Volume 7 / L'image à l'école primaire

Compétences construites par de très jeunes élèves travaillant avec des livres d’art : récit de pratique, observations et analyses

Pascale Dequin
École Supérieure du Professorat et de l’Éducation, Université de Montpellier

Résumé

Les compétences de lecture d’œuvres d’art sont pour la plupart des compétences complexes et expertes. En conséquence, que peuvent apprendre des élèves de maternelle avec des livres d’art ? Quels apprentissages sont réellement acquis par les élèves dans ces situations ? Qu’est-ce qu’apprendre à lire une œuvre d’art ? En s’appuyant sur des extraits de séances dans une classe multiâge de maternelle (de trois à cinq ans), la présente contribution propose de réfléchir aux apprentissages pouvant être mobilisés par le travail avec des œuvres d’art : des attitudes comme la motivation ou la curiosité, des savoir-faire comme des comparaisons ou des tissages ou encore des connaissances sur les œuvres d’art et leur auteur. Comme nous l’illustrerons, certains élèves sont capables de s’interroger sur le sujet représenté, sur la réalisation pratique de l’œuvre, sur le style de l’artiste, ou de convoquer d’autres œuvres d’art comportant des éléments qui peuvent être comparés. Ces élèves sont en train de se constituer une véritable pinacothèque mentale.

Abstract

The skills of interpreting works of art are made of a variety of complex and technical skills. Thus, what can pre-school children learn with artbooks? What do students really acquire in those situations? What does it mean to understand a work of art? Through some session extracts in a pre- school class, with three to five year old children, the present study offers to consider the type of learning that could be enacted with works of art such as attitudes like motivation or curiosity, skills like comparisons or networking, or knowledges about art works and their authors. As documented in this study, some pupils are able to question the depicted subject, the form of the artwork, the artistic style or to convey other artworks including elements that could be compared. These pupils were able to build a veritable mental art gallery.

Mots-clés
compétences culturelles, école maternelle, lecture d'images, mise en réseau, pinacothèque mentale

Keywords
cultural skills, pre school, pictures understanding, networking, mental art gallery
Citer
Pour citer
Dequin, Pascale (2018). Compétences construites par de très jeunes élèves travaillant avec des livres d’art : récit de pratique, observations et analyses. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 7. https://doi.org/10.7202/1048360ar

Introduction

Convaincue de l’importance et de la nécessité de proposer des pratiques culturelles à de jeunes élèves, j’ai tenté de développer ces pratiques dans les différentes classes dans lesquelles je suis intervenue. Tout en me considérant comme passeuse de culture, j’avais plusieurs objectifs : favoriser la rencontre avec l’art pour tous les élèves, mais également développer des compétences culturelles, au sens de connaissances, de savoir-faire et d’attitudes culturels mis en œuvre dans des situations complexes. Enseignante en maternelle pendant plus de dix ans, j’ai expérimenté diverses situations pédagogiques pour tenter d’atteindre ces buts, aussi bien en classe que dans des lieux culturels variés. Un questionnement s’est rapidement imposé à moi : quels peuvent être les apprentissages en matière d’éducation artistique et culturelle pour les très jeunes élèves ? Je ne suis pas sûre que l’acte de lecture d’une œuvre d’art puisse se décomposer en partant de quelque chose de simple pour aller vers une activité complexe. Je fais l’hypothèse que la rencontre avec l’œuvre d’art est complexe dès la première rencontre, quel que soit l’âge du spectateur et que cet apprentissage est justement celui de la complexité. Comment les jeunes enfants s’accommodent-ils de cette complexité ?

Pour approfondir cette question, je me suis intéressée à des situations de classes menées avec des livres d’art. Cette expérience s’est déroulée dans une classe multiâge de l’école maternelle Paul Reig, avec des élèves de trois à cinq ans, dans un petit village du sud de la France, Elne, au cours de l’année scolaire 2008-2009. Après avoir éclairci les motivations, les circonstances et les fondements théoriques et intuitifs de ces moments de classe avec de jeunes élèves, je proposerai dans cet article, qui se veut à la fois un récit de pratique et une réflexion sur l’éducation à l’art par les livres d’art, quelques réponses.

1. Des situations de classe en maternelle autour du livre d’art

Dans ce qui suit, je propose d’abord de mettre en lumière les spécificités de l’école maternelle en France, notamment par rapport aux apprentissages liés à l’éducation artistique. Le rôle des livres d’art, les avantages et limites de leur utilisation en maternelle et les dispositifs permettant de les exploiter seront ensuite exposés.

1.1. L’école maternelle et la rencontre avec l’art

L’école maternelle, bien qu’étant une école non obligatoire en France, est dotée depuis de nombreuses années de programmes officiels.

1.1.1. Les textes officiels

Pendant très longtemps, les directives officielles en matière de culture artistique se concentraient sur l’aspect de la pratique artistique. L’aspect culturel était quasiment inexistant. Les programmes de 2002, les plus détaillés de cette période concernant les disciplines artistiques, proposent un nouvel éclairage en évoquant une culture visuelle et musicale :

L’école maternelle propose une première sensibilisation artistique. La rencontre avec les œuvres et les artistes nourrit la curiosité de l’enfant et sa capacité à s’émerveiller. Elle lui apporte des repères. L’enseignant l’encourage à exprimer ses réactions face aux productions. Il l’incite à trouver des liens entre les inventions, les solutions des créateurs et ses propres tentatives. Il se familiarise avec des œuvres qu’on lui fait découvrir dans des contextes différents. Il en perçoit des aspects divers et en distingue certaines particularités. Il acquiert ainsi un début de culture visuelle et musicale.

(Ministère de l’Éducation nationale [MEN], 2002, p. 35)

En 2008, le ministère de l’Éducation nationale définit l’organisation de l’histoire de l’art à l’école et au collège. Seules quelques lignes concernent la maternelle : elles précisent que les enseignants se saisissent d’occasions « […] d’aborder des œuvres d’art autour de repères historiques et en choisissant des œuvres de manière buissonnière » (MEN, 2008, p. 6).

Les programmes en vigueur aujourd’hui ont été publiés en 2015. Deux paragraphes sont consacrés à la rencontre avec les œuvres d’art. L’un des paragraphes insiste sur les rencontres régulières avec différentes formes d’expressions aussi bien en classes que par la fréquentation de lieux culturels pour évoquer la compréhension de la fonction artistique et sociale de ces lieux. L’autre paragraphe est consacré à l’observation, la compréhension et la transformation des images :

Les enfants apprennent peu à peu à caractériser les différentes images, fixes ou animées, et leurs fonctions, et à distinguer le réel de sa représentation, afin d’avoir à terme un regard critique sur la multitude d’images auxquelles ils sont confrontés depuis leur plus jeune âge. L’observation des œuvres, reproduites ou originales, se mène en relation avec la pratique régulière de productions plastiques et d’échanges.

(MEN, 2015a, p. 12)

Dans l’introduction du domaine concernant les activités artistiques, il est précisé que :

L’école maternelle joue un rôle décisif pour l’accès de tous les enfants à ces univers artistiques ; elle constitue la première étape du parcours d’éducation artistique et culturelle […] qui vise l’acquisition d’une culture artistique personnelle, fondée sur des repères communs.

