Depuis la parution de l’article « Pedagogy of Multiliteracies » par le New London Group en 1996, plusieurs chercheurs, ainsi que des enseignants et professeurs, se sont intéressés au développement des « multilittératies » dans des contextes d’apprentissage. De plus, l’importance de la multimodalité dans plusieurs formes de communications met en évidence la nécessité de développer une littératie médiatique multimodale dans des contextes d’apprentissage (Lacelle et al., 2017; Lebrun et al., 2012). La littérature numérique offre un potentiel de développement d’une pensée critique concernant la technologie et les médias (Aarseth, 1997; Ensslin, 2014; Hayles, 2008; Simanowski et al., 2010). Le but de cet article est de démontrer les résultats d’une étude exploratoire menée dans un cégep anglophone où l’auteur a enseigné la littérature numérique à des étudiants. Durant cette étude, les étudiants ont également eu l’occasion de créer leurs propres récits en utilisant l’application numérique Twine. Ce qui ressort de l’analyse des données est la façon dont l’interprétation et la création des textes numériques et interactifs ont engendré une réflexion sur la technologie ainsi qu’une articulation de plusieurs littératies.
Since the New London Group’s “Pedagogy of Multiliteracies” was published in 1996, several researchers, as well as teachers and professors, have been interested in the development of multiliteracies in learning contexts. In addition, theimportance of multimodality in several forms of communication highlight the need to develop multimodal media and critical literacy in learning contexts (Lebrun, Lacelle, & Boutin, 2012; 2017). To respond to this need, digital literatureoffers the potential for developing critical thinking about technology and media (Aarseth, 1997; Ensslin, 2014; Hayles, 2008; Simanowski et al., 2010). The purpose of this article is to demonstrate the results of an exploratory studyconducted in an English-speaking CEGEP where the author taught digital literature to students. During this study, thestudents also had the opportunity to create their own digital narratives using the digital application, Twine. Whatemerges from the data analysis is how the interpretation and creation of digital and interactive texts engendered a reflection on technology, as well as an articulation of several literacies.
Depuis les vingt dernières années, la technologie numérique occupe une place prépondérante dans la vie des jeunes adultes. Comme le relate l’organisation Common Sense Media (Rideout et Robb, 2018), 89 % des adolescentspossèdent désormais un téléphone intelligent tandis que 70 % utilisent les médias sociaux plusieurs fois par jour. De même, Statistique Canada (2018) signale que 96 % des jeunes utilisent quotidiennement l’Internet ou possèdent leur propre téléphone intelligent (p. 13). Compte tenu de l’omniprésence des médias numériques dans la vie des jeunes, onvoit de plus en plus de demandes pour une éducation critique en matière de médias sociaux et numériques. Étant donnél’importance des médias, l’enseignement des compétences en littératie du XXe siècle continue d’être un enjeu de plus en plus important (Butler, 2017; Storksdieck, 2016) dans les préoccupations d’aujourd’hui autour d’informations fallacieuses (fake news).
Ces préoccupations ne sont pas sans précédent, puisqu’elles sont également identifiées dans les travaux des chercheurs du groupe des New Literacy Studies. Depuis le milieu du XXe siècle, le but de ce groupe a été d’approfondir et d’interroger l’enseignement des littératies dans l’éducation (Cope et Kalantzis, 2000; Gee et Hayes, 2011; Lankshear et Knobel, 2008; New London Group, 1996). Plus précisément, ces auteurs signalent l’importance des littératies multiples, d’où la provenance du terme « multilittératies », un concept introduit pour la première fois par le New London Group (1996). Dans cet article, le New London Group plaide pour une compréhension plus socioculturelle de la littératie qui reflète les pratiques des jeunes en dehors de la classe. Ainsi, le New London Group fait valoir qu’un nouvel ordre culturel, institutionnel et mondial est confronté à une variété de formes de communication et de médias numériques. Par conséquent, la langue comme principal mode de signification doit être réévaluée. De plus, l’importance de la multimodalité, définie comme la relation dynamique entre les différents modes de signification (soit linguistique, visuelle, audio, gestuelle) est devenue évidente, surtout vers la fin du XXe siècle, connue comme une époque saturée par une grande variété de médias.
Les préoccupations concernant le développement des connaissances reliées au numérique sont également reconnues par le ministère de l’Éducation au Québec. Elles sont évidentes dans les objectifs des cours de langues (langue maternelleet deuxième langue d’enseignement) au cégep.
Dans ces cours, le ministère exige que les étudiants « prennent conscience du rôle des médias et des technologies dans la culture et les modes de vie » (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2009, p. 22). Pourtant, on ne précise pas comment les enseignants peuvent développer un enseignement des médias et des multilittératies dans ces cours, étant donné que les compétences énoncées ne mentionnent pas (et donc, ne conseillent pas) les types de formes médiatiques (papier, numérique) devant être utilisés. Cette absence de recommandation est un peu contradictoire,surtout quand on constate l’intérêt pour l’enseignement du numérique, dévoilé par le ministère dans ses politiques, visant à « mieux intégrer les compétences du XXIe siècle et les opportunités numériques » (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2017, p. 43). Par conséquent, l’accent mis sur le développement de la pensée critique en ce qui concerne les médias et la technologie et les demandes qui en découlent ne semble pas lié à certaines compétences ni à la façon dont les enseignants les enseignent.
Cette situation suscite, pour les enseignants, des difficultés à trouver des textes pour le développement des multilittératies dans les cours de langues et littérature au niveau collégial. Cependant, il y aurait moyen de traiter ces vastes littératies (médiatique, critique, informatique) par le biais de l’enseignement de la littérature numérique. La littérature numérique, tout comme les jeux numériques, a émergé au cours des vingt dernières années, notamment avec la croissance des ordinateurs personnels et Internet. Pourtant, bien que le monde académique ait commencé à reconnaître les possibilités de développement des littératies à travers les jeux vidéo (Ferdig et Pytash, 2014; Gee,2007; Gee et Hayes, 2011; Salen et Zimmerman, 2004; Squire, 2008; Steinkuehler, 2007, 2011; Steinkuehler et al., 2012), très peu de chercheurs (Ensslin, 2014; Salter, 2014) ont analysé les possibilités similaires avec la littérature numérique.
