Volume 4 / Les pratiques et compétences (trans-) littéraciques

Les jeunes et Wikipédia: un rapport genré?

Gilles Sahut
Université de Toulouse 2
Remerciements à mon collègue et ami Benoit Jeunier, ingénieur en méthodes de recherche appliquées aux sciences humaines à l’ÉSPÉ de Toulouse pour m’avoir patiemment formé depuis 2011 aux statistiques inférentielles et à l’usage de SPSS.

Résumé

Les jeunes ont fréquemment recours à Wikipédia, mais la confiance qu’ils accordent à cette encyclopédie collaborative n’est pas optimale et sa réputation demeure controversée. Les filles/femmes font-elles preuve d’une plus grande défiance vis-à-vis de cette source si particulière ? D’après le modèle de sélectivité, elles seraient plus sensibles aux risques informationnels et plus prudentes dans leur démarche évaluative. L’enquête par questionnaire menée auprès de 841 jeunes âgés de 11 à 25 ans montre l’existence de différences genrées à propos de la confiance épistémique en Wikipédia, de la sensibilité à sa réputation et des connaissances informationnelles à son sujet. Néanmoins, la prise en compte du niveau de scolarité amène à nuancer l’influence du genre sur le rapport à cette source.

Abstract

Young people frequently use Wikipedia, but their trust concerning the collaborative encyclopedia is not considerable, and Wikipedia‘s reputation is still controversial. How does gender influence trust in this online resource? According to the selectivity model, females are more cautious when they evaluate information sources and more afraid of takinginformational risks than males. A survey conducted among 841 young people aged 11 to 25 years shows the existence of gendered differences about the epistemic trust in Wikipedia, sensitivity to its reputation, and informational knowledge about its subjects. Nevertheless, the level of education has a great effect on the attitudes toward this website.

Mots-clés
Wikipédia, genre, confiance épistémique, jeunesse, culture informationnelle

Keywords
Wikipedia, gender, epistemic trust, youth, information literacy
Citer
Pour citer
Sahut, Gilles (2016). Les jeunes et Wikipédia: un rapport genré?. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 4.

1. Introduction

#SiJavaisPasInternet J’aurais pas Wikipédia, et ça pour faire mes devoirs… C’chaut quoi.” Cette citation extraite d’un compte Twitter dit bien la part prise par Wikipédia dans les pratiques informationnelles et scolaires. Le recours à l’encyclopédie s’est banalisé. Elle est devenue, en quelque sorte, une prothèse cognitive, facilement accessible, offrant l’accès à des informations sur tous les types de sujets. Les jeunes sont très sensibles à ces qualités. Toutefois, les opinions sur cette encyclopédie, issue d’un mode de collaboration ouvert à la participation, s’avèrent nuancées, voire contrastées. Des doutes sur sa fiabilité ont été émis et sa réputation demeure controversée, notamment chez les enseignants.

La question de la confiance accordée à Wikipédia mérite d’être abordée sous l’angle du genre. En effet, les différences sexuées en matière de traitement et d’évaluation de l’information sont mises en exergue par un modèle scientifique, dit modèle ou hypothèse de la sélectivité (Meyers-Levy, 1989, Meyers-Levy et Loken, 2015). Pour le dire vite, les femmes seraient des évaluatrices plus prudentes que les hommes et plus sensibles aux risques informationnels. Ces différences sont attestées par des recherches empiriques portant sur les modes d’évaluation des sources numériques (Maghferat et Stock, 2010, Taylor et Dalal, 2016). De tels constats invitent à étudier les rapports des filles/femmes et des garçons/hommes à cette source si particulière qu’est Wikipédia. Lui accordent-ils le même niveau de confiance ? Sont-ils également sensibles à la réputation de l’encyclopédie ? Ont-ils le même degré de connaissances informationnelles sur Wikipédia ?

Après avoir situé notre cadre théorique et effectué une revue de littérature sur les différences et similitudes genrées en matière d’usages et d’évaluations de l’information, nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions en nous appuyant sur une étude empirique quantitative. Nous présenterons alors la méthodologie et les résultats d’un questionnaire soumis à 841 jeunes âgés de 11 à 25 ans. Nous conclurons en évoquant les possibles implications pédagogiques, limites et prolongements de cette enquête.

2. Orientations théoriques

2. 1 L’analyse des représentations sur les sources d’information

Inscrite dans les sciences de l’information, notre recherche prend appui sur l’épistémologie sociale, comme l’a initiée Wilson (1983) à propos de la notion d’autorité cognitive, sur les travaux menés sur la préférence de sources (Savolainen, 2008) et les jugements de crédibilité (Rieh, 2002) ainsi que sur les études plus spécifiquement centrées sur les pratiques informationnelles juvéniles (Sundin et Francke, 2009 ; Cordier, 2015). Nous considérons ainsi que les individus en quête d’informations, ou exposés à celles-ci, élaborent des représentations à propos des sources les diffusant. Au fil de leur expérience, ils apprennent à identifier, qualifier, repérer et utiliser diverses sources d’information, tant humaines que documentaires. Précisons ici que nous voulons opérationnaliser le concept fort complexe de représentations sociales. Nous le définissons comme un ensemble d’idées, de croyances, d’opinions etde savoirs pratiques, socialement élaboré et conditionnant l’action du sujet sur le monde et sur autrui (Jodelet, 2003). Quand les représentations portent sur des sources informationnelles, plusieurs types de facteurs en interaction concourent à leur construction :

− des facteurs expérientiels : les représentations sur les sources se forgent et s’éprouvent lors de pratiques informationnelles. Un sujet faisant preuve de réflexivité sur ses pratiques est susceptible de faire évoluer les représentations et opinions à propos des sources qu’il a consultées ;

− des facteurs matériels : les individus évoluent au sein d’écosystèmes informationnels qui conditionnent leurs accès aux sources (Liquète, 2011). Leur disponibilité, leur proximité physique et leur visibilité influent sur leurs usages et leurs représentations ;

− des facteurs cognitifs : les représentations sur les sources reposent sur un substrat cognitif, soit ici un ensemble de connaissances/compétences informationnelles. Les compétences liées à l’évaluation de la crédibilité de l’information orientent les jugements formulés sur les sources (Rouet, 2000 ; Lucassen et Schraagen, 2011 ; Lucassen et Schraagen, 2012) ;

− des facteurs socioculturels : les sources — ainsi d’ailleurs que leurs critères d’appréciation — se voient attribuer des valeurs différentes selon les contextes sociaux. Celles qui ont un certain degré de notoriété sont évaluées, qualifiées et

appréciées dans le cadre de discours circulant dans des sphères sociales plus ou moins élargies. Leurs réputations peuvent être convergentes ou divergentes.

Ces différents facteurs contribuent à la formation des jugements formulés lorsque les individus recherchent et consultent des sources. Des travaux menés en sciences de l’information ont mis au jour les très nombreux critères — le plus souvent autour d’une trentaine, parfois davantage — qui justifient le tri informationnel opéré (cf. les synthèses de Boubée et Tricot, 2010 et de Serres, 2012). Nous en proposons une approche synthétique et simplificatrice afin de caractériser plus clairement les représentations et opinions sur Wikipédia. Nous avons ainsi regroupé les différents critères existants en deux grands ensembles :

− la première catégorie rassemble les jugements d’ordre pragmatique, c’est-à-dire les évaluations relatives à des critères qui se rapportent à l’utilité de la source ainsi qu’à sa facilité d’accès et d’utilisation ;

− la seconde catégorie regroupe les jugements d’ordre épistémique. Nous entendons par là les évaluations relatives à la valeur de vérité de l’information proposée par la source. Nous centrerons notre étude sur la confiance épistémique, que nous définissons comme une relation dans laquelle un usager attribue à une source la capacité à produire une information crédible (Tricot, Sahut et Lemarié, 2016).

La diversité des facteurs, évoquée plus haut, met en évidence le caractère multidimensionnel des représentations sur les sources d’information. Elles incitent à une large exploration des facteurs impliqués dans leur formation. Le genre pourrait être l’un d’entre eux.

2.2 Genre, représentations des sources et éducation à la culture informationnelle

Dans leur synthèse, Boubée et Tricot (2010) constatent que le genre n’a pas été au cœur des travaux scientifiques sur la recherche d’information. Ils notent également que ce type de travail est délicat, car le chercheur prend le risque d’être influencé par les stéréotypes sexués lorsqu’il interprète les données, et donc de les perpétuer. Il paraît en effet particulièrement difficile de caractériser les attitudes et comportements d’une manière qui soit neutre d’un point de vue axiologique. La supposée autonomie des garçons pourrait aisément être qualifiée d’égocentrisme et le souci de l’autre, traditionnellement attribué aux filles, considéré comme une forme de dépendance affective.

