Les nouvelles technologies constituent un défi que notre école se doit de relever. Dans le cadre de notre projet eZoomBook (eZB), nous créons des livres numériques enrichis, grâce au format eZB, à partir de textes du patrimoine. Ce format de livre numérique permet d’intégrer plusieurs onglets et documents (versions dans différentes langues, résumés, images, documents audio, vidéo, etc.) accessibles de manière quasi instantanée grâce à la fonctionnalité « zoom » du format eZB. Notre objectif relève d’une transmission de patrimoine littéraire en adéquation avec la mission que Hannah Arendt assigne à l’école en inscrivant l’apprenant dans un monde nécessairement plus ancien que lui. En proposant aux élèves l’outil numérique eZB, nous leur donnons, de manière concrète, « les moyens de comprendre et d’organiser la complexité » (Becchetti-Bizot, 2012) et d’intégrer des OSS (Objets Sémiotiques Secondaires) à une construction collaborative.
Nos travaux, en collaboration avec l’Académie de Nantes, rendent compte de l’intérêt d’eZB pour des enseignants du cycle 3 et livrent les résultats de notre expérimentation dans une classe de primaire : l’eZB permet, dans une approche multimodale, de rassembler, d’organiser et de valoriser l’ensemble des activités menées au cours du semestre, tout en préservant la liberté des enseignants qui souhaitent avoir la liberté d’improviser en se fiant à leur intuition de pédagogue (Gladwell, 2005).
New technologies are a challenge that our schools must take up. As part of our eZoomBook (eZB) project, we have developed eZB – enriched eBooks based on heritage texts. The eZB format makes it possible to integrate several tabs and documents (versions in different languages, abstracts, images, audio documents, video, etc.) that are quickly accessible through a “zoom” feature. In line with the mission that Hannah Arendt assigns to the school, our goal here is a transmission of a literary heritage by introducing learners to a world necessarily older than they are. Through the eZB digital tool, we concretely give them “the means to understand and organize complexity” (Becchetti-Bizot, 2012) and to integrate OSS (Secondary Semiotic Objects) within the context of a collaborative class project.
Our work, in coordination with the Academy of Nantes, shows the interest of eZBs for teachers of cycle 3 and presents the results of our experimentation in a primary class. Through a multimodal approach, the eZB makes it possible to bring together, organize, and promote the activities carried out during the semester, all the while preserving the freedom of teachers who wish to improvise by calling upon their pedagogical experience and intuition (Gladwell, 2005).
Notre problématique de recherche associée au livre numérique concerne la tension entre lecture et navigation. Nous nous situons dans le prolongement de la question de Bon (Roussel, 2011) :
Comment dépasser le manque d’épaisseur que procure le livre ? On commence à s’y risquer. Utiliser une navigation graphique au lieu d’une table des matières textuelles, utiliser les sous-couches de l’ePub pour faire surgir des textes qui s’ouvrent depuis un point précis du texte initial… Le verrou est plutôt à l’intérieur de nous-mêmes.
Bon souligne bien cet aspect, en interrogeant non seulement le texte littéraire, mais aussi la place du lecteur, le sujet lecteur. Notre projet s’inscrit dans le contexte d’une « stratégie numérique globale »1 dans le système éducatif français. Nous travaillons à partir de l’eZoomBook (eZB), qui permet la construction collaborative de documents multimédia (développement informatique de l’École Centrale de Nantes). Cet outil a déjà été utilisé pour un certain nombre de projets pédagogiques dans l’enseignement supérieur.
Les premières expériences effectuées à l’École centrale de Nantes et décrites dans plusieurs articles, remontent à 2013 : l’une dans le contexte d’un cours de littérature, la deuxième au sein d’un « club de lecture » de romans anglais, la troisième dans un cours d’anglais avec un groupe d’étudiants-ingénieurs en apprentissage (Evain, De Marco et Carolan, 2013). Nous avons également montré comment coupler eZB avec d’autres outils de technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE), notamment MyGame-4 (Evain, De Marco et Carolan, 2014), et comment proposer l’outil à d’autres publics que celui de l’École centrale de Nantes grâce à un projet de tutorat (Evain et De Marco, 2015). Dans l’enseignement supérieur, eZB s’appuie, d’une part, sur une pédagogie de lecture innovante et, d’autre part, sur la construction collaborative d’ouvrages multiéchelles. Il s’agit de proposer des ouvrages de plusieurs centaines de pages — ce qui correspond à un objectif ambitieux pour un public qui n’a pas l’habitude de lire des romans en langue étrangère. Les bénéfices en termes d’apprentissage ont été mesurés, analysés en nous appuyant sur les travaux de John Hattie (2008), et rapportés (Evain et al., 2013).
L’outil eZB a été adapté pour la première fois dans une classe de primaire dans le cadre du projet ENJEUX2. L’idée n’était pas de proposer un roman, ni même des textes longs, mais d’exploiter différemment les multiples fonctionnalités de l’eZB.
En tant que livre numérique enrichi, l’eZB intègre plusieurs onglets et des liens hypertextes. Cela permet de rassembler des éléments et des documents (versions dans différentes langues, résumés, images, documents audio, vidéo, etc.) qui vont mettre en valeur le texte littéraire et lui donner une profondeur accessible, de manière quasi instantanée grâce à la fonctionnalité « zoom » de l’eZB. Il serait difficile d’associer toutes ces données, qui éclairent de façon nouvelle le texte, dans un support-livre classique, et c’est bien cela qui donne tout son sens et son intérêt à la dimension numérique.
L’eZB est un ePub qui correspond à la proposition de Bon (Roussel, 2011), et qui offre par ailleurs des fonctionnalités pertinentes pour la valorisation d’un travail collectif.
La principale question qui motive notre recherche est de savoir si l’utilisation du dispositif numérique eZB en tant que « trace » de la lecture faite en classe et dans une perspective de valorisation des travaux va avoir une incidence sur les postures des élèves face à la tâche (Bucheton et Soulé, 2009), les représentations des élèves au sujet des savoirs enseignés, la posture et les gestes professionnels de l’enseignant, l’implication des parents.
Nous commencerons par exposer le contexte de notre recherche en explicitant les enjeux dans le domaine de l’enseignement numérique. Puis, nous détaillerons notre projet de recherche et la méthodologie mise en œuvre. Nous poserons notre cadre et protocole d’expérimentation. Enfin, nous présenterons nos résultats et notre conclusion.
L’avènement de l’ère numérique et les nouvelles technologies influencent tous les domaines du savoir. Ces bouleversements concernent non seulement la production et la diffusion des textes, avec l’émergence de nouvelles formes de textualité (hypertextes, textes enrichis, évolutifs, dialogiques comme dans les forums ou les messageries instantanées, etc.), mais également, selon Jean-François Rouet (2012) « l’accès à l’information et son traitement par le lecteur, et par voie de conséquence l’ensemble des activités qui en découlent — que celles-ci relèvent de la sphère personnelle, professionnelle ou civique ».
La littérature n’échappe pas à ces bouleversements, qui lui ouvrent de nouvelles dimensions et obligent à repenser nos pratiques. À la question de la journaliste Frédérique Roussel (2011) sur l’impact des nouvelles technologies sur la littérature, Bon souligne les liens, depuis toujours, entre littérature, formes de production et usages : « [la] littérature a toujours été intimement liée à l’ensemble des usages de l’écrit et du langage » (Roussel, 2011). Que ce soit le roman épistolaire, la correspondance privée, le roman imprimé dans sa forme actuelle (depuis Gutenberg), le feuilleton, la presse, et maintenant les textes numériques dans toutes les possibilités précédemment évoquées, l’essor technique influence fortement l’évolution des formats.
