Veschambre, 2005)

En éducation, on la considère surtout comme une forme d’intériorisation des savoirs ainsi qu’une disposition à les mobiliser à travers des expériences et des interactions entre les individus (Giordan et De Vecchi, 1987; Jonnaert,2009; Perraudeau, 2006). Paradoxalement, dans le cas de

la lecture littéraire, l’appropriation d’une œuvre est plutôt synonyme de dépossession et de décentrement : le sujet se laisse « contrôler » par une œuvre extérieure à sa conscience pour en faire un vecteur significatif de son intimité (Dufays et al. 2005). On pourrait même émettre l’hypothèse que c’est l’œuvre qui s’approprie le lecteur. En ce sens, pour plusieurs sujets, l’appropriation se manifesterait par une sorte d’abandon de sa propre identité au profit d’une identification à un personnage fictif, ce qui apparait comme l’un des indices témoignant de son investissement personnel (Rouxel, 2004). Toutefois, l’appropriation comporte une dimension collective qui met de l’avant les acquis sociaux et historiques (Chartier, 1985), ainsi que les préjugés et les stéréotypes avec lesquels les sujets abordent et interprètent les œuvres (Dufays et al., 2005; Fish, 2007/1980), ce qui n’est pas sans évoquer la notion de capital culturel (Bourdieu, 1979, Détrez, 2005).

Le sujet lecteur et scripteur

Le phénomène d’appropriation littéraire nous porte à mettre l’accent sur l’activité singulière de l’élève, particulièrement sur sa compréhension du texte. Pour Chartier, Cless et Hébrard (1997), lorsqu’un lecteur comprend, il met en relation certains éléments du texte avec le sujet traité et les savoirs présents dans sa mémoire. Travailler en compréhension de texte littéraire, c’est donc s’attarder à la façon dont il a été « assemblé » par un lecteur réel, par celui que l’on désigne comme le sujet.

Ensuite, en considérant la vision proposée par Danto (1992/1981), il apparaît qu’une des formes d’appropriationprivilégiée réside dans la mise au jour de l’expérience esthétique provoquée par la lecture au moyen de l’écriture de création. Des expériences menées en classe par Tauveron et Sève (2005) montrent que les élèves éprouvent le désir d’écrire de la même façon qu’ils éprouvent le désir de lire, soit de vivre le récit. Cette communauté d’auteurs est «symétrique de la communauté de lecteurs que forment les élèves » et encourage les élèves-auteurs à contribuer à une « dynamique féconde d’emprunts mutuels » au moment de créer des textes littéraires (p. 143). Cette perspective met l’accent sur l’intersubjectivité, car « [c]hacun des participants est amené à lire, écrire, interpréter, critiquer, débattre, interroger tout écrit “circulant” dans cette communauté » (Lebrun et Coulet, 2004, p. 177).

La littératie médiatique multimodale

La littératie médiatique multimodale est l’un des champs de recherche émergents en didactique du français et celle-ci s’avère la plus pertinente pour analyser le dispositif didactique que nous présentons. Nous croyons que cetteperspective peut contribuer à relever les défis que nous avons exposés plus haut, soit de favoriser l’appropriation de la littérature chez les élèves du secondaire. À ce titre, bien qu’elle accorde une place importante à la lecture et l’écriture, la littératie médiatique multimodale considère que différentes formes sémiotiques doivent être considérées pour explorer de nouvelles approches didactiques (Lebrun, Lacelle, Boutin, 2012). Ainsi, la réception de discoursmultimodaux, fondés essentiellement sur la combinaison des modes visuels et sonores, ne se limite plus à l’activitéde lecture traditionnelle, mais s’élargit vers un nouvel

« écosystème culturel » qui tend à déplacer l’activité de lecture du narratif vers l’image, car le texte imprimé est maintenant dépassé par l’écran en terme de popularité (Vanderdorpe, 2012). Pour une société comme la nôtre, cela se traduit par une migration des lecteurs de romans vers la télévision, par exemple. Or, cette mutation n’exclut pas une lecture proprement littéraire pour laquelle « le cerveau se met en mode mimétique. En s’imaginant dans la position d’un personnage de fiction, le lecteur […] se laisse emporter et transformer par le texte qu’il est en train de lire […] » (Vandendope, 2012, p. 29). Cette forme d’appropriation littéraire montre bien que le sens se construit au moyen de diverses ressources de représentation dont la langue n’est qu’un élément parmi les photos, les extraits vidéo et les trames sonores (Jewitt, 2008; Kress et Van Leeuwen, 2001). L’influence des médias sociaux est, à ce titre, révélatrice, car il existe des comptes Twitter, pages Facebook et autres pages Internet créées par des amateurs et dédiées à des personnages de séries télévisées1.