Malgré ces difficultés bien réelles, la question du genre ne saurait être écartée des sciences de l’information. Cette «méthodologie traversière », ainsi que l’a qualifiée Coulomb-Gully (2014), est susceptible d’enrichir la boite à outils du chercheur, quelle que soit la discipline. Le genre, entendu comme une construction sociale et non un simple «donné » biologique, influe sur tous les domaines constitutifs du monde social, les apparences, bien sûr, mais aussi sur les gestes, les pratiques, les règles et les représentations (Buscatto, 2014). Dès lors, on ne voit pas a priori pourquoi il n’aurait pas d’incidence sur le rapport aux sources d’information, sachant que celui-ci est influencé par des interactions sociales.

L’identification d’éventuelles différences genrées ou, au contraire, de similitudes entre filles et garçons, pourrait également s’avérer importante dans une perspective pédagogique. En effet, cerner plus précisément les représentations des jeunes à propos des objets informationnels qu’ils utilisent fréquemment peut conduire à alimenter la réflexion didactique visant à construire une culture informationnelle (Chapron et Delamotte, 2009).

3. Revue de la littérature

3. 1 La variable sexe : usages et représentations des sources numériques

3.1.1 Gender gap numérique et rapport aux sources

Des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000, plusieurs études ont conclu à l’existence d’un gender gap dans le domaine des usages numériques : l’informatique et Internet sont alors des mondes à dominante masculine. Des enquêtes menées auprès de la population estudiantine ont établi que les jeunes hommes avaient des pratiques plus fréquentes de l’ordinateur, des attitudes plus positives à l’égard d’Internet et des compétences relatives à l’usage de l’information en ligne plus développées (Schumacher et Morahan-Martin, 2001 ; Liaw, 2002). Dans leur analyse de la culture des écrans des 6-17 ans, datée de 1999, Jouët et Pasquier constataient que le genre apparaissait « comme un fort facteur de discrimination des pratiques de communication » (Jouët et Pasquier, 1999, p. 42). Les garçons utilisaient beaucoup plus intensément les technologies informatisées (console de jeux vidéo, micro- ordinateur, lecteur de cédérom…) qui s’installent alors dans les foyers. Souvent initiés par leurs pères, ils ont développé une sociabilité de groupe typiquement masculine autour de ces pratiques. Les filles, quant à elles, privilégiaient les échanges avec leurs mères en rapport avec les médias traditionnels (radio, télévision…) et les livres. Les outils de communication font alors figure d’agents des processus de socialisation et de formation de l’identité sexuée.

Dans ce contexte, il n’est guère étonnant de constater une réticence des femmes à l’égard des sources documentaires numériques. Dans une étude effectuée avant la massification des usages du web, Ford et Miller (1996) ont observé que des étudiants se déclaraient beaucoup plus satisfaits de leurs recherches d’information en ligne que les étudiantes. Celles-ci ont été désorientées par l’appréhension de ce qui était alors un nouvel outil documentaire. Quelques années plus tard, les mêmes auteurs ont souligné la plus grande difficulté des jeunes femmes à garder le contrôle de leur démarche documentaire et à éviter les informations non pertinentes (Ford, Miller et Moss, 2001). Les conclusions d’une étude conduite auprès d’élèves de 4e ont abouti à des conclusions convergentes (Roy et Chi, 2003 ; Roy, Taylor et Chi, 2003). À l’occasion d’une recherche d’information sur le web, les garçons ont acquis davantage de connaissances que les filles. En revanche, lorsque les investigations sont menées à partir des sources imprimées de la bibliothèque, aucune différence n’est constatée. Les garçons de 11- 12 ans observés par Large, Beheshti et Rahman (2002) ont fait preuve, aux dires des auteurs, d’une plus grande activité lors d’activités informationnelles numériques: ils ont formulé davantage de requêtes et ont activé plus de liens hypertextes que les filles. En 2004, il a également été constaté que des étudiantes se montraient plus réticentes que leurs homologues masculins à utiliser une bibliothèque numérique dans le cadre d’une formation hybride (en ligne/présentiel) (Koohang, 2004).

Ces différences ont pu être interprétées à la lumière de la théorie sociocognitive de Bandura. Les femmes auraient un sentiment d’auto-efficacité personnelle moins développé quand elles font usage des outils numériques (Ford, Miller et Moss, 2001). Leurs apprentissages et leurs activités dans ce domaine seraient entravés par une moindre confiance en leur capacité de réussite. D’une certaine manière, cette thèse a reçu un soutien empirique grâce au travail d’Hargittai et Schafer (2006). Ces chercheuses n’ont pas trouvé de différences genrées dans le degré de maîtrise des compétences liées à la recherche des informations sur le web. En revanche, elles ont relevé que les femmes sous-évaluaient leur niveau de compétence réel. Ce type de résultats remet en question l’existence même d’un gender gap numérique.

3.1.2 Disparition du gender gap et persistance des différences

À partir du milieu des années 2000, les travaux accompagnant la généralisation des pratiques numériques convergent pour montrer l’inexistence d’un « fossé » entre les deux sexes. Chez les jeunes, les différences en matière d’équipement de base pour accéder aux services et à l’information en ligne se sont fortement atténuées (Mercklé et Octobre, 2012, Gasser, Cortesi, Malik et Lee, 2012). Lors de leur étude longitudinale des pratiques culturelles adolescentes, Mercklé et Octobre ont observé que l’usage du numérique constitue désormais un facteur de convergence générationnelle et de normalisation des comportements juvéniles dans le domaine des loisirs. Il n’existe pas d’écarts significatifs entre filles et garçons du point de vue de la fréquence et de l’ancienneté d’usage de l’ordinateur ainsi que de l’attachement à l’outil numérique, ce qui fait dire aux auteurs : « La ‘fracture numérique’, au moins de ce point de vue, n’est donc pas d’abord une fracture genrée, mais bien une ‘fracture de classe’ » (Mercklé et Octobre, 2012).

Ce constat ne fait pas oublier la persistance de pratiques différentes : les filles sont davantage portées sur les usages numériques scolaires, communicationnels et créatifs ; les garçons, sur ceux qui sont récréatifs et techniques (Fontar et Kredens, 2010, Mercklé et Octobre, 2012). La préférence pour le support papier paraît également genrée. Les lectrices âgées de 18-23 ans interrogées par Liu & Huang (2008) affirment une nette préférence pour la lecture sur imprimé alors que les lecteurs masculins affichent un plus grand degré de satisfaction pour la lecture sur écran. L’attachement au livre semble ainsi devenu une caractéristique majoritairement féminine (Octobre, 2011).

Cela ne signifie pas pour autant un rapport exclusif à ce support. À la fin des années 2000, on note ainsi des attitudes similaires vis-à-vis des bibliothèques numériques chez les deux sexes (Park, Roman, Lee et Chung, 2009). Mais c’est surtout dans le domaine des compétences de recherche d’information que les évolutions semblent les plus flagrantes. Par exemple, Zhou (2014) note l’absence d’écart en matière d’efficacité de la recherche sur le web entre des étudiants et étudiantes de licence. Un constat identique est fait chez des sujets âgés de 18 à 80 ans (Van Deursen et Van Dijk,2010). Il arrive que les performances des femmes soient jugées supérieures à celles des hommes comme dans l’expérimentation relatée par Ahmed et ses coauteurs (2004). Les utilisatrices expérimentées ont ainsi fait preuve d’une meilleure maîtrise de l’interface d’interrogation d’une base de données scientifique que leurs homologues masculins. Hargittai (2010) fait toutefois entendre une voix discordante. Au terme d’analyses statistiques, elle conclut que les femmes — ici des étudiantes de première année de licence — ont une maîtrise inférieure des savoir-faire liés à l’usage d’Internet. L’importance avérée de cette variable, associée à celles également observées du statut socio-économique, la conduit à contester l’existence d’une « génération Internet » homogène. Dans cet article fréquemment cité, la chercheuse livre des conclusions opposées à son étude de 2006 mentionnée plus haut, où une absence d’écart entre les compétences des deux sexes avait été constatée (Hargittai et Shafer, 2006). D’un point de vue méthodologique, nous remarquons que le questionnaire proposé en 2010 a demandé aux étudiants d’autoévaluer leur compréhension de 27 termes liés à Internet. Il est alors possible de rappeler que les femmes tendent à sous-évaluer leurs compétences réelles, ce qui pourrait conduire à biaiser ce résultat. Nous voyons ainsi que cette question pose d’importants problèmes méthodologiques et demeure non tranchée. La focalisation sur le thème de l’évaluation des sources d’information nous conduit à prolonger l’investigation sur les éventuelles particularités liées au genre.