Comme les jeux numériques, la littérature numérique nécessite l’interaction du joueur/lecteur avec le texte pour faire avancer le récit. De plus, certains concepteurs de jeux numériques utilisent souvent des mécanismes ludiques pour engager le lecteur/joueur. En effet, la frontière entre la littérature numérique et le jeu numérique peut sembler floue.Bien entendu, nous pouvons nous demander à quel moment un texte interactif devient de la littérature, d’une part, ou devient un jeu, de l’autre. Néanmoins, la littérature numérique est, comme son nom l’indique, une littérature produite et livrée par des moyens numériques. Contrairement aux livres électroniques dont la création a pour seul but de fournir des livres imprimés par voie électronique, la littérature numérique est un texte né numérique : créé à partir d’un code informatique et lu sur un écran numérique ou interactif (Ensslin, 2014, p. 32). Bien que cette forme de littérature soit encore relativement inconnue enlittérature, certains chercheurs comme Aarseth (1997), Hayles (2008) et Saemmer (2015) ont reconnu les aspects littéraires présentés dans ces textes numériques et interactifs ainsi que leur importance dans un monde où, de plus en plus, nous avons tendance à consommer l’information par l’intermédiaire d’appareils numériques. Hayles a joué un rôle important dans l’établissement de la littérature numérique dans le monde universitaire et l’a défendue en tant que genre à l’intérieur de la discipline « littérature », principalement en raison du fait qu’elle entraîne un changement dans les modes cognitifs, celui qui passe de l’attention profonde à l’hyperattention, ce qui se produit chez les nouvelles générations d’étudiants dans cette discipline (Hayles, 2007). Hayles est d’avis que les enseignants de cours de littérature doivent intégrer des textes qui, non seulement par leur accessibilité en forme numérique, ressemblent au type de textes numériques que les étudiants rencontrent fréquemment dans leur vie quotidienne, mais aussi leur permettent d’adopter une position critique envers ces médias numériques.
Bien qu’il existe peu de recherches empiriques sur la littérature numérique en contexte scolaire, quelques études nous donnent des exemples de sa possibilité d’engendrer certaines littératies, en particulier la littératie critique. C’est ce que Daemmrich (2007) a démontré avec l’introduction de la littérature numérique dans un cours de rédaction universitaire. Dans ce cours, les étudiants ont lu et analysé des poèmes hypertextuels. Certains de ces étudiants ont constaté quecertains genres, comme la fiction hypertexte, les ont amenés à poser un regard réflexif sur le rôle du lecteur/joueur dans ces récits (p. 426). Ainsi, Daemmrich (2007) démontre comment les étudiants ont reconnu les façons dont la littératurenumérique questionne la dynamique de l’écrivain actif et du lecteur passif, ce qui souligne les dynamiques d’autonomie liées aux relations de pouvoir implicite dans les rôles des auteurs et lecteurs. Cette possibilité de réfléchir sur les relations de pouvoir démontre comment la littératie critique, comme Anderson et Irvine (1993) la définissent, peut nous faire « prendre conscience de son expérience historiquement construite au sein de relations de pouvoir spécifiques » (p. 82).
Des résultats similaires ont été présentés dans une étude réalisée, en France, par Ruppin (2017), où des élèves de CM2-6e (première année du secondaire) ont conçu des productions littéraires multimédias reliées à des œuvres d’art. Durantl’étude, les élèves ont créé un diaporama interactif iconotextuel qui avait pour fonction de présenter des parties d’untableau de Bruegel (p. 7). Vers la fin du projet, les chercheurs ont constaté que ces textes interactifs « favorisent de nouveaux contrats de lecture dont les bases reposent sur l’interaction entre un texte et son lecteur » (p. 12). De plus, Ruppin (2017) s’interroge sur le rôle du lecteur à travers ces textes par le fait que le lecteur possède le choix de sortir du trajet proposé par une « lecture linéaire » (p. 12). L’apprentissage de choix et de nouveaux contrats, comme le fait remarquer Ruppin, peut indiquer des pistes d’enseignement d’une position réflexive sur le rôle des médias interactifs et sur le statut de consommateurs passifs/actifs des textes numériques.
Habituellement, l’enseignement des littératies multiples se fait à travers une variété de textes littéraires, y compris dans les cours de littérature au cégep au Québec, où le développement de certaines littératies critiques, médiatiques et culturelles est assuré à travers plusieurs textes en format papier, comme des romans, des bandes dessinées et despublicités. Par ailleurs, la littératie numérique peut être enseignée à l’aide de certains sites Internet. L’un des avantages potentiels de la littérature numérique est que l’accès aux multilittératies peut se faire avec un seul texte, entre autres,étant donné ses possibilités interactives (lecteur actif, possibilité de réflexion sur le rôle de lecteur/auteur : littératie critique). De plus, le texte littéraire numérique possède plusieurs éléments des textes typiquement publiés en format imprimé, soit les romans/nouvelles, les poésies et les bandes dessinées.
Sur la base de ces considérations, nous posons les questions de recherche suivantes : 1) Quelles possibilités multilittéraires sont engendrées lors de l’enseignement de la littérature numérique dans un cours de littérature au cégep? 2) Quelles sont les considérations pédagogiques relatives à l’enseignement de la littérature numérique ?
Étant donné qu’il existe peu d’études sur l’enseignement de la littérature numérique, surtout par rapport au développement des multilittératies, nous avons utilisé un cadre conceptuel et pédagogique créé par le New London Group (1996). Ce cadre a été choisi pour démontrer les points de convergence entre la pédagogie de la multilittératie et l’enseignement de la littérature numérique. Il est divisé en quatre phases : pratique située, instruction générale, encadrement critique et pratique transformée. Chaque étape peut être conçue comme représentant différentes phases d’un plan de leçon ou d’un cours, mais il n’est pas nécessaire de mettre les étapes en ordre chronologique. Ci-dessous, une définition détaillée de chaque phase sera présentée afin de dévoiler le cadre pédagogique utilisé.
La première étape considérée par le New London Group (1996) est celle de la pratique située. Cette étape prend en compte la manière dont les connaissances sont situées et déterminées sur le plan socioculturel et se concentre donc surles expériences antérieures et actuelles des apprenants. Ainsi, les connaissances ont davantage de sens lorsqu’elles sont applicables à la pratique et « sont principalement situées dans des contextes socioculturels et fortement contextualisés dans des domaines et des pratiques spécifiques » (New London Group, 1996, p. 83). L’importance des contextes socioculturels est liée à l’un des éléments importants du développement de la multilittératie, celui de la multimodalité. Comme le souligne Kress (2010), la multimodalité est la combinaison de modes (linguistique, gestuel, visuel, audio) dans un message, chacun de ces modes étant « le résultat d’une mise en forme sociale et historique de matériaux choisie par une société pour la représentation » (p. 11). Bien que ce concept s’applique davantage lorsque les enseignants développent un métalangage (instruction générale), il est également utile de commencer à développer une compréhension du contexte et de la situation de modes particuliers ainsi que de démontrer comment leur combinaison crée un message unique.