Ainsi, être « lettré » dans le contexte actuel signifie être capable non seulement de comprendre et de produire des messages écrits, mais aussi d’user de modes sémantiques — textes, images, sons — et de supports technologiques toujours plus diversifiés, originaux, et interactifs (Lacelle, Boutin et Lebrun, 2017). Loin de simplifier la communication, cette profusion de moyens complexifie nos échanges. La « littératie », concept qui renvoie à l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite, évolue et devient numérique, médiatique et multimodale3.
L’école, qui fait entrer les élèves dans le monde de l’écrit et ses usages, qui fait lire et étudier la littérature, doit s’emparer de ces enjeux. À ce titre, Becchetti-Bizot pointe :
Une responsabilité nouvelle qui incombe aux enseignants : celle de faire des médias numérisés des supports de connaissance et d’intelligence du monde, en donnant aux élèves les moyens de comprendre et d’organiser la complexité, pour que ces médias ne soient pas des instruments d’aliénation des esprits — manipulés par les constructeurs, programmateurs et promoteurs d’usages —, mais contribuent véritablement à l’enrichissement et à la formation des jeunes, au développement de leur autonomie.
(2012, p. 56)
Il leur convient d’intégrer ces éléments dans leurs enseignements et d’apprendre aux élèves à lire et à écrire, avec, grâce et par les moyens numériques, ceux-ci ne constituant pas un simple accompagnement (Hayles, Degoutin et Citton, 2016). La réception et la création des textes littéraires sont également concernées.
Toutefois, les relations entre l’école et les nouvelles technologies ne se font pas sans tensions. En effet, l’école est une institution particulière, qui renvoie à la tradition. Selon Hannah Arendt (1972), elle est tournée vers le passé, afin de donner à voir le monde, forcément plus ancien, dans lequel arrivent les jeunes élèves. Arendt affirme que la principale difficulté de l’éducation moderne est de maintenir ce minimum de conservation et une « attitude conservatrice sans laquelle l’éducation est tout simplement impossible ». Arendt, en soulignant le lien entre « crise de l’autorité dans l’éducation » et « crise de la tradition », soit « notre attitude envers tout ce qui touche au passé », fait apparaître le rôle de l’éducateur. Celui-ci est amené à « faire le lien entre l’ancien et le nouveau ». Ce rôle, qui s’imposait comme une évidence, est ébranlé par l’avènement des nouvelles technologies et pédagogies :
Dans le monde moderne, le problème de l’éducation tient au fait que par sa nature même l’éducation ne peut faire fi de l’autorité, ni de la tradition, et qu’elle doit cependant s’exercer dans un monde qui n’est pas structuré par l’autorité ni retenu par la tradition. […] En pratique, il en résulte que, premièrement, il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde, et non pas leur inculquer l’art de vivre.
(Arendt, Dalsuet et Vezin, 2010, p. 224)
Ainsi, selon Arendt, éduquer les enfants, c’est leur donner à voir le monde dans lequel ils arrivent, c’est leur donner les clefs de celui-ci4. Il est en effet indispensable d’inscrire le nouvel arrivant dans un monde nécessairement plus ancien que lui, de l’informer au sujet de la culture dont il fait partie, pour qu’il puisse véritablement innover. On ne peut en effet innover à partir de rien, on ne peut qualifier quelque chose de « neuf » que par rapport à quelque chose de plus ancien. Dans cette optique, la présentation de mondes plus anciens devient très importante dans l’éducation.Comme le dit Arendt, on ne peut faire abstraction de ce passé dans l’éducation. Ne pas le transmettre aux jeunes générations condamne de fait la survivance d’un tel héritage, et par conséquent de notre monde, qui se fonde sur lui. De plus, refuser de donner à voir ce patrimoine aux enfants équivaut à les exclure de notre monde, puisqu’ils ne pourront pas s’y inscrire. Ils n’auront pas d’attache, d’ancrage, qui leur permettra d’innover, de « renouveler ce monde commun ». La culture, la somme d’expériences, de connaissances, de représentations accumulées sont les liens entre les hommes.
Par conséquent, dans le cadre scolaire, de manière assez paradoxale, il importe de penser les nouvelles technologies en lien avec la tradition. Toutefois, cette contradiction n’est qu’apparente et peut être facilement résolue, comme le montrent les travaux de Louichon (2015) au sujet de la transmission du patrimoine littéraire. En effet, selon Louichon, les possibilités offertes par les ressources numériques permettent justement de mettre à disposition de manière intéressante les textes du patrimoine, dont la lecture et l’enseignement doivent être guidés et accompagnés. La multimodalité donne par exemple la possibilité d’intégrer les OSS (Objets Sémiotiques Secondaires), créant ainsi une dialectique féconde entre l’œuvre patrimoniale et sa réception contemporaine. Les OSS renvoient à des productions contemporaines issues de l’œuvre patrimoniale. Louichon distingue quatre catégories : les adaptations, les hypertextes et transfictions, les métatextes et les allusions. Elle écrit ceci :
Le patrimoine littéraire que l’école doit transmettre aux élèves et qui participe de la culture humaniste doit être considéré pour ce qu’il est d’abord : une littérature habitant notre présent, nourrissant de manière toujours renouvelée les créations contemporaines les plus diverses, présente dans nos vies et sur les écrans de notre époque.
(Louichon, 2015, p. 23)
De plus, compte tenu du développement ininterrompu des nouvelles technologies et des possibilités de communication sans cesse renouvelées, il nous semble important que la recherche en littérature et en didactique de la littérature se saisisse de ces questions. Il convient de penser ces nouveaux moyens en lien avec l’art et la discipline, afin de ne pas se laisser dépasser par ceux-ci. De plus, la transmission et l’enseignement de la littérature ne peuvent désormais s’affranchir de nouvelles technologies, et cela pour deux raisons. Tout d’abord, comme nous proposons de le montrer grâce à notre recherche, les textes littéraires se priveraient là de nouvelles possibilités de diffusion, de réception, de lecture, d’interprétation, etc. La dimension numérique permet de donner une épaisseur au texte littéraire, elle confère une culture au jeune lecteur, qui n’est pas encore la sienne, en inscrivant l’œuvre dans un contexte historique, linguistique, artistique, ce qui permet au lecteur d’apprécier pleinement le texte littéraire étudié. Le numérique permet d’intégrer des informations, des images, des fichiers audio et vidéo, ce qui n’est pas possible pour une édition papier. Ensuite, les élèves d’aujourd’hui usent des nouvelles technologies pour lire, se documenter, communiquer (Evain et al., 2013). Il convient de partir des habitudes des élèves pour les mettre en relation avec des œuvres qu’ils ne liraient pas d’eux-mêmes. Becchetti-Bizot explique ainsi que les diverses fonctionnalités offertes par les outils numériques « facilitent d’emblée la captatio benevolentiae » (2012, p. 47). Ils disposent favorablement les élèves pour se lancer dans les apprentissages. Il importe en quelque sorte de combler un gouffre apparent, de créer des ponts entre leur(s) culture(s) et celle que l’on souhaite leur transmettre. Il s’agit de favoriser la rencontre avec la littérature5. On part en effet des habitudes, de supports connus des élèves pour les conduire vers une culture et des connaissances moins accessibles, moins évidentes, qui demandent un effort d’abstraction. En outre, l’intégration des nouvelles technologies dans l’enseignement de la littérature porte un autre enjeu : mettre à distance les nouvelles technologies, afin de saisir leurs limites, pour les utiliser de manière avisée et pertinente6. Ainsi, nos travaux, de par leur dimension didactique, pourront aider les enseignants à remplir la délicate mission qui leur incombe, comme l’indique Becchetti-Bizot :
Le professeur de lettres se trouve par conséquent à la croisée de deux impératifs pédagogiques : intégrer de manière constructive l’usage des nouveaux outils à sa pratique […] ; mais également éduquer les élèves à l’usage des nouveaux médias, en leur faisant prendre conscience des limites de leur liberté et des contraintes inhérentes à ces supports.