Pour l’enseignement, la notion de texte est donc à revoir puisque, envisagée dans un sens large, on peut y inclure «toutes les informations verbales, visuelles, orales et numériques, sous la forme de cartes, de pages imprimées, de partitions, d’archives sonores, de films, de cassettes vidéo, de banques de données informatiques […] » (Mc Kenzie, 1991 : 31-32, dans Fraisse, 2012, p. 34). Dans le même sens, il semble de plus en plus difficile de séparer l’acte delecture de l’acte d’écriture face à un texte multimodal, puisque les deux activités sont en constante

1 Certains sites sont dédiés à des séries, South Park, Buffy contre les vampires, Angel, alors que d’autres profils

« empruntent » littéralement l’identité de personnages fictifs : Superman, Batman, Edward Cullen (Twilight), etc.

interaction (Walsh, 2010). Ainsi, la mise à profit de discours multimodaux en classe devrait donc contribuer à développer la capacité à la fois de reconnaître les différentes ressources utilisées pour les produire et d’analyser leur combinaison (Fraisse, 2012). Selon Kress (2004), cette complémentarité des modes sémiotiques est même essentielle, car c’est leur assemblage qui expose leur véritable potentiel à créer du sens. Outre le développement d’une pensée critique, une telle approche met également en relief le travail de création et amène les élèves à adopter un point de vue de créateurs potentiels. Dans cette perspective, l’activité d’écriture consiste surtout en la création d’un multitexte2dans lequel les élèves doivent considérer les différents modes qui seront mis à contribution : langage, image, musique, etc. En effet, la compétence en écriture médiatique tient à « la capacité à créer et diffuser ses propres productions médiatiques, individuelles ou collectives, en s’appropriant les langages et les procédés techniques que ces productions impliquent […] » (Fastrez, 2010, p. 2).

Afin d’organiser les concepts clés que nous mettons de l’avant, nous reprenons en partie un dispositif didactique que nous avons utilisé dans une recherche précédente, composé essentiellement de conditions et de situations éducatives (Ouellet, 2012). Le dispositif que nous présentons ici correspond aux orientations que nous avions adoptées, qui mettent l’accent sur la lecture et l’écriture subjectives des élèves dans trois types de situations propres à l’appropriation : 1) des situations misant sur les représentations mentales des sujets; 2) des situations faisant appel àl’identification des sujets aux personnages du récit en même temps qu’à leur distanciation, c’est-à-dire leur jugement évaluatif des agissements de ces mêmes personnages; 3) des situations d’expérimentation du langage littéraire au moyen de l’écriture de création. Le développement de ce dispositif a montré que ces orientations participaient à la création d’un véritable contexte dans lequel les sujets pouvaient adopter une posture de lecteur et d’auteur, et ce, en s’appuyant sur leur propre histoire. Ce sont ces mêmes conditions que nous avons retrouvées dans le projet de bandes-annonces. De plus, pour la présente recherche, ces situations mettent l’accent sur la dimension réflexive du sujet et sa relation au monde réel. En outre, toutes ces dimensions impliquent la mise en commun de divers modes sémiotiques par l’utilisation du roman graphique : illustrations, texte, ambiance, etc. (fig. 1).

2 Terme utilisé dans le texte de présentation du présent colloque et attribué à Boutin (Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012).

Figure 1 : un dispositif didactique fondé sur le roman graphique

Le scénarimage et la bande-annonce : une étude de cas

La méthodologie qui a été adoptée selon un paradigme qualitatif est une étude de cas qui s’inspire des éléments fondamentaux énoncés entre autres par Karsenti et Demers (2011), Merriam (1988) et Yin (2003). Elle met en lumière les effets d’un projet d’apprentissage intéressant qui permet d’élargir notre perspective, particulièrement en ce qui a trait à la didactisation de la littératie médiatique multimodale. Il est d’une durée de huit semaines. Conçu et mis en œuvre par l’enseignant qui a collaboré à la recherche, ce projet est composé de situations éducatives àl’intérieur desquelles les élèves peuvent construire des connaissances et

développer des compétences et mobiliser une variété de ressources pour réaliser ce projet (Jonnaert, 2000). La séquence qui est proposée aux élèves consiste à réaliser la bande-annonce d’un roman graphique qu’ils doivent lire. Les élèves sont placés en équipes de deux ou trois personnes et ont la possibilité de choisir une œuvre parmi celles dont dispose l’enseignant. Une étape intermédiaire à la réalisation de ce projet consiste à rédiger un scénarimage, ou scénario imagé, faisant le lien entre la lecture du roman graphique et la conception de la bande-annonce.