(MEN, 2015a, p. 11)

Le parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC), publié en juillet 2015 par le ministère de l’Éducation nationale (2015b), définit de son côté trois piliers :

Des rencontres avec des artistes et des œuvres, des pratiques individuelles et collectives dans différents domaines artistiques, et des connaissances qui permettent l’acquisition de repères culturels ainsi que le développement de la faculté de juger et de l’esprit critique.

(section Article 1)

Son objectif est ainsi défini :

Ce parcours à l’École n’est pas une fin en soi, il vise à susciter une appétence, à développer une familiarité et à initier un rapport intime à l’art, que chacun cultivera sa vie durant selon ses goûts et ses envies.

(section Le parcours d’éducation artistique et culturel)

Comme on peut le constater, nous assistons à une véritable évolution des objectifs définis par les textes officiels. Les rencontres avec les œuvres d’art deviennent un des axes à part entière de l’éducation artistique et culturelle (EAC), qui permet le développement de la faculté de juger et de l’esprit critique. Ces deux expressions sont entièrement nouvelles concernant les maternelles, l’expression kantienne « la faculté de juger » renvoie expressément à la construction de l’expérience du spectateur/amateur-élève. Par ailleurs, le législateur rappelle explicitement que ce texte s’applique dès la maternelle. Depuis 2015, les textes officiels accordent donc toute leur place aux images à l’école maternelle. Elles ne sont plus seulement vues comme servant à enrichir une pratique. Il s’agit entre autres de les observer (éducation au regard) et de les comprendre (faire sens). L’enseignant doit d’ailleurs se saisir de ces artéfacts pour développer des compétences de l’ordre du jugement et de l’esprit critique.

1.1.2. Les spécificités de l’école maternelle et de ses élèves

L’école maternelle est la première école, mais ce n’est pas le début de la vie des enfants qui la fréquentent. Ce ne sont pas des pages blanches ! Cela fait trois, quatre ou cinq ans qu’ils vivent une multitude d’expériences nouvelles, que chaque jour ils apprennent quantité de nouveaux mots. Depuis leur naissance, ils découvrent le monde qui les entoure avec leurs sens, puis progressivement par le langage. Ils vivent des expériences, ils emmagasinent des sensations, des émotions et des mots pour les exprimer.

Par ailleurs, ces enfants ont déjà une vie culturelle à la fois familiale et scolaire (pour ceux qui fréquentent l’école depuis un ou deux ans). En effet, « l’enfant entre dans la culture en naissant » comme le souligne Guibert (1999, p. 37), « et sa famille joue un rôle essentiel, d’initiateur, d’éveilleur culturel »1.

L’école maternelle accueille de très jeunes enfants. Le langage est en plein développement chez ces enfants. Comme le souligne Florin (1995), à partir de deux ans, le développement langagier s’accélère tant sur le plan lexical, sémantique et syntaxique que sur le plan de l’utilisation du langage. De deux à six ans, les enfants apprennent en moyenne deux nouveaux mots tous les trois jours. Gioux (2000) nous explique que beaucoup des fonctions du langage sont présentes et potentiellement activables dès deux ans : la fonction heuristique, aussi bien que la fonction informative, narrative ou imaginative. Ces années de maternelle correspondent à un moment où l’enfant est avide de mots nouveaux dans de nombreux domaines. Il découvre le monde qui l’entoure et a besoin de mots pour nommer ce qu’il découvre, pour demander davantage d’explications, pour exprimer ce qu’il ressent et ce qu’il pense. Qui n’a pas connu un enfant de cet âge capable de mémoriser le nom le plus compliqué du dernier dinosaure découvert ou bien de réutiliser à bon escient une formule recherchée employée par un adulte de son entourage ?

Cette propension à mémoriser et réutiliser le vocabulaire ou bien les syntaxes entendues permet aux élèves de maternelle d’exprimer ce qu’ils ont à dire devant une œuvre d’art, ou tout au moins tenter de le faire. Elle est susceptible de les aider lorsqu’ils sont confrontés au « difficile à dire » (François, 1999). Bien sûr, l’enseignant pourra, au besoin, apporter un mot adéquat pour aider l’élève. Toutefois, nous pouvons souligner dès à présent que l’objectif n’est pas que l’élève acquiert le vocabulaire précis et spécifique d’un amateur d’art, mais qu’il puisse exprimer ce qu’il souhaite par rapport à l’œuvre d’art ou sa reproduction, pour l’aider à penser. Comme le soulignent Chabanne, Parayre et Villagordo (2012) :

[…] le langage n’est pas seulement un vecteur transparent de l’échange, un simple médium : il joue un rôle d’outil cognitif : la pensée ne s’exprime pas par le langage, s’élabore en lui ; le langage n’est pas seulement la trace d’une activité mentale, mais aussi le moyen par lequel elle se cherche, s’exprime, s’expérimente et s’accomplit.

(p. 23)

Dans ce cas, le langage en développement est un outil au service des EAC, mais l’utilisation du langage dans des situations complexes de communications réelles lui permet également de se développer. On entre ainsi dans le cercle vertueux : le langage, outil pour les EAC, se développe grâce aux EAC et devient plus performant. L’éducation à l’art a pour conséquence une éducation par l’art.

Une autre caractéristique fondamentale des élèves de l’école maternelle est le fait qu’ils ne sont pas lecteurs. Ces élèves ne liront pas les cartels ni les commentaires ou les légendes dans les livres d’art. Toutefois, au cours de leur première ou de leur seconde année de maternelle ils découvrent cet écrit. Très vite, ils comprennent qu’il peut être source d’informations, de rêves, de plaisirs… et très vite, ils savent faire appel à une personne capable de leur lire cet écrit : « tu nous lis ce qu’il y a d’écrit ! ».

Pas lecteur de texte donc… mais lecteur d’images ! D’autant plus lecteur d’images ! Les jeunes enfants étant incapables de lire les textes concentrent leur attention sur les images, que ce soit sur les affiches, les albums, les livres ou dans un musée où ils ignoreront les cartels et notices explicatives pour focaliser leur regard sur l’image. Dans ce domaine également, ils ont déjà une longue expérience de lecteur d’images fixes, pour les albums, les images échangées dans la cour, les publicités dans la rue ou animées, pour la télévision, le cinéma et les jeux vidéo. Ils ont déjà regardé, observé, fouillé, traqué les détails d’une multitude d’images. Il reste à l’école maternelle le devoir de développer chez tous ces élèves les compétences de lecteurs experts d’images, de les aider à structurer cette capacité pour en faire un outil efficace afin d’appréhender le monde qui les entoure.

1.2. Des livres d’art dans une classe de maternelle

L’enjeu est tout d’abord de permettre aux élèves, dès le plus jeune âge, de faire l’expérience de la rencontre avec l’art, de découvrir les pratiques culturelles, puis d’intégrer ces pratiques pour permettre de véritables rencontres avec l’œuvre d’art. Les livres d’art dans une classe permettent de multiplier les situations et d’observer des œuvres d’art nombreuses et variées. Après avoir évoqué les raisons de l’utilisation des livres d’art en maternelle, nous définirons, dans ce qui suit, quels livres d’art peuvent être utilisés et nous préciserons les obstacles liés à cet objet.