(2012, p. 57)
L’institution est consciente de ces enjeux et l’introduction du numérique dans les écoles est un défi qu’elle s’attache à relever. C’est pour cette raison que notre projet inclut une collaboration avec l’Académie de Nantes. Il existe plusieurs typologies des recherches en DFL1 (Didactique du Français Langue Première)7. Notre travail renvoie principalement à la recherche-action de Narcy- Combes (1998, 2001).
Narcy-Combes définit la recherche-action comme « une recherche liée à la réalisation pratique de résolutions de problèmes de terrain où la réflexion a une dimension aussi bien pratique que critique » (1998, p. 229). Les étapes de collecte de données, d’interprétation, d’analyse et de rétroaction sont essentielles à une démarche de recherche-action, tout comme l’implication du terrain, le travail en réseau et l’humilité du chercheur qui ne se situe pas dans une posture hiérarchique, mais collaborative.
C’est peut-être « parce que cette conception [de la recherche comme recherche-action] inclut le principe de comptes à rendre (accountability), [qu’]elle semble particulièrement responsabilisante. » (Narcy-Combes, 2005, p. 123).
Il nous reste un dernier point à expliciter au sujet du contexte du projet : l’Académie de Nantes souhaitait travailler avec nous, car nous étions en mesure de lui fournir un outil libre de droits qui permette de travailler à partir de n’importe quel texte (libre de droits). En outre, le dispositif permet la participation des élèves (aspect collaboratif).
Comme nous l’avons indiqué dans notre introduction, nous travaillons à partir d’un outil original : l’eZoomBook (eZB), qui permet de mettre en valeur le texte littéraire par un travail collaboratif des élèves, dirigé par un enseignant de primaire.
L’eZB offre non seulement la possibilité d’enrichissements multimédia pour un corpus choisi, mais également l’organisation des documents collectés et produits en différents niveaux. Ainsi, Rouet écrit à ce titre :
Un premier niveau d’analyse, qui a prévalu jusqu’à maintenant, consiste à admettre que les nouveaux médias appellent des stratégies de lecture particulières, telles que la navigation via les liens hypertextes, qui se différencient des stratégies plus « linéaires » qui caractériseraient la lecture de textes imprimés. Il importe de familiariser les élèves avec ces nouveaux modes de lecture si l’on veut les rendre autonomes par rapport à la masse d’informations disponibles sur internet.
(2012, p. 62)
Nos travaux s’inscrivent dans la démarche décrite précédemment, puisque nous créons des livres numériques enrichis à partir de textes du patrimoine (contes, fables, etc.). Il s’agit pour nous de saisir et de conceptualiser les potentialités de l’outil numérique eZB en lien avec la littérature et la littératie, puis de penser à la réception et à l’enseignement des textes dits « patrimoniaux » à l’école française (primaire et secondaire) grâce à l’outil numérique. Celui-ci n’est pas uniquement un moyen, il s’agit pour nous de rendre compte du dialogue entre nouvelles technologies et objet à enseigner.
En outre, le choix des textes du patrimoine pour la réalisation de livres numériques permet de mettre en évidence et d’interroger le phénomène suivant : il y a d’une part le mouvement inévitable de l’histoire qui relègue des œuvres, des pans culturels entiers du côté du daté, et d’autre part le mouvement inverse de la scolarisation de « classiques » visant à leur assurer une pérennité en utilisant toutes les ressources à disposition, notamment éditoriales, en l’occurrence la recontextualisation d’énoncés sur des supports et dans des dispositifs inédits. Ces nouveaux dispositifs d’accompagnement sont pensés en fonction des lecteurs contemporains, en vue de revivifier des classiques (Candide, bnf)8 ou de réintégrer dans le canon des textes « lisibles » (par de jeunes élèves) des textes qui étaient sortis de ce répertoire (par exemple le conte de Madame d’Aulnoy La Belle aux Cheveux d’Or).
Tout d’abord, il importe de penser la création de livres numériques enrichis. Nous inscrivons les possibilités de l’eZB dans les théories de la réception de la littérature et de la didactique de celle-ci. Nous nous appuyons sur les travaux de Rouxel et Langlade (2015) ainsi que sur l’ouvrage de Michel Tournier (1994) Le Vol du vampire. Comme nous nous intéressons aux postures des élèves induites par le livre numérique enrichi, l’eZB s’inscrit dans les recherches sur la réception de la littérature. En effet, l’eZB comme support numérique favorise l’interaction avec l’œuvre lue et change de fait la posture du lecteur, du sujet-lecteur, et donne ainsi une « nouvelle » vie à l’œuvre. Nous créons ensuite des livres numériques à partir de textes patrimoniaux, qui sont en conformité avec les programmes officiels et les préconisations de didacticiens de la littérature. Les textes officiels et les ouvrages pédagogiques constituent ici nos principales sources. Nous souscrivons ainsi à l’approche décrite par Becchetti-Bizot :
Il n’y a pas de formule miracle en matière d’enseignement : c’est la rencontre entre, d’une part, un projet didactique bien construit et, d’autre part, les fonctionnalités d’un outil et la configuration d’un environnement de travail, mis en place par le professeur en fonction du profil de ses élèves, qui détermine le succès d’une pédagogie.
(2012, p. 46)
De plus, comme nous l’avons déjà signalé, il importe de lier l’enseignement de la littérature, comme objet, comme art, avec la littératie ou le « dire, lire, écrire », les textes littéraires étant aussi l’occasion de donner à voir des usages de la langue et de développer celle des élèves (enrichissement du vocabulaire, réécritures, etc.).
Nous concevons actuellement plusieurs eZBs et différents parcours pédagogiques à partir du conte La Belle aux Cheveux d’or de Madame d’Aulnoy à destination d’élèves du cycle 3 et du lycée et à partir de la fable de La Fontaine Le Loup et l’Agneau pour des élèves de cycle 3. Nous avons notamment choisi la fable, car il nous semble que ce genre peut être particulièrement valorisé en lien avec l’eZB. En effet, grâce à l’eZB, dans le cas d’une fable de La Fontaine, il devient possible d’évoquer à la fois Ésope et Phèdre en grec ancien et en latin, mais aussi dans différentes traductions, ainsi que les différentes adaptations/réécritures de ces textes sources dans différents pays européens. Tous ces documents pourront être rassemblés et mis à disposition grâce à l’eZB. La fable est un genre que l’on retrouve dans de nombreux pays européens9 et les pays se sont influencés mutuellement. Ce genre implique une forte dimension intertextuelle. On peut ainsi songer au fabuliste russe Krylov, qui s’est d’abord inspiré de La Fontaine, mais qui a inventé des fables originales, propres à la culture russe (par exemple : La soupe au poisson de Damien, très populaire en Russie). Le livre numérique enrichi, parce qu’il rassemble de nombreux documents et données en un seul support, réalise une véritable synthèse qui met en valeur les influences, les résonances et les échos entre les œuvres (littéraires, mais aussi musicales, picturales, etc.). Il permet ainsi de redécouvrir des œuvres, que l’on ne lit plus autant qu’avant. En outre, on peut ajouter des extraits d’œuvres en langue originale, et jeter ainsi des ponts entre les langues, pour mettre en avant l’interculturalité et le plurilinguisme. Cela constitue également un moyen d’inclusion des élèves d’origine étrangère.