La deuxième étape de la pédagogie de multilittératie proposée par le New London Group (1996) est celle de l’instruction générale. Comme l’indiquent les auteurs, cette composante comprend des efforts de collaboration entre l’enseignant et l’élève, lorsqu’ils « prennent conscience de la représentation et de l’interprétation qu’a l’enseignant de cette tâche et de ses relations avec d’autres aspects de ce qui est appris » (p. 87). Dans une telle approche, l’enseignant devient un médiateur pour le processus d’apprentissage des élèves, aidant ceux-ci à construire des connaissances entre eux et par eux-mêmes. De cette manière, les élèves peuvent apprendre à établir des liens entre le matériel et leur propre vie. De plus, c’est lors de cette étape qu’un métalangage doit être développé pour aborder « le textuel et le visuel, ainsi que les relations multimodales entre les différents processus de création de sens qui sont maintenant si critiques dans les textes médiatiques » (New London Group, p. 77). Un tel métalangage aiderait les apprenants non seulement à consommer divers textes multimodaux, mais les préparerait également à être des producteurs actifs de ces textes.
L’instruction générale donne aux enseignants la capacité de mettre en œuvre la réflexivité et l’esprit critique des élèves, pour ensuite mieux encadrer et faciliter l’analyse critique que ces élèves entreprendront sur des textes lus en classe. Le processus d’encadrement critique, pour le New London Group (1996), implique que les apprenants puissent critiquer de manière constructive la théorie qu’ils ont vue, qu’ils tiennent compte de leur spécificité socioculturelle et qu’ils l’appliquent de manière créative par eux-mêmes (p. 87). Grâce à l’encadrement critique, les élèves peuvent prendre conscience de leurs connaissances sur les métalangages (matériel théorique et analytique sur un texte, par exemple) et parvenir à se connecter à leur expérience personnelle au moyen de textes numériques. Le cadrage critique les engage donc à développer leur autonomie et leur confiance dans leur analyse critique.
À mesure que le cadre pédagogique du New London Group s’élargit, on peut observer une progression corolaire vers des processus cognitifs de niveau supérieur. Dans certaines des phases précédentes, des processus cognitifs d’ordre inférieur peuvent être mis en œuvre tels que l’identification, la compréhension et l’interprétation, mais dans les dernières phases, des processus cognitifs d’ordre supérieur tels que la synthèse et, enfin, la création, peuvent avoir lieu (Anderson et al., 2001). C’est à ce stade qu’une pratique transformée peut apparaître. Les élèves recréent alors un discours à leurs propres fins et, ce faisant, transfèrent des pratiques de création de sens développées précédemment dans d’autres contextes ou histoires socioculturelles (Anderson et al., 2001, p. 87-88). Cette phase offre aux élèves des opportunités uniques d’affermir leur compréhension de ce qui a été développé précédemment et leur permet de l’appliquer à leurs situations et/ou contextes uniques.
Prenant en compte le cadre théorique que nous venons d’expliquer, nos objectifs de recherche étaient : 1) de démontrer les possibilités multilittéraires qui pourraient être engendrées lors de l’enseignement de la littérature numérique dans un cours de littérature de cégep; et 2) de souligner les considérations pédagogiques par rapport à l’enseignement de la littérature numérique.
Cette étude a été réalisée durant trois semaines dans un cours de littérature anglaise, dans un cégep anglophone de la province de Québec, au Canada. Vingt-trois (23) étudiants ont participé à l’étude et les demandes éthiques ont été approuvées par le collège. L’étude s’est déroulée dans l’un des quatre cours obligatoires de langue d’enseignement et de littérature anglaise. Le cours, intitulé Literary Themes: The Self via Technology, avait pour objectif général de démontrer aux étudiants leur capacité à « appliquer une approche analytique à un thème littéraire » (MELS, 2009, p.11). La compétence a été activée et mesurée tout au long du cours, y compris les deux semaines pendant lesquelles l’étude s’est déroulée. Le thème principal de ce cours, dont le titre est éloquent à cet égard, « Le soi via la technologie », examine le rôle de la technologie dans la création de sens et la façon dont la technologie est impliquée dans les conceptions de l’identité humaine. Ce thème a été exploré dans divers ouvrages (nouvelles, essais, films) menant, entre autres, à l’étude présentée ici, et s’est poursuivi tout au long de celle-ci dans laquelle l’attention s’est déplacée vers des textes numériques interactifs. Ainsi, au cours de l’étude, les étudiants ont analysé la façon dont la littérature numérique et les jeux numériques traitent ces thèmes particuliers et ils en ont discuté entre eux. Par ailleurs, ils ont également étudié la manière dont ces thèmes diffèrent (par l’interactivité) des formes de textes plus traditionnelles (imprimés, films).
Les données présentées ci-dessous font partie d’une étude exploratoire, dans le cadre d’une recherche design, surl’enseignement des jeux vidéo et de la littérature numérique pour démontrer les possibilités qu’ont ces textesd’engendrer les multilittératies. Les données sont collectées par le biais de groupes de discussion, notes d’observations des étudiants, leurs commentaires aux discussions en classe, ainsi que leurs textes de fiction hypertextuels. Les données ont été traduites en français par l’auteur. Pour cet article, nous ne recourons qu’aux données faisant partie de l’enseignement de la littérature numérique en lien avec les objectifs mentionnés ci-haut.
Au cours de la première semaine, les étudiants ont été initiés à une forme de littérature numérique appelée « fiction interactive ». La fiction interactive est un genre textuel de la littérature numérique dans lequel le lecteur/joueur progresse dans le récit en tapant des phrases de base. Nous avons montré aux étudiants comment jouer avec ce genre textuel et leur avons présenté une feuille détaillant les mécanismes du jeu (par exemple, les phrases verbales les plus souvent utilisées pour faire avancer le récit). À l’aide de cette information, ils ont joué le texte de fiction interactif intitulé Lost Pig (Jota, 2007). Dans ce jeu, les lecteurs prennent le personnage d’une orque nommée Grunk, qui a perdu un cochon et doit le récupérer. Il s’agit d’un jeu comique dans lequel Grunk répond avec un langage un peu bizarre et cocasse. Contrairement à de nombreux autres textes de fiction interactifs (comme Galatea, dont on discutera plus tard), Lost Pig utilise l’humour dans son récit et pourrait servir de point d’entrée efficace dans le genre, en mettant l’accent sur les possibilités ludiques, et parfois comiques, de ces récits. Après 20 minutes de jeu, les étudiants ont été questionnés sur leurs impressions. Plusieurs ont trouvé le jeu très amusant, mais certains avaient de la difficulté à le visualiser, surtout du fait que l’un des objectifs était de sortir d’une caverne labyrinthique. En effet, tant que les joueurs n’ont pas franchi une étape, ils ne peuvent pas passer à la suivante, ce qui peut leur donner une vision partielle du jeu s’ils n’y parviennent pas. Des analyses de ces discussions seront présentées ci-dessous.