1.2.1. Pourquoi des livres d’art et comment les choisir ?

L’un des objectifs de l’EAC est de permettre la rencontre avec l’œuvre d’art. Pour reprendre les termes du texte définissant le PEAC, ce parcours « vise à susciter une appétence, à développer une familiarité et à initier un rapport intime à l’art » (MEN, 2015a, section Le parcours d’éducation artistique et culturel). Il faut donc, si l’on prend la définition de la familiarité, que l’œuvre d’art entre dans une grande intimité née de rapports constants, qu’elle entre dans le cercle intime de la famille. Pour ce faire, il faut à la fois une multiplicité de rendez-vous, mais également une qualité de relation dans ces rencontres. Tout cela va demander du temps. Pour développer cette familiarité et susciter l’appétence, on devra procéder à un véritable « nourrissage » en rencontre avec l’art. Pour garantir la qualité de la rencontre avec l’œuvre d’art, il semble préférable d’être en présence de l’œuvre. Être au contact de l’œuvre permettra de prendre conscience de la matière, des couleurs, des dimensions, etc.

Il n’est malheureusement pas possible dans le cadre scolaire de démultiplier les visites des lieux culturels pour être systématiquement face à l’œuvre originale. Les écueils sont de l’ordre de la gestion du temps, des budgets, mais proviennent également de l’éloignement ou même du caractère non public de l’œuvre. Par ailleurs, les dispositifs de médiation des œuvres d’art dans les lieux d’exposition ne permettent pas toujours aux jeunes enfants les meilleures conditions d’observation (impossible de s’approcher, affichage trop haut, etc.). Pour pallier ces difficultés en classe, il est fréquent de faire appel à des reproductions sur affiche ou projetées sur écran. Mais le livre d’art comme support scolaire est rarement utilisé, pourtant il permet de faire entrer les œuvres d’art dans la classe dans une relation personnelle de l’enfant avec l’œuvre ainsi qu’avec un petit groupe de pairs ou l’enseignant, comme nous l’avons expérimenté.

Le choix du livre

Les dimensions et la qualité des images entrent bien sûr dans les critères de choix. La diversité des œuvres ou bien la spécialisation selon un artiste, un courant, une collection peuvent également être des critères selon l’objectif souhaité. Il est possible également d’utiliser des livres d’art pour adultes, mais l’avantage des livres à destination des enfants réside dans le fait qu’il y a peu de textes et donc qu’une place plus importante est laissée aux images. Pour ma part, j’ai le plus souvent utilisé des livres d’art que je pourrais qualifier de « généralistes » pour enfants, c’est-à-dire offrant une très large diversité d’œuvres d’art issues d’époques et de cultures différentes.

L’utilisation de ce type de livres d’art permet d’abolir les distances et le temps. L’enfant peut voir des œuvres exposées dans le monde entier, allant de la reproduction de l’estampe La Grande Vague de Kanagawa d’Hokusai exposée au Metropolitan Museum of Art de New-York, à une fresque murale d’une villa de Pompéi. Les livres d’art permettent également d’accéder à l’abondance : avec une vingtaine de livres différents, on propose aux élèves plus de mille œuvres d’art différentes, ce qui en matière de nourrissage est primordial. On peut penser au Musée imaginaire d’André Malraux (1947) qui, par ses albums de photos d’œuvres d’art, initiait un musée imaginaire à la portée d’un large public.

Enfin, certains livres proposent à leurs jeunes lecteurs à côté de l’œuvre dans sa totalité des agrandissements de détails qui permettent à l’élève de recentrer son regard. Cela permet également de rendre visible un aspect qui serait resté invisible sur l’image intégrale de l’œuvre, notamment pour des œuvres aux nombreux personnages ou objets, et pour des œuvres de grands formats.

Ce support permet non seulement d’avoir accès à une multitude d’œuvres d’art, mais également de les rapprocher, de mettre côte à côte des œuvres. Il permet et facilite la comparaison. Ce qui est recherché et privilégié réside dans cet acte de comparaison, la diversité des œuvres est un véritable levier didactique. La comparaison par ailleurs, est une façon de voir une œuvre, à travers une, deux, trois autres.

1.2.2. Quels sont les obstacles liés aux livres d’art ?

Regarder une reproduction d’œuvre d’art dans un livre n’est pas la même chose que regarder une œuvre originale. Mais certaines compétences mises en œuvre lors de ces regards sont peut-être du même ordre. Il est sûr qu’une reproduction ne rendra pas la matière, l’épaisseur, les couleurs, même les formes dans les cas des sculptures et des architectures. Par ailleurs, le cadrage de la photo et la mise en page dans le livre d’art induisent forcément une lecture particulière de l’œuvre. Cette expérience ne permettra sans doute pas « La Rencontre, dans ce qu’elle a d’unique, d’imprévisible et de sidérante » comme l’écrit Bergala (2006, p. 62). Pourtant, certaines compétences culturelles proches peuvent être construites et développées dans ces deux types de situations. Il ne s’agit pas d’opposer les œuvres d’art et leur reproduction, mais de les utiliser de manière complémentaire au profit de la construction « d’une posture de destinataire, de spectateurs, de récepteurs qui apprennent à aimer l’art comme un “amateur” […], une posture de destinataire, de spectateurs, de récepteurs avec d’autres » (Archat Tatah, 2014, p. 2).

Certaines précautions peuvent être prises pour éviter aux jeunes enfants de se fourvoyer face à ces images dans des livres. Pour permettre le développement de ces compétences culturelles, il faut que l’élève regarde l’image comme « un objet pour l’étude. Elle n’est plus appréhendée seulement dans un temps présent, elle devient un objet d’intérêt au-delà de l’expérience personnelle et de l’immédiateté de sa perception. » (Archat Tahah, 2014, p. 3). Everaert-Desmedt (2011) développe un peu la même idée lorsqu’elle précise que pour que l’œuvre puisse « fonctionner comme telle il faut qu’elle se fasse reconnaître comme étant une œuvre d’art » (p. 10).

Pour qu’un élève de trois ou cinq ans puisse faire ce travail, il est utile que l’enseignant mette en place en parallèle des situations avec des œuvres d’art originales. Il paraît important que l’élève ait eu une expérience avec des œuvres d’art originales en fréquentant des lieux d’exposition, à défaut par l’apport d’une œuvre en classe, d’une peinture ou d’une photo encadrée. Mais la rencontre ne suffit pas forcément, il faut que cette rencontre soit accompagnée par l’enseignant médiateur qui fera de cette rencontre un événement qui deviendra une référence pour l’élève. Ces dispositifs aideront le jeune enfant à accorder ce statut d’objet d’étude aux représentations figurant dans un livre d’art.

1.2.3. Quels dispositifs avec des livres d’art en maternelle ?

L’un des temps particuliers qui rythment la journée d’un élève d’école maternelle est ce que l’on appelle le temps d’accueil. C’est le moment de transition entre la maison et l’école. C’est le plus souvent un moment où les activités sont libres et choisies par les élèves. Un autre dispositif pédagogique fréquent en maternelle est celui des ateliers ou du travail en petit groupe et non en classe entière. Dans le cas des livres d’art, ce travail en petit groupe permet de partager le livre de manière à ce que chacun puisse voir dans de bonnes conditions l’image. Ce dispositif facilite également les échanges entre les enfants. Je fais donc l’hypothèse que je puisse coupler le temps d’accueil, de par sa régularité, sa fréquence, une ou trois fois par semaine, avec celui d’un travail avec les livres d’art. Insérer cet apprentissage dans un rituel d’accueil contribuerait à une pratique massive des EAC. Cela est simple et facile à mettre en place, bien qu’innovant dans la longueur et la répétition.