Sujets

Notre recherche se déroule en milieu urbain francophone dans une école du réseau public située dans la banlieue de Montréal. Les participants, dont quelques-uns sont issus de l’immigration, sont des élèves de 4e secondaire âgés de 15 et 16 ans. Ils font partie d’une classe dite régulière, composée de 31 personnes, dans laquelle on retrouve quelques élèves avec des difficultés d’apprentissage.

Instruments

Les données sont d’abord constituées des observations faites pendant les séances, la plupart ayant été filmées, puis des scénarimages écrits par les élèves. Ces textes comportent également des dessins faits à la main. Finalement, des données supplémentaires proviennent d’une entrevue semi-dirigée qui a été réalisée avec l’enseignant à la fin du processus.

Déroulement

Le projet s’est déroulé au printemps 2013. Après que l’enseignant eut présenté le projet aux élèves, ceux-ci se sont regroupés pour former un total de 13 équipes; tous les membres de l’équipe devaient lire le même roman. Dans un premier temps, chaque équipe a choisi puis a lu un roman graphique. Certaines œuvres ont été choisies par plus d’une équipe3. Au cours de ces lectures, ils ont d’abord sélectionné les scènes importantes du roman en vue de présenter un scénarimage. Ensuite, à l’aide d’un canevas donné par l’enseignant, les élèves devaient décrire et illustrer les scènes qu’ils prévoyaient tourner (fig. 2).

3 Œuvres choisies : Paul (Rabagliati), Maus (Spiegelman), Poulet aux prunes (Satrapi), Le magasin des suicides

(Teulé), Quartier lointain (Taniguchi), Henri Désiré Landru (Chabouté), Pilules bleues (Peeters).

Figure 2 : sélection et description des scènes

Les élèves étaient invités à donner des indications portant sur le texte et les dialogues qu’ils prévoyaient incorporer, la musique qu’ils prévoyaient utiliser, l’ambiance sonore, etc. Pour finir, leur scénarimage devait comporter unejustification pour chaque scène choisie, c’est-à-dire qu’ils devaient expliquer les raisons motivant leur sélection des scènes du roman (fig. 3).

Ensuite, l’enseignant a montré quelles étaient les ressources possibles pour filmer, trouver des images, des extraits vidéo et des trames sonores en montrant à la classe à quoi ressemblaient quelques bandes-annonces réalisées l’année précédente. Ses indications ont aussi porté sur la durée prévue des bandes-annonces, soit deux à trois minutes, et le fait que celles-ci allaient être diffusées dans la classe, puis potentiellement lors d’évènements scolaires et parascolaires pour les personnes intéressées à le faire.

Figure 3 : justification des scènes

Méthode d’analyse des résultats

Les données sont constituées d’observations en classe au moment où les élèves ont réalisé les activités. Celles-ci ont été filmées, ce qui a permis de poser un diagnostic relativement fiable sur ce qui se passe quand les élèves sont impliqués dans ce type de projet. La condensation de ces observations a servi d’appui aux principales données constituées des scénarimages produits par les élèves. En effet, les textes illustrés des équipes ont été notre principale source d’information quant aux effets d’un tel dispositif sur la lecture et l’écriture, précisément sur l’appropriation du langage littéraire qui est au centre de notre démarche. Le codage des scénarimages en unités thématiques et conceptuelles (Miles et Huberman, 2003) a pris la forme de brefs énoncés dont nous reproduisons les aspects les plus significatifs à ce stade de notre recherche. Finalement, l’entrevue avec l’enseignant se présente comme une évaluation du dispositif par le praticien, évaluation qui n’est pas présentée dans cet article puisqu’aucune analyse en bonne et due forme n’a été complétée. En ce sens, la communication porte sur les résultats préliminaires de la recherche, résultats qui reposent essentiellement sur une première analyse des textes.