Parallèlement à cette réflexion théorique, nous avons mis en place un projet empirique, afin de nourrir notre recherche. En effet, Bon (Roussel, 2011) signale également l’importance de l’expérience dans la mise en place de ces nouvelles habitudes de lecture : « On n’avancera que par l’expérience directe ». De même, selon Lebrun (2015, p.71), ce sont également des bases empiriques solides qui font défaut et il faut que « les expériences sur le terrain se multiplient pour donner un éclairage plus pragmatique aux possibilités de la littératie médiatique multimodale ». Nos travaux, en collaboration avec l’Académie de Nantes, incluent précisément cette vision, puisque nous faisons utiliser l’eZB par une enseignante du cycle 3. Nous avons souhaité interroger l’influence possible d’un eZB dans la mise en place de stratégies d’apprentissage et de lecture ainsi que dans l’acquisition de postures épistémiques.
Nous avons indiqué, dans la première partie de cet article, que nous souhaitions inscrire notre projet dans une perspective de recherche-action (Narcy-Combes, 2001). Cependant, la collaboration avec une enseignante expérimentée, enthousiaste et réactive nous a amenés à revoir notre dispositif pour nous adapter à ses pratiques très intuitives et réactives. En effet, sans attendre l’analyse des données de terrain, l’enseignante tirait rapidement les conséquences des premières expérimentations avec l’eZB et reformulait de nouveaux objectifs et exercices en fonction de sa perception de la dynamique d’apprentissage et de la collaboration des élèves. Les étapes de collecte de données, l’interprétation/analyse et la rétroaction furent quasiment instantanées pour l’enseignante qui avait, par ailleurs, le souci de s’adapter aux différents profils des élèves. Nous avons dû faire preuve de souplesse afin de réagir, discuter et mettre en place les améliorations sur les demandes pressées de l’enseignante. Ainsi, lorsqu’elle s’est mise à ajouter, brique par brique, des éléments au projet, proposant du sur-mesure et transformant peu à peu l’exercice que nous avions initialement préparé en projet semestriel, nous avons tenté de nous adapter à son rythme. Bien que nous, chercheurs, avions parfois le sentiment d’être pris de vitesse, nous avons perçu que la démarche de l’enseignante s’inspirait intuitivement du domaine de la recherche-action dans son souci constant d’amélioration du dispositif. Sa grande expérience d’enseignante lui a permis de faire preuve de pertinence, non seulement en se montrant à l’écoute de ses élèves, mais également en illustrant le principe de Gladwell (2015) selon lequel, souvent, une réaction instinctive relève d’une « intuition justifiée » par tout un passé ou historique que représente l’expérience de l’enseignante. Cela lui permet ensuite d’être plus vive, d’aller droit à l’essentiel sans éprouver le besoin de rationaliser les idées qui lui viennent au cours de l’expérience. C’est ainsi que, par la suite, les arguments se construisent et s’articulent spontanément pour enrichir le projet10.
Dans la perspective de la recherche-action, les outils proposés, pour qu’ils soient opérants, doivent faire l’objet d’une appropriation par les enseignants. En effet, Brassart écrit :
La recherche scientifique et ses résultats peuvent proposer des pistes de travail et de réflexion aux enseignants. Mais, parce qu’ils sont des concepteurs, responsables en tant que tels de leurs pratiques professionnelles, il leur revient de se les approprier, de les adapter à leurs classes en faisant jouer variation pédagogique et souplesse didactique.
(1995, p. 126-127)
Un travail de recherche qui s’inscrit en lien avec le « terrain » favorise cette appropriation.
L’expérimentation a lieu à l’école Chêne d’Aron, école élémentaire du centre-ville de Nantes. Il s’agit d’une classe de CM2 de 30 élèves. Les élèves ont de 10 à 11 ans. Selon la directrice et l’enseignante de cette classe avec laquelle nous travaillons, le public de l’école est d’une grande mixité sociale. De même, le niveau de la classe est très hétérogène : certains élèves sont arrivés en France il y a quelques mois, et ne parlent pas encore très bien français. Il y a ainsi un élève italien, une élève russe, une élève d’origine roumaine. La classe est très peu équipée d’un point de vue informatique : il n’y a que deux ordinateurs, et sur lesquels il n’a d’ailleurs pas été possible d’installer correctement les logiciels nécessaires au bon fonctionnement de l’eZB. Les ordinateurs de l’école bénéficient de beaucoup de systèmes de protection. Par conséquent, nous avons fait le choix d’utiliser le livre numérique enrichi comme une « trace ». Il s’agit pour les élèves d’en produire un collectivement, à partir du travail effectué en classe, pour le donner à voir aux camarades d’autres classes et aux parents. Il convient qu’ils puissent se mettre à la place de leurs futurs « lecteurs » (qu’est-ce qu’il est pertinent d’expliciter au sujet du texte ? Quels enrichissements possibles, etc.). Les manipulations se feront sur des ordinateurs portables prêtés à la classe par Centrale Nantes et moi-même.
Protocole d’expérimentation : enseigner les textes littéraires « patrimoniaux » avec le livre numérique enrichi eZB à l’école primaire.
Séquence (coconstruite avec l’enseignante) : séquence de sept séances, à raison d’une séance hebdomadaire, du 1er mars au 6 avril 2017.
On présente tout d’abord des exemples de livre numérique enrichi eZB aux élèves (au moyen d’un ordinateur et du vidéoprojecteur). Dans l’idéal, il serait intéressant qu’ils puissent manipuler un exemple librement sur l’ordinateur (à tour de rôle sur des ordinateurs portables). Il s’agit de montrer l’organisation de l’outil : chapitres, onglets, fonction «zoom », qui permet la navigation. De cette manière, les élèves peuvent saisir les intérêts du support et voir les enrichissements possibles : ajout d’un glossaire, d’images, d’autres textes qui parlent du même thème, d’enregistrements sonores, etc. Par la suite, on propose aux élèves d’en faire un collectivement à partir d’un nouveau texte, qu’on montrerait et diffuserait aux camarades et aux parents (l’eZB ainsi créé pourrait être diffusé sur la plateforme ENT, sur le site de l’école, au moyen d’une clé USB).
Dans un deuxième temps, on présente la fable de La Fontaine, à partir de laquelle l’eZB sera construit. Celle-ci est lue à haute voix par le maître. On fait un recueil des représentations, voici les questions que l’on pourrait poser aux élèves : qu’est-ce qu’une fable ? Qui est La Fontaine ? Est-ce que ça vous fait penser à d’autres textes ? Est-ce que vous avez l’habitude de lire ce type de texte ?