L’une des attentes des programmes de fin d’école maternelle (MEN, 2015b) en matière de langage oral est de « pratiquer divers usages du langage oral : raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue. » (p. 11). Ces compétences sont travaillées dès la petite section en situation de communication réelle. Les variables didactiques qui font évoluer la situation sont la taille du groupe, les supports utilisés et les interventions de l’enseignant. Certaines séances (surtout en début d’année) sont conçues spécifiquement pour installer des pratiques de classe dans ce domaine puis ces pratiques sont réinvesties tout au long de l’année, dans tous les domaines disciplinaires et particulièrement en EAC.

Les séances que j’ai mises en place dans ma classe s’articulaient autour de deux temps distincts : le temps d’accueil et le groupe de langage.

Le temps d’accueil autour des livres d’art

Il faut souligner que c’est un temps dont la forme est libre et dans lequel l’initiative laissée aux élèves est très importante. Lors du temps d’accueil, plusieurs ateliers sont proposés en libre accès. Chaque élève choisit ce qu’il veut faire et dans le dispositif que j’ai retenu, l’élève peut changer d’activité quand il le décide. L’atelier qui nous intéresse consiste en une caisse de livres d’art (livres à destination des enfants) à la libre disposition des élèves dans l’espace de regroupement. Ceux qui le souhaitent peuvent prendre le livre qu’ils veulent pour le regarder seul, ou à plusieurs, le temps qui leur convient. Ils peuvent également en changer aussi souvent qu’ils en ont envie au cours de cette phase de la séance. L’enseignant peut aller s’asseoir sur l’un des bancs et être ainsi disponible pour l’élève qui souhaite, toujours sur la base du volontariat, venir lui montrer une découverte, en discuter avec lui, ou qui voudrait qu’il lui lise une légende ou un commentaire. Cette première phase dure environ vingt minutes (le temps de l’accueil) et c’est une phase très peu dirigée par l’enseignant. Ce temps permet aux élèves d’aller et venir entre les livres d’art et les images qu’ils contiennent, de faire de véritables choix entre ces images et de les garder pour eux ou de choisir avec qui les partager, de les comparer avec d’autres images. Cela laisse le temps à l’image de surprendre l’enfant, d’attirer son attention. Là commence l’investissement du récepteur (Everaert- Desmedt, 2011). C’est également là le temps du regard et de l’étonnement (Archat Tatah, 2014) qui ouvre la voie au processus de questionnement et d’interprétation puisqu’à chaque fois cette phase est suivie d’un échange collectif. Par la répétition de ce dispositif, le feuilletage tend vers un échange, une transmission.

L’échange entre les élèves autour d’un support commun

La seconde phase de la séance se déroule immédiatement à la suite du temps d’accueil. Tous les élèves se rassemblent sur les bancs de l’espace de regroupement et (toujours sur la base du volontariat) un élève présente une œuvre qu’il a retenue. Il la montre à tous, puis s’exprime à son propos (aucune consigne n’est donnée quant au contenu de l’intervention par l’enseignant, les seules questions posées sont : « veux-tu montrer quelque chose ? », « Que veux-tu en dire ? »). Ensuite, les autres élèves peuvent intervenir soit sur ce que vient de dire l’élève soit sur l’œuvre elle-même. Dans ces séances, les interventions de l’enseignant gagnent à être très limitées. Elles ne concernent que la gestion du groupe, la réponse à une sollicitation d’un élève, une demande d’argumentation ou bien éventuellement, si le débat le nécessite, une reformulation de propos d’élèves. Ces situations peuvent être insécurisantes pour l’enseignant, car il ne maîtrise pas les choix des élèves. Les œuvres choisies peuvent être très variées, et l’enseignant peut ne pas les connaître. Ceci n’est absolument pas important, car il ne s’agit pas d’abreuver les élèves de connaissances sur l’œuvre, mais de les accompagner dans une découverte personnelle de l’œuvre, dans un regard attentif, dans des constats, dans des émissions de questionnements et d’hypothèses, dans des pratiques culturelles de réception d’œuvres (ce sont simplement ces dernières qui doivent être maîtrisées par l’enseignant).

L’atmosphère — au sens de Bucheton (2009) — de la classe dans ces moments-là repose sur des principes simples, mais fondamentaux : le droit qu’a chacun de s’exprimer comme celui de se taire, le devoir d’écouter celui qui s’exprime sans perturber son intervention, enfin le fait que la parole de chacun est respectable (même si toutes les interventions ne présentent pas le même degré d’intérêt dans le contexte du débat). Les règles habituelles de la classe en ce qui concerne les échanges peuvent s’énoncer ainsi : attendre son tour de parole, respecter la parole de l’autre, ne pas répéter ce qui vient d’être énoncé sans apporter de touche personnelle et rester dans le sujet. L’attitude de l’enseignant est également un élément significatif, constitutif de cette atmosphère. L’activité des élèves dans ces séances est de parler, ce n’est donc pas à lui de le faire à leur place.

Deux remarques par rapport à la temporalité peuvent être faites ici. En fonction du nombre d’élèves qui souhaitent prendre la parole et de l’intérêt du groupe, cette phase peut durer de 15 minutes à 45 minutes lorsque les débats sont engagés, lorsque les élèves sont « entrés dans le jeu » (Chabanne et Villagordo, 2008, p. 7). La durée de la séance est à apprécier par l’enseignant en fonction des élèves, de ce qu’ils ont à dire et de l’attention du groupe. Le second niveau temporel est celui de l’intervention proprement dite de l’élève : lorsqu’un élève a la parole, il a le temps de parler (il est très rare que je coupe une intervention). S’il doit chercher ses mots ou la façon d’exprimer son idée, il doit disposer de ce temps. Le silence n’est pas à bannir de ces séances, il fait partie de la réflexion.

2. Les compétences développées quand de jeunes élèves travaillent avec des livres d’art

Que peuvent bien apprendre réellement des élèves de trois à cinq ans avec des livres d’art ? Que disent-ils de ces images, que se disent-ils entre eux ? Comment lisent-ils ces images ? Quelles compétences développent-ils ? Pour répondre à ces questions, je propose ici des pistes d’observations, mais aussi des réflexions interrogatives nées de l’expérimentation de séances filmées (en 2009), autour de livres d’art. Ces séances filmées, au nombre de quatre, ont été menées au cours de l’année scolaire 2008-2009 dans une classe maternelle multiâge (avec des enfants de trois à cinq ans) et elles s’appuient sur les dispositifs pédagogiques décrits précédemment.

2.1. Des attitudes : une appétence pour les œuvres d’art, une curiosité, un intérêt, une envie de parler des œuvres d’art

Les premières observations réalisées et les analyses qui s’en suivent concernent le développement d’attitudes chez les élèves qui leur permet véritablement de s’ouvrir à l’art.