Résultats

Un document de référence distribué par l’enseignant amène les élèves à donner des explications pour chaque scène choisie (tableau 1). Les scénarimages comportent d’abord une partie descriptive qui relève de la sélection des extraits des romans par les élèves. Les élèves manipulent les œuvres de façon répétée en tournant les pages et en discutant desscènes à choisir. Puis, ils rédigent de courtes descriptions à la main et reproduisent les illustrations correspondantes aux scènes choisies.

Tableau 1 : canevas pour le scénarimage

Numéro de la scèneDurée
Croquis de la scèneRésumé
Origine des images (originales, youtube, etc.) :
Séquence textuelle :
Narration ou dialogue :
Musique ou effets sonores :
Justifications (choix, liens avec la BD, etc.) :

Pour illustrer ce type de production, nous présentons deux extraits des 13 scénarimages produits par les équipes d’élèves. Le premier exemple porte sur le roman graphique Pilules bleues de Frederik Peeters (2001). Le deuxième exemple est tiré du scénarimage de Maus d’Art Spiegelman (2012).

Pilules bleues

Le roman graphique Pilules bleues a été choisi par une équipe de trois élèves, soit deux filles et un garçon. Publié en 2001 par les éditions Atrabile (http://atrabile.org/), il raconte l’histoire d’une jeune femme qui apprend qu’elle est séropositive. L’intrigue de ce récit se veut particulièrement dramatique et les élèves qui l’ont choisi insistent sur cet élément, notamment sur la dimension psychologique des protagonistes. Dans leur scénarimage (fig. 4), les élèves tiennent compte des illustrations que l’on retrouve dans le roman puisque les scènes dessinées à la main s’inspirent de l’esthétisme caractérisant l’œuvre de Peeters. On retrouve, entre autres, le même genre de trait de crayon, un peugrossier, qui laisse une plus grande place à l’intrigue

qu’aux détails graphiques (voir http://www.bedetheque.com/serie-1797-BD-Pilules- Bleues.html).

Figure 4 : Extrait du scénarimage inspiré par Pilules bleues

L’extrait que nous avons choisi illustre le ton dramatique que l’équipe veut donner à sa bande- annonce, notamment par l’utilisation de plans rapprochés qui mettent l’accent sur les émotions des personnages. On voit d’abord que les élèves ont choisi une case précise du livre pour commencer le scénarimage « parce que c’est vraiment la case qui représente le problème de l’histoire ». On peut également souligner la présence d’un stéréotype cinématographique important, soit le passage au noir et blanc qui est anticipé à partir du plan 4 « pour montrer la tension et le stress ». La bande-annonce qui a été réalisée à la suite de ce scénarimage est disponible à l’adresse http://www.youtube.com/watch?v=NuplX1aqxF0.

Maus

Le roman graphique Maus a été choisi par quelques élèves dont une équipe de deux garçons. Publié dans le magazine Raw dans les années 1980 et 1990, il a été fréquemment réédité dans sa forme intégrale (voir http://editions.flammarion.com/Peoples_Detail.cfm?ID=108529&levelCode=litterature).

Il raconte l’histoire de prisonniers juifs qui ont survécu aux camps de concentration des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. L’intrigue se veut aussi dramatique que Pilules bleues, mais comporte une dimension historique intéressante à développer avec des adolescents, qui peuvent avoir un regard éloigné d’évènements de cette ampleur. En effet, l’équipe qui s’y est consacrée a choisi de mettre l’accent sur l’action et le développement de l’intrigue en insistant sur les déplacements des personnages, leurs rencontres, etc. (fig. 5). Les dessins des élèves ne sont pasreprésentatifs des illustrations de Spiegelman, puisque l’utilisation de personnages ayant des traits animaux dans le roman n’est pas mentionnée dans le travail des élèves. Ces derniers se sont surtout concentrés à la « mise en scène » que l’on retrouve dans le récit original, soit le contexte de départ où l’un des survivants des camps de concentration, Vladek, raconte son histoire à son fils Artie.