3.2 Un rapport différencié aux sources numériques

3.2.1 Des jugements épistémiques « genrés » ?

La confiance accordée à une source dépend d’une multiplicité de variables individuelles, cognitives, sociales, culturelles, contextuelles… Selon certaines études, le genre est l’une d’entre elles. Chez les 8-18 ans, Fontar et Kredens (2010) ont noté que les garçons apparaissaient en moyenne moins méfiants que les filles vis-à-vis de l’exactitude des informations collectées sur le web. Les résultats de l’expérimentation réalisée par Flanagin et Metzger (2003) auprès d’un public de jeunes adultes vont dans le même sens. Les hommes ont accordé davantage de confiance aux sites personnels et aux messages y figurant. Cette différence d’attitude est susceptible de se traduire dans les pratiques informationnelles. L’enquête conduite auprès de plus de 7000 étudiant.e.s, par Jones et ses collègues (2009), indique des différences significatives dans ce domaine. Les étudiants ont déclaré consulter plus fréquemment des sources d’information en ligne non institutionnelles alors que les étudiantes disent privilégier les sources attachées aux institutions tels les sites web de bibliothèques.

La recherche récente de Taylor et Dalal (2016) met en exergue, de manière très claire, des différences sexuées au sein d’une population estudiantine, majoritairement inscrite dans le cursus de la licence : les étudiantes manifestent une plus grande exigence en matière d’évaluation des sources et sont plus compétentes dans ce domaine. Elles sont susceptibles de se référer à davantage de critères et paraissent plus armées pour estimer son autorité (identification des qualifications de l’auteur, de la nature de l’éditeur…). Elles se montrent plus soucieuses de la qualité et de la quantité des sources quand elles doivent restituer des informations dans un texte et se déclarent plus volontiers prêtes à recourir aux ressources proposées par les bibliothèques. Les jeunes hommes font davantage confiance aux résultats proposés par les moteurs de recherche qu’ils jugent plus positivement en termes d’objectivité, de crédibilité et d’exactitude. La plus grande prudence féminine dans le choix des outils et des sources informationnelles est également l’une des conclusions de Maghferat et Stock (2010). Suite à l’analyse de tâches de recherches d’information en ligne, effectuées par des étudiant.e.s âgé.e.s en moyenne de 20 ans, les deux chercheurs vont même jusqu’à affirmer que des traits féminins, telles la complexité, la rigueur et la minutie, constituent des facteurs de succès dans la recherche. De même, à l’occasion de tests de performance administrés auprès d’élèves de 11-12 ans, les filles obtiennent de meilleurs résultats sur l’item relatif à l’évaluation de la pertinence de l’information en ligne (Aesaert et van Braak, 2015). Il faut enfin relever que cette prudence féminine évaluative ne paraît pas intrinsèquement liée aux usages numériques. En effet, elle apparaît également à propos des différents supports accessibles depuis une bibliothèque universitaire (Steinerová et Šušol, 2007).

3.2.2 Le cas Wikipédia

Le recours à l’encyclopédie collaborative s’est généralisé dans l’ensemble de la population, et notamment chez les jeunes. De multiples études quantitatives attestent de sa fréquente utilisation par les adolescents (Flanagin et Metzger, 2010) et les jeunes adultes (Head et Eisenberg, 2010 ; Kim, Sin et Yoo‐Lee, 2014 ; Selwyn et Gorard, 2016), que ce soit pour des recherches en rapport à la vie quotidienne ou aux travaux scolaires et universitaires. Wikipédia est particulièrement appréciée pour sa complétude et sa facilité d’accès et d’usage. Elle bénéficie donc de jugements pragmatiques particulièrement favorables. En revanche, les jugements épistémiques à son sujet sont plus partagés.La confiance en l’encyclopédie n’est pas optimale tant au lycée qu’à l’université (Lim, 2009 ; Kubiszewski, Noordewier, Costanza, 2011 ; Watson, 2014 ; Garrison, 2015). Une grande partie des jeunes exprime une certaine défiance à l’égard du mode d’élaboration collaboratif et ouvert à la participation de tout un chacun dont résulte l’encyclopédie, et est sensible à sa mauvaise réputation académique (Head et Eisenberg, 2010 ; Cordier, 2011 ; Sahut, 2014 ; Todorinova, 2015). Les opinions négatives à l’égard de l’encyclopédie collaborative dans le corps professoral sont en effet majoritaires, même si une minorité d’enseignants sont plutôt favorables à son usage dans un cadre pédagogique (Knight et Pryke, 2012 ; Ladage, Ravestein, 2013). En revanche, des opinions positives de l’encyclopédie circulent entre jeunes (Sahut, 2015).

L’étude de Lim et Kwon (2010) a été la première à attester de différences genrées quant aux usages et aux représentations liés à Wikipédia1. Les étudiants en licence de sexe masculin déclarent utiliser Wikipédia plus fréquemment que leurs homologues de sexe féminin. Ils se disent plus satisfaits de leur expérience documentaire de cette source et de la qualité de l’information offerte. Ils disent aussi trouver plus souvent d’autres documents grâce à Wikipédia. Ils consultent ainsi plus couramment les références bibliographiques placées à la fin des articles de Wikipédia et activent plus fréquemment les liens hypertextes pour accéder à d’autres ressources numériques. En revanche, aucune différence significative n’a été trouvée entre les sexes à propos de la perception de l’utilité des informations et de la commodité d’usage de l’encyclopédie. Les différences sont interprétées comme étant révélatrices d’une plus grande défiance des femmes vis-à-vis de Wikipédia. L’hypothèse avancée est que les étudiantes se montreraient plus sensibles à la réputation controversée de l’encyclopédie et feraient preuve d’une certaine circonspection à l’égard des sources non dotées d’autorité. Les auteurs reconnaissent cependant que cette interprétation devrait être confirmée par d’autres études sur le sujet.

L’enquête publiée par Kim et Sin (2015) confirme que les étudiants ont plus fréquemment recours aux wikis, que ce soit pour les recherches d’information à fins académiques ou pour celles relatives à la vie quotidienne. Pour ces dernières, les étudiantes ont tendance à plébisciter les réseaux sociaux numériques et les plateformes de «microblogging ». Selwyn et Gorard (2016) se sont centrés exclusivement sur les usages numériques reliés aux études universitaires. D’après l’analyse des réponses à un questionnaire, les jeunes hommes ont une opinion plus haute de l’utilité de Wikipédia pour leurs études. Aux dires des auteurs cependant, cette conclusion mériterait un travail scientifique plus approfondi. De manière tout à fait convergente, l’étude quantitative de Garrison (2015), auprès de jeunes inscrits en première année de licence,souligne que les étudiantes déclarent plus souvent éviter l’usage de Wikipédia et ont été moins enclines à y avoir recours lors de leurs études au lycée.

3.2.3 Le modèle de la sélectivité

Le modèle (ou hypothèse) de la sélectivité (selectivity model, selectivity hypothesis) constitue un cadre possible pour l’appréhension des différences genrées de jugements sur l’information et ses sources. Forgé initialement dans le cadre des études sur la consommation et la réception de la publicité par Meyers-Levy et ses collègues, il repose non seulement sur de nombreuses études expérimentales, mais intègre aussi une multiplicité de résultats issus de plusieurs disciplines (psychologie, sociologie, économie, sciences de l’information, de la communication…) (Meyers-Levy, 1989 ; Meyers-Levy et Sternthal, 1991). Précisons que le modèle se limite à une catégorisation des particularités des hommes et des femmes sans se prononcer sur leurs origines. Il est ainsi compatible avec une perspective socioculturelle, qui fait valoir le poids de la socialisation dans l’apprentissage des identités de genre ainsi qu’avec les approches issues de la psychologie évolutionniste (Meyers-Levy et Loken, 2015).

