La documentation pédagogique est une forme de littératie multimodale pouvant être exploitée en classe d’éducation préscolaire puisque l’enseignante rend visibles la pensée, les actions et les apprentissages des enfants, notamment en ayant recours à des panneaux de documentation pédagogiques (Jacob et al., 2021). Les enfants sont alors exposés à différents modes de communication, dont leurs photos et leurs paroles en situation de jeu, et amenés à interagir avec ces derniers. Une recherche collaborative menée avec une enseignante de maternelle 5 ans a permis de capter, à partir de panneaux de documentation pédagogique, la pensée, les actions et les apprentissages des enfants lors des jeux libres et de comprendre la manière dont l’enseignante donne du sens à leurs apprentissages en discutant avec eux lors du partage de ces panneaux. L’article met aussi en lumière la façon dont l’enseignante a permis aux enfants de développer leurs théories de coconstruction (Hedges, 2014), c’est-à-dire la manière dont ils traitent les connaissances spontanées et les utilisent de façon créative pour interpréter de nouvelles informations sur des sujets qui les intéressent.
Pedagogical documentation is a form of multimodal literacy that can be useful in preschool classes, as the teacher makes children’s thinking, actions, and learning visible through the use of pedagogical panels (Jacob et al., 2021). Children are exposed to, and prompted to interact with, different modes of communication, including their photographs and transcripts of their conversations in play situations. This collaborative research project with a kindergarten teacher allowed us to capture, through pedagogical documentation panels, children’s thinking, actions, and learning during free play, and to understand how the teacher made sense of children’s learning through discussions while sharing these panels. The article will also shed light on how the teacher helped children develop their working theories (Hedges, 2014), in other words, how they process spontaneous knowledge and use it creatively to interpret new information about topics that interest them.
Cet article décrit un projet réalisé avec une enseignante à l’éducation préscolaire 5 ans et les enfants de sa classe. Accompagnée d’une équipe de chercheuses, elle a rendu la pensée, les actions et les apprentissages des enfants visibles durant les jeux libres grâce à la documentation pédagogique (DP), un processus qui peut impliquer, entre autres, des photos et la transcription des paroles des enfants sous forme de verbatims. Cette approche, constitue une forme de littératie multimodale, puisqu’elle intègre l’image et le texte sur un support physique (Lebrun et al., 2012). Les enfants sont ainsi amenés à développer des compétences en émergence de l’écrit multimodal dans ce contexte. La DP est encore peu exploitée au Québec par les enseignantes1 en éducation préscolaire, mais permet pourtant d’observer, de soutenir et d’accompagner les enfants dans leur développement et leurs apprentissages (Boudreau et al., 2021).
La DP émerge des écoles préscolaires du Reggio Emilia, en Italie et est adoptée à travers le monde (Paquette, 2023). Au Canada, la DP est une pratique éducative récente (Brown, 2021). Elle tire son origine dans la province ontarienne et elle est devenue une attente de pratique évaluatrice à l’éducation préscolaire pour le ministère de l’Éducation de l’Ontario (OME, 2013, 2014a, 2016). En effet, dans le Programme de la maternelle et du jardin d’enfants de l’Ontario, la documentation pédagogique est notamment utilisée pour coconstruire les apprentissages avec les enfants, puisque celle-ci est partagée et interprétée avec eux (OME, 2016). D’autres provinces ont aussi intégré la documentation pédagogique comme pratique pour soutenir les enfants dans leur développement et leurs apprentissages, par exemple dans le cadre d’éducation à la petite enfance d’Alberta (Makovichuk et al., 2014) et en Colombie-Britannique (ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2008; 2019). Au Québec, la documentation pédagogique est quasi inexistante dans les classes d’éducation préscolaire et absente du Programme-cycle de l’éducation préscolaire (MEQ, 2021). Certains centres de la petite enfance inspirés par l’approche éducative de Reggio Emilia utilisent cette pratique (Paquette, 2023), mais elle n’est pas mentionnée dans le programme éducatif des services de garde à l’enfance (MFA, 2019). Plusieurs auteur·rice·s reconnaissent la documentation pédagogique comme utile pour explorer les expériences des enfants pendant les jeux libres qui constituent un contexte ludique d’apprentissage (Carr et Lee, 2019, Matsumoto et al., 2023).
Mondialement, le jeu est aussi reconnu comme un droit de l’enfant par plusieurs organisations, notamment l’Organisation Mondiale pour l’Éducation Préscolaire (OMEP) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Brougère (2005) le caractérise comme une activité fictive comprenant des règles que les joueurs doivent accepter, mais dont ils ont la liberté de décider. Selon sa perspective, le jeu est aussi une activité frivole, c’est-à-dire qu’il y a absence de conséquences, et qu’il est incertain quant au résultat attendu. C’est donc une activité agréable qui est volontaire ou librement choisie par l’enfant (Landry et al., 2021; Lemay et Landry, 2021). Dans sa définition, Brostöm (2017) le caractérise comme une activité productive et créative où l’enfant est un participant actif et dans laquelle il peut interagir et communiquer avec d’autres personnes ouvrant la voie à ses apprentissages et à son développement. Au Québec, depuis les quarante dernières années, tous les programmes d’éducation préscolaire s’adressant aux enfants âgés de quatre à six ans (MEES, 2017; MELS, 2001; MEQ, 2021, MEQ, 1981) produit par le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) ont présenté le jeu comme un contexte de développement et d’apprentissages. Le nouveau Programme-cycle de l’éducation préscolaire (MEQ, 2021) prescrit le jeu libre quotidiennement :
[l’enfant] apprend par l’imitation, l’observation, l’expérimentation ou le questionnement, mais le jeu est sa manière privilégiée d’apprendre et l’aide à développer son plein potentiel. Par le jeu, l’enfant […] acquiert des connaissances et des concepts, structure sa pensée et élabore sa vision du monde pour s’approprier la réalité. De ce fait, l’enfant devrait bénéficier chaque jour de deux périodes de 45 à 60 minutes de jeu libre, où il choisira avec qui et avec quoi il jouera.
(MEQ, 2021, p. 9)
Alors qu’au Québec, le temps consacré au jeu libre est prescriptif, on remarque que dans certains milieux éducatifs à la petite enfance, le jeu est omniprésent (Xu et al., sous presse). Dans ces moments, plusieurs formes de jeu peuvent apparaitre, dont le jeu psychomoteur, symbolique, de construction, de règles, etc. (Landry et al., 2021; Xu et al., sous presse). Or, même si la pertinence du jeu pour soutenir le développement global des enfants est reconnue scientifiquement, les chercheurs remarquent un désintérêt du jeu par certaines enseignantes au profit de réalisation d’activités dites plus structurées par l’adulte et qui tient moins compte des intérêts des enfants (Bassok et al. 2016; Maldona et al., 2023; Miller et Almon, 2009; Trawick-Smith, 2012). En effet, selon leur compréhension du jeu, et celle du programme éducatif, les moments de jeux libres sont plus ou moins exploités en classe d’éducation préscolaire, et ce, même si elles déclarent qu’elles sont favorables au jeu (Blom, 2015; Faas et al., 2017; Jacob et al., 2020; Lynch, 2015; Wood, 2014). Un autre défi pour certaines enseignantes lors des moments de jeux libres est qu’elles ne voient pas tous les apprentissages qui y sont intégrés (Carr et Luken, 2014), contrairement aux activités dirigées où elles ont l’impression que les enfants apprennent à partir de leur enseignement. Toutefois, lorsqu’elles comprennent et s’aperçoivent que des apprentissages sont au cœur du jeu libre des enfants, elles tiennent davantage compte de leurs intérêts et de leurs initiatives (Cook, 2017; Einarsdottir, 2017).
Par ailleurs, les chercheurs qui documentent la perspective des enfants sur le jeu et les apprentissages la montrent différente de celle d’un adulte (Einarsdottir, 2017; Fleer, 2015). Les enfants catégorisent le jeu comme étant une activité plaisante, ludique, non obligatoire, qui est une occasion pour eux de faire-semblant, avec une absence de but précis et sans la présence d’adultes (Einarsdottir, 2017; Howard et al., 2006). Les enfants voient l’apprentissage comme une activité obligatoire en présence de l’enseignante et qui se réalise assis aux tables de travail (Pyle et Alaca, 2018).