Ces représentations sont recueillies au moyen d’un questionnaire individuel. On réalise ensuite un bilan collectif après avoir ramassé les travaux des élèves, qui débouche sur la création de cartes heuristiques collectives.
Lors de cette séance, on vise une compréhension globale : il s’agit de repérer les différentes étapes du récit et de les faire reformuler par les élèves à l’écrit. Dans cette optique, la confrontation avec les textes sources peut aider à la compréhension globale, en dépassant les problèmes de vocabulaire. On propose la fable de La Fontaine, ainsi que les fables d’Ésope et de Phèdre. On présente rapidement les auteurs anciens, on réalise une lecture magistrale, on peut montrer les textes en grec ancien et en latin pour l’aspect « exotique ». On demande aux élèves de faire correspondre les passages, d’identifier les différents moments, puis de reformuler les différentes étapes de la fable (par écrit) : ces résumés pourront être inclus dans l’eZB. Le travail est d’abord individuel, puis réalisé par petits groupes : les élèves doivent se mettre d’accord en argumentant. En ce qui concerne le support, les élèves disposent des textes côte à côte ainsi que d’une colonne pour la reformulation. Celle-ci est à faire par groupe. Chaque groupe lit à haute voix la reformulation réalisée. On effectue une synthèse de manière collective : on fait émerger les différences entre les fables (longueur, dialogues, vocabulaire, etc.). C’est également le moment de soulever les problèmes de vocabulaire qui seront abordés lors de la séance suivante.
Lors de cette séance, on vise une compréhension plus fine : il s’agit de mettre en évidence les personnages, leur placement dans l’espace, leurs paroles, leurs actions. On demande aux élèves de faire un dessin du loup et de l’agneau : comment se situent-ils par rapport à la rivière, l’un par rapport à l’autre ? En outre, pour aider les élèves dans ces tâches, on leur propose de compléter un tableau des personnages : leurs désignations respectives, les pronoms, etc (voir tableau 1).
Le Loup | L’Agneau |
Par la suite, on travaille sur les paroles des personnages : les élèves sont priés de colorier en bleu les paroles du loup, en vert celles de l’agneau. Un autre tableau permet de mettre en évidence les reproches du loup à l’agneau et les arguments de l’agneau (voir tableau 2).
Premier reproche du loup | Réponse de l’agneau | ||
Deuxième reproche du loup | Réponse de l’agneau | ||
Troisième reproche du loup | Réponse de l’agneau | ||
Quatrième reproche du loup | Réponse de l’agneau |
Ces tableaux seront intégrés dans l’eZB.
Dans un deuxième temps, on travaille sur le vocabulaire. On donne une feuille avec des mots à expliquer. Il s’agit d’expliquer les mots qui freinent la compréhension fine. Si les élèves ne connaissent pas certains mots, ils peuvent les chercher dans le dictionnaire (les définitions trouvées seront elles aussi consignées dans l’eZB). On peut imaginer une différenciation : les élèves plus à l’aise cherchent dans le dictionnaire, les élèves plus fragiles travaillent avec l’enseignante. On peut aussi effectuer une reformulation à l’oral des passages délicats et une explicitation des mots difficiles. On peut aussi proposer un QCM avec des synonymes et demander de justifier le choix opéré.
On propose ensuite un débat interprétatif sur les interactions entre le loup et l’agneau. Voici quelques questions que l’on pourrait poser : qu’est-ce que les élèves pensent du loup et de l’agneau ? Est-ce que le plus fort dans la cour ou l’adulte a toujours raison ? On peut toujours négocier ? Qu’aurait pu faire l’agneau ? Qu’est-ce que la politesse ? Fuir ou ne pas fuir ?
On peut se situer au niveau des animaux, mais aussi au niveau historique. On peut travailler sur la morale, parler de La Fontaine, évoquer le contexte historique, la soumission des courtisans au roi.
Pour finir, on peut faire jouer le procès du loup (pour cela, on peut envisager une séance supplémentaire en rédaction pour préparer le procès).
Lors de cette séance, il s’agit de travailler le genre de la fable. Pour cela, on va proposer une ou deux autre(s) fable(s) de La Fontaine, afin de dégager des caractéristiques communes sur le genre de la fable : on mettra en évidence la façon d’écrire de La Fontaine, la fonction des animaux. On peut songer à Le Loup et la Cigogne par exemple. On peut mettre en évidence quelques traits : on a des animaux qui parlent, une petite histoire, une morale. On peut aussi proposer une fable moins connue ou une fable contemporaine, afin de montrer que le genre est toujours vivant.
Lors de cette séance, il s’agit de préparer la mise en voix. Celle-ci avait été annoncée lors de la séance 0 lorsque les potentialités de l’eZB ont été présentées aux élèves. Dans cette optique, il est important de mener un travail sur la langue poétique (rimes). On peut éventuellement montrer des vidéos. On proposera aussi la lecture de la fable dans d’autres langues : en italien (traduction d’Ésope ou de Phèdre, par l’élève italien de la classe qui lit l’italien), en russe(réécriture de Krylov, par la petite fille russe et sa maman qui peut participer), en arabe (Kalila et Dimna, par deux enfants parlant arabe), en anglais (traduction de La Fontaine, par deux élèves lisant en anglais). Pour ma part, je (chercheuse postdoc) peux leur lire la fable de Krasicki en polonais L’agneau et les loups. Le but de ces activités est d’inclure les enregistrements réalisés dans le livre numérique. Enfin, des élèves peuvent lire le texte en français avec une interprétation. On peut songer à lecture dialoguée avec un narrateur.
Lors de ces séances, on propose un travail d’écriture : on vise un texte court. On demande aux élèves de réécrire la fin et la morale de la fable. Les élèves peuvent travailler à deux. On peut proposer une phase collective où les élèves suggèrent des idées sur des fins possibles. On peut faire intervenir les éléments vus dans d’autres fables (voir séance 4). On peut aussi aider les élèves en les invitant à s’inspirer de mots tels que « vengeance », « entraide », « pardon », «injustice », etc. Les élèves peuvent se mettre par groupe par affinité en fonction du mot choisi. On peut aussi donner des structures syntaxiques ou des phrases pour aider les élèves à démarrer la production d’écrit. Il y a une question que l’on peut poser aux élèves et qui rejoint le travail mené sur le genre de la fable : si on change la fin, est-ce encore une fable ? On peut aussi proposer aux élèves de réécrire la fable en prose.
Au fur et à mesure des séances, on établit la liste des enrichissements et/ou on les intègre au fur et à mesure à la fin des séances (les élèves à tour de rôle avec l’aide du chercheur postdoc).
Voici les onglets possibles qui se dégagent : compréhension/intertextualité (Ésope, Phèdre), résumés (reformulation par les élèves), vocabulaire, personnages, morale, illustrations, le genre de la fable, fables dans d’autres langues, réécritures, etc.
Nous chercherons à savoir si l’utilisation du dispositif eZB dans une perspective de valorisation des travaux de la classe va avoir des bénéfices induits :
Les verbatims ci-dessous permettent de comprendre le rôle de chacun.