Figure 5 : Extrait du scénarimage inspiré par Maus

L’extrait choisi illustre bien l’intention des élèves, qui mettent en évidence le caractère cinématographique de ce qui est anticipé : « P. D. Productions », « Gohier Pictures », etc. Les élèves montrent ainsi qu’ils possèdent un bagage certain du langage typiquement hollywoodien et qu’ils sont davantage motivés par la réalisation de la bande-annonce que par la rédaction du scénarimage. À la scène 7, les élèves utilisent l’expression « on voit », ce qui trahit peut-être la priorité qu’ils accordent au résultat filmé. Les dessins reproduits très sommairement par les élèves visent davantage à synthétiser l’information contenue dans chaque scène qui est prévue. Le plan d’ensemble est utilisé dans presque toutes les cases et les explications sont plutôt descriptives des mouvements des personnages : « Artie sort de la voiture, […] arrive chez son père », etc. Notons également que plusieurs scènes de la mise en contexte prévue dans cet extrait ne se retrouvent pas dans la bande-annonce finale. La bande-annonce qui a été réalisée à la suite de ce scénarimage est disponible à l’adresse http://www.youtube.com/watch?v=APq4BsIdFIg.

Discussion des résultats : l’appropriation littéraire du sujet multimodal

L’expérience qui a été menée en classe nous indique que les outils utilisés lors de la recherche modifient lesconditions d’apprentissage traditionnellement associées à la discipline français. Tel que suggéré par Crinon (2012), le travail de création est, pour l’élève, l’occasion de parler, de lire, d’écrire et de s’approprier des connaissances littéraires et artistiques, tous des moyens de se mobiliser dans un vrai travail intellectuel. En ce sens, le scénarimage de la bande-annonce apparaît comme un catalyseur pour les apprentissages en littérature.

D’abord, il témoigne de la sélection du lecteur, car ce dernier opère un nécessaire processus de réduction. L’analyse des scénarimages et des interactions observées en classe indique que les élèves s’appuient d’abord sur leur lecture littéraire, fondée sur leurs représentations subjectives, pour sélectionner des extraits considérés comme « marquants » ou « importants » pour l’articulation de l’intrigue et le développement psychologique des personnages. Ensuite, par la mise en scène qu’ils projettent, les sujets convoquent les passages marquants d’une œuvre pour faire des choix et les redéployer en combinant divers modes sémiotiques, et ce, sans hiérarchiser les moyens utilisés : la lecture, l’écriture, les supports visuels et sonores, etc. (Kress, 2004).

Le scénarimage formalise également un double processus de négociation. D’une part, les élèves doivent nécessairement négocier avec l’œuvre, c’est-à-dire faire des choix et éliminer des extraits même s’ils sont importants pour eux. Ainsi, des élèves, lors des premières séances, ont exprimé une certaine frustration à ne pas pouvoir insérer plus de scènes dans leur travail. D’autre part, la négociation se produit avec les autres membres de l’équipe, car les interactions qui caractérisent les discussions en sous-groupes impliquent un croisement de lectures. Un tel réseau de lectures subjectives mène nécessairement à adapter son point de vue avec celui des autres élèves dans le but de présenter un travail commun.

Ensuite, l’analyse des textes d’élèves montre une posture d’auteur qui vise à convaincre. En effet, l’étape de diffusion qui est anticipée se révèle être une importante source de motivation pour plusieurs. Ainsi, la posture d’auteur « signifie une position assumée plus ou moins explicitement par un scripteur qui se porte garant de ses écrits à effet littéraire dans la mesure où il envisage le contexte de réception et qu’il ménage des effets sur son lecteur »(Lebrun, 2007, p. 384). À ce propos, la consigne liée au travail joue un grand rôle, puisque la bande-annonce doit généralement intéresser des lecteurs/spectateurs potentiels. Dès le départ, le projet place les élèves dans le rôle de producteur : l’objet d’étude, le roman graphique, doit amener à créer un autre objet qui n’existe pas encore. De ce fait, le scénarimage se présente comme un moyen original d’articuler la lecture et l’écriture. En outre, il invite le sujet à entrer dans le récit pour jouer au personnage en tant qu’acteur du film qu’il scénarise, ce qui le pousse à entrer littéralement dans la peau du personnage qu’il interprète dans la bande-annonce.