Cette introduction soulève un besoin de mieux comprendre comment le jeu et les apprentissages coexistent en classe d’éducation préscolaire au Québec et comment la DP peut être un outil de littératie multimodale pour rendre visible le développement et les apprentissages des enfants. D’ailleurs, il existe peu d’études réalisées avec des enfants et leur enseignante sur la façon dont le jeu et l’apprentissage sont intégrés en classe (Pramling et Pramling, 2013). La compréhension du jeu par les enseignantes et sa relation avec le développement et les apprentissages est un sujet qui doit continuer d’être exploré, mais la recherche doit aussi réunir des chercheurs et des praticiens pour échanger et discuter de ces éléments afin de réorienter les milieux de pratique (Ryan et Northey-Berg, 2017). Ces pistes d’actions précédentes nécessitent une étroite collaboration entre chercheurs et praticiens, ce que cet article met en lumière.
La collaboration avec une enseignante à l’éducation préscolaire 5 ans a pris son élan à l’automne 2017. La chercheuse principale a contacté l’enseignante, puisque cette dernière souhaitait collaborer avec des professeurs universitaires. Une relation de confiance s’établit entre la praticienne et la chercheuse au cours de l’année 2017-2018. Celle-ci a déposé une demande de financement, en collaboration avec deux cochercheuses, au Consortium régional de recherche en éducation (CRRE) au printemps 2018, un organisme qui promeut la recherche collaborative au Saguenay-Lac-Saint-Jean, une région du Québec. L’intérêt de l’enseignante à s’insérer dans une démarche de recherche collaborative se traduisait par un désir de transmettre des exemples de sa pratique (p. ex., étudiantes en formation initiale, autres enseignantes en exercice à l’éducation préscolaire). Par ailleurs, elle questionnait sa pratique quotidienne et souhaitait entrer dans une démarche réflexive, tout en étant accompagnée dans cette démarche. Elle voulait, entre autres, mieux soutenir les intérêts des enfants dans les activités et les moments de jeux libres. De son côté, l’intérêt de l’équipe de chercheuses était de documenter les pratiques de cette enseignante tout comme le développement et les apprentissages des enfants durant les jeux libres au moyen de la DP, une approche méconnue de l’enseignante qui a accepté de l’intégrer à ses pratiques dans le cadre de la recherche. La DP, une méthode pour « rendre les apprentissages des enfants visibles » semblait une avenue prometteuse pour expliciter les liens entre le jeu et les apprentissages des enfants, non seulement pour les enseignantes, mais également pour les enfants et les parents (Southcott, 2015). En plus, comme la DP utilise des images et des textes, il convenait donc de la mettre en pratique en collaboration avec l’enseignante afin que cette dernière puisse plus largement diffuser des exemples de pratiques de mise en œuvre de DP en classe.
Pour soutenir la compréhension de l’objet de recherche, les théories de coconstruction seront définies. Ce cadre permet de mieux situer les apprentissages des enfants qui se construisent à partir de leur compréhension initiale. Le cadre d’analyse propose également de s’arrêter plus précisément sur les concepts de la DP et des situations de développement et d’apprentissage afin de mieux saisir leur complexité dans ce projet de recherche.
L’utilisation des théories de coconstruction comme cadre de référence dans cet article permet d’identifier les apprentissages dans les jeux libres. C’est dans le programme de la petite enfance Te Whāriki en Nouvelle-Zélande que le concept des théories de coconstruction (working theories) (Ministry of Education, 1996) a pris naissance. Selon cette théorie, les apprentissages, les habiletés et les attitudes des enfants se développeront dans un contexte où ils participent aux activités familiales, éducatives (scolaires) et communautaires, ce qui formera leurs théories de coconstruction (Hedges, 2014; Ministry of Education, 1996). Hedges (2014) définit les théories de coconstruction comme étant des manières dont « les enfants traitent les connaissances intuitives, quotidiennes et spontanées et les utilisent de façon créative pour interpréter de nouvelles informations afin de penser, de raisonner et de résoudre des problèmes dans des contextes plus larges » (traduction libre, p. 40). En classe d’éducation préscolaire, les théories sont représentées lorsque les enfants établissent des liens entre leurs connaissances initiales et les expériences actuelles sur des sujets qui les intéressent (Hedges, 2014). Elles se développent et prennent de l’expansion lorsque les enfants collaborent, construisent et partagent leurs savoirs (Hargraves, 2014; Hill et Wood, 2019; Ministry of Education, 1996). Les théories de coconstruction s’observent facilement dans les moments de jeux libres puisque les enfants démontrent l’expression de leurs intérêts en participant et en choisissant librement l’activité et le matériel qui les intéressent le plus (Hill et Wood, 2019). Un des moyens employés dans les recherches pour rendre visibles les théories de coconstruction des enfants est l’utilisation de la DP (Areljung et Kelly-Ware, 2017; Hargraves, 2014; Peters et Davis, 2011), concept décrit dans la prochaine section.
La DP se réfère à une procédure qui rend visibles les activités quotidiennes de la classe, les défis, le jeu et la pensée des enfants ainsi que celle des adultes (Carr et Lee, 2012; Giudici et al., 2001; Mauffette, 2008). Elle s’appuie notamment sur le principe de l’image de l’enfant compétent et unique (Paquette et al., 2016). Elle favorise une vision globale du développement de l’enfant en illustrant la complexité et la complémentarité des domaines le composant (Boudreau et al., 2021). En s’inscrivant dans une démarche de DP, l’enseignante s’engage dans un processus réflexif et documente avec les enfants le sens de leur pensée, de leurs actions et de leurs apprentissages. En ce sens, la DP est considérée comme une approche de littératie multimodale, puisque les enfants sont amenés à s’éveiller à la lecture et à l’écriture grâce au support visuel et aux images, ce qui fait référence aux « lecteurs » d’images (Martel et Sala, 2018). Par les images produites par la démarche de DP, les enfants peuvent interpréter et décoder leurs actions, leurs pensées, leurs apprentissages et leurs jeux, en plus de développer des compétences en littératie.
Dans la réalisation de la DP, l’enseignante détermine une situation dans laquelle les expériences vécues par les enfants seront relevées (Boudreau et al., 2021; Dahlberg et al., 2012). Dans cette étude, ce sont les moments de jeux libres qui ont servi à documenter les apprentissages et le développement des enfants. Une fois qu’elle identifie une situation à documenter, l’enseignante garde des traces en choisissant les outils les plus pertinents (p. ex., photos, discussions entre les enfants, vidéos) (Blom et d’Amico, 2016). Elle les dispose sur un support visuel pouvant prendre différentes formes : babillard, affiche, fichier numérique (PPT, PDF). Un défi dans la pratique des enseignantes est le fait de disposer la DP dans un format qui sera accessible aux enfants et le temps consacré à cette démarche (Jacob et al., 2021; Knauf, 2018). Dans notre recherche, ce sont principalement les photos et les paroles des enfants qui ont été utilisées et mises dans un support visuel que nous nommons « panneaux de DP ». Ces panneaux comprennent des photos d’enfants et quelques-unes de leurs paroles sous la forme de verbatims captées durant leur jeu. Ils sont ensuite partagés avec les enfants, la famille, les collègues ou encore la communauté. Ces panneaux de DP peuvent alors révéler des pistes d’actions pour les enfants (p. ex., de nouveaux apprentissages, une nouvelle manière de jouer) ou encore des interventions à mettre en place pour l’enseignante, notamment des situations de développement et d’apprentissage (Boudreau et al., 2021). Généralement, les adeptes fervents de la DP proposent de la partager avec la communauté par une exposition afin de rendre compte des perspectives et des droits des enfants. Toutefois, dans notre recherche, les panneaux ont été conçus dans l’optique de les partager avec les enfants. Ainsi, une interprétation conjointe de la chercheuse et de l’enseignante était réalisée oralement lors de leur partage avec les enfants.