Enseignante | « Je souhaite recueillir l’apport de chacun dans une classe très hétérogène et d’un effectif nombreux. Pour cela, il s’agit d’encourager la production écrite et orale de chacun et de canaliser les énergies afin que la classe avance. L’outil informatique eZB permettra une collaboration autour de cet album numérique qui nous donne un but commun, mais je ferai en sorte que les activités “traditionnelles” de lecture et d’écriture gardent toute leur place. J’aime improviser pendant la séance. Avec plus de 35 ans de métier, j’ai acquis de l’expérience : par exemple, je peux ajouter des exercices de compréhension, d’analyse et introduire une activité d’écriture sitôt que la classe s’agite. L’eZB permet ensuite de rassembler toute la production. » |
Chercheur postdoc | « Je suis présente dans la classe pendant deux demi-journées, j’observe sans remplir de grille. Je me familiarise avec les élèves, l’enseignant, le contexte de la classe, l’école, etc. Je me fais oublier par les élèves, afin qu’ils retrouvent des comportements naturels malgré ma présence dans la classe. Il est très important aussi que l’eZB s’inscrive dans une pédagogie propre à l’enseignant, afin que celle-ci ne devienne pas un biais. En effet, le maître doit conserver son “style”. Cet aspect est important et suppose un travail d’appropriation de l’outil par l’enseignant en amont. L’observation effective a lieu le 3e jour. J’ai conscience que mon observation comprend les biais possibles suivants : – je vais trouver ce que je cherche à trouver ; – j’ai été enseignante moi-même ; – je participe au projet, je ne suis pas un observateur neutre. » |
Enseignants-chercheurs TICE | « Nous cherchons à voir comment l’enseignante et la classe s’approprient l’outil. Grâce à la présence du chercheur postdoc, nous pouvons suivre l’expérience tout au long du semestre. Nous intervenons à quatrereprises : au début, pour lancer ; à mi-parcours, pour un suivi desactivités ; en fin de parcours, pour la restitution des élèves et puis pour les séances de feedback, auprès des élèves et auprès de l’enseignante. » |
Élèves | Classe enthousiaste, mais parfois dispersée. Voir description donnée dans la première partie de cet article. |
Parents | Aucun avis en début d’expérience. Voir, en fin d’expérience, verbatim en réponse au questionnaire. |
Avec l’appui de l’équipe de chercheurs, nous annonçons à la classe le projet en présentant l’outil. Nous indiquons le travail supplémentaire qu’il faudra réaliser pour aller jusqu’à l’étape de valorisation du projet : il s’agit d’un travail éditorial qui permettra de découvrir en quoi consiste ce travail.
Critères d’observation retenus :
Pendant la phase d’observation, le chercheur postdoc réalise des entretiens semi-directifs avec chaque élève, en leur donnant cinq mots et en leur demandant de lui dire ce que cela évoque pour eux. Les cinq mots retenus sont : « école», « apprendre », « lecture », « littérature », « numérique ».
L’enseignant mène la séquence : observation de l’activité des élèves, des gestes professionnels de l’enseignant.
Entretiens semi-directifs des élèves 10 minutes après la séquence, les mêmes mots sont redonnés.
Entretien semi-directif de l’enseignante : ressentis et analyses de l’enseignante. Quelle(s) différence(s) par rapport à une séquence classique ?
L’enseignante a prévu une séquence de deux heures avant que le travail puisse être présenté à l’équipe des chercheurs eZB. L’équipe des chercheurs assiste à l’ensemble de la présentation. Ils ont la possibilité de poser des questions aux élèves pendant la présentation et observent leur comportement.
L’équipe de chercheurs eZB a mené deux entretiens d’une heure chacun :
Ces entretiens ont été enregistrés afin d’être exploités dans notre partie « résultats ».
Des questionnaires ont été distribués aux parents afin de recueillir leurs avis sur l’eZB. Par ailleurs, un podcast a été réalisé pour montrer la production finale eZB. Ce podcast était disponible pour les parents sur clé USB et il se trouve maintenant sur notre blogue : http://ezbresearch.hypotheses.org/.
Nous présenterons les résultats selon les cinq phases précédemment citées, allant de la phase de lancement au feedback écrit des parents en réponse à notre questionnaire, en passant par le travail des élèves en classe et au moment de la restitution. Les éléments de réponse pour nos quatre questions de recherche se trouvent articulés dans les cinq phases de l’expérience.
L’expérimentation a commencé le 1er mars 2017. La séance 0 a été réalisée en deux fois. Pour présenter l’eZB, nous sommes allées dans la classe où il y avait un tableau blanc interactif (TBI) avec un vidéoprojecteur. Lors de la présentation de l’outil, les élèves se sont montrés très intéressés et ont posé beaucoup de questions. Le chercheur postdoc leur a parlé des différents enrichissements possibles. Ils ont notamment été très intrigués par la séance 4 où il est question de lire des fables dans d’autres langues. Comme nous l’avons précédemment évoqué, il y a plusieurs élèves étrangers et d’origine étrangère. Voici les langues dont parlent les élèves : italien, arabe, allemand, russe, coréen, anglais, portugais, roumain et espagnol. C’est bien plus que ce que nous avions imaginé avec l’enseignante. Le format de l’eZB nous donne la possibilité d’intégrer tous ces documents sonores.
Nous démarrions par une découverte de la fable et l’observation de la prise de parole des élèves. Les élèves ont le texte dans leur manuel Mille-feuilles. La maîtresse a fait une lecture blanche du texte. Les élèves étaient ensuite invités à écrire sur une feuille leurs ressentis après cette lecture, ce qu’ils avaient compris, les mots compliqués, etc. Certains ont été décontenancés par cet exercice sans consigne très précise. Il a alors fallu leur donner des pistes possibles : de quoi parle l’histoire ? Quels sont les personnages ? Avez-vous déjà entendu parler de La Fontaine ? Nous leur avons également rappelé l’objectif collaboratif de la lecture de ce texte : en faire un livre numérique enrichi. Le postdoc leur a demandé de songer aux enrichissements possibles : de quoi aura besoin notre futur lecteurpour bien comprendre le texte ? La moitié de la classe avait étudié la fable l’année dernière, mais leur souvenir de celle-ci semblait plutôt vague. Cette phase de travail individuel a été laborieuse, certains élèves n’ont presque rien produit. En revanche, lors de la phase collective de la mise en commun, les langues se sont déliées. Les élèves ont commencé par vouloir mettre du sens derrière l’histoire. Il a été indispensable de passer par cette étape. Avec l’aide de l’enseignante, plusieurs élèves ont retracé les différentes étapes du récit à l’oral. Une fois l’histoire comprise, ils ont commencé à réfléchir sur la morale et les relations entre les personnages. Comme on peut le voir, les élèves ont anticipé sur la séance 2. Ainsi, ce recueil des représentations en début de séance, alors que les élèves ne se sont pas encore assez imprégnés du texte, ne semble pas pertinent. Ils ne disposent pas encore assez d’éléments ou bien ceux-ci ne sont pas encore assez structurés dans leurs esprits pour qu’ils puissent en rendre compte. Avec l’enseignante, nous avons remarqué que des élèves peu participatifs habituellement sont intervenus pendant les échanges, qui ont été vifs et nourris. L’enseignante a installé un climat très propice aux apprentissages. L’outil eZB ne fait que fournir une finalité supplémentaire que l’enthousiasme de l’enseignante vient souligner. Les élèves lèvent le doigt pour intervenir et ont appris à s’écouter. La fable a beaucoup stimulé les élèves.