Selon ce modèle, les hommes ont davantage recours à des heuristiques, c’est-à-dire à des règles simples, facilement mobilisables, pour évaluer l’information et ses sources. Ils se fondent sur des traits saillants de cette information, ce qui leur permet d’économiser leurs efforts et de formuler des jugements de manière rapide. Ils sont ainsi qualifiés de « sélectifs » alors que les femmes recherchent l’exhaustivité. Pour formuler un jugement, elles tendent à prendre en compte davantage d’indices, même si ceux-ci sont périphériques et moins immédiatement accessibles. D’autres propositions fondées sur un grand nombre de recherches empiriques ont été avancées afin d’étayer et de compléter ce modèle (Meyers-Levy et Loken, 2015) :

− dans leurs comportements, jugements et prises de décision, les hommes sont plutôt centrés sur eux-mêmes (self-oriented) et font preuve d’une plus grande autonomie, alors que les femmes sont également orientées par autrui (other-oriented). Ces dernières seraient ainsi davantage guidées par l’empathie, la prise en compte de valeurs collectives, le souci du compromis. Dans un article très fréquemment cité, Venkatesh et Morris (2000) ont analysé les attitudes face à un nouveau logiciel dans une entreprise. Les femmes ont été influencées par la norme subjective, les hommes non. En d’autres termes, elles ont été plus perméables aux attentes et opinions d’autrui (les pairs, les supérieurs hiérarchiques) sur l’usage de cette technologie. Toutefois, cet effet s’est estompé au bout de quelques mois d’expérience du logiciel.

− Les femmes font preuve de plus de prudence alors que les hommes prennent davantage de risques. En ce sens, nous évoquerons l’étude de Lau et Yuen (2014) qui concerne les usages numériques des adolescents. Il s’avère que les filles respectent plus régulièrement l’éthique d’Internet que les garçons, ceux-ci se livrant plus volontiers au plagiat de documents et au piratage informatique.

− Les femmes sont plus influencées par les stimuli négatifs de leur environnement. Elles sont plus attentives aux réactions négatives d’autrui et tiennent davantage compte des possibles conséquences préjudiciables. Elles sont plus sensibles aux effets de contextes et aux indices environnementaux, alors que les hommes se montrent moins perméables à ces éléments et tendent à avoir des comportements plus constants (Meyers-Levy et Loken, 2015).

Les auteurs prennent soin de préciser que les comportements et attitudes décrits, qu’ils soient féminins ou masculins, ne sauraient être considérés comme des idéaux normatifs du point de vue axiologique. Il nous paraît possible de les envisager comme des idéaux types, c’est-à-dire des modes de conceptualisation sélectionnant et rendant saillants des traits essentiels à l’intelligibilité du réel, sans pour autant prétendre rendre compte de sa complexité.

Les travaux sur les différences dans le domaine de la recherche et de l’évaluation de l’information ont été intégrés à ce modèle (Hupfer et Detlor, 2006 ; Meyers-Levy et Loken, 2015). La rapidité de recherche constatée chez les garçons/hommes (Large et al., 2002 ; Roy, Taylor, Chi, 2003) pourrait être induite par une mise en œuvre plus fréquente d’heuristiques nécessitant moins d’efforts. L’attention plus grande des filles/femmes à la qualité de l’information (Jones et al., 2009 ; Maghferat et Stock, 2010 ; Taylor et Dalal, 2016) serait expliquée par une démarche évaluative moins intuitive, plus complète et analytique, ce comportement prudent ayant pour but de minimiser les risques informationnels.

Les éléments de ce modèle peuvent toutefois être discutés. Dans une étude sur les intentions d’usage de ressources numériques proposées par une bibliothèque universitaire, Kim (2010) a conclu que les étudiants de sexe masculin sont plus influencés par les normes subjectives (Kim, 2010). Ce résultat, contraire aux travaux précédemment cités (cf. par exemple, Venkatesh et Morris, 2000), est interprété à la lumière d’éléments empruntés à la théorie sociocognitive de Bandura. Recherchant davantage la performance et le rendement scolaires, les jeunes hommes se montrent ici plus soucieux de répondre aux injonctions professorales les enjoignant à utiliser ces ressources. En ce qui concerne plus spécifiquement la recherche d’information, Hupfer et Deltor (2006) ont eu recours aux variables self-orientation (autonomie vis-à-vis d’autrui) et other-oriented (importance accordée aux relations interpersonnelles) décrivant des rôles de genre qui ont pu être mobilisés, entre autres, dans le modèle de la sélectivité (Meyers-Levy, 1989). Leurs résultats ont mis en évidence que ces variables sont de meilleurs prédicteurs des efforts fournis pour la recherche d’information que le sexe biologique. L’étude de Robinson (2014) dans un lycée comprenant une forte proportion d’élèves défavorisés met en relation les compétences informationnelles et le genre. Quand les compétences en matière d’évaluation de l’information font défaut, les lycéennes font preuve d’un surcroit de confiance (overtrust) dans les sources d’information en ligne, alors qu’à l’inverse les lycéens se montrent exagérément suspicieux (undertrust). Plus largement, l’état de la question, proposé par Urquhart et Yeoman (2010), relativise l’importance du genre pour appréhender les pratiques informationnelles, ce facteur n’ayant à lui seul qu’une importance modérée. Il serait donc nécessaire de le croiser avec d’autres pour arriver à une caractérisation plus fine des représentations des sources d’information. L’âge, notamment, paraît avoir une incidence sur la formation des jugements épistémiques.

3.3 De l’importance de la variable « âge » sur les jugements épistémiques

Il existe un consensus pour admettre que l’âge est un facteur qui influence les pratiques d’évaluation de l’information chez les jeunes et, plus particulièrement, celles portant sur la confiance attribuée à une source (Gasser et al., 2012). Affirmer que des « adonaissants »2, des adolescents et de jeunes adultes, ont des représentations et des pratiques informationnelles différentes peut sembler de l’ordre de l’évidence. L’impact du développement cognitif et social sur la formation des jugements de crédibilité est ainsi admis d’un point de vue théorique. Il semble donc que l’avancée en âge se traduise par une sensibilité accrue aux questions de crédibilité informationnelle et de fiabilité des sources, plus particulièrement dans le cadre de travaux scolaires, ainsi que par le développement de compétences évaluatives.

Toutefois, les travaux empiriques comparant les pratiques évaluatives ou les représentations des sources aux différents âges de la jeunesse ne sont pas nombreux (Gasser et al., 2012). L’un d’entre eux concerne le rapport des jeunes à Wikipédia. À l’occasion d’une enquête par questionnaire, nous avons comparé les attitudes et représentations, à propos de Wikipédia, existantes chez des collégiens, lycéens, étudiants de licence et de master (Sahut, 2014). Les répondants ont très majoritairement plébiscité l’utilité de cette source et sa commodité d’usage. Quel que soit leur niveau de scolarité, les jugements pragmatiques favorables sont partagés par la grande majorité des jeunes interrogés. De même, les collégiens, lycéens et étudiants ont renvoyé des images très proches de leur expérience de l’encyclopédie selon les critères d’utilité, d’exactitude et d’objectivité de l’information. En revanche, la confiance en l’encyclopédie collaborative varie significativement en fonction du type de tâches (recherche prescrite par les enseignants ou en lien aux loisirs) et du niveau de scolarité. Il est intéressant de noter que les collégiens affichent une confiance en Wikipédia plus élevée pour les recherches académiques que pour celles concernant les loisirs. Ce n’est plus le cas pour les autres niveaux de scolarité. Les lycéens et les étudiants de licence se montrent plus méfiants que les collégiens pour l’usage de Wikipédia à des fins scolaires, ceux de master se distinguant par une défiance encore plus prononcée. Pour les recherches liées aux loisirs, les lycéens se montrent plus confiants que les collégiens, mais plus méfiants que les étudiants de licence. Aucune différence significative n’est trouvée entre ces deux publics et les étudiants de master. Plus les jeunes avancent dans leur scolarité, plus ils disent être exposés à des discours dépréciatifs sur l’encyclopédie, majoritairement attribués à leurs enseignants. Cette mauvaise réputation académique se traduit par une réticence à utiliser ou à citer Wikipédia dans des travaux académiques, notamment en master.