Les situations de développement et d’apprentissage sont planifiées et conçues par l’enseignante pour permettre aux enfants de les réaliser en vue d’atteindre un but. À l’éducation préscolaire, ces situations peuvent se dérouler « dans le jeu » ou « par le jeu ». Dans le modèle pédagogique de Marinova (2014), la chercheuse définit le jeu comme étant strictement un jeu symbolique où les enfants sont amenés à jouer à faire-semblant. Dans ce modèle, l’enseignante peut proposer des situations d’apprentissage avec emprunts au jeu (SAEJ) et des situations d’apprentissage issues du jeu (SAIJ). Les SAEJ sont conçues par l’enseignante dans une perspective d’apprentissage par le jeu. Dans cette perspective, le jeu est utilisé pour amener les enfants à s’intéresser à l’activité et pour les soutenir dans la tâche qu’ils ont à accomplir. Toutefois, les apprentissages précèdent ou succèdent le jeu symbolique des enfants. À titre d’exemple, l’enseignante pourrait planifier un atelier afin que les enfants découvrent la hauteur des notes en musique. Elle mettrait à la disposition des enfants des blocs Lego. Les enfants seraient invités à construire des tours de différentes hauteurs. Plus la tour est grande, plus ils devraient trouver un objet ou un instrument de musique qui reproduit un son aigu. Les SAIJ naissent au cœur du jeu symbolique afin de répondre à un besoin exprimé par l’enfant. Elles sont des « activités spontanées des enfants ou indirectement proposées par l’enseignante qui, tout en poursuivant un objectif pédagogique, se déroulent dans le jeu et selon sa “logique” » (Marinova, 2014, p. 111). En guise d’exemple, alors que les enfants jouent avec différents instruments présents dans la musique et font semblant d’être des musiciens, l’enseignante observe qu’ils inventent une mélodie en n’utilisant que des sons graves. En se faisant inviter à jouer par les enfants comme musicienne dans leur orchestre, elle verbalise que cette mélodie sera très jolie à attendre pour les spectateurs qui viendront les voir au théâtre. Dans le modèle de Marinova (2014), les SAIJ sont les plus pertinentes en termes de développement pour les enfants puisqu’elles se situent dans une perspective « apprendre pour jouer », alors que les SAEJ ont des motifs présumés par l’enseignante de type scolaire et sont dans une perspective de « jouer pour apprendre ». Dans ce projet, rappelons que nous ne cherchons pas à distinguer les deux formes, mais plutôt à comprendre les situations de développement et d’apprentissage mises en place par l’enseignante à l’égard des intérêts et des jeux des enfants.
À l’instar du cadre d’analyse présenté, les trois objectifs de cet article sont de 1) documenter les apprentissages des enfants durant les jeux libres; 2) décrire quatre panneaux de DP pour faire émerger les paroles des enfants et leurs théories de coconstruction; 3) documenter les situations de développement et d’apprentissage mises en place par l’enseignante à la suite du partage de la DP de ces quatre panneaux.
Une recherche collaborative a été menée avec une enseignante à l’éducation préscolaire 5 ans et les 15 enfants de sa classe. La recherche s’est déroulée durant l’année scolaire 2018-2019. La recherche collaborative maille l’expertise des chercheurs à celle des praticiennes permettant d’aborder la question de la pratique dans toute sa complexité (Desgagné, 1998, 2001; Desgagné et al., 2001; Jacob et al., 2021; Proulx, 2013). Dans cette forme de recherche, les enseignantes et les chercheurs s’allient sur un objet de recherche en partageant leur compréhension du phénomène conjointement étudié. Dans notre recherche, deux rencontres ont eu lieu avec l’enseignante afin de rédiger la demande de subvention de recherche et d’arrimer nos intérêts communs. Dans cette étude, puisque les enfants de la classe ont agi comme participants à la recherche, des principes de la recherche ethnographique avec de jeunes enfants ont aussi été respectés (Jacob et Ritchie, 2017; Tobin et al., 2009). À titre d’illustration, en plus du consentement obtenu par les parents, les enfants ont donné leur assentiment à participer à la recherche, puis leurs voix ont été entendues dans les moments de jeux libres et dans le partage de la DP, ce qui correspond au premier objectif. Dans cette étude, le rôle des chercheuses ou de l’assistante de recherche oscillait entre les rôles de 1) chercheuse, 2) de formatrice (Jacob, 2017; Larouche, 2005), mais aussi 3) d’ethnographe et 4) de playworker (Smith Brennan, 2017). À titre d’exemple, dans le premier rôle, les chercheuses ou l’assistante de recherche documentaient les jeux des enfants, alors que dans le second, elles accompagnaient l’enseignante dans le processus de la DP. Dans le troisième rôle, elles racontaient les expériences des enfants et de l’enseignante par une démarche rigoureuse d’ethnographie, alors que dans le dernier rôle, la chercheuse ou l’assistante qui était présente en classe pouvait jouer avec les enfants si ceux-ci l’invitaient.
Une enseignante de maternelle 5 ans a participé à la recherche. Au moment de la collecte de données, elle travaillait dans une école en milieu urbain dont l’indice de défavorisation était de huit. Diplômée du baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire, elle enseigne depuis une douzaine d’années à ce niveau. Auparavant, elle enseignait à d’autres cycles. L’année précédente de la collecte de données, la chercheuse principale a amorcé une collaboration avec cette enseignante qui a fait naître un besoin d’entrer dans une démarche de recherche. C’est souvent dans cet esprit de collégialité que peut naître la recherche collaborative (Aurousseau et al., 2020). Enfin, tous les enfants de la classe (N=15; 7 filles et 8 garçons) ont participé à la recherche. Les enfants étaient tous âgés de cinq à six ans lors de la collecte de données.
La recherche collaborative implique la mise en place d’une activité réflexive, prenant différentes formes, qui permet au chercheur et aux praticiens de s’unir pour coconstruire le savoir (Desgagné et al., 2001). Cette activité peut être liée à des éléments de la pratique propre à celle d’une enseignante à l’éducation préscolaire (Jacob et al., 2021). Dans ce projet, des rencontres réflexives avec l’enseignante au moyen d’entretiens semi-dirigés ainsi que les moments de partage avec les enfants sur la DP produite pendant les jeux libres ont donné lieu à cette activité réflexive.
La chercheuse principale et son assistante de recherche ont aussi été présentes en alternance dans la classe à douze reprises durant une période de quatre mois afin de documenter les jeux libres des enfants. Des photos des enfants durant leurs jeux libres ont été prises et des paroles étaient notées dans un cahier d’observation. La chercheuse et son assistante de recherche sont aussi entrées en interaction avec les enfants quand ceux-ci les invitaient à jouer. L’enseignante était aussi présente pour guider les enfants et les soutenir. Les rôles de l’enseignante ainsi que ceux de l’équipe de recherche ont été décidés avant la collecte de données. À la suite de chacune des observations en classe, des panneaux de DP étaient construits par l’équipe de recherche pour rendre visibles la pensée, les actions et les apprentissages des enfants (Boudreau et al., 2021; Carr et Lee, 2012). Sur ce support prenant la forme d’une affiche, nous retrouvions quelques photos de l’enfant ou des enfants en action ainsi qu’un court verbatim représentant les paroles lors du jeu observé. L’interprétation de la situation était effectuée à l’oral, devant les enfants, conjointement par la chercheuse et l’enseignante. La chercheuse principale et son assistante de recherche sont retournées (en alternance), à douze reprises, dans la classe de l’enseignante afin de partager les panneaux (entre deux et quatre à chaque fois) et d’en discuter avec les enfants et l’enseignante. Les sujets variaient selon la présentation des panneaux, mais s’orientaient tous sur le jeu, les pensées, les actions et les apprentissages. Les enfants étaient amenés à décrire leur jeu et leurs actions, et à verbaliser leurs propos. Les adultes (enseignante, chercheuse et assistante de recherche) pouvaient orienter la discussion sur leur interprétation de la situation documentée, par exemple, les pensées, les actions et les apprentissages réalisés à ce moment ou encore ceux appris antérieurement. Chacune des discussions apportait un espace pour penser et pour réfléchir sur les situations de jeu favorisant ainsi l’enrichissement des théories de coconstruction des enfants, et à l’enseignante, un espace pour réfléchir à sa pratique. Au total, 24 panneaux de DP ont été réalisés et discutés avec les enfants et l’enseignante. Ces panneaux ont été partagés aux familles durant le projet sur la page de classe de l’enseignante via les réseaux sociaux et servaient d’outils de communication et de suivi auprès d’eux. À la fin du projet, un livre des panneaux de DP a été remis aux enfants et à l’enseignante en guise de reconnaissance et de leur participation à la recherche.