Après Lost Pig, les étudiants ont joué à Galatea (Short, 2000). Dans ce texte, le lecteur-joueur joue le rôle d’un critique d’art visuel et interroge une statue qui est aussi une intelligence artificielle. En tant que critique d’art, il doit lui poser des questions pour découvrir son histoire et son origine. Les étudiants ont eu de la difficulté avec ce texte étant donné les réponses souvent brusques de la statue ainsi que la nécessité de poser des questions très spécifiques. Par conséquent, de nombreux étudiants ont semblé décontenancés par ce texte et s’en sont désintéressés lorsqu’ils ont constaté que la statue révélait peu d’informations sur elle-même.
À la suite de ces séances de jeux, une discussion de groupe s’est engagée sur la façon dont le progrès du récit dépendait de la capacité du lecteur/joueur à bien saisir des commandes précises pour le faire avancer. Ainsi, toute erreur d’orthographe ou de structure de phrase crée un arrêt dans le récit. Un étudiant a lié cela aux interactions avec certaines applications et aussi aux intelligences artificielles comme l’application Siri d’Apple. Une étudiante a expliqué la nécessité d’être précis lors de l’interaction avec Siri, sinon une rupture de communication se produit dans l’application. Elle a fait le lien avec l’application et les textes de fiction interactifs auxquels elle avait joué en classe, en parlant de contrainte de communication et de la nécessité d’être précis.
Ces remarques mettent en évidence un élément clé de la phase de pratique située. L’étudiante a explicitement lié la négociation des mécanismes du jeu à ses expériences actuelles avec la technologie, des expériences qui sont souvent réalisées en dehors de l’école. De plus, une telle perspective révèle des voies intéressantes pour la pédagogie en suscitant des questions et invite à des discussions et réflexions sur l’écriture numérique et les pratiques de communication contemporaines, en particulier celles impliquant des intelligences artificielles telles que Siri. Ainsi, ledéveloppement de cette littératie critique, même informatique, a des implications pour la phase d’encadrement critique, dans la mesure où elle peut permettre aux étudiants de critiquer de manière constructive la théorie qu’ils ont déjà vue, de rendre compte de sa spécificité socioculturelle et de l’appliquer de manière créative par eux-mêmes, tout en établissant des liens avec leurs expériences personnelles face au texte numérique. En outre, le cadre critique des étudiants concerne également des aspects de la littératie technologique dans la mesure où ces étudiants, à travers ces textes, sont capables de développer une perspective analytique et critique des dispositifs technologiques. En effet, comme Dakers (2006) le souligne, l’importance dans l’enseignement de la littératie technologique est de parvenir à aider les étudiants à développer des outils critiques et analytiques pour qu’ils puissent réfléchir au rôle de la technologie, en particulier sur la façon d’interagir avec des acteurs non humains et intelligents.
L’instruction générale, comme le New London Group (1996) le définit, comprend des efforts de collaboration entre l’enseignant et l’étudiant, par lesquels l’enseignant devient un médiateur pour le processus d’apprentissage, en aidant les apprenants à construire des connaissances par eux- mêmes. C’est au cours de cette étape que le rôle de l’enseignant est vital, ce qui se révèle particulièrement vrai pour un genre comme la littérature numérique, et plus précisémentle sous-genre de la fiction interactive, étant donné que de nombreux étudiants ne savent pas comment jouer ou lire ce type de texte, pour lequel ils manquent d’information.
Avant de jouer avec les textes, les étudiants ont reçu une « feuille de triche » (cheat sheet) » (People’s Republic ofInteractive Fiction, s. d.) qui présentait des informations sur la façon exacte dont on interagit avec ce genre de textes. De plus, après avoir remarqué qu’ils éprouvaient des difficultés avec Galatea, on a invité les étudiants à rechercher des tricheries en ligne pour trouver comment compléter ce texte. Il est intéressant de noter que les étudiants ne voulaient pas (ou ne savaient pas) comment rechercher les informations par eux-mêmes ou discutaient avec leurs pairs sur la façon de procéder dans le récit. Ceci pourrait être lié, selon Gee (2007), au fait que certains joueurs ne lisent jamais les manuels de jeux et se lancent plutôt dans le jeu immédiatement en le découvrant au fur et à mesure :
Le problème avec les textes associés aux jeux vidéo – les manuels de jeux, les manuels de procédures et lesguides de stratégie -est qu’ils n’ont pas beaucoup de sens à moins d’avoir déjà vécu dans le monde du jeupendant un certain temps. Bien sûr, ce manque de lucidité peut être compensé si le joueur a déjà lu des textes similaires auparavant, mais à un moment donné, ces textes avaient un sens à l’origine parce que le joueur avait un monde d’expérience incarné avec les jeux en termes de situation et de leurs significations.
(Gee, 2007, p. 98)
Ainsi, le désir de s’immerger dans un jeu au lieu de l’étudier dans l’abstrait est, pour Gee (2007), bien lié au sens situé. Ce qui est intéressant, comme nous l’avons mentionné précédemment, est que les étudiants se sont sentis décontenancés par Galatea après s’y être immergés. Pourtant, il est curieux de constater qu’un nombre peu élevé d’étudiants, après un certain temps, ont tenté de récupérer des informations en ligne pour surmonter leurs difficultés. Au cours du groupe de discussion, un étudiant a clarifié ce qui a pu motiver leur réticence à voir les « sites de triche » : « Lorsque vous jouez à un jeu, vous ne voulez pas vraiment continuer à tricher, car vous voulez avoir la satisfaction d’être autonome (ex. : “Je l’ai fait moi-même, je n’avais pas besoin d’aide”). La culpabilité joue également (ex. : “Oh, je suis allé voir un site pour tricher”) ». Il se pourrait donc que les étudiants soient réticents à l’idée de récupérer des informations sur le jeu, car ils préfèrent s’y plonger pour le comprendre et surmonter les parties difficiles eux-mêmes. Par contre, le temps qu’une personne jouera avant de chercher des solutions est une expérience subjective et pose une interrogation sur le plan pédagogique. Même si les enseignants expliquent bien le jeu et fournissent une fiche d’explication pour montrer aux étudiants comment jouer, on court toujours le risque que ceux-ci se découragent au point de renoncer à leur engagement. Ces préoccupations pédagogiques nous amènent, à travers cette analyse, à nous questionner sur l’enseignement. Ces questions seront discutées davantage dans la conclusion.