À l’occasion de cette même enquête, nous avons constaté que les connaissances informationnelles sur l’encyclopédie (qui écrit ? Quels sont les modes de validation de l’information ? Quelles sont les règles d’écriture des articles ? …) augmentent progressivement en fonction de l’avancée dans la scolarité (Sahut, Jeunier, Mothe et Tricot, 2015). Elles se développent par et lors de l’utilisation de cette source, sans toutefois que l’ancienneté ou la fréquence d’usage ne permettent une connaissance approfondie de son fonctionnement éditorial. En effet, une part importante d’entre eux ne savent pas qui peut y écrire ou n’ont pas conscience des procédés de validation à l’œuvre. Cette méconnaissance relative amène à douter de la capacité des jeunes à évaluer correctement les articles de l’encyclopédie.

4. Questions de recherche

Ainsi que l’a montré l’état de la question, les représentations sur Wikipédia sont en tension. Il existe ainsi un contraste entre sa fréquence d’usage et l’incertitude persistante sur la qualité de ses contenus, sa commodité d’usage et sa réputation équivoque. Les études réalisées auprès du public estudiantin convergent. Les jeunes femmes affichent une plus grande défiance à l’égard de Wikipédia et sont plus réticentes à l’utiliser. Nous voudrions, d’une part, confirmer (ou infirmer) ce résultat et, d’autre part, élargir le propos en intégrant la variable du niveau de scolarité (collège, lycée, licence, master), ce qui constitue une manière d’opérationnaliser la variable âge. Les recherches sur les effets du genre sur le rapport à Wikipédia ont été menées jusqu’ici à l’université. Or, comme l’avons noté précédemment, l’âge — et donc, approximativement, le niveau de scolarité — paraît avoir une influence sur l’évaluation des sources en général, et sur celle de Wikipédia en particulier. Cela nous amène à prendre en compte, non seulement les différences de représentations entre l’ensemble des filles/femmes et des garçons/hommes de notre échantillon, mais aussi celles entre collégiens/collégiennes, lycéens/lycéennes, étudiants et étudiantes de licence et de master. Nous étendrons notre investigation à la confiance accordée à des sources autres que Wikipédia (sources disponibles au centre de documentation et d’information ou à la bibliothèque scolaire vs les blogues3, Facebook) car l’étude de Jones et ses coauteurs (2009) a noté des différences associées au genre sur ce point.

Q1 La confiance en Wikipédia varie-t-elle selon le genre ?

Q2 La confiance accordée aux sources recommandées ou rattachées à l’institution éducative varie-t-elle selon le genre ?

Q1’ Q2’ Note-t-on des variations genrées selon le niveau de scolarité (collège, lycée, licence, master) ?

Les travaux mentionnés dans notre état de la question nous amènent à émettre l’hypothèse suivante :

H1 Les filles/femmes ont une confiance moindre que les garçons/hommes dans Wikipédia. H2 Les filles/femmesont une confiance moindre que les garçons/hommes dans les sources non rattachées à l’institution éducative.

Nous ne formulerons pas d’hypothèses sur l’incidence du niveau de scolarité croisée avec la variable du sexe, car nous ne disposons pas de suffisamment d’éléments pour anticiper les réponses.

Nous nous intéressons également aux facteurs susceptibles d’avoir des effets sur la confiance en Wikipédia. Tout d’abord, nous les interrogeons sur leur expérience d’usage de l’encyclopédie. En effet, il est avéré que la perception des usages passés d’une source influe sur la confiance qui lui est accordée (Lucassen et Schraagen, 2011, 2012). Des expériences positives relatives à une source d’information accroissent la crédibilité accordée à une nouvelle information émanant de cette même source. Par ailleurs, Wikipédia apparaît comme une source à la réputation controversée, en particulier chez les enseignants. Cela nous amène à poser les questions suivantes :

Q3 Les filles/femmes et garçons/hommes jugent-ils de la même manière leur expérience de

Wikipédia ?

Q4 Les filles/femmes et garçons/hommes se montrent-ils également sensibles à la réputation de Wikipédia ?

Q3’ Q4’ Pour ces deux questions, note-t-on des variations genrées selon le niveau de scolarité (collège, lycée, licence, master) ?

D’après le modèle de sélectivité, les filles/femmes devraient se monter plus réceptives aux critiques formulées à l’égard de l’encyclopédie et aux risques informationnels liés à sa consultation (inexactitude, manque d’objectivité…). Étant donné leurs exigences plus élevées par rapport à ces critères épistémiques, elles devraient juger leur expérience de cette source plus négativement. Aussi, nous formulerons les hypothèses suivantes :

H3 : Les filles/femmes font état d’une expérience de la source plus négative au regard des critères épistémiques.

H4 : Les filles/femmes sont plus sensibles aux jugements négatifs d’autrui sur Wikipédia. Nous examinerons enfin les connaissances informationnelles sur Wikipédia qui sont à même d’avoir une incidence sur la confiance épistémique qui lui est accordée. Par exemple, lorsque les élèves ou étudiants apprennent que tout le monde peut participer à l’écriture de Wikipédia, ils ne manquent pas d’émettre des réserves sur la fiabilité de l’encyclopédie (Sundin et Francke, 2009 ; Menchen-Trevino et Hargittai, 2011).

Q5 : Le niveau de connaissances informationnelles sur Wikipédia diffère-t-il selon le genre ? Q5’ : Note-t-on desvariations « genrées » selon le niveau de scolarité (collège, lycée, licence, master) ?

Les études sur les connaissances/compétences informationnelles numériques tendent à montrer la disparition du gender gap. Notre hypothèse sera donc la suivante :

H5 : Les filles/femmes et garçons/hommes ont le même niveau de connaissances informationnelles sur Wikipédia.

5. Cadre méthodologique

5.1 Le choix du questionnaire

Précisons que, selon nous, le recours au questionnaire ne signifie pas que l’on ambitionne de mesurer un phénomène psychologique ou social comme on le ferait pour une réalité physique dans le cadre des sciences de la nature. Nous le considérons comme un outil qui autorise une estimation des ordres de grandeur et des comparaisons en rapport à des questions prenant leur sens dans les acquis de la littérature scientifique.

Nous avons opté pour le questionnaire, car cette approche quantitative autorise la recherche de régularités et l’objectivation de tendances dominantes. Ce mode de recueil des données est donc particulièrement adapté pour évaluer les effets des variables indépendantes que sont le niveau de scolarité et le sexe sur des variables dépendantes (confiance, réputation, connaissances informationnelles…).

En ce qui concerne les connaissances informationnelles, nous avons relevé dans notre état de la question les biais induits par une auto-évaluation des compétences. Il semble exister un écart non négligeable entre les compétences que les enquêtés déclarent posséder et leurs compétences réelles. Ce problème s’avère particulièrement crucial pour les questions liées au numérique, les stéréotypes de genre pouvant impliquer une sous-évaluation de leurs compétences par les femmes et une surévaluation par les hommes (Hargittai et Shafer, 2006). Nous avons donc renoncé à des questions autoévaluatives et opté pour un test de connaissances à propos de Wikipédia. Nous avons interrogé les jeunes sur leur connaissance du genre dont relève Wikipédia, sur les principes éditoriaux fondamentaux sur lesquels repose l’encyclopédie, sur les règles rédactionnelles qui lui sont propres (neutralité de point de vue, citation des références bibliographiques…) ainsi que sur l’historique et la page de discussion associés aux articles, ces éléments pouvant servir de points d’appui à leur évaluation. Afin d’obtenir une vision plus globale du degré des connaissances associées à Wikipédia, nous avons procédé au calcul d’un score à partir de ces questions qui reflète le niveau des répondants sur ce sujet.

5.2 Population et conditions de passation

Si nous n’avons pas cherché une représentativité telle que l’on peut l’obtenir par les méthodes des quotas, nous avons néanmoins voulu diversifier l’échantillon. Pour l’enseignement secondaire, les répondants proviennent de six collèges (trois situés en zone urbaine, trois en zone rurale), deux lycées d’enseignement général et technologique (LEGT) et deux lycées professionnels (LP). Pour le cursus post-bac, les répondants suivent des cursus en BTS Comptabilité et gestion, BTS Services informatiques aux organisations, DUT Gestion de l’information et du document dans les organisations, Licence Arts appliqués, Licence Art et communication, Licence Psychologie. Parsouci de simplicité, nous adopterons l’étiquette « licence » pour désigner les étudiant.e.s qui suivent ces cursus post-bac. Pour les masters, la quasi-totalité des répondants provient des différents masters Métiers de l’enseignement et de la formation (professorat des écoles, professorat du second degré de différentes disciplines scolaires, conseiller principal d’éducation) et a effectué des cursus variés avant de s’orienter vers cette voie.