Trois outils de collecte de données ont été utilisés dans cette étude. Le premier consiste en des entretiens individuels semi-dirigés avec l’enseignante réalisé à trois moments différents au cours de la collecte de données. Cet entretien permettait à l’enseignante d’expliquer son contexte de classe et ses pratiques enseignantes, de discuter des situations de développement et d’apprentissage qui ont pu naître grâce au partage de la DP, des retombées de la recherche pour sa pratique, en plus de valider les données de la recherche. L’observation participante est le deuxième outil de collecte de données. Lorsque la chercheuse ou l’assistante réalisait la DP, elles observaient et photographiaient de deux à quatre jeux de façon aléatoire, peu importe leur forme (p. ex., jeu de construction, jeu symbolique) ou leur endroit (p. ex., dans l’aire de jeu symbolique, aux tables, au tapis de rassemblement), tout en prenant des notes dans un calepin sur les actions des enfants et leurs paroles. Enfin, lors du partage de la DP, les discussions entre les enfants, l’enseignante et la chercheuse furent également enregistrées et utilisées comme outil de collecte de données. Toutes les rencontres et les discussions ont été transcrites afin de constituer le corpus de données pour cette étude.
Les verbatims des trois entretiens réalisés avec l’enseignante, les 12 discussions avec les enfants ainsi que les 24 panneaux de DP ont été analysé dans le logiciel Nvivo. Une première analyse thématique (Paillé et Muchielli, 2016) a été mené en lien avec les trois objectifs de recherche afin d’identifier et de comprendre les situations de développement et d’apprentissage; les jeux et les apprentissages des enfants; ainsi que les retombées de la recherche. Un tableau croisé fut effectué entre les 24 panneaux, les entretiens avec l’enseignante et les discussions avec les enfants afin d’identifier les panneaux qui revenaient les plus fréquemment dans les discours. Cette deuxième analyse a révélé au total de neuf panneaux de DP, sur les 24 crées pour le projet (Jacob et al., 2021). Ces neuf panneaux ont été analysés afin de répondre à l’objectif 1 de cet article, soit de documenter les apprentissages des enfants durant les jeux libres. Afin de décrire les paroles et les théories de coconstruction des enfants, ce qui renvoie à l’objectif 2 (décrire quatre panneaux pédagogiques pour faire émerger les paroles des enfants et leurs théories de coconstruction), l’équipe de chercheuses a sélectionné quatre panneaux de DP portant sur des formes de jeu différentes afin de réaliser une analyse thématique. Enfin, à partir de ces quatre panneaux DP et des entretiens, nous documenterons la mise en place des SAEJ et SAIJ de l’enseignante correspondant à l’objectif 3.
La recherche, élaborée avec l’enseignante, a permis des ajustements avant et pendant la collecte de données afin de mieux répondre à ses attentes. Elle pouvait se retirer à tout moment. Tout comme l’enseignante, les parents et les tuteurs des enfants étaient aussi invités à signer le formulaire de consentement de manière libre et éclairé. Une fois leur autorisation obtenue, les explications du projet ont aussi été transmises oralement aux enfants par la chercheuse responsable. Ces derniers étaient invités à marquer d’un X sur une feuille leur intérêt à participer au projet et à dessiner leur autoportrait. S’ils le souhaitaient, ils pouvaient en tout temps se retirer de l’étude en le mentionnant à la chercheuse. Aucune rémunération n’a été donnée en retour de la participation des participants. Afin de respecter la confidentialité, le prénom de l’enseignante a été changé, ainsi que celui des enfants. Leur visage a également été flouté dans les panneaux de DP. Comme la diffusion du projet se poursuit; l’enseignante et les parents ont été avisés qu’ils peuvent à tout moment consulter le portfolio en ligne de la chercheuse principale pour se tenir informés des publications.
Cette partie présente les résultats pour les trois objectifs de recherche qui étaient de 1) documenter les apprentissages des enfants durant les jeux libres; 2) décrire quatre panneaux de DP pour faire émerger les paroles des enfants et leurs théories de coconstruction et 3) documenter les situations de développement et d’apprentissages mises en place par l’enseignante à la suite du partage de ces quatre panneaux de DP.
Les résultats font ressortir divers apprentissages réalisés par les enfants en cours des neuf moments de jeux libres documentés, c’est-à-dire la manière dont ils mobilisent des concepts ou des notions. Parmi les jeux libres analysés figuraient cinq jeux de construction portant sur différentes thématiques (couleurs, bateau, voitures, pont, dinosaures), trois jeux symboliques (dinosaures, planète, épicerie) et un jeu de règles (jeu de poches). Le Tableau 1 présente la description des formes de jeu, des apprentissages faits dans le cadre de ces jeux et un résumé des SAEJ mises en place par l’enseignante.
Parmi les cinq jeux de construction, notons que la créativité, une compétence du 21e siècle (Lamri, 2018), est observée dans tous ces jeux. Les enfants construisent et créent, de manière seule ou en équipe, un objet en trois dimensions avec le matériel de leur choix (La fabrication d’un bateau, Un pont en bois solide, Les voitures, Les dinosaures en argile). Dans Le mélange des couleurs, les objets construits le seront à deux ou à trois dimensions selon l’œuvre choisie par les enfants. Des apprentissages liés à l’éveil scientifique apparaissent dans plusieurs de ces jeux. Dans Le mélange des couleurs, les enfants s’approprient le mélange de la matière grâce à l’exposition des couleurs de la table lumineuse. Dans les jeux La fabrication du bateau, Les voitures et Un pont en bois solide, les enfants s’approprient des propriétés de la matière. Dans le premier jeu, l’enfant trouve des matériaux afin que son bateau puisse flotter sur l’eau et y découvre quelques caractéristiques comme leur densité et leur texture. Dans le deuxième jeu, le raisonnement de l’enfant s’oriente sur la façon de réaliser le mécanisme des roues afin que sa voiture puisse rouler. Dans le troisième, les apprentissages se situent tant sur le plan de l’éveil scientifique que sur l’éveil aux mathématiques. L’espace, la géométrie et les caractéristiques des blocs de bois amènent les enfants à réfléchir sur la manière de réaliser un pont solide pour leurs voitures. Parmi les formes de jeu de construction, lorsque les enfants créent leur propre matériel, comme c’est le cas pour les jeux La fabrication du bateau, La voiture et Les dinosaures en argile, on remarque que les enfants s’approprient aussi des techniques d’arts plastiques, que ce soit le modelage ou encore le fixage des matériaux utilisés pour la construction en trois dimensions. Enfin, dans ce dernier jeu, notre analyse montre que des apprentissages liés à la littératie sont visibles dans le discours de l’enfant.
Date | Titre des jeux observés | Forme de jeu | Description | Apprentissages | SAEJ ou SAIJ mise en place par l’enseignante |
14 déc. 2018 | La taille des dinosaures | Jeu symbolique | Un enfant joue seul avec des figurines d’animaux. Il tente de tous les faire entrer dans l’avion, mais il se questionne sur la taille et le poids des dinosaures. | Éveil aux mathématiques (espace), créativité | Aucune |
14 déc. 2018 | Le mélange des couleurs | Jeu de construction | Des enfants jouent à une table lumineuse. Des enfants souhaitent construire une maison, d’autres, des bonbons. Un enfant propose de faire une expérience scientifique en mélangeant des couleurs, proposition acceptée par le groupe. | Créativité, éveil scientifique (mélange de matières), apprentissage social (négociation de règles) | • Chanson sur les couleurs durant la collation (SAEJ) • Activité dirigée « scientifique » sur le mélange des couleurs en utilisant un sac de plastique (SAEJ) |
31 janv. 2019 | La mathématique et le jeu de poches | Jeu de règles | Deux enfants jouent au jeu de poches. Ils calculent les points dans le carnet de la chercheuse. | Éveil aux mathématiques, éveil à la littératie, apprentissage social (tour de rôle) | Aucune |
19 mars 2019 | Fabrication d’un bateau | Jeu de construction | Un enfant crée un bateau avec le matériel de son choix afin de le faire flotter dans le bac d’eau. | Créativité, éveil scientifique (propriété de la matière), éveil aux arts plastiques | Aucune |
8 avril 2019 | Un pont en bois solide | Jeu de construction | Des enfants construisent un pont avec des blocs de bois afin que leurs voitures miniatures puissent le traverser en sécurité. | Éveil scientifique et éveil aux mathématiques, créativité, apprentissage social (négociation de règles) | • Ajout de matériel de jeu (jeu de règles) sur l’équilibre (SAEJ) • Ajout de matériel portant sur la thématique du cirque et de l’équilibre (SAEJ) |
8 avril 2019 | Les voitures | Jeu de construction | Une enfant fabrique une voiture avec le matériel de son choix. Elle se questionne sur la meilleure manière d’installer ses roues afin que la voiture puisse rouler. | Éveil aux arts plastiques, éveil scientifique, créativité | • Activité dirigée pour essayer la rampe de lancement dans l’école avec les voitures construites par les enfants (SAEJ) |
17 avril 2019 | Les dinosaures en argile | Jeu de construction | Une enfant fabrique des dinosaures avec de la pâte à modeler. Elle créera trois dinosaures (microdinosaure, spinosaure et un steakosaure) | Éveil aux plastiques, éveil scientifique, créativité, littératie | • Ajout de figurines de dinosaures dans l’environnement de la classe (SAEJ) • Fabrication (avec les enfants) de cartes de dinosaures plastifiées (SAEJ) |
25 avril 2019 | Le jour de la planète | Jeu symbolique | Un enfant dessine et colore la planète Terre. | Arts plastiques (dessin), éveil scientifique, créativité | • Causerie sur la planète Terre (SAEJ) • Atelier sur les continents (SAEJ) |
29 avril 2019 | Il n’y a plus de fruits | Jeu symbolique | Deux enfants jouent dans le coin de jeu de l’épicerie et font semblant d’être un client et la caissière. | Éveil à la musique (récitation d’une comptine), éveil aux mathématiques (dénombrement), créativité, apprentissage social (négociation de règles) | Aucune liée à la thématique du jeu symbolique Chanson sur les figurines planes (SAEJ) |
En effet, elle lie ses œuvres d’arts plastiques à des concepts : le « microdinosaure, parce qu’il est petit, le spinosaure, parce qu’il aime le poisson et le steakosaure parce qu’il aime le steak » (Maïka, 17 avril 2019).