Tout au long de l’étude, la multimodalité a été fréquemment évoquée, surtout par rapport au manque de mode visuel dans la fiction interactive, ce qui constituait une lacune assez frappante pour de nombreux étudiants. Au cours du groupe de discussion, à la fin de la première semaine, un étudiant a déclaré : « Parce que comme vous n’avez pas le contrôle du livre, comme les livres sont déjà écrits […] où est le jeu, comme ce jeu auquel nous avons joué aujourd’hui, comme, vous en avez le contrôle, mais on l’a pas en même temps, car il n’y a pas de visuel ». Ici, l’étudiant commence par comparer le rôle d’un lecteur de littérature traditionnelle (livres) avec celui d’un jeu vidéo (fiction interactive), ce qui implique pour lui que le lecteur, dans le premier cas, a plus de contrôle que dans une fiction interactive. De plus, le lecteur/joueur a la capacité de faire avancer le récit en rédigeant certaines actions. Cependant, ce contrôle dans le cas de la fiction interactive est toujours circonscrit, étant donné que le récit est déjà préconçu. Il est aussi intéressant de voir comment l’étudiant laisse entendre que les limites du contrôle sont quelque peu présentes étant donné qu’il n’y a pas de visuel, ce qui peut conduire à une diminution du pouvoir de choix. Et en effet, l’étudiante citée précédemment n’était pas seule à faire ce type d’analyse. Un autre étudiant a également discuté des difficultés d’interagir avec ce type de texte en raison du manque de mode visuel : « Comme c’est difficile parce que quand on est une personne visuelle et maintenant c’est toujours du texte, c’est un peu… il faut le visualiser et c’est dur ». Lorsqu’on lui a demandé pourquoi ce type de visualisation était différent de la lecture de textes littéraires papier, l’étudiant a répondu :
Oui, mais vous ne pensez pas aux jeux vidéo dans [ce] genre, lorsque vous pensez aux jeux vidéo, vous pensez « visuel », que vous voyez et que vous manipulez comme un personnage, si vous voulez. Mais maintenant, dans ce genre, ce sont juste des textes linguistiques. C’est comme, juste, j’ai l’impression que tu n’as pas de contrôle parce que c’est comme, tu ne vois pas, tu le lis et tu l’imagines.
Cette tension entre le visuel et l’interaction démontre l’importance de la multimodalité dans ces types de textes pourcertains étudiants. Bien qu’il s’agisse, d’une part, de leurs attentes envers des jeux numériques ou des textes interactifs, cela constitue néanmoins un enjeu pédagogique pour un enseignant qui prévoit utiliser ces types de textes dans ses cours.
Les commentaires des étudiants ci-haut correspondent à ceux d’autres étudiants lors de leur première lecture de fiction interactive. La conceptrice de jeu Erin Hoffman a rencontré des réactions similaires lorsqu’elle a laissé des élèvestester un prototype de fiction interactif, Mars Generation One: Argubot Academy. Lorsqu’ils ont été interrogés dans un groupe de discussion, les étudiants ont partagé leurs réactions au jeu en disant qu’ils l’avaient apprécié, mais comme l’indique Hoffman : « les éléments spatiaux, comme la cartographie et les relations cardinales, étaient difficiles» (Farber, 2015, p. 71). Le fait que les étudiants dans les deux situations s’appuient fortement sur le mode visuel dans les récits interactifs est intéressant. Tout cela a une importance significative pour l’enseignement de la multilittératie, en particulier le lien avec la multimodalité. En effet, comme Jewitt (2005) et Kress (2010) l’ont noté, les jeunes d’aujourd’hui apprennent à lire et à écrire souvent dans des endroits présentant une variété de modes différents, souvent en ligne. Alors, il n’est pas surprenant de constater qu’ils sont dépendants à ces types de modes, en particulier la combinaison du visuel et du textuel. Mais malgré le manque de visuel dans ce texte, les interactions peuvent être conçues comme un mode gestuel d’écriture et de lecture, car le récit dépend de la capacité du lecteur à faire avancer l’histoire avec des commandes précises. Bien que cela n’ait pas été abordé dans le cours, nous avons constaté que cette formation de multimodalité, unique pour ce type de textes interactifs, ouvre d’autres possibilités de concevoir et d’enseigner ce concept.
Après avoir joué à Lost Pig et Galatea, les étudiants ont dû répondre à des questions en groupe. Les résultats d’une des questions (p. ex. : « Comment amélioreriez-vous ce jeu ? ») étaient particulièrement liés à la phase de pratique transformée, car cela démontrait la façon dont les étudiants recréaient un texte de fiction interactif à leurs propres finset, ce faisant, transféraient les pratiques de création de sens vues précédemment. Les réponses des étudiants couvraient une variété de suggestions par rapport à leurs interactions avec les textes. Ces exemples démontrent leur dépendance àl’égard de pratiques particulières de création de sens. Plusieurs ont suggéré que plus de contexte (informations) sur le jeu aurait été nécessaire, par exemple, une vidéo tutorielle. Comme nous l’avons mentionné, ceci révèle, d’un point de vue pédagogique, l’importance de bien initier les étudiants à ces textes. D’ailleurs, nous avons pris en compte ces commentaires pour l’enseignement du texte de littérature numérique lors de la deuxième semaine d’expérimentation.
D’autres réponses mentionnant l’ajout d’éléments visuels et/ou audio, et plus spécifiquement la création d’une carte pour Lost Pig, mettaient en évidence, encore une fois, l’importance de la multimodalité. L’idée de l’ajout d’une carte souligne la frustration de l’étudiant de ne pas savoir où aller, de ne pas avoir de représentation visuelle de divers endroits ni de pistes dans le récit. Comme mentionné précédemment, ceci révèle certaines attentes des étudiants et la façon dont celles-ci pourraient empêcher la lecture de ce genre de textes. Par ailleurs, certains étudiants ont nommé la nécessité d’améliorer les commandes, car le joueur/lecteur doit entrer des commandes telles que l’insistance sur lesphrases verbales d’actions simples pour que le personnage progresse dans le jeu. On peut comprendre, par là, qu’ils s’attendaient à une méthode d’interaction plus traditionnelle de jeu vidéo, par exemple avec une souris ou une manette de jeu, et la situation leur occasionnait de la frustration.
Dans l’ensemble, la première semaine a été informative à plusieurs égards. L’énonciation de la littératie informatique et critique par rapport à l’intelligence artificielle comme Siri, de même que les implications par rapport à ces littératies dans la pédagogie, nous semble féconde. De plus, les enjeux autour de la capacité des étudiants à lire et à jouer de la fiction interactive se sont avérés intéressants en faisant ressortir la façon dont ils ont utilisé (ou non) les tricheries ou lesdémarches qu’ils ont entreprises pour repérer de tels sites Internet. Cela a mis en évidence l’importance, pour certains étudiants, d’immerger dans les jeux, comme plusieurs joueurs de jeux vidéo ne s’intéressant pas à la lecture des manuels de jeux avant de jouer. Ainsi, l’aspect pédagogique lié à l’enseignement de ces textes était parfois difficile en ce sens que certaines compétences dans la lecture de fiction interactive étaient à établir et les capacités à trouver des manières de surmonter les parties difficiles devaient être développées. En outre, ces difficultés étaient plus apparentes dans la dépendance des étudiants aux images, ce qui démontre l’importance de la multimodalité pour certains d’entre eux. Bien que les possibilités d’engendrer les multilittératies soient évidentes à travers ces textes, le fait de bien considérer les enjeux pédagogiques mentionnés ci-haut revêt également son importance.