Au cours des séances en classe, le travail effectué en amont avec l’enseignante pour définir l’usage de l’eZB a considérablement évolué. Initialement, une séquence de huit séances sur sept semaines avait été prévue. Finalement, l’enseignante s’est approprié différemment le travail et en a fait un projet de classe, un fil directeur pendant quatre mois. Elle a travaillé toutes les dimensions de l’étude d’un texte simultanément, de manière spiralaire : compréhension globale, fine, reformulation, résumé, réécritures, oralisation, dimension multilingue en faisant appel aux langues des élèves de la classe, contextualisation, intertextualité, etc. Ce travail très riche et très profond débouche sur une réalisation d’eZB qui permet de rassembler toutes les productions des élèves, de les structurer, de les lier entre elles.
Des exemples d’eZB avaient été présentés en amont, afin que les élèves aient une idée du résultat visé et qu’ils puissent réfléchir aux différents onglets, à leur nombre, etc. Il y a donc eu aussi un travail de conception de leur part,ils ne se sont pas contentés de remplir une maquette préétablie. Ils devaient se mettre à la place de leur futur lecteur potentiel, leurs parents, pour penser les enrichissements qui seront pertinents pour le lecteur, qui l’aideraient à mieux comprendre le texte. Cet exercice permet ainsi de développer leur posture éditoriale. En effet, nous souhaitons sensibiliser les élèves à une prise en considération du public.
Sur un plan pratique, la présence du chercheur postdoc dans la classe s’est avérée essentielle afin de mettre son matériel à disposition des élèves, d’aider à manipuler l’outil et l’utiliser sous l’éditeur de document ePub (Sigil), et de prendre les élèves par groupes de trois, parfois deux groupes simultanément. Le chercheur postdoc a observé que les élèves se sont pris au jeu en s’appropriant l’outil avec une bonne compréhension de ses contraintes et de ses possibilités. Au cours des différentes séances, les élèves ont adopté principalement deux postures, selon la typologie de Bucheton et Soulé (2009) : la posture ludique-créative (qui se traduit par la tentation toujours latente et plus ou moins assurée de détourner la tâche ou de la represcrire à son gré), et la posture réflexive (celle qui permet à l’élève non seulement d’être dans l’agir, mais de revenir sur cet agir, de le « secondariser » pour en comprendre les finalités, les ratés, les apports).
Suite au travail du semestre, et afin de préparer la restitution en présence de l’équipe des chercheurs eZB, les élèves ont participé à la structuration de l’eZB. L’activité de co-construction des onglets a pris la forme d’un remue-méninges avec les élèves (voir tableau 3). Ceux-ci ont retenu les éléments suivants :
Libellé de l’onglet | Descriptif du contenu |
---|---|
Texte intégral | Corpus de trois textes : Le Loup et l’Agneau de La Fontaine ; les textes sources (Ésope et Phèdre) |
Cadre | Travail sur « amont » et « aval » |
Personnages | « Quand on parle du loup » |
Vocabulaire | Définitions trouvées par les élèves |
Auteur | Biographie à la première personne |
Illustrations | Mise en illustration du texte |
Oralité | Mise en voix de la fable ; traductions : versions espagnole, chinoise, allemande ; ou adaptations : slam, etc. (enregistrements par l’enseignante) |
Langues | Recherche des textes dans les différentes langues, y compris un travail sur la calligraphie (chinois et japonais) |
Réécritures | 25 réécritures des élèves de la fable ; versions alternatives qui finissent bien, afin de les présenter à des élèves de maternelle |
Intertextualité | Notamment le texte L’agneau qui ne voulait pas être un mouton de Didier Jean et Zad |
La présentation s’est déroulée sous la conduite de l’enseignante qui avait attribué un rôle à chaque élève. Lors de la présentation de l’eZB, les élèves se sont montrés enthousiastes, disciplinés et respectueux des invités dans leur classe. L’enseignante appelait les élèves au tableau et ceux-ci se tenaient prêts à bondir de leur chaise, puis se succédaient à un rythme enlevé. Chacun s’était bien préparé à présenter sa partie, ce qui nous a permis de faire défiler le contenu de l’ensemble des onglets ci-dessus (voir l’ensemble des pages de l’eZB sur le podcast en ligne sur: https://ezbresearch.hypotheses.org/ezb-further-apps-ezoombook4kids). L’enseignante a également demandé à quelques élèves volontaires de lire leur version de la fable. La plupart d’entre eux affichèrent une fausse timidité et personne n’osait lever le doigt. Alors ce furent les élèves eux-mêmes qui désignèrent trois de leurs camarades pour lire leur production et les heureux élus s’exécutèrent fièrement. La maîtresse accompagna les contributions et lectures des élèves par une projection des documents intégrés dans l’eZB. Cette séance de présentation nous a permis de mesurer l’enthousiasme des élèves, dans la continuité de la posture « ludique-créative » observée au cours du trimestre.
Les élèves se sont volontiers exprimés sur l’activité du trimestre autour de l’eZB. Parmi les choses particulièrement appréciées, ils ont cité :
Ils ont formulé les critiques suivantes :
Enfin, ils nous ont confié leurs idées pour l’utilisation de l’eZB. Plusieurs garçons souhaitaient réaliser un journal autour du sport, « avec des commentaires sur des matchs », « comme si on était des journalistes ». Les filles ont retenu l’idée de journal et l’ont déclinée selon leurs propres champs d’intérêt : « raconter la vie des personnes célèbres », etc.
Selon l’enseignante, le format de l’eZB permet d’intercaler des activités traditionnelles qui ont « fait leurs preuves » et qui « font progresser les élèves », sans forcément les corriger selon une pratique traditionnelle. Nous avons remarqué en effet l’absence de correction pour plusieurs tâches écrites (par exemple des rédactions sur leurs lecturesdes textes proposés). L’enseignante ne revendique pas de correction, parce que dans un contexte de projet, « ce n’est pas utile, sauf pour la production finale d’une version personnalisée de la fable ». Elle mentionne le « temps perdu » de tout corriger, mais souligne la valeur d’une correction type permettant aux élèves de revenir sur la tâche accomplie sans s’étendre sur les erreurs qu’ils ont commises.
L’objectif eZB permet de réaliser, ensemble, une correction type qui est insérée (ou pas) dans l’eZB. Cette liberté de pouvoir élargir et sélectionner à sa guise ce qui se trouvera dans l’eZB est, selon l’enseignante, l’une des plus grandes qualités de l’outil : « Nous pouvons réaliser une production tous azimuts, qui, ensuite est rassemblée et structurée dans eZB. » Du fait de ses années d’expérience du métier, l’enseignante ne souhaitait pas « suivre des instructions pédagogiques par rapport à un outil », mais préférait se laisser guider par sa propre connaissance de la classe et ses propres idées. Elle n’a pas vécu l’eZB comme « une contrainte », mais, au contraire, comme un outil qui, d’une part, laisse une large part à l’improvisation pédagogique qui lui est chère, et d’autre part, permet d’apprendre aux élèves à « structurer et ranger leur production dans des tiroirs ».
L’équipe de chercheurs a opté pour un questionnaire simplifié afin que le taux de réponse soit le plus élevé possible. Le message adressé aux parents comprenait une phrase d’explication et deux questions, ainsi qu’une invitation à faire des commentaires supplémentaires. Notre message était le suivant :
Bonjour, voici l’œuvre commune réalisée par la classe de votre enfant. C’est un eZoomBook (demandez-leur de vous expliquer !). Pour l’installer sur votre ordinateur, il faut un epubreader ou un epubeditor, disponible gratuitement en ligne.