2.1.1. Une appropriation rapide des supports et une envie de parler

Le support livre d’art est pour beaucoup d’élèves de cet âge un objet nouveau lorsqu’ils le rencontrent en classe. Ce n’est ni un livre narratif comme les albums (genre de livres qu’ils connaissent bien) ni un livre documentaire classique (forme de livres qu’ils rencontrent occasionnellement). Cependant, ils sont familiarisés avec les reproductions d’œuvres d’art dans d’autres formats (posters et affiches, images projetées sur écran, petites cartes [format carte postale ou 22 cm x 16 cm]). Dans les expérimentations menées, le fait que ce soit dans un livre n’a pas semblé leur poser de difficulté particulière. Cette appropriation s’est révélée dans des détails pratiques. En effet, lors du feuilletage libre (la première phase de la séance), les élèves consultaient plusieurs ouvrages. Très vite, ils ont pris l’habitude d’anticiper la seconde phase en gardant le livre dans lequel figurait l’œuvre qu’ils voulaient montrer. Mais un problème technique s’est posé. Comment garder la mémoire de la page ? Les élèves qui avaient choisi une œuvre refusaient qu’un autre élève regarde le livre pour ne pas perdre la page qui les intéressait. J’ai dû mettre à disposition des marque-pages (petite bande de papier plastifiée à disposition près des livres d’art) pour résoudre ce problème.

Un autre élément significatif est le nombre d’élèves qui interviennent. Dans les séances observées et analysées, à chaque fois, au moins huit élèves sur dix interviennent pour les élèves de cinq et six ans, et un élève sur deux pour les élèves de trois ans. Ils ont des choses à dire ou plus exactement, les reproductions d’œuvres d’art contenues dans ces livres leur « parlent ». Leurs prises de paroles sont toutes (sauf une dans les séances filmées) dans le sujet de la discussion : l’œuvre d’art présentée par un élève. Cette activité a du sens pour eux, elle mime un travail d’atelier de parole avec l’enseignante, dispositif qu’ils transposent d’eux-mêmes. Le langage est au cœur de l’école maternelle. De nombreux ateliers ont pour but d’apprentissage le développement du langage oral : les élèves apprennent à prendre la parole dans un groupe d’élèves plus ou moins grand, à rester dans le sujet de la discussion, à écouter l’autre, à tenir compte de ce que dit l’autre dans son propre propos, ou à argumenter son point de vue. Dans les situations d’échange autour des livres d’art, ce sont ces compétences qu’ils mettent en œuvre.

2.1.2. Parfois même un véritable enthousiasme

Lorsque j’ai expérimenté ce dispositif, j’avais une classe multiâge, c’est-à-dire avec des élèves de trois à cinq ans. J’avais décidé de réaliser ces séances autour des livres d’art en début d’après-midi pendant que les plus jeunes étaient à la sieste. Dès les premières séances, j’ai noté un enthousiasme pour ces séances. Le rythme que j’avais choisi pour de telles séances était d’une séance par semaine. Le principe était que quand il n’y avait plus d’élèves souhaitant présenter une œuvre, la séance s’arrêtait. Si l’attention du groupe se dispersait et qu’il y avait encore des élèves qui souhaitaient présenter une œuvre, cette présentation était reportée à la séance suivante. Pourtant, très rapidement, les élèves m’ont demandé à ce que ce soit reporté « à demain, sinon c’est trop loin ». Ainsi, nous nous sommes retrouvés avec des séances « accueil livres d’art » au début de chaque après-midi. Et puis un jour, alors que je leur expliquais que nous ne pourrions pas reprendre la séance le lendemain en raison d’une sortie prévue en début d’après-midi, ils m’ont répondu « on n’a qu’à le faire le matin ». C’est ainsi que ce type de séances a également trouvé sa place, certains jours, à l’accueil du matin.

Certains élèves (environ un sur cinq) ont même acquis la dénomination « livre d’art » au cours de l’année et l’ont réutilisée à bon escient à d’autres occasions.

On peut se demander pourquoi l’enthousiasme a été si intense. C’est une année où deux ou trois élèves ont été fascinés par des reproductions de tableaux de Magritte et ont transmis à l’ensemble des élèves de moyenne et grande section cet engouement. C’est peut-être ce qui a permis au groupe de réagir avec une telle intensité. Bergala (2006) parle de cette première rencontre singulière qui fonde la relation esthétique aux œuvres : « la Rencontre, dans ce qu’elle a d’unique, d’imprévisible et de sidérante » (p. 62). Mais cela ne se programme pas, c’est un moment personnel et différent pour chacun. Bien sûr, plus les élèves rencontrent d’œuvres, plus ce moment a de chance de se produire. D’ailleurs, la rencontre se fait-elle toujours uniquement personnellement ? La force du groupe, le regard de ses pairs, peut accentuer un enthousiasme, ou le refroidir. Les élèves se regardent regarder, s’écoutent parler.

L’enthousiasme s’est manifesté de façon explicite autour de la seconde phase de ces séances, c’est- à-dire sur le moment d’échange autour des œuvres d’art. Ces élèves ont acquis l’envie et le plaisir d’échanger autour des œuvres d’art. Ce qui semble avoir motivé en premier lieu leur plaisir est de montrer une œuvre à leurs pairs et de pouvoir s’exprimer à son sujet. On peut noter que de nombreuses occasions de s’exprimer devant les autres se sont présentées à eux au cours de l’année (raconter ce qu’ils ont fait dans un atelier, expliquer comment ils ont fait, commenter leur production plastique, expliquer leur procédure pour résoudre un problème…), mais aucune de ces situations n’a suscité un tel engouement.

On peut ainsi penser que l’élément reproduction d’œuvres d’art/image est une donnée significative dans la situation. Toutefois, les lectures collectives d’œuvres d’art (à partir d’une affiche ou d’une reproduction projetée sur écran) ne déclenchent pas non plus une telle demande de la part des élèves. Quel est l’élément singulier de cette situation ? Peut-être est-ce le fait qu’ils sélectionnent eux-mêmes l’œuvre ? Si c’est le cas, qu’est-ce qui, dans cet acte, génère, pour eux, du plaisir ? Est- ce la relation qu’ils établissent lors de cette rencontre avec l’œuvre ? Est-ce une forme d’appropriation-affection envers l’image choisie ? Une sorte d’identification à un objet d’élection ? Dans le texte sur l’organisation de l’enseignement de l’histoire des arts (MEN, 2008), il est question pour les acquis attendus de « curiosité et de motivation » dans les attitudes et « de participer à des débats portant sur les arts et la culture » (p. 5) dans les capacités. Je pense que le degré de participation des élèves à la discussion et les demandes d’intensification du rythme de ces séances sont bien des indicateurs de la motivation de ces élèves. Pour ce qui est de la curiosité et de la participation à un débat, il faut entrer davantage dans le détail des échanges.

2.2. Des capacités : des rapprochements, des comparaisons, une mise en réseau, du tissage

Lors de ces séances, nous avons pu identifier plusieurs capacités mises en œuvre par les élèves allant du rapprochement entre deux œuvres à de véritables mises en réseau au service de l’analyse de l’œuvre, des compétences complexes de lecture d’œuvre.

2.2.1. Les opérations de tissage

Bucheton (2009) définit le tissage « comme le lien effectué de manière implicite ou explicite entre un savoir ancien et un nouveau savoir » (p. 260). Il s’agit d’une des procédures les plus efficaces dans l’apprentissage, relier la nouveauté au « déjà-là ». Ce lien se fait en général par la comparaison, la recherche de similitudes, mais également de différences : elle permet de fixer la nouveauté par rapport à ce que l’on sait déjà. Par ailleurs, ces comparaisons permettent d’affiner le regard porté sur la nouveauté, de mieux l’analyser et visent à mieux la comprendre.