La semaine suivante, le cours portait sur l’analyse de la fiction hypertextuelle. Genre entièrement différent de la fiction interactive, la fiction hypertextuelle comporte des hyperliens sur lesquels il faut cliquer pour faire avancer le récit. Cela dit, le choix narratif est toujours limité, étant donné que les pistes narratives sont présélectionnées. Ce genre de littérature numérique tend à inclure plus de modes (tels les modes visuel et audio) et est plus multimodal. Aussi, les diverses possibilités narratives permettent aux étudiants d’envisager différents choix et de réfléchir aux conséquences de ceux-ci.
Les étudiants ont joué deux textes de fiction hypertextuelle, Surviving History: The Fever! (Ponce, 2014) et Beneath Floes (Snow, 2015). Le jeu des deux textes a été suivi d’une discussion ainsi que d’une analyse. Les données pertinentes de ces situations seront présentées plus avant. De plus, les étudiants ont également créé leur propre fiction hypertextuelle à l’aide de l’application Twine, destinée à créer des récits hypertextuels. Bien que cette application soit facile à utiliser, l’enseignanta brièvement orienté les étudiants dans la réalisation d’hypertextes de base, sans son ni image. Une analyse de leurs textes et des littératies pertinentes seront également discutées ci-dessous.
Pour le New London Group (1996), l’importance de relier les expériences personnelles, et donc subjectives, est primordiale. Selon Gee (2007), l’expérience personnelle, située dans la pratique, crée un lien avec le développement de la connaissance dans des situations d’apprentissage et aide au développement de la littératie; c’est ce que l’auteur appelle le « sens situé » (situated meaning). Selon lui, le sens situé est possible avec des textes numériques interactifs, dans la mesure où ils produisent un sens fonctionnel des mots, termes et concepts. Étant donné que le lecteur/joueur est incité à faire un lien avec le mot (ou l’image) dans l’interaction, il produit un sens situé. De plus, ce sens situé peut avoir des liens avec la façon dont un lecteur incarne un personnage. Lors des discussions, un étudiant a mentionné cet aspect :
Il utilise le point de vue de la deuxième personne. Le narrateur nous lit l’histoire. Vous sentez que vous faites partie de l’histoire, que vous êtes le protagoniste de l’histoire. Pour moi, cela affecte mon interprétation dans le sens où je ne veux pas agir sans penser à la condition. Je me soucie du personnage parce que c’est moi, je ne veux pas que « moi-même » j’aie des ennuis ou traverse une mauvaise fin. Ce qui m’amène à être plus prudent avec les décisions que je prends. Cela me conduit également à me sentir plus attaché à l’histoire, je prends le temps de visualiser l’histoire plus que si je ne sens pas que j’appartiens à cette histoire.
L’élément de sens situé (la façon dont le lecteur/joueur incarne un personnage et interagit comme lui) a des implications importantes, non seulement pour l’apprentissage de la littératie, mais aussi pour l’enseignement de la littérature. Situer les connaissances et l’action à travers leur interaction a permis à certains étudiants d’être plus autoréflexifs, dans la mesure où ils sont devenus participants et acteurs. Ainsi, étant donné que les cours de littérature au cégep visent à « développer des stratégies qui favorisent la réflexion sur leurs connaissances et leurs actions »
(MELS, 2009, p. 3) et à promouvoir « une pratique réfléchie et éthique dans l’apprentissage et les actions [des élèves] » (p. 7), les situer dans l’apprentissage devient plus significatif par ces textes numériques interactifs. En effet, cette expérience, bien que virtuelle, les rapproche d’autant plus d’un apprentissage expérientiel (Kolb et Fry, 1975), développant ainsi un sens plus concret et moins théorique. Ces apprentissages plus expérientiels, présentés par ces textes numériques, leur permettent de rencontrer plus activement des situations ou des pratiques de vie réelles et lesaident à développer un lien entre la théorie et la pratique.
Durant la deuxième semaine, certains éléments, pouvant être identifiés comme relevant de l’instruction générale, ont davantage suscité une pensée réflexive pendant l’enseignement des textes. Par exemple, l’échafaudage des textes était un processus plus explicite au cours du premier jour pour s’assurer que les étudiants avaient assez d’informations par rapport à l’interaction avec les textes, mais surtout pour qu’ils prennent conscience des mécanismes narratifs spécifiques à la fiction hypertextuelle (p. ex. : cliquer sur les liens peut faire avancer le récit, mais nous amène à plusieurs pistes différentes). Plus important encore, lors de la création des hypertextes, l’enseignant a davantage pris le rôle de médiateur dans le processus d’apprentissage. Ainsi, il a pris du recul en permettant aux étudiants de construire des connaissances entre eux et par eux-mêmes, au lieu d’imposer leur propre coconstruction. Cette façon de faire a apparemment eu du succès, car les élèves ont été observés en train de s’entraider et de s’interroger sur la façon dont ils pourraient améliorer leurs textes. Du point de vue du rôle de médiateur de l’enseignant, la négociation de sens a semblé plus efficace au cours de l’étude et les étudiants ont paru plus engagés alors que l’enseignant était moins présent qu’à d’autres moments.
Lors du groupe de discussion faisant suite au dernier cours de la semaine, un étudiant a nommé une dynamique intéressante en matière de littératie culturelle. Il s’agissait de son expérience en jouant le récit hypertextuel Surviving History: The Fever!
Ouais… pareil pour moi, comme dans The Fever, j’ai l’impression d’avoir appris davantage à faire [partie de] la culture des médecins, la communauté des médecins. Donc, quand vous avez le choix d’aider ou de ne pas aider, comme j’étais plus comme… définir l’action pour aider les gens, parce que je sentais que je faisais partie de la culture du médecin principalement. Et le but de mon jeu dans celui-là, c’était d’aider, plus que l’autre. [Dans Beneath Floes] C’est surtout une histoire culturelle avec le Nunavut et, genre, nous l’avons appris, mais il me semble qu’une légende… comme quelque chose que nous… comme nous disons aux enfants avant d’aller se coucher, qui est transmise d’une génération à une autre.