Pour les trois jeux symboliques, deux sont des jeux de faire-semblant où les enfants jouent un rôle et inventent un scénario (La taille des dinosaures, Il n’y a plus de fruits) alors que l’autre est une représentation d’un objet dessiné par un enfant (Le jour de la planète)2. Tous ces jeux ont permis aux enfants de développer leur créativité, que ce soit en élaborant un scénario de faire-semblant ou encore en créant une œuvre artistique. Dans La taille des dinosaures, l’enfant développe ses connaissances sur le concept de l’espace, une composante du modèle d’éveil aux mathématiques puisqu’il se questionne à propos des dinosaures et s’ils pourront entrer dans l’avion dû à leur taille et leur poids. Dans Il n’y a plus de fruits, l’enfant démontre une connaissance des chiffres et les lie à son quotidien, par exemple téléphoner au commis. Enfin, l’éveil aux arts est présent dans Il n’y a plus de fruits et Le jour de la planète. Le premier jeu identifie une comptine apprise antérieurement avec leur enseignante et l’enfant la chante de nouveau dans son jeu. Dans le deuxième jeu, l’enfant pratique certaines techniques en arts plastiques, comme le traçage de lignes droites et courbes ainsi que le coloriage.
Le dernier jeu analysé, un jeu de règles, se nomme La mathématique et le jeu de poches. Dans ce jeu, les enfants s’approprient des concepts d’éveil aux mathématiques, notamment en écrivant les chiffres correspondant au pointage du jeu. Les deux enfants développent aussi des compétences en littératie, puisqu’ils écrivent dans un carnet le pointage et font la différence entre les lettres et les chiffres. Un apprentissage social est aussi visible, puisque les enfants doivent apprendre à négocier leur tour de rôle.
Les neuf jeux observés montrent que des apprentissages sont présents à différents degrés en fonction des formes de jeu. La créativité est présente dans tous les jeux, à l’exception du jeu de règles où les enfants n’ont pas modifié les règles externes. Les apprentissages liés à l’éveil aux sciences et aux arts plastiques sont ceux les plus documentés au sein des jeux observés. Parmi les neuf jeux, on remarque que trois permettent aux enfants des apprentissages sociaux, dont le tour de rôle dans le jeu de règles ou la négociation de règles dans le jeu symbolique et de construction, puisque deux ou plusieurs enfants y jouent en même temps.
Dans cette section, nous présenterons les résultats correspondant aux objectifs 2 et 3 à partir de quatre panneaux de DP. Ces panneaux ont été sélectionnés parmi les neuf jeux puisque chacun d’eux présente une forme de jeu différente, soit un jeu de construction, un jeu de faire-semblant (jeu symbolique), un dessin libre (jeu symbolique) et un jeu de règles. La SAEJ mise en place par l’enseignante à la suite du partage du panneau de DP sera ensuite décrite.
Le partage de la DP aux enfants a été primordial afin de leur donner le goût d’approfondir leurs apprentissages : « Oui, ça a plus attiré l’attention là-dessus, ça les a plus rendus conscients. Et de le nommer, ils avaient plus le gout d’en développer davantage » (Enseignante, 13/06/2019). La collaboration de l’enseignante avec l’équipe de chercheuses lui a aussi permis de centrer son attention vers les enfants et leurs jeux libres, comme le démontrent les deux extraits suivants.
Oui, parce que ça fait un temps d’arrêt. Normalement, ça va vite : ils sont beaucoup quand ils prennent un jeu. Mais vous, vous faites des captures d’écran pour attirer mon attention, en général je les vois, en me disant : lui, il a fait ça et lui ça.
(Enseignante, 13/06/2019)
C’est vraiment la flexibilité qui était d’être plus à l’écoute du jeu libre qu’avant. […] Ça n’amène pas non plus une modification dans ma planification. Tandis que là, c’est en donnant plus de temps aux jeux libres et en questionnant et en accompagnant bien qu’on voie, qu’on part de l’intérêt des enfants pour […] combler leurs besoins de savoir.
(Enseignante, 07/04/2020)
L’exemple d’Un pont en bois solide se déroule pendant trois jours consécutifs à des moments distincts, c’est-à-dire durant les jeux libres, durant le partage de la DP et le lendemain durant les jeux libres, ce que montre la photo 1.
Noah construit une structure avec l’aide de Pascal et Zachary avec des unités de construction de Pratt3. Noah leur propose une idée de structure de bois : « J’essaie de faire une construction pour que ça marche. On va faire un pont de même et on va mettre un autre bloc » (Noah, 08/04/2019). À ce moment, les théories de coconstruction des enfants se développent, puisqu’ils font état de leurs connaissances spontanées dans ce jeu. Alors que Pascal quitte ce jeu, Zachary vient rejoindre Noah. Ce dernier choisit les blocs de bois, que Zachary lui donne, et les place judicieusement sur sa construction afin de solidifier le pont. Les deux enfants s’approprient les caractéristiques des blocs de bois : leur forme, leur taille, leur masse, mais aussi le centre de gravité (point d’équilibre pour maintenir les blocs sur la structure). Durant le partage de la DP, l’enseignante et les enfants ont l’idée de reconstruire un pont en bois; ils discutent du centre de gravité en plaçant en équilibre « deux tortues » sur une planche. Ils réfléchissent collectivement sur la manière de les placer. Cette manière de faire leur permet de raffiner leur théorie de coconstruction, avec l’aide de leur enseignante, comme le démontrent les paroles des enfants lors de la discussion :
Noah : « Faut mettre deux blocs de la même grosseur pis là ça va tiendre [tenir]. Parce que si on met quelque chose de plus lourd, ça va s’écrouler quand même ».
Léanne : « Faudra en mettre deux-là [tortues] ». [le pont s’écroule].
Enseignante : « Est-ce qu’on [tortues] les met une après l’autre ou on les met en même temps ? »
Maïka : « En même temps. »
(Discussion lors du partage de la DP, 10/04/2019)
Le lendemain du partage de la DP, Noah décide seul de construire de nouveau un pont avec les unités de construction de Pratt, ce qui lui permet de raffiner ses théories de coconstruction. Sa structure, non identique à celle du 8 avril, lui permet de nouveau de comprendre les caractéristiques de ces unités et leur influence sur le centre de gravité d’une structure. Il modifie, ajuste et lie ce nouvel apprentissage à celui déjà appris.