Nous avons obtenu les réponses de 841 jeunes dont 54,1 % de filles, répartis entre les différents niveaux de scolarité.

EffectifsGarçons/HommesFilles/Femmes
Collège256120136
Lycée265122143
Licence14810345
Master17240132
851385456
Tableau 1 : Description de la population étudiée

Nous constatons un déséquilibre entre hommes et femmes en licence et en master. Nous tenterons d’y remédier en ayant recours à un traitement statistique adéquat (ANOVA) évoqué plus bas.

Le questionnaire a été rempli en ligne en 2012. Dans les établissements du second degré, ce sont des professeurs de disciplines et professeurs-documentalistes qui ont encadré la passation du questionnaire en salle informatique ou au CDI. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, les étudiants ont, dans la majorité des cas, été invités par courrier électronique à participer à l’enquête. Pour ce niveau de scolarité, le taux de répondants est estimé à 15 %.

5.3 Traitement statistique

Outre le traitement statistique descriptif, le recours à l’ANOVA (analyse de la variance) s’est imposé. La variance est une mesure des phénomènes de dispersion. En d’autres termes, « elle permet d’estimer l’hétérogénéité ou, au contraire, l’homogénéité d’une série de valeurs » (Martin, 2009, p. 94). L’ANOVA est utilisée afin d’examiner si des groupes de l’échantillon (ou groupes d’individus) ont des caractéristiques qui sont significativement différentes, autrement dit, si les modalités de réponse choisies par rapport à une variable (ou plusieurs variables) ne sont pas distribuées de la même manière (Howell, 2008). L’intérêt des ANOVA est aussi d’effectuer des calculs fondés sur desmoyennes et donc de limiter fortement les biais induits par les déséquilibres dans la composition de la population étudiée ; ce d’autant plus que, dans notre cas, la taille des sous-groupes faisant l’objet de comparaisons (par ex., les étudiants de sexe masculin en master) est nettement à 30, seuil minimal fixé par les organismes de recherche internationaux (Berthier, 2006). Pour la présente étude, ce calcul statistique a été effectué en deux temps : nous avons procédé à des ANOVA filles/garçons sur l’ensemble de l’échantillon, tous niveaux de scolarité confondus. Dans unsecond temps, nous avons croisé la variable du sexe avec le niveau de scolarité, ce qui nous a permis cette fois d’identifier les différences significatives entre collégiens/collégiennes, lycéens/lycéennes, étudiant/étudiantes de licence et de master. Ces outils statistiques permettent de se déprendre des illusions — perceptions parfois trompeuses — renvoyées par les statistiques descriptives. Les calculs sont assortis d’une valeur p qui consiste en une mesure de la probabilité d’erreur. En accord avec les conventions admises dans la communauté scientifique, une valeur p inférieure à 0,05 sera retenue comme seuil significatif.

6. Présentation et discussion des résultats

Les résultats des ANOVA, selon le genre portant sur la confiance, la perception de la réputation et les connaissances informationnelles sur Wikipédia, seront présentés successivement, accompagnés à chaque fois d’une discussion.

6.1 La confiance en Wikipédia

Tous niveauxCollègeLycéeLicenceMaster
Fréquence d’utilisation déclarée p=0,052 NS NS NS NS
Confiance RI prescrite/Wikipédiap<0, 001NSp<0,001p<0,001NS
Confiance RI prescrite/ Facebookp<0, 001p<0,01p<0,05NSNS
Confiance RI prescrite/bloguesp<0, 001p<0,001p<0,05NSNS
Confiance RI prescrite/revues CDI bibliothèque p<0,001 NS p<0,05 NS NS
Confiance RI loisirs/Wikipédia p<0,01 NS p<0,05 p<0,05 NS
Confiance RI loisirs/FacebookNSNSNSNSNS
Confiance RI loisirs/bloguesNSNSNSNSNS
Confiance loisirs/revues CDIp<0,05NSp<0,05NSNS
Conseille l’usage de Wikipédia à des ami.e.s p<0,001 NS p<0,05 NS NS
Tableau 2 : ANOVA selon le genre : confiance en Wikipédia Légende : RI : recherched’information ; NS : non significatif

Nous avons demandé aux jeunes d’indiquer leur fréquence d’utilisation de Wikipédia, la confiance en l’encyclopédie pouvant être liée à cette variable. Si on se situe à l’échelle de l’ensemble de l’échantillon, il existe un écart entre les répondants des deux sexes : les garçons/hommes disent consulter Wikipédia plus fréquemment. L’ANOVA indique une valeur de p=0,052 ce qui, d’un point de vue statistique, est à peine supérieur au seuil normatif de 0,05. En revanche, les différences ne peuvent être spécifiées pour les niveaux de scolarité, c’est-à-dire quand est prise en compte la seule population des collégiens, des lycéens, etc. La dissemblance de ces résultats est due à un effet de lissage de la courbe de Gauss obtenu avec un échantillon correspondant à la totalité des répondants. En quelque sorte ici, le tout est supérieur à la somme des parties. Les différences sont rendues plus saillantes quand la taille de l’effectif augmente.

Nous évoquerons ensuite la question portant sur la confiance accordée pour les recherches prescrites par un enseignant. Si nous considérons l’ensemble de l’échantillon, les garçons/hommes déclarent accorder une confiance plus élevée à Wikipédia pour ce type de tâches que les filles/femmes (p<0,001). Si nous différencions les niveaux de scolarité, cet écart est statistiquement significatif en lycée (p<0,001) et en licence (p<0,001), mais non en collège et en master. Nous retrouvons le même type de résultats pour d’autres sources que l’on peut caractériser de non institutionnelles. Sur l’ensemble des répondants, les garçons/hommes disent faire davantage confiance à Facebook (p<0,001) et aux blogues (p<0,001). Ces différences sont statistiquement significatives en collège (Facebook p<0,01 ; blogues p<0,001) et en lycée (Facebook p<0,05 ; blogues p<0,05), mais pas à l’université. Il existe également des différences genrées dans les opinions portant sur les périodiques à disposition aux CDI ou en bibliothèques. En considérant l’ensemble de l’échantillon, les répondants de sexe féminin affichent une confiance supérieure pour ces ressources (p<0,001). L’examen des ANOVA par niveau de scolarité ne renvoie qu’une seule différence probante située en lycée (p<0,05).

Dans le cas de recherches d’information en lien aux loisirs, la confiance en Wikipédia paraît également différenciée selon le genre. Elle est plus haute chez les répondants de sexe masculin sur la totalité de l’effectif (p<0,01), au lycée (p<0,05) et en licence (p<0,05), mais pas en collège ni en master. Pour ce type de recherches, les filles/femmes se caractérisent par une confiance plus affirmée dans les périodiques du CDI et de la bibliothèque, significative uniquement sur l’ensemble des niveaux de scolarité (p<0,05) et en lycée (p<0,05). Les ANOVA ne signalent pas d’autres écarts à propos de la confiance attribuée aux blogues et à Facebook.

De manière convergente, les garçons/hommes déclarent plus fréquemment conseiller Wikipédia à leurs ami.e.s. Les différences sont significatives pour l’ensemble des répondants (p<0,001), en lycée (p<0,05) et non spécifiés pour ceux qui fréquentent d’autres types d’établissements.

Vus dans leur globalité, ces résultats confirment les conclusions des études menées dans les universités américaines (Lim et Kwon, 2010, Garrison, 2015, Selwyn et Gorard, 2016). Les filles/femmes tendent à exprimer davantage de défiance vis-à-vis de Wikipédia ou, autrement dit, les garçons/hommes se montrent moins perméables aux risques informationnels qui sont censés résulter de la consultation de cette source. Nous montrons que cette différence genrée se retrouve aussi bien pour les recherches d’information académiques que celles situées dans le domaine des loisirs. Comme dans l’enquête de Jones et ses collègues (2009), nous relevons que les filles/femmes expriment une plus grande défiance en des sources non institutionnelles (Facebook, blogues) pour les tâches scolaires et expriment une plus grande confiance pour les revues du CDI et de la bibliothèque, ce qui peut être interprété comme la quête d’une validation institutionnelle ainsi qu’un attachement plus fort au support imprimé signalé par ailleurs (Liu et Huang, 2008 ; Octobre, 2011). Ainsi présentés, ces résultats paraissent tout à fait conformes au modèle de sélectivité qui souligne la plus grande prudence féminine en matière de traitement et d’évaluation de l’information.