Ces tissages peuvent être de plusieurs ordres. Pour les plus jeunes, les élèves de trois ans (petite section), les premières comparaisons sont souvent des rapprochements d’éléments du tableau. Par exemple, lors d’une séance où les élèves discutaient autour d’une reproduction du tableau Pont de l’Europe2, trois élèves de petite section comparent les chapeaux des personnages représentés quant à leur forme (un chapeau melon et deux hauts-de-forme). Le fait d’ailleurs que l’un des chapeaux soit partiellement hors-champ ne leur pose absolument pas de problème de lecture de l’image. Bien sûr, pour des enfants de trois ans du XXIe siècle, parler de chapeaux hauts de forme et de chapeaux melon n’est pas chose aisée. Nous sommes tout à fait dans le « difficile à dire » dont parle Chabanne et al. (2012) en citant François (1999). Dans l’extrait de séance ci-dessous (voir tableau 1), Esteban cherche ses mots, c’est difficile (d’ailleurs dans un premier temps, il préfère montrer, c’est-à-dire agir avec son corps plutôt que de verbaliser) :

01:56:00EstebanEh… celui-là c’est pas le même que celui-là3Montre avec le doigt
02:00:00EnseignantPourquoi ?
02:01:00EstebanParce que
02:02:00ÉlèveIl est rond.
02:02:00EstebanCelui-là, il est rond et celui-là il est…
02:07:00ÉlèveCarré.
02:08:00EstebanIl remonte
Tableau 1 : Extrait de verbatim d’une séance filmée (25 mai 2009)

Esteban n’a pas les mots adéquats pour parler des objets qu’il désigne, mais il trouve des solutions, parfois aidé par un autre élève (rond) parfois en puisant dans son vocabulaire personnel (il remonte). C’est alors que l’enseignant est là pour apporter le vocabulaire qui est ensuite repris par les élèves dans la suite de l’échange. Assurément, Esteban n’a pas peur ni de savoir ni de ne pas savoir comme le dit Didi-Huberman (1990) :

Nous sommes devant l’image comme devant un trésor de simplicité, une couleur par exemple, et nous sommes là devant — selon la belle formule d’Henri Michaud — comme face à ce qui se dérobe. Toute la difficulté consistant à n’avoir pas peur ni de savoir ni de ne pas savoir.

(p. 269)

Un autre type de rapprochement (voir tableau 2) est effectué par les élèves lors de cette saynète sur les chapeaux : un lien avec un autre tableau est pointé : Le chemin de Damas de Magritte (1966). Ce tableau était en couverture d’un livre que tenait une élève lors de la discussion. Il a donc été rapidement repéré par un élève.

02:32:00GauthierEt là aussi/là aussi il y a un chapeau melonSe lève et montre la couverture d’un livre tenu par un autre élève avec le tableau de Magritte Le chemin de Damas (1966)
Tableau 2 : Extrait de verbatim d’une séance filmée (25 mai 2009)

Ce rapprochement est simplement l’occasion de réinvestir l’expression « chapeau melon » dans un contexte tout à fait adéquat.

Les rapprochements peuvent concerner d’autres objets culturels. Ces derniers peuvent être variés. Par exemple, lors de la séance évoquée ci-dessus, deux références précises ont été utilisées par les élèves (cette fois les plus grands, âgés de quatre ou cinq ans). Une référence en littérature, l’album Chapeau rond rouge de Geoffroy de Pennart, a été citée pour le chapeau melon (effectivement le personnage principal porte un chapeau melon rouge) et un film Charlie et la Chocolaterie de Tim Burton (2005) pour le chapeau haut de forme que porte le personnage de W. Wonka. Ces deux tissages sont réalisés par les plus grands par rapport à la culture de classe (ces deux œuvres ont été travaillées précédemment dans la classe). Ils sont faits de mémoire. Le premier permet de préciser ce que l’on voit (chapeau noir) puisqu’après le rapprochement (le chapeau rond), une différence (rouge alors que sur le tableau le chapeau est noir) est pointée. Le second permet de situer le chapeau haut de forme dans un usage social, car les élèves précisent que ce n’est pas Charlie qui porte un tel chapeau, mais le propriétaire de la chocolaterie.

Le dernier tissage que je souhaite évoquer ici concerne des rapprochements d’œuvre en raison du style de l’artiste. Le premier exemple s’est déroulé au retour d’une visite du musée Rigaud à Perpignan. Un élève feuilletant les livres d’art m’appelle pour me montrer un portrait peint par Nicolas de Largillière « Regarde c’est pareil ! ». Il rapproche deux peintres de la même époque (Largillière [1656-1746] et Rigaud [1659-1743]). Cet élève de quatre ans avait reconnu une similitude de style entre les deux portraitistes alors qu’il n’avait les portraits de Hyacinthe Rigaud qu’en mémoire et non plus sous les yeux. Les costumes et perruques d’époque sont reconnaissables, mais cet élève n’a que quatre ans ! Ces jeunes élèves sont en train de se constituer une pinacothèque4 mentale.

Une autre fois, une élève choisit une représentation du tableau Cheval attaqué par un jaguar du Douanier Rousseau5 pour montrer aux autres élèves lors d’une séance sur les livres d’art. Tout commence avec une remarque d’élève (voir tableau 3) :

00:00:03SarahBen là/ça et puis ça/ça ressemble un peu/parce que/avec les feuilles qu’y aMontre les tableaux Cheval attaqué par un jaguar et Le rêve du Douanier Rousseau
Tableau 3 : Extrait de verbatim d’une séance filmée (13 mars 2009)

Nous avions travaillé en lecture d’œuvre sur Le rêve (1910) du Douanier Rousseau quelques semaines auparavant. Une reproduction de cette œuvre était accrochée au-dessus du tableau dans la frise culturelle de la classe. Sarah rapproche cette œuvre de celle qu’elle a repérée sur son livre : Cheval attaqué par un jaguar du même peintre : « ça ressemble un peu ». C’est une activité de tissage entre deux œuvres. Pour faciliter ce type de comportement, tout au long de l’année, certaines œuvres travaillées avec le groupe classe sont affichées au-dessus du tableau, en frise, pour aider à la fois leur mémorisation (ils les ont longtemps sous les yeux) et le rapprochement entre elles (ils n’ont qu’à lever les yeux pour les retrouver). Rapidement, quand ce type de comportement se développe, les élèves sont ensuite capables d’aller retrouver dans les livres d’art les œuvres auxquelles ils font référence. Ils ont intériorisé les œuvres. Ils disposent alors d’une véritable bibliothèque d’œuvres d’art mentale ainsi qu’une excellente capacité à retrouver une œuvre dans un livre : ils mémorisent le support autant que l’œuvre. C’est une compétence de lecteur.