L’exemple décrit n’illustre pas une SAEJ dans le modèle de Marinova (2014), puisqu’aucune activité dirigée n’a été proposée aux enfants, mais illustre la manière dont l’enseignante modifie l’environnement de sa classe pour répondre aux besoins des enfants. À la suite du partage de la DP, l’enseignante a « ressorti des jeux de société » (Enseignante, 11/04/2019) en lien avec l’équilibre, dont le jeu de Pingouins, le jeu d’équilibre qui consiste à placer le plus de pingouins en équilibre sur le glacier sans les faire tomber et le Jeu d’équilibre de la tour de chaises où les enfants doivent empiler des chaises sans les faire tomber. Elle a laissé ces jeux disponibles dans l’environnement de la classe et les enfants pouvaient les utiliser durant les jeux libres. L’enseignante possédait un bac de matériel de cirque que les enfants avaient déjà expérimenté quelques mois auparavant. Le partage de la DP lui a permis de déceler l’intérêt des enfants pour la thématique de l’équilibre. Elle a donc remis le matériel de cirque dans l’environnement afin que ceux-ci puissent continuer de développer leurs apprentissages sur l’équilibre, notamment avec les bâtons de fleurs de jonglerie.
Le jeu de l’épicerie illustre un exemple dans lequel les enfants ont réinvesti des apprentissages qui se sont déroulés antérieurement au projet. La DP produite a permis de révéler des théories de coconstruction développées antérieurement par les enfants, par exemple celles sur la comptine des fruits et les chiffres de téléphone, et de les montrer à l’ensemble de la classe, ce que l’enseignante fait en effectuant un retour sur la comptine apprise antérieurement.
Lors du partage de cette DP, la discussion entre l’enseignante et les enfants s’oriente très peu sur le jeu des enfants, mis à part que Maïka verbalisera : « À cause du manque de fruits, j’ai rapidement appelé » (Maïka, 30/03/1019). L’enseignante lance immédiatement après l’intervention de l’enfant une question entre la différence entre la lettre « o » et le chiffre « 0 » deux symboles inscrits sur le panneau de DP. Ce panneau, tout comme l’intervention de l’enseignante, amène les enfants à réfléchir sur de nouveaux apprentissages liés à la littératie et à la numératie et la discussion suivante montre leurs théories de coconstruction :
Rebecca : « Le 0 est plus allongé ».
Denis : « La lettre est collée avec une autre lettre et le 0 est toujours avec d’autres chiffres ».
Maïka : « Le «o» est comme un cercle ».
(Discussion lors du partage de la DP, 30/04/2019)
Cet exemple illustre le fait que l’enseignante et les enfants ont très peu discuté du jeu symbolique ou des apprentissages réalisés liés à la thématique de l’épicerie ; la discussion s’est plutôt orientée vers l’écrit du panneau de DP. La chercheuse principale étant absente lors du partage, il est possible de penser que l’enseignante et l’assistante de recherche ont éprouvé de la difficulté à orienter la discussion sur les apprentissages. Toutefois, l’analyse montre que des discussions portant sur d’autres thématiques, comme celle de la littératie multimodale, peuvent survenir lors du partage et faire également émerger les théories de coconstruction des enfants.
À la suite du partage de documentation pédagogique, l’enseignante fait jouer une comptine, La chanson des figures planes comme activité de transition, une chanson que les enfants connaissent. La chanson n’est jouée qu’une seule fois, puisque le temps de classe est terminé et qu’il est temps de préparer le sac à dos pour retourner à la maison.
Cet exemple illustre une activité de dessin libre sur Le jour de la planète. La photo 3 présente le panneau pédagogique durant les jeux libres et la SAEJ mise en place par l’enseignante.
Lors du partage de la DP, Charles se remémore son dessin durant les jeux libres et l’explique aux autres enfants : « Parce que y’a deux côtés de la planète. Y’a un côté qui fait jour et un côté qui fait nuit. » (Charles, 28/04/2019). Dans cette situation, Charles a utilisé ses connaissances antérieures sur la planète et il les a communiquées une première fois à travers son dessin, puis une deuxième, lors du partage. Son intervention amène les autres enfants à se questionner sur le dessin de Charles et de cette manière, élaborent collectivement leurs théories de coconstruction :
Noémie : « Il y a un bord qu’il y a de la lumière et un bord qui n’en a pas ».
Pascal : « Ceux-là qui ferment la lumière, c’est le soleil ».
Maïka : « Parce que c’est noir. Parce que la nuit, c’est noir souvent ».
Noah : « Admettons que la planète à tourne pis quand on dort, je sais c’est quoi qu’elle fait la planète […]. Mettons qu’on dort, le jour tourne à chaque jour. Pis aussi, quand on roule, le soleil nous suit, et la lune aussi ».
Léanne : « Moi, ma mère m’a appris que quand c’est la nuit à Australie, quand on dort, eux il y a du soleil. Ce n’est vraiment pas pareil. Après, c’est eux qui ont la nuit. »
(Discussion lors du partage de la DP, 25/04/2019)
Dans cette discussion entre les enfants, on remarque que les enfants développent leurs théories de coconstruction à partir de leurs expériences quotidiennes. À titre d’illustration, Maïka fait référence à la noirceur qu’elle voit durant la nuit, alors que Léanne se remémore une conversation avec sa mère. L’enseignante bonifiera les théories de coconstruction des enfants en discutant avec eux de ce phénomène :
Parce que quand le soleil est là, ça tourne et le soleil va envoyer la lumière sur le côté de la Terre et on va être le jour. Et quand ça va continuer de tourner, on va être rendu la nuit parce qu’on verra plus le soleil. C’est la Terre qui va tourner autour du soleil. En revenant lundi, je vais vous trouver une belle animation pour mieux vous le montrer.
(Discussion lors du partage de la DP, 25/04/2019)
Le partage de la DP a amené une discussion entre l’enseignante et les enfants et celle-ci constate leurs intérêts comme elle le confirme dans la photo 3. Le lundi de la semaine suivante, l’enseignante organise une causerie portant sur le thème des continents en ayant comme support visuel un globe terrestre. Cette causerie ayant une orientation « pour apprendre » (Doyon et Fisher, 2010) encouragera les enfants à se questionner sur ce qu’ils connaissent de la planète Terre. Après la causerie, elle diffusera d’autres images de la Terre qu’elle projettera au tableau numérique interactif. À la suite de cette présentation, elle proposera un atelier dirigé aux enfants qui les invitera à dessiner et à écrire le nom des continents sur un ballon bleu gonflé. Pour cet atelier, les enfants auront à leur disposition différents crayons-feutres de couleur, un globe terrestre ainsi que des livres sur les planètes et les continents pour s’inspirer. Enfin, elle modifiera également l’environnement de sa classe : elle affichera dans sa classe une carte du monde qui sera accessible aux enfants pendant toute la semaine.
Lors du partage de la DP, les enfants découvrent un tableau de pointage. Accompagnés de l’enseignante, ils explorent le calcul des points dans le jeu de poches. Dans cet exemple, Noah réexplique aux enfants les règles du jeu. Les théories de coconstruction des enfants sont moins visibles dans cet exemple, puisque l’enseignante et la chercheuse expliquent la démarche aux enfants. Ceux-ci répondent davantage aux questions plutôt que d’élaborer leurs théories.
Noah : « On pognait des trous, mais si on [ne] pognait pas de trou, on ne faisait pas de points ».
Enfant : « C’est qui qui a gagné ? »
Chercheuse : « Pour le savoir, il faudrait calculer les points ».
Maïka : « Moi je pense que c’est Alex avec son 10 ».
Chercheuse : « Ça, ce sont des calculs savants Enseignante. Il a eu deux cinq avec deux 10 points ».
Maïka : « Il a eu trois fois 10 ».
Chercheuse : « Wow, et trois fois 10, ça ferait quoi comme score ? »
Enseignante : « Il faut faire des bonds de 10. Il y a la famille du 10, après il y a la famille du deux. Elle s’appelle comment la famille du deux ? »
Enfants : « 12 ».
Enfant inconnu : « Vingt comme vendredi ».
Enseignante : « La famille du 3 s’appelle…? »
Enfants : « Trente ».
(Discussion lors du partage de la DP, 01/02/2019)
À la suite du partage de la documentation, aucune SAEJ ne sera mise en place par l’enseignante. Elle n’effectuera aucune modification de l’environnement de jeu de sa classe. Toutefois, elle constate que les garçons ont réutilisé le système de pointage dans un jeu de hockey, et ce faisant, leurs théories de coconstruction se sont raffinées.
Ils s’étaient fait tout un petit système de points par eux-autres mêmes. […], les deux gars avaient vraiment décidé de faire un système de pointage et ils comptaient leur affaire. Et après ça, ils jouaient au hockey et ils faisaient aussi un système de points. Ils [ont transféré le système de pointage] dans une autre sorte de jeu.