Finalement, la production d’une bande-annonce, filmée selon les moyens techniques dont disposent les élèves, s’avère accessible pour la plupart d’entre eux. En plus des logiciels présentés par l’enseignant comme ClipGrab, l’accès aux téléphones intelligents dotés d’une caméra et à différentes plateformes de montage vidéo rend le processus relativement fluide pour la plupart des équipes. Donc, en tant qu’utilisateur de différents modes sémiotiques, le sujet multimodal apparaît comme le pivot des plusieurs affordances, soit des possibilités d’actions instaurées par les objets de son entourage (Gee, 2008; Gibson, 1977; Norman, 1988; Paveau, 2012). En effet, le sujet se trouve à utiliser des ressources de son environnement immédiat pour intégrer des décors, des costumes, desimages glanées sur Internet, de la musique et même des

personnages secondaires joués par des amis et des parents. Cette utilisation des objets et de l’environnement confirme que la littératie médiatique multimodale, lorsqu’elle est utilisée dans ces circonstances, génère une nouvelle forme de langage et favorise l’appropriation des œuvres littéraires.

Notre démarche montre également que les élèves actuels constituent une génération de sujets postmodernes ou médiatiques, c’est-à-dire que leur répertoire de représentations est un amalgame composé à partir du cinéma, d’Internet, des images associées à la musique populaire et à la télévision. Aussi, plusieurs formes de discours sontmises à contribution dans la projection du résultat à venir : lecture d’images, d’ambiances, de sonorités que le sujet «voit et entend ». Considérant que ce type de sujet mobilise une diversité de modes sémiotiques (trames narratives, images stéréotypées, personnages caricaturaux, dialogues, trames sonores), il se définit donc comme un sujet multimodal en interaction avec d’autres sujets dans la classe et en dehors de la classe. L’écriture graphique contribue à cette confusion des modes : le roman graphique, en tant que phénomène plurilinguistique et plurivocal (Bakhtine, 1978), constitue un laboratoire de langage. L’appropriation passe donc par la reformulation non experte selon laquelle chaque sujet se révèle être un bricoleur multimodal singulier.

De tels projets ne sont pas nécessairement sans difficulté. Ainsi, le dispositif qui a été analysé est tributaire del’engagement de l’équipe-école, entre autres pour l’achat de romans graphiques dont le coût est assez élevé. Le projet est aussi dépendant à un certain point de l’enseignant qui s’investit dans la mise en œuvre d’un tel projet; il en est le point de départ essentiel. Une telle démarche peut aussi être caractérisée par un déséquilibre entre la capacité des équipes d’élèves à réaliser le projet. C’est donc à l’enseignant que revient la responsabilité de gérer cette forme d’hétérogénéité. Malgré cela, dans l’école où nous avons effectué notre recherche, d’autres enseignants ont aussi été « entraînés » par cette initiative et ont intégré le projet des bandes- annonces de romans graphiques à leur enseignement. Ces enseignants ont adapté le dispositif selon le contexte de chaque classe, principalement en ce qui a trait à la durée du projet, à la formation des équipes et aux moments de réalisation en tenant compte du calendrier scolaire.

Conclusion

Notre article met l’accent sur le phénomène d’appropriation et s’intéresse entre autres à l’activité singulière de l’élève, placé en relation avec une œuvre littéraire. D’une part, celui-ci est identifié comme un sujet lecteur et scripteur, mais selon un point de vue qui favorise la réalisation d’activités de lecture et d’écriture subjectives. D’autre part, le dispositif didactique que nous avons analysé est fondé sur la multimodalité et montre que les élèves actuels sont engagés dans une communication globale dans laquelle, peut-être paradoxalement, chacun veut marquer sa singularité. L’enjeu, pour bon nombre de ces sujets, est de saisir les objets du monde pour en prendre possession, se les approprier, en fonction de leurs propres intérêts. Dans le cas de la présente recherche, ces élèves ont utilisé tous les moyens dont ils disposaient pour créer un nouvel objet à partir de la lecture d’un roman graphique. Ces élèves, en tant que sujets multimodaux, sont partie prenante d’une redéfinition du littéraire et de l’accès à la culture tels qu’onles a connus traditionnellement. Une telle perspective appelle aussi à un renouvellement de l’enseignement de la littérature, ce qui semble incontournable dans un contexte où la littératie médiatique multimodale occupe une place de plus en plus importante dans les pratiques scolaires et non scolaires.

Références

Anberrée, A. (2012). L’utilisation (actuelle ou possible) de la notion d’appropriation dans les organisations culturelles. Présentation dans le cadre du séminaire « Le concept d’appropriation est-il appropriable? », le 29 mai 2012, Université de Nantes, Nantes.

Bakhtine, M. (1978). Esthétique et théorie du roman. Paris : Gallimard.