Dans ce qui vient d’être présenté, Sarah sait que ce ne sont pas les mêmes tableaux, mais elle remarque des similitudes. Elle a par contre du mal à les exprimer. En effet, quand je lui demande ce qu’il y a de pareil, Sarah, aidée des autres élèves, ne cite que des feuilles, des arbres et des fleurs. Pourtant, ce n’est pas seulement parce qu’il y a des feuilles, des arbres ou des fleurs que Sarah a rapproché ces deux tableaux (en effet, il y a beaucoup d’autres reproductions qui rassemblent ces éléments dans les livres à leur disposition). C’est toutefois la seule chose que les élèves parviennent à exprimer. Nous sommes à nouveau face au « difficile à dire ». Lors de cette séance, plusieurs élèves « ressentaient » une relation entre ces deux œuvres, mais ils n’ont pas trouvé le moyen de l’exprimer. Nous sommes vraiment en présence d’une compétence « en formation ». C’est d’ailleurs ce que Chabanne (2012) nous dit : « la compétence du “maitre-en-rencontre-avec-l’œuvre” est justement de permettre la mise en place de ces compétences, à partir de leurs formes inchoatives » (p. 26).

Je pense que ce rapprochement n’est pas un hasard. Ces élèves sont en train de construire un savoir- faire difficile et technique des EAC : reconnaître le style d’un artiste. En effet, ils prennent conscience que quand des tableaux se ressemblent, ils peuvent être du même artiste. Il est certain que cette mise en réseau ne permet pas encore à ces élèves d’affiner leur lecture de l’œuvre, ils en restent à la constatation de la ressemblance, c’est une première étape déterminante cependant.

Un dernier exemple mérite d’être cité ici, bien que la comparaison proposée soit finalement réfutée par les élèves (voir tableau 4) :

00:20:00Élève 1C’est Magritte
00:22:00Élève 2Non
00:23:00Élève 3Ouais c’est Magritte
00:22:00EnseignantAllez Btissam dis-nous ce que tu as à en dire
00:24:00Élève 2C’est pas bizarre hein
Tableau 4 : Extrait de verbatim d’une séance filmée (25 mai 2009)

Lors de cette séance sur les livres d’art, alors qu’un élève montrait une reproduction d’un tableau (du Douanier Rousseau) à ses camarades, l’élève 1 recherche le nom de l’artiste. Il a identifié l’objet présenté et recherche le nom de l’artiste, comme pourrait le faire n’importe quel amateur d’art devant une œuvre inconnue. Ce qui démontre déjà une familiarité avec l’objet : il sait que cet objet a été produit par quelqu’un, il cherche à deviner par qui. Il propose le nom d’un peintre dont il a mémorisé le nom : « C’est Magritte ». Il a donc bien identifié l’objet comme une peinture. Et il cherche à en deviner l’auteur simplement en la regardant. Il imagine que ce jeu de devinette est possible. Le ton exclamatif employé dénote peut-être un plaisir ou une joie dans ce jeu de devinette (j’ai trouvé !), plaisir à reconnaître un artiste dans une œuvre inconnue ? Il recherche le nom de l’artiste et se réfère à un peintre qu’il connaît pour avoir regardé plusieurs reproductions de ses œuvres dans les semaines qui ont précédé (d’ailleurs, plusieurs livres d’art proposés sont des livres sur Magritte à la suite d’un intérêt particulier des élèves pour cet artiste cette année-là). Un échange à trois s’engage, sans demande d’aide auprès de l’enseignante, leur conversation est une conversation ordinaire entre élèves. Ils vont traiter le sujet entre eux trois. En 0’22, un autre élève répond. Il a compris ce qu’a dit l’élève 1, cela signifie quelque chose pour lui. Lui aussi a sûrement identifié l’objet présenté comme une peinture, il sait que Magritte est un peintre. Nous sommes dans une culture partagée. Il a un avis sur ce qu’a dit l’élève 1 : il n’est pas d’accord, il l’exprime. Puis un troisième élève entre dans le jeu. Contradiction de l’élève 2 ou soutien à l’élève 1 ? En tout cas, les deux remarques précédentes font écho en lui, il a un avis et lui aussi l’exprime. L’élève 2 réfute l’hypothèse par un « non » lapidaire, voyant qu’il n’a pas convaincu, il argumente, cela va nous permettre de suivre sa pensée et nous montrer que son « non » n’était pas un « non » d’opposition systématique que l’on rencontre parfois chez les jeunes enfants lorsque le mécanisme de contradiction se met en place. Non seulement il connaît le peintre cité par l’élève 1, mais il associe ses œuvres à une caractéristique précise : bizarre. Si l’on compare la définition de ce mot : « qui s’écarte de l’usage commun, qui surprend par son étrangeté ; insolite » avec celle de surréaliste « qui évoque le surréalisme par son caractère bizarre, grotesque », on ne peut que trouver pertinente la remarque de l’élève 2. Ayant cette caractéristique en tête, l’élève 2 analyse l’œuvre présentée, c’est-à-dire qu’il fait un lien de Magritte à bizarre, puis revient comparer bizarre avec l’œuvre qu’il a sous les yeux. Cette dernière n’entrant pas dans la catégorie, il rejette l’hypothèse de l’élève 1. Je souhaite souligner qu’à aucun moment de l’année cet aspect n’a été discuté en grand groupe avec l’enseignante. Cet adjectif « bizarre » n’a jamais été validé par le groupe. Pourtant, il semble bien que l’argument convainque les élèves 1 et 3 puisque pour eux, la question est close, le sujet abandonné. C’est remarquable. Magritte a été identifié comme surréaliste par les élèves, donc « bizarre », quelque chose est toujours bizarre dans ses toiles. Le rapprochement Magritte-Rousseau est un rapprochement de style et d’époque comme pour Rigaud-Largillière ; ici Henri Rousseau (1844-1910) précède Magritte (1898-1968), cependant Rousseau instaure un style naïf dans la modernité et Magritte utilisera un style très proche, faussement naïf, pour montrer des scènes impossibles, donc bizarres. Les élèves tissent des époques, des styles, et des marqueurs différentiels très fins… Certains tableaux de Rousseau sont bizarres, mais peut-être moins que celui qu’ils ont vu. Dernier point, les surréalistes (dont Magritte) ont considéré Rousseau comme un prédécesseur. Cela rejoint Villagordo (2010) et Chabanne, Parayre, Villagordo et Dequin (2011) : les élèves soulèvent des questions savantes par leur rencontre et comparaison d’œuvres. Ici, le dispositif permet la comparaison et la différenciation dans un même mouvement.

2.2.2. Des compétences complexes de lecture d’œuvre

Une scène me semble révélatrice d’apprentissages complexes en matière de lecture de reproduction d’œuvre d’art. Elle concerne l’œuvre Eros musicien6 qui est une peinture sur fresque anonyme publiée dans La peinture au fil du temps (Desnoëttes, 2008). Après quelques minutes d’échange, Jeoffrey, un élève de cinq ans, suggère qu’il s’agit d’un autoportrait tout en expliquant à ses camarades ce qu’est un autoportrait « le portrait de celui qui s’est dessiné ». Il nous montre qu’il connaît le mot autoportrait et qu’il en connaît sa signification, même s’il a du mal à le définir. Tom enchaîne en réfutant l’éventualité de l’autoportrait puisque les anges « ça existe pas un truc comme ça ». Et cette fois, le débat s’engage sur le caractère réaliste du sujet de l’œuvre, discussion métaphysique sur l’existence des anges (voir tableau 5) et discussion de théorie de l’art : en somme, peut-on représenter ce qui n’existe pas ? Il s’agit de suggérer un genre : comme le bizarre chez Magritte, ici il s’agit du fantastique, du légendaire, du mythologique. Un personnage avec des ailes peut-il exister ?