Nous pouvons néanmoins préciser et nuancer cette thèse en prenant en compte les distinctions entre les niveaux de scolarité. Notons que d’un point de vue statistique, les différences filles/garçons concernant Wikipédia sont probantes en lycée et en licence, mais non en collège et en master. Pour tenter de comprendre ce résultat, nous ferons appel aux évolutions de la confiance selon le niveau de scolarité constatées dans les exploitations précédentes des résultats à ce même questionnaire (Sahut, 2014, 2015). Pour la majorité des collégiens des deux sexes, c’est la valeur utilitaire de l’encyclopédie qui est dominante, les interrogations sur la fiabilité de l’encyclopédie étant exprimées de manière très minoritaire. C’est au lycée et en licence que la confiance épistémique en l’encyclopédie diminue pour les tâches scolaires et que les doutes sur sa fiabilité se généralisent. Ces tendances s’accentuent en master. Parallèlement, la confiance à l’égard des ressources associées aux institutions éducatives, comme les revues du CDI et des bibliothèques, augmente au fil de la scolarité pour les recherches prescrites par les enseignants. Les jeunes intègrent progressivement une hiérarchie académique des sources du fait de leur socialisation scolaire qui paraît être largement partagée en master. Au vu de ces tendances et des résultats de la présente étude, il est possible de penser que, comparativement aux garçons/hommes, les filles/femmes de notre échantillon ont intégré plus précocement ces normes académiques lors de la scolarisation au lycée et en licence, les années du master étant caractérisées par une convergence des opinions des deux sexes. Cette interprétation peut être soutenue par des acquisémanant des études sur le genre et de la sociologie de l’éducation : les mécanismes de socialisation conduisent les filles à être plus sensibles aux normes scolaires et aux attentes institutionnelles (Bereni, Chauvin, Jaunait et Revillard, 2012).

Une lecture verticale du tableau 2 des résultats conforte cette analyse. En master, notre enquête ne révèle aucune différence genrée dans la confiance accordée aux différentes sources, que ce soit pour les recherches prescrites ou celles associées aux loisirs. En revanche, c’est au lycée que les ANOVA indiquent le plus fréquemment des écarts significatifs (7 sur les 12 items), nettement plus qu’au collège (2 sur 12) et en licence (2 sur 12). Cela pourrait signaler un moment de l’adolescence où surviennent des différenciations importantes dans le rapport aux sources d’information.

6.2 Expérience et perception de la réputation de Wikipédia

Tous niveauxCollègeLycéeLicenceMaster
Expérience de Wikipédia/utilité de l’information p<0,01 NS p<0,01 NS NS
Expérience de Wikipédia/exactitude de l’information p<0,05 NS p<0,001 NS NS
Expérience de Wikipédia/objectivité de l’information NS NS NS NS NS
Expérience de Wikipédia/accès à d’autres documents p<0,05 NS p<0,01 NS NS
Mention d’avis négatifs sur Wikipédiap<0,05NSNSNSp<0,05
Mention d’avis négatif/enseignantsp<0,01NSNSp<0,01NS
Mention d’avis négatif/parentsNSNSNSNSNS
Mention d’avisNSNSNSNSNS
négatif/pairs
Mention d’avis positifs sur Wikipédiap<0,001p<0,001NSNSNS
Mention d’avis positifs/enseignantsNSNSNSNSNS
Mention d’avis positifs/parentsNSNSNSNSNS
Mention d’avis positifs/pairsNSNSNSNSNS
Citation de Wikipédia dans un travail académique p<0,05 NS NS NS NS
Tableau 3 : ANOVA selon le genre : expérience et réputation de Wikipédia

Sur l’ensemble de l’effectif, les filles jugent plus sévèrement leur expérience documentaire de Wikipédia : elles se montrent moins satisfaites de l’utilité de l’information proposée par cette source (p<0,01) et de son exactitude (p<0,05). Ces écarts sont significatifs au seul niveau du lycée (utilité p<0,01, exactitude p<0,001). Aucun écart n’est constaté à propos des jugements portant sur l’objectivité de Wikipédia. En revanche, les garçons disent plus fréquemment découvrir d’autres sources sur les thématiques faisant l’objet de recherches : ceci est avéré à l’échelle de la totalité des répondants (p<0,05), pour le lycée (p<0,01), mais non pour les autres niveaux de scolarité.

Concernant la sensibilité à la réputation de Wikipédia, si on considère la globalité de notre effectif, les filles/femmes disent plus fréquemment avoir été exposées à des opinions négatives sur l’encyclopédie (p<0,05), cette différence étant probante en master (p<0,05). Elles sont plus nombreuses à déclarer avoir été exposées à un avis négatif émanant d’un de leurs enseignants (totalité de l’échantillon p<0,01, licence p<0,01). Nous notons également que les répondantes déclarent également avoir été exposées plus fréquemment à des opinions positives sur Wikipédia à la fois si on considère l’ensemble de l’effectif (p<0,001), mais aussi, de manière hautement significative, en collège (p<0,001). Il s’avère enfin que les filles/femmes se montrent plus réticentes à citer Wikipédia dans un travail devant être évalué par un enseignant. Cette différence est probante pour l’ensemble de l’échantillon (p<0,05), mais ne peut être établie par l’ANOVA pour chacun des niveaux de scolarité.

Nous retrouvons ici des résultats partiellement similaires à ceux de Lim et Kwon (2010) : sur la totalité des répondant.e.s, les garçons/hommes jugent plus favorablement leur expérience de cette source, en particulier entermes d’exactitude et d’utilité de l’information. Mais contrairement à cette enquête menée au seul niveau de la licence d’une université américaine, les différences sont ici significatives en lycée, ce qui renforce l’idée d’un seuil différenciateur à ce niveau de scolarité. Comme dans Lim et Kwon (2010), les garçons disent plus volontiers utiliser Wikipédia pour trouver d’autres documents, ce qui peut êtreinterprété de deux façons : soit comme le reflet d’une pratique effective qui serait alors intéressante à consigner, car permettant à la fois de vérifier l’information et de constituer une forme d’alternative aux repérages de documents via Google ; soit comme une forme de justification de l’utilisation de cette source controversée qu’est Wikipédia. Seule une observation de l’activité informationnelle articulée à des entretiens permettrait de trancher entre ces deux hypothèses.

Globalement, les filles/femmes paraissent plus attentives à la réputation de Wikipédia, que celle-ci soit positive ou négative. Ce résultat paraît cohérent avec le modèle de sélectivité qui prête aux femmes une plus grande attention auxattentes d’autrui et, plus particulièrement, aux enseignants. Celles-ci seraient en outre plus réceptives aux effets de contexte, notamment quand il peut exister des préjudices possibles. Cela peut être le cas ici, puisque la citation de Wikipédia dans un écrit académique pourrait, selon certains répondants, entraîner une dévalorisation de leur travail par les enseignants4 (Sahut, 2014). Néanmoins, le fait de ne pas retrouver systématiquement — tant s’en faut — des différences genrées probantes à tous les niveaux de scolarité étudiés nous incite à faire preuve d’une certaine prudence vis-à-vis du caractère prédictif du modèle de sélectivité.

6.3 Les connaissances informationnelles sur Wikipédia

Tous niveauxCollègeLycéeLicenceMaster
Connaissances informationnelles surWikipédia NS NS NS NS p<0,0001
Tableau 4 : ANOVA selon le genre : connaissances informationnelles sur Wikipédia

Si on considère l’ensemble de nos répondants, les deux sexes ont des connaissances informationnelles équivalentes sur Wikipédia. Ceci est le cas pour les publics fréquentant le collège, le lycée et la licence. Cependant, nous constatons une différence hautement significative en master (p<0,0001). Les étudiants suivant ce cursus ont des connaissances informationnelles plus élevées que les étudiantes.

Ce constat ne manque pas de surprendre. En effet, les résultats obtenus en collège, lycée et licence vont dans le sens d’une égalité cognitive entre hommes et femmes en matière de connaissances dans le domaine du numérique, tout à fait en accord avec l’abolition du gender gap décrit dans l’état de la question. L’écart constaté en master pourrait apparaître comme une anomalie que nous allons tenter de comprendre.

Nous pouvons tout d’abord rappeler la moindre fréquence de consultation de Wikipédia déclarée par les filles/femmes. Or, nous avons constaté un effet fort de cette variable sur le niveau de connaissances sur l’encyclopédie (Sahut et al., 2015). Autrement dit, il est avéré que ce type de connaissances se développe par les usages réitérés de cet objet documentaire. Il est donc possible que les filles/femmes de master aient accumulé moins de connaissances sur Wikipédia du fait d’une expérience moins développée de l’encyclopédie.