Une définition de la littératie culturelle porte sur ce qui est approprié et inapproprié dans un contexte social ou une communauté donnée (Hinkel, 2001). L’étudiant a appliqué cette notion à l’hypertexte de Surviving History, mais il l’a également liée à une autre compréhension de la littératie culturelle, celle des connaissances culturelles générales (Baillargeon, 2011; Hirsch, 1987) avec l’autre hypertexte vu cette semaine-là, soit Beneath Floes. Le passage d’une compréhension de la littératie culturelle comme transmission des connaissances à l’aspect plus socioculturel, lié à la manière d’agir dans une communauté culturelle particulière, est intéressant dans l’énoncé de cet étudiant. Bien qu’il n’ait pas appris cette différence, il a pu faire des distinctions subtiles (et implicites) dans l’apprentissage des littératies.Plus important encore, cela montre comment un texte, en raison de ses éléments plus interactifs, peut permettre aux étudiants d’appliquer leurs connaissances culturelles générales à un site socioculturel particulier.
Toujours dans ce même groupe de discussion, un étudiant a fourni une perspective critique unique à l’égard de ces textes interactifs. Il a souligné des points pertinents concernant la façon dont le récit, et donc l’interprétation de celui-ci peut être différente selon la personne et son interaction singulière :
Je pense que ça rend les choses compliquées, parce que vous n’avez jamais… ce n’est jamais la même histoire, donc ça rend difficile de voir comment ça pourrait être… vous pourriez penser à une sorte de chose, mais alors quelqu’un d’autre, comme juste de l’autre côté de la pièce qui joue le même jeu que vous, mais c’est d’avoir une autre action ou un autre type d’histoire que vous, parce que vous avez fait un autre choix à un moment donné et vous allez à un autre type de… Je ne sais pas, point de l’histoire. Donc, le thème que nous avons peut-être ne sera pas le même que le leur donc… ce serait plus, comme… je ne sais pas, dérangeant,parce que l’un peut être très sombre et parfois l’autre est juste de la joie, du plaisir et vous essayez juste de survivre à un moment donné, donc vous n’aurez pas comme… l’autre ne veut peut-être pas que vous ayez, comme, beaucoup de perceptions de ce jeu.
Le commentaire de l’étudiant est important dans la mesure où, non seulement il révèle que les lecteurs n’ont plus une expérience partagée du même récit, mais il met aussi en évidence des problèmes potentiels au niveau pédagogique. Par exemple, on pourrait s’interroger sur la façon dont un enseignant est censé discuter de l’intrigue dans un récit, avec une variété de récits différents, selon le choix de chaque personne. De plus, le commentaire pose une question critique sur la manière dont la technologie numérique peut permettre la « balkanisation » ou le « tribalisme » des perspectives dans la mesure où les gens ne recherchent ou ne consomment que des informations qui confirment leurs croyances et leurs attitudes et vont rarement explorer des vues opposantes (Chen et Gu, 2004). En effet, ces questions et considérations apportent une perspective critique sur les conséquences sociales et politiques de l’utilisation des technologies numériques. Bien que les médias sociaux nous donnent accès à une grande quantité d’informations sur les enjeux sociaux et politiques, ils nous permettent aussi d’être confinés dans une bulle d’informations et de réseaux qui répètent et nous présentent seulement la perspective avec laquelle nous sommes d’accord. Ces enjeux révèlent un débat fort intéressant qui mériterait d’être exploité durant le cours lors de l’utilisation de ces technologies.
Avec l’ajout des différents modes (audio et visuel) dans ces textes, l’importance de la multimodalité a été soulignée par certains étudiants. Dans les réponses soumises à partir des questions de discussion, un étudiant a mentionné l’importance de la multimodalité pour mieux comprendre le personnage principal :
Dans Beneath Floes, la multimodalité est un important dispositif littéraire. L’ajout de divers modes, tels que l’audio, le linguistique et le visuel, a aidé le lecteur à mieux comprendre le contexte et l’ambiance del’histoire. Sans les modes audio et visuel, il aurait été plus difficile pour le lecteur de comprendre les émotions du personnage principal.
La multimodalité, en tant que concept, a été expliquée aux étudiants durant cette deuxième semaine d’expérimentation. Il s’agit d’un élément de métalangage que les étudiants ont eu la possibilité d’appliquer dans leurs analyses. Les textes de genre hypertextuel étaient bien conçus, interactifs (hyperliens) avec l’ajout de son/image pour susciter la compréhension des différents modes en jeu. La réponse de l’étudiant démontre aussi comment sa concentration sur les « émotions du personnage principal », à travers les éléments de multimodalité, est également liée à l’analyse littéraire, en particulier la création de personnages. La multimodalité, par les pistes qu’elle propose, pourrait permettre aux étudiants de mieux comprendre des textes semblables, surtout hors de l’école.
Pour la phase de pratique transformée, les étudiants ont créé des récits hypertextuels en relation avec des thèmes de leur intérêt. Étant donné que la pratique transformée met en évidence la capacité des étudiants à recréer un discours à leurs propres fins, la possibilité de création de récits hypertextuels offrait des pistes intéressantes. Il était particulièrement impressionnant de voir comment les étudiants étaient capables de créer des choix narratifs ainsi que les conséquences de ceux-ci, dans les textes hypertextuels. De plus, cela a permis d’établir de nouvelles méthodes d’écriture multimodale dans la classe, surtout celles qui pourraient être plus significatives et engageantes (Rowsell et Decoste, 2012, p. 258). Plus important encore, une telle création de récits numériques a le potentiel d’ouvrir des pistes pédagogiques en vue des futures études. On pourrait, entre autres, penser au genre de la fan fiction dans lequel les étudiants peuvent utiliser des récits vus en classe ou dans leurs propres vies, dans une perspective transmédiatique visant à s’approprier des récits établis et à les développer à leurs propres fins (Boulay et al., 2010; Jenkins, 2006).
Bien que les étudiants aient créé la majorité de leurs récits à la maison (ils les ont entrepris vers la fin du deuxième cours de la deuxième semaine), seuls quelques aspects de leur multilittératie ont été observés en classe. Par exemple, les étudiants étaient tout à fait aptes à résoudre des problèmes rencontrés et étaient capables de surmonter les problèmes techniques. De plus, de nombreux étudiants ont été observés en train de visiter des sites Internet pour résoudre des problèmes. Ils écoutaient aussi des vidéos sur YouTube pour surmonter des difficultés qu’ils avaient rencontrées avec Twine, ce qui touche la littératie informationnelle. Cependant, il était encore plus étonnant de voir comment les étudiants ont pu dramatiser, à travers leurs récits, des sujets et des thèmes touchant leurs vies.