(Enseignante, 13/06/2019)
Cette section fait un retour sur l’objectif 3 de cet article en relevant les similitudes et les différences observées dans les SAEJ mises en place par l’enseignante à la suite du partage des quatre panneaux de DP. Pour deux panneaux de DP, celui sur La mathématique et le jeu de poches et Il n’y a plus de fruits, aucune SAEJ n’a été planifiée. Dans ces deux formes de jeu (jeu de règles et jeu symbolique), on constate qu’aucune création en deux ou en trois dimensions n’a été réalisée par les enfants. Bien que l’enseignante constate que les enfants ont fait des apprentissages lors de ces jeux et lors de la discussion autour de la DP, et qu’ils ont réinvesti des apprentissages antérieurs ou qu’ils reproduisent ce jeu dans les semaines suivantes, elle n’a pas proposé une modification à l’environnement de jeu, et n’a pas réalisé une SAIJ durant le jeu, ni de SAEJ par la suite.
En lien avec les deux autres panneaux de DP, Le jour de la planète et Un pont en bois solide, l’enseignante a proposé des SAEJ à la suite de leur partage. Elle a aussi modifié l’environnement de jeu des enfants en ajoutant du matériel. Ces deux panneaux de DP sont respectivement liés à un jeu symbolique et à un jeu de construction. À la différence de l’autre jeu symbolique présenté dans le panneau, Il n’y a plus de fruits, l’enfant réalise une création dans Le jour de la planète. Il est possible de penser que l’enseignante a plus de facilité à suivre les idées des enfants et à proposer des SAEJ qui tiennent compte de leurs intérêts lorsque les enfants s’investissent eux-mêmes dans une création à deux ou à trois dimensions (voir Tableau 1). Il est possible de croire que les nouvelles thématiques sur les planètes et les ponts amènent l’enseignante à proposer d’autres SAEJ alors que les deux autres jeux évoquent des thématiques (p. ex., chiffre, numéro de téléphone, épicerie) qui sont abordées plus régulièrement dans la classe.
Nous avons analysé les apprentissages des enfants à partir de neuf jeux libres et nous avons décrit plus finement les paroles et les théories de coconstruction des enfants ainsi que les SAEJ mises en place par l’enseignante à partir du partage des quatre panneaux de DP. La discussion abordera la façon dont la DP se révèle être un outil de littératie multimodale favorable à la description des théories de coconstruction et amène l’enseignante à entrer dans une pratique réflexive.
La DP inspirée de l’approche éducative de Reggio Emilia est un outil important, voire un compagnon des enfants, des parents et des enseignants. En effet, elle implique de recueillir des indices sur l’apprentissage (matériaux, photos, dessins, vidéos, sons) (Blom et d’Amico, 2016; Massimelli et al., 2022). Cette forme de littératie multimodale utilisant par exemple l’image, illustre ainsi des pratiques formelles et informelles d’apprentissage (Brown, 2021; Martel, 2015). À Reggio Emilia, l’apprentissage se fait à travers des projets qui peuvent durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines (Büşra Kaynak-Ekici et al., 2021; Schroeder-Yu, 2008). Cet article confirme que la DP a permis de lier les apprentissages spontanés des enfants à leurs jeux, de construire leurs théories de construction, et ce, même sur une courte période. Dans l’exemple Un pont en bois solide, les enfants ont développé leurs théories de coconstruction sur les caractéristiques des blocs de bois et ont approfondi le concept du point d’équilibre. Après le partage de la DP et la discussion de ces éléments avec l’enseignante, les enfants ont poursuivi le développement de leurs connaissances les jours suivants. Dans l’exemple Il n’y a plus de fruits, les enfants ont raffiné leurs théories de coconstruction en se remémorant les paroles d’une chanson apprise antérieurement et ont découvert l’éveil aux mathématiques en associant des chiffres à un numéro de téléphone fictif. Dans Le jour de la planète, l’enfant a construit ses théories de coconstruction à partir de ses connaissances. L’image produite, le dessin de la Terre, est une trace explicative de ses théories de coconstruction (Hedges, 2014). Massol (2017) considère cette trace comme une forme de littératie multimodale puisqu’elle est une trace de l’image mentale, voire une trace communicable pourvue d’une dimension esthétique. En partageant son dessin avec les autres enfants, ces derniers ont aussi pu expliquer leur compréhension du phénomène de la nuit et du jour.
Les résultats de notre étude sont similaires à l’étude de Broström (2017), puisque le partage de la DP durant les jeux libres a permis aux enfants de lier des connaissances déjà apprises (p. ex., comptine) ou encore de développer d’autres apprentissages associés à leurs jeux (p. ex. système de pointage). En ce sens, la DP a mené les enfants à écouter et à s’informer sur ce qui se passe en classe ainsi qu’à prendre un temps d’arrêt pour réfléchir à leurs pensées, leurs actions et leurs apprentissages (Schroeder-Yu, 2008). Ce processus les a amenés à partager des idées métacognitives (Massimelli et al., 2022), puisque les enfants ont pris conscience de leurs apprentissages et de la façon dont ils peuvent les construire et les utiliser, ce qui fait référence à la métacognition (Geurten et Léonard, 2023; Larkin, 2010; Portelance et Ouellet, 2004). Massimelli et ses collaborateurs (2022) rappellent que la DP est un instrument de débat entre les enfants et les adultes. En effet, les images des enfants (et leurs paroles) dans les panneaux de DP ont suscité des discussions entre eux et avec l’enseignante, ce que Lebreton-Reinhard et Gautschi (2021) appellent une pratique communicationnelle dans les activités pédagogiques mises en place dans la classe, ce qui soutient les apprentissages des enfants. En partageant et en discutant autour de la DP, les enfants ont ainsi découvert que des apprentissages sont intégrés dans plusieurs formes de jeu (p. ex., jeu de construction, jeu symbolique et jeu de règles) et que ces derniers ne se déroulent pas nécessairement lors des activités réalisées aux tables, mais qu’ils peuvent aussi se dérouler dans un contexte ludique librement choisi (Pyle et Alaca, 2018).
Le thème du jeu dans la petite enfance a récemment refait surface dans le contexte de la pression scolaire croissante subie par les enseignantes qui a conduit à la quasi-disparition du jeu dans certaines classes et dans l’ensemble de la culture de l’enfance (Bodovra et al., 2023; Digennaro, 2021). En effet, le jeu est souvent délaissé pour laisser place à des activités dirigées qui ne tiennent pas compte des intérêts des enfants (Lynch, 2015; Miller et Almon, 2009; Trawick-Smith, 2012). L’enseignante participante à ce projet propose deux heures de jeux libres par jour, une pratique mise en place quelque temps avant la recherche collaborative, et ce, avant la mise en place du Programme-cycle de l’éducation préscolaire (MEQ, 2021). Durant la recherche collaborative, l’enseignante est entrée dans une démarche réflexive, notamment grâce à la DP que l’équipe de recherche lui proposait. Comme Paquette (2023) le souligne, la DP favorise la pratique réflexive qui, elle, est une stratégie au développement professionnel. Le partage avec des collègues serait aussi une étape fondamentale pour favoriser cette pratique réflexive, bien que très peu exploitée en contexte éducatif de la petite enfance. Dans le cas de notre projet, ce sont les échanges entre l’équipe de chercheuses et l’enseignante qui a favorisé des discussions autour de la DP et une pratique réflexive sur sa pratique.
Lorsque les enseignantes utilisent la DP comme soutien à des discussions avec les enfants, elles les écoutent davantage (Brown, 2021) et changent la façon dont elles planifient et interprètent les activités (Schroeder-Yu, 2008). Ce fut le cas, à la suite du partage de deux panneaux de DP. Dans le partage du premier, Le jour de la planète, l’enseignante a constaté que les enfants éprouvaient un réel intérêt à connaitre davantage cette thématique et elle leur a proposé de mener une causerie sur le sujet et de réaliser un atelier sur les planètes, tout en ajoutant du matériel à cet effet dans l’environnement de la classe. Cette multimodalité qu’est la DP fait ressortir la créativité des enfants (Brown, 2021), tout comme leur motivation (Melançon et al., 2022) à poursuivre des apprentissages.