Bourdieu, P. (1979). La distinction. Critique sociale du jugement. Paris : Éditions de Minuit. Bucheton, D. (1995). Écriture, réécritures, Récits d’adolescents. Berne : Peter Lang.

Canvat, K. (2005). De l’enseignement à l’apprentissage de la littérature ou des savoirs aux compétences. In A. Brillant-Annequin et J.-F. Massol (dir.). Le pari de la littérature, Quelles littératures de l’école aux lycée ?Actes des journées d’études tenues à l’Université Stendhal et à l’IUFM de Grenoble les 28 et 29 mars 2002. Grenoble : Centre Éditorial de Documentation Pédagogique.

Chartier, R. (1985). « Du livre au lire », Pratiques de la lecture. Marseille : Rivages.

Chartier, A.-M., Clesse, C. et Hébrard, J. (1997) Lire, écrire 1. Entrer dans le monde de l’écrit.

Paris : Hatier Pédagogie

Crinon, J. (2012). Enseigner le numérique, enseigner avec le numérique. Le Français aujourd’hui, 178 (3). 107-114.

Danto, A. (1981/1993). La transfiguration du Bana (traduit par C. Hary-Schaeffer). Paris : Seuil. Détrez, C. (2005). Le capital culturel en question. Idées, 142, 6-13.

Fastrez, P. (2010). Littératie médiatique: quelles compétences poursuivre? In Actes du colloque « Éduquer aux (nouveaux) médias: ça s’apprend? », Paris: CLEMI.

Dufays, J.-L., Gemenne, L. et Ledur, D. (2005). Pour une lecture littéraire. Histoires, théories, pistes pour la classe (2eéd). Bruxelles : De Boeck Université.

Fish, S. (2007/1980). Quand lire c’est faire. L’autorité des communautés interprétatives (traduit par E. Domenesque). Paris : Les prairies ordinaires.

Fraisse, E. (2012). Lecture, littérature, apprentissages: Les effets de la numérisation. Le Français aujourd’hui, 178 (3), 27-39.

Gibson, J. J. (1977). The theory of affordance. In R. Shaw et J. Branford (dir.), Perceiving, acting, and knowing:Toward an ecological psychology (p. 67-82). Hillsdale: Lawrence Erlbaum.

Giordan, A. et De Vecchi, G. (1987). Les origines du savoir. Neufchatel : Delachaux.

Gee, J. P. (2008). A Sociocultural perspective on Opportunity to learn. In P. A. Moss, D. C. Pullin, J. P. Gee, E. H.Haertel, & L. J. Young (dir.), Assessment, equity, and opportunity to learn (p. 76-108). Cambridge: Cambridge University Press.

Jewitt, C. (2008). Multimodality and Literacy in School Classrooms. Review of Research in Education, 32, 241-267.

Jonnaert, P. (2000). La thèse socioconstructiviste dans les nouveaux programmes d’études au Québec : un trompel’oeil épistémologique? Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 1 (2), 223-230.

Jonnaert, P. (2009). Compétences et socioconstructivisme. (2e éd.). Bruxelles : De Boeck.

Kress, G. (2004). Reading Images : Multimodality, Representation and New Media. Information Design Journal, 12 (2), 110-119.

Kress, G. R. et Van Leeuwen, T. (2001) Multimodal discourse : The modes and media of contemporary communication. London : Arnold.

Karsenti, T. et Demers, S. (2011). L’étude de cas. In La recherche en éducation (p. 229-251). St- Laurent : ERPI.

Langlade, G. (2004). Le sujet lecteur, auteur de la singularité de l’œuvre. In A. Rouxel et G. Langlade. Le sujet lecteur,lecture subjective et enseignement de la littérature (p. 81-91). Rennes: Presses Universitaires de Rennes.

Lebrun, M. (2007). Rapport à l’écriture, posture auctoriale et ouverture culturelle. Revues des sciences de l’éducation, 33 (2), 383-399

Lebrun, M. et Coulet, C. (2004). La classe comme communauté active de lecteurs et d’auteurs : favoriser un rapportcritique à la lecture/écriture littéraires. Skholê, hors-série, 2, 177-188.

Lebrun, M. et Lacelle, N. (2011). Développer la compétence à la lecture et à l’expression multimodales grâce à unedidactique de la littératie médiatique critique, In R. Goigoux et M.-C. Pollet (dir.), Didactiques de la lecture,de la maternelle à l’université (p. 205-224). Namur : Presses universitaires de Namur.