Nous aimerions beaucoup avoir votre retour sur ce projet. Pouvez-vous en quelques mots nous indiquer :
1. Ce que vous avez suivi du projet pendant son déroulement ;
2. Votre appréciation du projet et de son résultat.
Tout commentaire de votre part est le bienvenu !
La moitié des questionnaires nous ont été retournés remplis, soit 14 réponses sur 28 parents d’élèves, ce qui est un très bon taux de retour, étant donné les circonstances de la distribution des questionnaires. En effet, les élèves étaient nos seuls vecteurs de communication pour ce questionnaire et la période de fin d’année imposait d’autres priorités (fête de l’école, etc.).
La perception de « l’album eZB » est globalement très positive, comme le montrent les verbatims ci-dessous :
Apolline nous a régulièrement parlé du projet autour de Jean de La Fontaine et du Loup et l’Agneau. Nous avons beaucoup entendu la version espagnole. Ce projet est une très belle réussite. Il a permis d’associer de nombreux apprentissages de manière ludique. Bravo aux adultes qui ont mené ce projet et aux enfants pour le résultat remarquable.
Nous avons malheureusement peu suivi le déroulement, Félix ne nous ayant pas tant raconté. Cependant, nous sommes ravis de voir le résultat passionnant ! Félicitations !
Très bonne initiative et résultat convaincant.
Certains parents se sont également exprimés sur la nécessité d’introduire en classe des outils numériques : « Il faut former les jeunes à l’hypertexte ! » D’autres ont apprécié que leurs enfants les tiennent au courant au fur et à mesure de l’avancement du projet : « Isaac était très motivé par ce projet : il nous en parlait régulier. C’est très intéressant,enrichissant ». Cette opportunité d’échanges parents-enfants peut d’ailleurs être renforcée si le dispositif comprend des sollicitations régulières auprès des parents.
Seule critique parmi l’ensemble des retours, deux parents ont mentionné des problèmes techniques et frustrations à nepouvoir ouvrir le document eZB sur leur ordinateur. Ce problème se résout par la production de vidéos scénarisant l’eZB réalisé et mis en ligne pour consultation pour les parents.
Pour nous, chercheurs, les enseignements tirés sont multiples. Nous remarquons une grande diversité dans l’utilisation, par les enseignants, de l’outil eZB. L’outil ne se substitue pas au charisme et aux gestes professionnels de l’enseignant, mais lui fournit un objectif supplémentaire pour motiver sa classe. Si cette utilisation de l’outil dépend du profil de l’enseignant, le nombre d’heures que l’enseignant passe avec sa classe est également un facteur déterminant. Le contexte de l’enseignement primaire offre la liberté de pouvoir déclencher une activité en fonction du climat de la classe. Le secondaire impose des contraintes d’emploi du temps : ainsi l’organisation du travail autour de l’eZB est sans doute régie par un format de cours qui se limite à une ou deux heures consécutives. Ceci étant, l’intérêt de l’outil se confirme, comme le montre nos collaborations en cours dans le cadre de l’Académie. En effet, nous avons détecté plusieurs prolongements possibles à notre recherche pour :
Le projet « Chroniques imagin@ires » permettra aux enseignants d’explorer de nouvelles questions avec leurs élèves :
L’objectif de notre expérience EZB relève d’une transmission de patrimoine littéraire en adéquation avec la mission que Louichon et Arendt donnent à l’école. En effet, il s’agit d’inciter les élèves à découvrir les textes du patrimoine afin de les amener à « faire le lien entre l’ancien et le nouveau » et de les informer au sujet de la culture dont ils font partie. Les activités de l’enseignante du projet Le Loup et l’Agneau mettent en lumière les possibilités d’intertextualité des textes littéraires, et visent une prise de conscience de l’enrichissement de notre humanité par la prise en compte du passé.
En proposant aux élèves l’outil numérique eZB, nous leur donnons, de manière concrète, « les moyens de comprendre et d’organiser la complexité » (Becchetti-Bizot, 2012, p. 50). En effet, nous accompagnons la lecture de textes du patrimoine par différentes activités qui permettent d’intégrer des OSS (Objets Sémiotiques Secondaires) à une construction collaborative. La multimodalité est elle-même guidée, structurée, et valorisée dans un rendu final où chaque élément produit par la classe est rangé dans un onglet, comme dans un tiroir numérique. Le travail de structuration de l’eZB est à la charge des élèves eux-mêmes et stimule leur réflexion.
Ainsi, l’expérience eZB est une mise en application des deux impératifs pédagogiques de Becchetti-Bizot (2012), en intégrant l’usage d’un nouvel outil numérique, mais en soulignant les limites inhérentes à ce support : c’est l’intelligence de la classe qui donne à l’eZB sa forme propre, car l’eZB n’est qu’une coquille vide en début de trimestre ; sa structure même est à définir. En d’autres termes, l’objet numérique n’a pas d’existence propre antérieure au projet : l’eZB est produit collaborativement au fil des semaines. Une fois finalisé, il s’offre à nous comme le reflet d’une compréhension des textes du patrimoine et des activités menées en classe. Pour l’enseignante avec laquelle nous avons travaillé, qui mène ses projets en se fiant à son expérience de pédagogue (Gladwell, 2005), l’eZB est également un outil de gestion de sa propre spontanéité : les tâches d’apprentissage que l’enseignante improvise trouvent leur place a posteriori dans l’organisation de l’eZB. Celui-ci permet donc de rassembler, d’organiser et de valoriser l’ensemble des activités menées au cours du semestre.
Suite à cette collaboration en classe de primaire, nous souhaitons conclure sur notre propre perception de cette expérimentation et proposer quelques recommandations.
Il nous paraît que la principale qualité de l’outil est la souplesse qu’il offre à l’enseignant, pour :
L’outil eZB ne dicte pas une manière unique de procéder : comme nous l’avons montré, l’enseignante garde toute liberté en termes de conduite de la classe et de l’activité pédagogique. De plus, l’enseignante peut, selon les règles qu’elle fixe autour du dispositif, se libérer de quelques tâches de corrections individuelles longues, fastidieuses et peu appréciées des élèves, au profit de corrections collectives qu’elle choisit (ou pas) d’insérer dans l’eZB. C’est un gain de temps particulièrement apprécié lorsque les classes sont hétérogènes et qu’elles demandent un fort investissement en temps pour être attentif à chacun. Enfin, l’enseignante peut tirer profit de la valeur pédagogique que représente l’objectif d’un album de classe eZB. Les élèves de primaire sont fiers de communiquer leur travail à leurs parents, surtout lorsque ce travail comprend une composante étonnante que les adultes auront l’occasion de découvrir par l’intermédiaire de leurs enfants.
L’expérience que nous avons menée dans une école primaire de l’Académie de Nantes pourra être utile à ceux qui voudront emboîter le pas à notre enseignante pilote. Elle débouche néanmoins sur quelques pistes d’amélioration et recommandations pour les enseignants. Le questionnaire aux parents a révélé l’importance de communiquer davantage avec les parents en amont du projet : sur les objectifs, sur le déroulement, sur les questions techniques.Par ailleurs, comme il s’agit, pour l’enseignant, d’utiliser l’outil eZB pour renforcer son propre savoir-faire pédagogique, il appartient à ce dernier de se situer dans la typologie des enseignants.
Enfin, nous espérons que cet exemple de recherche-action permettra aux enseignants désireux d’utiliser l’eZB deprofiter de l’expérience décrite en s’inspirant des idées sur la palette des activités proposées et rassemblées dans l’eZB.
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