02:26:00TomMais non/ça n’existe pas un/un truc comme ça/ça n’existe pas
02:32:00GauthierSi
02:33:00KlaraNon
02:33:00SérénaNon
02:33:00GauthierLes anges/oui ça existe
02:35:00KlaraLes anges oui
02:38:00JeoffreyÇa n’existe pas mais ça vient
02:38:00SérénaNon non parce que les anges // parce que
02:40:00GauthierOui mais // c’est dans le ciel les anges
02:45:00LisaCris là-haut
02:47:00EstébanY sont tout blanc
Tableau 5 : Extrait de verbatim d’une séance filmée (13 mars 2009)

Ces élèves nous montrent, en situation, que pour eux une œuvre d’art est un objet qui parle, ou en tout cas qui permet d’aborder des sujets relatifs à des problèmes fondamentaux de la vie (la mort, le possible, le fantastique…). Et ce débat se déroule sans intervention de l’enseignante. Puis ce sujet se clôt par deux interventions très précises. L’une (voir tableau 6) de Tom, qui énonce la relativité de certaines croyances pour clore le débat. Nous sommes ici dans des compétences touchant à la formation de l’être humain, à l’ouverture, à l’altérité et à la tolérance, la considération de la culture de l’autre, la capacité à appréhender la diversité des sens et symboles que les œuvres portent.

02:47:00TomAttendez attendez/y en a qui « croivent » que les anges existent y en a d’autres qui « croivent » pas que ça existe
Tableau 6 : Extrait de verbatim d’une séance filmée (13 mars 2009)

L’autre (voir tableau 7) d’Ambre qui, voyant qu’il n’y avait pas d’accords sur les anges, revient à l’œuvre ou bien à la reproduction. En tout cas ce qui est sûr, c’est qu’elle revient à la matérialité.

02:56:00AmbreEn fait/en fait/ça/ça existe pour de vrai
Tableau 7 : Extrait de verbatim d’une séance filmée (13 mars 2009)

Autour de cette œuvre, d’autres questions ont été débattues par les élèves, car la fresque de l’ange est détériorée, une matérialité inédite se voit : comment peint-on sur les murs ? Qui l’a inventée ? Les élèves ont remarqué un élément de la fresque, la cassure et ils s’interrogent sur son origine : qu’est-ce qui est cassé ? L’enfant ? Le mur ? Pourquoi est-ce cassé ? Par l’artiste ? Par le temps ? Est-ce la peinture qui est abîmée ? Toutes ces questions sont débattues par les élèves, ils entrent en questionnement sur une particularité observée sur l’œuvre et sont capables d’émettre des hypothèses. Ils sont curieux, ils cherchent des explications possibles. Ce qui est une attitude indispensable pour comprendre l’œuvre d’art.

Conclusion

Des élèves de trois, quatre ou cinq ans peuvent tout à fait s’intéresser à des livres d’art. Choisir une reproduction et en parler avec ses camarades de classe ne leur posent aucun problème à partir du moment où ces séances sont suffisamment fréquentes pour que le format de la séance leur soit familier et que l’attitude de l’enseignant soit une attitude d’accueil et de confiance qui permette la parole de chaque élève. Les compétences que ces jeunes élèves construisent lors de telles séances sont multiples. Elles s’articulent principalement autour de deux pôles : l’EAC et le langage oral dans ce que nous venons de voir. Nous avons noté des attitudes comme la curiosité, la motivation, des savoir-faire comme la comparaison, le tissage entre des objets culturels, des styles de peinture ou bien des œuvres d’un même peintre. Enfin, nous pouvons citer des connaissances comme la distinction entre œuvre d’art et reproduction, le fait qu’une œuvre d’art est fabriquée par un artiste ou bien du vocabulaire comme autoportrait ou chapeau melon, ou encore le nom d’un artiste comme Magritte.

Pourtant, je m’interroge sur la pérennité de ces apprentissages. Une anecdote me revient en mémoire à ce propos : deux ans après ce que j’ai appelé « l’année Magritte », je suis allée dans la classe de CE1 où étaient les élèves initiateurs de ce mouvement Magritte. Tom me montra fièrement une reproduction de La durée poignardée de Magritte : « Regarde c’est moi qui l’ai choisie » me dit-il.

Pas vraiment étonnée, je lui demande de qui est cette œuvre. Et cette fois, sa réponse m’a légèrement surprise : « Je ne sais pas mais elle me plaît ». Il ne se souvenait plus du nom de Magritte !

J’ai toujours été convaincue que le but de l’EAC avec de jeunes élèves n’était pas de rechercher une accumulation de connaissances encyclopédiques, Tom m’en a donné la preuve. Par contre, le goût personnel de Tom n’a pas changé ni l’envie de le partager puisque c’est lui qui est venu me chercher pour me montrer l’œuvre d’un artiste que nous avions rencontrée ensemble, pour me parler d’art. La culture, c’est aussi le tissage inconscient ! Ce ne peut être un hasard, le nom n’a pas été stabilisé, mais l’affect associé à la mémorisation l’a été. Tom garde une image mentale stable de plaisir associé à Magritte, mais également à toute la sociabilité scolaire vécue autour. L’EAC doit avoir cet ensemble, jusqu’à former nos goûts, même lorsqu’on a tout oublié, ce qui est une définition de la culture non encyclopédique. Appréhender des œuvres sans savoir savant, mais avec des savoir-être. L’essentiel est là.

Notes
  1. En 2009, nous avons réalisé une enquête sur les habitudes culturelles des élèves (de l’école Paul Reig dans laquelle j’enseignais) et de leur famille. Un élève sur quatre (des familles ayant répondu) était déjà allé visiter un musée en famille, deux sur trois étaient allés voir un spectacle en famille. Neuf sur dix des parents écoutaient de la musique avec leur enfant. La même proportion des parents regardait des DVD à la maison en famille et près de la moitié avait déjà emmené leur enfant au cinéma. Et nous ne parlons pas de la télévision. Comme on le voit, ces élèves, mêmes jeunes, ont déjà une vie culturelle active. ↩︎
  2. Œuvre datée de 1867 de Gustave Caillebotte (105 x 135 cm). Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas, USA. Reproduction extraite de De toutes les matières (Fontanel, 2009a). ↩︎
  3. Nous avons choisi d’ôter les tics de langage pour faciliter la compréhension. ↩︎
  4. Une collection d’images mémorisées, un musée intérieur, une bibliothèque visuelle mémorisée, répertoire d’œuvres d’art. ↩︎
  5. Œuvre datée de 1910 (89 x 116 cm). Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou. Reproduction extraite de Tous les paysages : le paysage dans l’art (Fontanel, 2009b). ↩︎
  6. Anonyme (23 x 18,5 cm). Pompéi conservé au Musée du Louvre Paris. ↩︎
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Villagordo, É. (2010). Genèse de la compétence interprétative dans la socialisation scolaire. Dans A. Petitat (dir.), La pluralité interprétative : aspects théoriques et empiriques (p. 177-195). Paris, France : L’Harmattan. Récupéré du site http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=21936

Livres d’art cités

Desnoëttes, C. (2008). La peinture au fil du temps. Paris, France : Musée Nationaux.

Fontanel, B. (2009a). De toutes les matières. Paris, France : Palette.

Fontanel, B. (2009b). Tous les paysages : le paysage dans l’art. Paris, France : Palette.

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