Lebrun, M., Lacelle, N. et Boutin, J.-F. (2012a). Genèse et essor du concept de littératie médiatique multimodale. InE. MacLaren (dir.). New Studies in the History of Reading / Nouvelles études en histoire de la lecture, 3 (2). Consulté le 1er mai 2012 au : http://www.erudit.org/revue/memoires/2012/v3/n2/1009351ar.html?vue=resume.

Lebrun, M., Lacelle, N. et Boutin, J.-F. (2012b). La littératie médiatique multimodale. De nouvelles approches enlecture-écriture à l’école et hors de l’école. Québec : Presses de l’Université du Québec.

Legros, G. (2005). Quelle place pour la didactique de la littérature? In J. L. Chiss, J. David et Y. Reuter (dir.), Didactique du français. Fondements d’une discipline (p. 35-46). Bruxelles : De Boeck.

Merriam, S. (1988). Case Study in Education: A Qualitative Approach. San Fransisco: Jossey- Bass.

Miles, B. et Huberman, A. M. (2003). Analyse des données qualitatives (2e éd). Bruxelles : De Boeck.

Miquelon, A. (2013). Connaitre les représentations des adolescents de la lecture littéraire dans la classe de français: une clé pour favoriser leur appropriation des oeuvres littéraires lues à l’école. Présentation à la journée d’étude « Former à la lecture littéraire. Transmission et appropriation », tenue au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal le 15 mars 2012. Université du Québec à Montréal, Montréal.

Norman, D. A. (1988). The design of everyday things. New-York : Basic Books.

Ouellet, S. (2012). Le sujet lecteur et scripteur : développement d’un dispositif didactique en classe de littérature. Thèse de doctorat inédite, Rimouski : Université du Québec à Rimouski et Toulouse : Université de Toulouse II, Le Mirail.

Paveau. M.-A. (2012). Ce que disent les objets. Sens, affordance, cognition. Synergies Pays Riverains de la Baltique, 9, 53-65.

Peeters, F. (2001). Pilules bleues. Genève : Atrabile.

Perraudeau, M. (2006). Les stratégies d’apprentissage. Comment accompagner les élèves dans l’appropriation des savoirs. Paris : Armand Colin.

Rouxel, A. (2004). Autobiographie de lecteur et identité littéraire. Dans A. Rouxel et G. Langlade (dir.), Le sujetlecteur, lecture subjective et enseignement de la littérature (p. 137-152). Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Rouxel, A. et Langlade, G. (2004). Le sujet lecteur, lecture subjective et enseignement de la littérature. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Roy, M., Brault, M. et Brehm, S. (dir.) (2008). Formation des lecteurs, formation de l’imaginaire. Montréal : Centrede recherche sur le texte et l’imaginaire. coll. Figura, 20.

Serfaty-Garzon, P. (2003). L’Appropriation. In M. Segaud, J. Brun et J.-C. Driant (dir.)

Dictionnaire de l’habitat et du logement (p. 27-30). Paris : Armand Colin.

Spiegelman, A. (2012). Maus – L’intégral. Paris : Flammarion.

Tauveron, C. et Sève, P. (2005). Vers une écriture littéraire – ou comment construire une posture d’auteur à l’école? De la GS au CM. Paris : Hatier Pédagogie.

Vandendorpe, C. (2012). De nouveaux horizons de lecture et leurs implications pour l’école. In

M. Lebrun, N. Lacelle, et J.-F. Boutin (dir.). La littératie médiatique multimodale. De nouvelles approches enlecture-écriture à l’école et hors de l’école. Québec : Presses de l’Université du Québec.

Veschambre, V. (2005). La notion d’appropriation, Norois, 195 (2). Consulté le 3 mai 2013 au :http://norois.revues.org/589

Walsh, M. (2010). Multimodal literacy : What does it mean for classroom practice? Australian Journal of Language and literacy. 33 (3). 211-239.

Yin, R. K. (2003). Case Study Reasearch : Design and Methods (3e éd.). Thousand Oaks : Sage Publications.

Multimodalité(s)

Multimodalité(s) se veut un lieu de rassemblement des voix de toutes les disciplines qui s’intéressent à la littératie contemporaine.

ISSN : 2818-0100

Multimodalité(s) est produit en collaboration

UQAMNT2Fonds de recherche du QuébecFonds de recherche du Québec

Multimodalité(s) (c) R2LMM 2023

Site web Sgiroux.net