Büşra Kaynak-Ekici et ses collaborateurs (2021) soulignent que le partage de la DP par les enseignantes aux enfants est une invitation aux apprentissages. Cette invitation constitue une stratégie pour provoquer un apprentissage plus approfondi chez les enfants et les amener à penser et à agir, voire à développer leurs habiletés métacognitives (Larkin, 2010). En effet, l’utilisation des images dans les panneaux de DP supporte la créativité et la réflexion des enfants (Lebreton-Reinhard et Gautschi, 2021). Dans Un pont en bois solide, l’enfant a reconstruit un pont en usant de sa créativité avec des blocs de bois. Dans La mathématique et le jeu de poches, les enfants ont réfléchi de nouveau à un système de pointage dans un jeu de hockey. Toutefois, dans Il n’y a plus de fruits, les enfants et l’enseignante semblaient avoir de la difficulté à discuter du jeu des enfants. Puisque cet exemple constitue un jeu symbolique, il est possible de penser que l’image du panneau de DP n’ait pas été suffisante comme modalité visuelle pour réellement engager les enfants dans une discussion. Brown (2021) fait état que plus les panneaux de DP sont dépourvus de texte, plus les adultes et les enfants sont amenés à faire leur propre interprétation des images et à en discuter. Dans notre étude, les panneaux de DP misaient sur les images, plutôt que sur l’écriture de texte interprétatif de la situation observée, ce qui semble avoir été bénéfique pour laisser place à l’interprétation. Or, comme ces panneaux ont été développés par l’équipe de recherche et non par l’enseignante, celle-ci ne savait pas toujours comment orienter la discussion sur les panneaux de DP lorsque la chercheuse principale était absente lors du partage.
Une autre stratégie d’invitation aux apprentissages est de modifier l’environnement de jeu afin d’amener les enfants à pousser plus loin leurs réflexions (Büşra Kaynak-Ekici et al., 2021). Dans l’exemple Un pont en bois solide, une fois la DP partagée, l’enseignante a ajouté du matériel de jeu pour permettre aux enfants de poursuivre leurs apprentissages sur la thématique du point d’équilibre (p. ex., matériel de cirque, jeu de règles). Dans Le jour de la planète, l’enseignante a affiché dans sa classe une carte du monde et un globe terrestre a été accessible aux enfants. Les enfants pouvaient les consulter et les utiliser durant les jeux libres.
Enfin, les exemples proposés dans cet article illustrent des SAEJ et non des SAIJ, tout comme l’ensemble des situations d’apprentissage relevé pour l’ensemble de l’étude (Jacob et al., 2021). Toutefois, les SAEJ analysées et celles présentées dans cet article tiennent compte de la connaissance approfondie des expériences et des intérêts des enfants. Comme le suggèrent Hedges et Cooper (2018), elles sont ici utilisées comme motivation pour un apprentissage continu. Trop souvent, certaines activités en classe d’éducation préscolaire sont « préplanifiées » par l’enseignante dans des intentions pédagogiques fixes, mais qui ne tiennent pas compte des intérêts des enfants (Broström, 2017). Cette étude a permis de révéler que l’expertise de l’enseignante et ses compétences professionnelles l’ont amenée à agir avec confiance pour encourager l’apprentissage et le développement des enfants à partir de leurs motivations et de leurs intérêts dans des contextes authentiques (Hedges et Cooper, 2018), comme ce fut le cas de l’exemple Le jour de la planète ou Un pont en bois solide. À la lumière de ces résultats, il n’en demeure pas moins que nous nous interrogeons à savoir si des SAIJ auraient pu être davantage mises en place par l’enseignante. Or, Dumais et Plessis-Bélair (2017) ont d’ailleurs soulevé le constat que les enseignantes de l’éducation préscolaire considèrent ne pas avoir suffisamment de connaissances pour soutenir les apprentissages dans les jeux libres des enfants. Marinova et ses collègues (2020, 2021) constatent aussi que les enseignantes déclarent apprécier le jeu, mais qu’elles sont ambivalentes pour soutenir les apprentissages dans ce contexte et se positionner à l’intérieur des jeux des enfants en adoptant un rôle de cojoueur. Dans ce projet, la DP a toutefois renforcé la décision de l’enseignante d’utiliser les jeux libres en classe comme un contexte favorable aux apprentissages et au développement des enfants.
Cet article avait trois objectifs : documenter les apprentissages des enfants durant les jeux libres, décrire quatre panneaux de DP pour faire émerger les paroles des enfants et leurs théories de coconstruction et de documenter les situations de développement et d’apprentissage mises en place par l’enseignante à la suite du partage de la documentation pédagogique de ces quatre panneaux.
Les résultats montrent que la DP, une forme de littératie multimodale, révèle les théories de coconstruction des enfants, qui elles peuvent se développer en contexte de jeux libres. Ces moments sont essentiels pour permettre aux enfants de prendre des initiatives, de créer et d’apprendre. L’utilisation et le partage de la DP ont permis à l’enseignante de prendre une posture réflexive sur sa pratique et d’observer davantage les apprentissages réalisés par les enfants durant les jeux. La DP constitue non seulement un moyen puissant pour mieux soutenir les enfants et faciliter leurs apprentissages en stimulant leur métacognition (Portelance et Ouellet, 2004), mais est aussi un moyen de promouvoir le dialogue entre eux (Brown, 2021; McDonald et Hill, 2018) et de mettre en place une pratique communicationnelle utilisant une modalité visuelle (Lebreton-Reinhard et Gautschi, 2021), tout en permettant aux enseignantes de développer leurs compétences de littératie visuelle (Brown, 2021). Ce moment de partage visuel a donc été bénéfique pour les enfants, car cela leur a permis de lier des idées entre elles, de partager leurs idées métacognitives, d’enrichir leurs connaissances et de raffiner leurs théories de coconstruction (Jacob et al., 2021). L’article a aussi mis en perspective des SAEJ que l’enseignante planifie en fonction des intérêts des enfants et de leurs jeux libres, dans une perspective de continuité pédagogique.
Cette recherche collaborative comporte certaines limites. D’abord, durant les moments de partage de la DP, les enfants avaient beaucoup plus de facilité à discuter de leurs jeux lorsqu’ils réalisaient une production (p. ex., un vaisseau en blocs Lego, un pont construit avec des unités de construction en bois, un dessin, une carte écrite, une construction d’un bateau avec du matériel d’arts plastiques) que lorsqu’il y avait un scénario de jeu (p. ex., un scénario de jeu symbolique). Or, il s’avère que les photos ne peuvent capter les actions, les dialogues, l’expression faciale, les gestes et la dynamique d’un groupe, alors que des vidéos auraient permis de le faire (Krechevsky et al., 2013; Michael et al., 2021). En effet, l’utilisation de la vidéo engage davantage les enfants dans des discussions concernant leur jeu et leurs apprentissages (Cutter-Mackenzie et al., 2015) et stimulent les interactions entre eux (Shoecraft et Flückiger, 2018). Des discussions autour des scénarios de jeu avec une vidéo auraient permis aux enfants d’être plus volubiles sur certaines formes de jeu, dont le jeu symbolique. Enfin, bien que l’intention de départ fût de comprendre comment l’enseignante s’ajustait aux intérêts et aux besoins des enfants, certaines situations évoquées ont été déclarées par l’enseignante et n’ont pu être réellement observées par la DP. Il est possible que certaines SAEJ ou SAIJ aient été mises en place par l’enseignante, mais que les rencontres réflexives et notre présence en classe n’aient pu les documenter.
À l’issue de cette étude, il serait souhaitable que de futures recherches soient menées sur la DP dans d’autres classes de maternelle (maternelle 4 ans et 5 ans). La DP révèle aux enseignantes qui s’y engagent une réelle écoute de la voix des enfants et une multiplicité d’interconnexions avec leurs apprentissages (Brown, 2021; Lenz Taguchi, 2010; Merewether, 2018). Cet article a montré que la DP est une forme de littérature multimodale qui peut rendre visibles les théories de coconstruction, soutient la pratique réflexive d’une enseignante et favorise la métacognition chez les enfants. L’enjeu est de taille pour former les futures enseignantes à l’utilisation des images comme support aux apprentissages (Lebreton-Reinhard et Gautschi, 2021), pourtant essentiel à la DP. Bien que sa mise en place demeure un défi pour les enseignantes à l’éducation préscolaire (Boudreau et al., 2021; Brown, 2021), il faudra trouver des façons de faire pour la mettre en œuvre plus facilement, et ce, sans l’accompagnement de chercheurs. Des recherches sur la manière dont les conseillers pédagogiques accompagnent les enseignantes dans sa mise en œuvre pourraient orienter d’autres milieux de pratique, comme ce fut le cas dans l’étude de Paquette (2023) en milieu de la petite enfance.
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