Parmi les nombreux thèmes et sujets abordés dans leurs récits, la critique de la technologie était un des plus intéressants. Ainsi, un étudiant a présenté un récit dont le personnage principal était souvent victime d’accidents à cause de sa dépendance à son téléphone intelligent. Sa critique technologique, à travers l’utilisation du récit interactif, a révélé un exemple intéressant de littératie critique. Plus intéressante encore, dans leurs récits hypertextuels, est ladramatisation des situations qu’ils rencontrent dans leur propre vie et dans leur avenir. Par exemple, deux étudiants ont utilisé le thème d’une fête entre amis pour leur sujet narratif, dramatisant les conséquences de la consommation excessive d’alcool. Deux autres étudiants ont discuté des choix et conséquences d’aller à l’université ou de voyager après le cégep. Ces derniers exemples démontrent la capacité des récits hypertextuels à permettre aux étudiants de négocier des choix de vie complexes, ainsi que leurs conséquences potentielles, à travers un genre de texte qui permet des possibilités multiples. Dans une perspective de multilittératie, la dramatisation de vie est liée à l’importance de l’identité dans la littératie (Norton, 2013), y compris la négociation d’identité en ce qui concerne les jeux numériques (Barab et al., 2010; Gee, 2007). Grâce à ces créations de récits hypertextuels, les étudiants sont parvenus à créer des identités, souvent très similaires aux leurs, et à porter un regard autoréflexif sur leur vie et sur les choix qu’ils ont réalisés ou qu’ils feront. Une telle réflexivité à partir de situations authentiques démontre les avantages de ce type d’activité de création lors de l’utilisation de ces textes numériques.
Comme la semaine 1, la semaine 2 a révélé plusieurs enjeux importants pour l’enseignement de ce type de textes. Quoique dans le développement de la littératie il s’agisse principalement de la relation entre l’étudiant et les textes, on oublie souvent un élément important dans cette relation, c’est à dire, le sens situé. L’efficacité dont certains textes interactifs facilitent un sens situé à travers l’interaction aide plusieurs étudiants à établir des liens plus significatifs. Ces liens peuvent donner aussi un sens expérientiel, ce qui est essentiel dans la littératie. Ceci est apparu particulièrement évident dans l’exemple de la littératie culturelle lorsque l’étudiant s’est senti interpellé en étant invité à agir comme médecin dans une communauté. De plus, la nuance entre ce concept de littératie culturelle – plutôt socioculturelle – revêt une autre définition, celle de la transmission des connaissances culturelles. Celle-ci nous a impressionné et pourrait nous fournir de nouvelles pistes pédagogiques à considérer.
Le côté expérientiel des étudiants ne ressortait pas uniquement en tant que lecteurs passifs, mais également en tant que créateurs actifs, en particulier lorsqu’ils ont eu l’occasion de créer leurs propres récits numériques relatant des moments de leur vie. Tout cela indique un aspect essentiel de la littératie médiatique multimodale, c’est-à-dire de faire des étudiants des lecteurs actifs, producteurs, plutôt que des lecteurs passifs ayant un esprit de consommation (Lebrun et al.,2012, p. 224). Comme créateurs (et cocréateurs dans leurs habilités de s’entraider avec l’application Twine), les étudiants ont paru plus engagés durant les moments de création qu’ils ne l’ont été tout au long de l’étude. Leur passion et leur intérêt durant ce travail étaient palpables dans leurs récits hypertextuels.
La mise en œuvre du cadre pédagogique adopté par le New London Group (1996) a révélé les moyens d’actualiser certaines littératies avec la littérature numérique. Nous avons relevé quelques défis concernant son déploiement. Par exemple, deux approches ont été envisagées : l’une consistait à développer le contenu du cours en fonction de sa pertinence dans chaque étape pédagogique (pratique située, instruction générale, encadrement critique et pratique transformée) et, par conséquent, à le détacher du matériel jugé inapproprié pour chaque étape. L’autre approche consistait à présenter le contenu au groupe, de la manière dont il serait normalement enseigné, et par la suite, à mettre en évidence la partie du matériel appliquée à chaque étape pédagogique. Cette approche favorisait les liens possibles entre les contenus du cours et, potentiellement, faisait en sorte que les littératies émergent organiquement. L’étude présentée ici a adopté cette dernière approche. À certains égards, celle-ci a bénéficié de quelques-unes des critiques de Leander et Boldt (2013) ou de Jacobs (2013), qui ont souligné combien le cadre pédagogique du New London Group était contraignant et hyperrationnel. Comme le souligne Jacobs (2013), la mise en œuvre du cadre pédagogique doit être menée judicieusement.
Étant donné que notre étude était exploratoire, il faudrait prolonger la recherche pour véritablement tester l’efficacité du cadre pédagogique en lien avec la littérature numérique. Bien qu’un certain nombre de littératies aient été articulées tout au long de cette recherche, lors de la lecture de ces œuvres, des connexions plus explicites à chaque phase, mieux intégrées dans l’enseignement, doivent être mises en place. De tels travaux permettent aux chercheurs et aux enseignants d’en arriver à une conception pédagogique plus concrète offrant davantage de possibilités d’enseignement des littératies multiples.
En fin de compte, les objectifs visant à démontrer les possibilités multilittéraires qui pourraient être engendrées lors de l’enseignement de la littérature numérique dans un cours de littérature de cégep tout en soulignant les considérations pédagogiques par rapport à l’enseignement de la littérature numérique sont atteints. L’intégration de la littérature numérique dans la salle de classe a le potentiel de mettre en œuvre un certain nombre de littératies et peut aussi permettre aux étudiants de porter un regard réflexif sur leurs pratiques numériques. De plus, la littérature numérique peut être conçue comme permettant une convergence de littératies (Jenkins, 2006), y compris le développement des compétences du XXIe siècle. La littérature numérique fonctionne de manière unique, tant par sa forme (par son interaction particulière) que par son contenu (en tant que texte littéraire). Pour cette raison, elle occupe une place importante dans la classe de littérature. Cela ne signifie pas que les textes numériques devraient remplacer tous les modes et les formes de littérature. Cependant, ils devraient être pris en compte et les étudiants devraient avoir la possibilité de les utiliser, de les créer et d’analyser des textes interactifs numériques qui peuvent les engager dans des pratiques et des littératies plus contemporaines, comme discuté auparavant. Néanmoins, il est clair que l’enseignement de ces textes, en raison du support technologique qu’il requiert, exige une réflexion approfondie avant de pouvoir être opérationnalisé dans la classe. En raison des multiples opportunités qu’ils engendrent, les textes numériques comportent des complexités également multiples. Par conséquent, pour mieux éduquer les enseignants à la façon d’intégrer les jeux numériques dans les salles de classe, les universités gagneraient à envisager d’intégrer la littérature numérique et l’apprentissage par les jeux dans leurs programmes de formation des enseignants.
Cette étude a montré le fort potentiel de favoriser des possibilités d’apprentissage uniques, mais il reste encore beaucoup à faire en collaboration avec les étudiants et les enseignants pour approfondir les connaissances collectives dans ce domaine. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour décrire et discuter de l’utilisation des textes dela littérature numérique en classe. En effet, une possibilité pourrait être de créer un concept de recherche itérative multiple (sur plusieurs trimestres) pour interroger les possibilités d’enseignement et d’apprentissage que la littérature numérique fournit dans une salle de classe de littérature.
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