Cette interprétation est tout à fait compatible avec une deuxième, associée cette fois à un effet générationnel. Dans notre échantillon, les étudiants de master sont âgés de 22 à 25 ans. Les données ont été recueillies en 2012, ce qui fait que ces répondants avaient autour de 10-12 ans au début des années 2000. Les pratiques autour de l’ordinateur étaient alors à dominante masculine, comme l’avaient établi Jouët et Pasquier dans leur enquête sur les 6-17 ans publiée en 1999. Il est alors possible que ces différences entre les deux sexes se soient perpétuées, entretenues par un moindre sentiment d’auto-efficacité, facteur souvent mentionné dans ce type d’études. Nous aurions alors sondé la dernière cohorte où existe un écart genré en matière d’usages et de compétences numériques.

6.4 Récapitulatif des résultats

H1 Les filles/femmes ont une confiance moindre que les garçons/hommes dans Wikipédia.

-­‐ Tous les niveaux d’âge : hypothèse vérifiée pour les recherches prescrites par les enseignants et celles associées aux loisirs.

-­‐ Selon le niveau de scolarité : hypothèse vérifiée en lycée et licence pour les recherches prescrites par les enseignants et celles liées aux loisirs.

H2 Les filles/femmes ont une confiance moindre que les garçons/hommes dans les sources non rattachées à l’institution éducative (blogues, Facebook).

-­‐ Tous les niveaux d’âge : hypothèse vérifiée pour les recherches prescrites par les enseignants.

-­‐ Selon le niveau de scolarité : hypothèse vérifiée pour les recherches prescrites par les enseignants en collège et en lycée.

H3 : Les filles/femmes font état d’une expérience de la source plus négative au regard des critères épistémiques.

-­‐ Tous les niveaux d’âge : hypothèse vérifiée sur l’utilité et l’exactitude de l’information de Wikipédia.

-­‐ Selon le niveau de scolarité : hypothèse vérifiée en lycée pour ces mêmes critères.

H4 : Les filles/femmes sont plus sensibles aux jugements négatifs d’autrui sur Wikipédia.

-­‐ Tous les niveaux d’âge : hypothèse vérifiée pour des avis négatifs de toutes provenances et, plus particulièrement, ceux des enseignants.

-­‐ Selon le niveau de scolarité : hypothèse vérifiée pour l’ensemble des avis négatifs pour le niveau master et pour les avis des enseignants, pour le niveau licence.

H5 : Les filles/femmes et garçons/hommes ont le même niveau de connaissances informationnelles sur Wikipédia.

-­‐ Tous les niveaux d’âge : hypothèse vérifiée.

-­‐ Selon le niveau de scolarité : hypothèse vérifiée en collège, lycée et licence.

7. Implications, limites et prolongements

Nous évoquerons tout d’abord rapidement de possibles implications pédagogiques de ces résultats. Wikipédia résulte d’un modèle éditorial complexe. Ses principes d’élaboration (anonymat fréquent des contributeurs, ouverture à la participation, évolutivité des contenus, validation informationnelle a posteriori…) impliquent de facto une inégale qualité de ses articles, ce qui, en soi, justifie de la considérer comme un objet d’étude dans le cadre de l’éducation à la culture informationnelle ou, plus largement, aux médias et à l’information. L’objectif des activités pédagogiques est alors d’éviter que les jeunes lui accordent une confiance excessive. Il s’agit de prémunir les élèves contre les possibles risques informationnels liés à la consultation de certains articles (inexactitude, incomplétude, manque d’objectivité…) et de développer chez eux des connaissances et compétences qui leur permettent d’évaluer de manière plus rationnelle et critique les contenus de Wikipédia. Il existe un autre problème moins souvent évoqué. Une méfiance injustifiée en Wikipédia peut conduire à se priver d’une ressource utile pour l’apprentissage, la compréhension de son environnement et l’ouverture intellectuelle sur une multiplicité de sujets. Cette attitude a été désignée sous le nom de « scepticisme aveugle » (Lim et Kwon, 2010 ; Menchen‐Trevino et Hargittai, 2011). L’étude empirique de Lucassen et Schraagen (2012) nous permet d’appréhender l’une de ses conséquences possibles. Les individus qui accordent peu de confiance à la source Wikipédia sont incapables de faire la différence entre les articles encyclopédiques de haute qualité et ceux de qualité médiocre. On pourrait ainsi dire que l’un des défis de l’éducation aux médias et à l’information pourrait être de trouver une voie critique permettant d’éviter à la fois la confiance aveugle et le scepticisme aveugle.

En schématisant nos résultats, il semblerait que les collégiens, quel que soit leur sexe, seraient plus enclins à la confiance aveugle. On retrouverait la même attitude chez les lycéens alors que les lycéennes pourraient être tentées par le scepticisme aveugle, sachant que la même enquête a montré qu’à ces niveaux les connaissances informationnelles sur l’encyclopédie sont très limitées (Sahut et al., 2015). Certes, il est nécessaire de faire preuve de prudence, car nous indiquons des tendances générales qui, d’une part, méritent confirmation et, d’autre part, ne tiennent pas compte des singularités individuelles. Toutefois, ce type de réflexion pourrait ouvrir le débat sur les enjeux et les modalités d’une personnalisation de l’éducation aux médias et à l’information. Comment prendre en compte la diversité des représentations des jeunes sur Wikipédia et, plus généralement, les sources d’information ?Jusqu’à quel point est- il possible d’envisager une personnalisation des conseils, prescriptions, formations ? Quels peuvent être ses effets ? Nous n’ignorons pas que la différenciation pédagogique demeure une question complexe, tant d’un point de vue éthique que pratique (Kahn, 2010), mais, à notre sens, celle-ci mérite d’être posée dans le champ des littératies numériques.

Nous voudrions parallèlement pointer des limites de la présente étude. La jeunesse n’est pas une catégorie homogène. Dans ce travail, nous avons voulu mettre en évidence les différences juvéniles dans le rapport à Wikipédia selon deux critères : le genre et le niveau de scolarité. Pour autant, nous n’avons pas épuisé les facteurs de différenciation. Dans ce domaine, le statut socio-économique est susceptible d’avoir des effets qui n’ont pas été pris en compte ici (Hargittai, 2010 ; Robinson, 2014). De même, on pourrait s’interroger sur les représentations et connaissances des jeunes qui ne font pas d’études universitaires. En ce qui concerne les étudiants, Garrison (2015) a montré des variations significatives de la perception de l’utilité de Wikipédia selon les disciplines et cursus universitaires, piste que nous n’avons pas suivie ici. Enfin, nos résultats sur les connaissances informationnelles suggèrent l’existence d’un effet de génération induisant un écart entre femmes et hommes. Le même type d’études pourrait être conduit dans quelques années afin de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse.

Le genre constitue une variable ayant des effets sur les représentations de Wikipédia. Toutefois, il ne saurait être considéré comme l’unique facteur des variations des opinions et connaissances sur cette source. Il est apparu ici fécond de croiser les variables âge et sexe, ce qui nous a permis d’avoir une appréhension plus fine de ces phénomènes sociaux, cognitifs et informationnels. Ce sont sans doute d’autres variations de focale qui pourraient aider à une saisie plus complète et plus juste de leur complexité.

Notes
  1. Nous ne traiterons pas ici du gender gap concernant les contributeurs à l’encyclopédie. Il existe en effet une sous-­‐représentation des femmes qui ne forment que 13 à 22,7 % du total des wikipédiens. Hill B. M. et Shaw, A. (2013). The Wikipedia Gender Gap Revisited : Characterizing Survey Response Bias with Propensity Score Estimation. PLoS ONE [en ligne], 8(6).
    ↩︎
  2. De Singly désigne ainsi les jeunes faisant partie de la tranche d’âge des 10-­‐13 ans. De Singly, F. (2006). Les adonaissants. Paris lll: Armand Colin. ↩︎
  3. Nous sommes conscient qu’il peut arriver que les blogues émanent d’institutions (par exemple, le blogue des Urfist), mais dansl’imaginaire collectif des jeunes, ce type de sources est considéré comme non institutionnelle et donc peu fiable (Sundin et Francke, 2009). ↩︎
  4. Ces éléments ont été recueillis dans les réponses à des questions ouvertes qui ont accompagné le questionnaire. ↩︎
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