Volume 22 / Mobilités connectées virtuelles et in situ

Mobilité connectée, corporéité et multimodalité : développement d’une littératie numérique sensorielle en classe d’arts visuels et médiatiques avec les adolescent·es

Marie-Pierre Labrie
Université du Québec à Montréal

Résumé

Équipé·es de leur téléphone portable connecté aux réseaux sociaux, les adolescent·es traversent différents territoires géographiques et sociaux tout au long de leur journée. Cette fluidité spatiale se produit par la manœuvre d’outils qui les mettent constamment dans une posture de réception et de production de contenu : messages textuels ou vocaux, échanges de photographies avec ou sans filtre, stories, émoticônes, vlogues. Comment transposer cette mobilité et cette hyperconnectivité quotidienne en classe d’arts visuels et médiatiques au secondaire et promouvoir une littératie multimodale chez les adolescent·es ? Cet article examine comment cette mobilité connectée quotidienne peut soutenir l’enseignement-apprentissage en arts et transformer le rapport qu’entretiennent les jeunes avec la création numérique. En présentant les résultats d’une étude réalisée en milieu scolaire secondaire au Québec (Canada), l’article explore le croisement de la mobilité connectée, de la corporéité et de la multimodalité pour le développement d’une littératie numérique sensorielle chez les élèves adolescent·es.

Abstract

Equipped with their mobile connected phones, adolescents navigate through diverse geographic and social realms every day. This constant movement unfolds using tools that simultaneously position them as both receivers and creators of content: text or voice messages, photo exchanges – filtered or not – stories, emoticons, and vlogs. How is it possible to turn this fluid, hyperconnected experience into visual and media art education at the secondary level to promote multimodal literacy among adolescents? This article delves into the ways this daily connected mobility can support teaching-learning in visual and media arts, reshaping the relationship adolescents have with digital art making. By sharing the findings of a study conducted in secondary schools in Quebec (Canada), it explores the intersection of connected mobility, embodiment, and multimodality, aiming to cultivate sensory literacy in young learners.

Mots-clés
mobilité connectée, pédagogie de la corporéité, littératie numérique sensorielle, design pédagogique, performativité.

Keywords
Connected Mobility, Embodied Pedagogy, Multisensory Literacy, Educational Design, Performativity.
Citer
Pour citer
Labrie, Marie-Pierre (2025). Mobilité connectée, corporéité et multimodalité : développement d’une littératie numérique sensorielle en classe d’arts visuels et médiatiques avec les adolescent·es. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 22.

Introduction 

Équipé·es de leur téléphone portable connecté aux réseaux sociaux, les adolescent·es traversent différents territoires géographiques et sociaux tout au long de leur journée. Cette fluidité spatiale se produit par la manœuvre d’outils qui les mettent constamment dans une posture de réception et de production de contenu : messages textuels ou vocaux, échanges de photographies avec ou sans filtre, stories, émoticônes, vlogues. Comment transposer cette mobilité et cette hyperconnectivité quotidienne en classe d’arts visuels et médiatiques au secondaire et promouvoir une littératie multimodale chez les adolescent·es ? 

Au Canada, les adolescent·e·s sont 77 % à posséder un téléphone mobile intelligent (HabiloMédias, 2023). Léger et versatile, le téléphone mobile est, le plus souvent, maintenu près du corps de la jeune personne qui le porte avec elle en tout temps, en tout lieu. De la chambre à la salle de bain, de la maison aux transports en commun, du parc à l’école, le « portable » est une véritable extension de son corps, pour reprendre littéralement l’expression de McLuhan (1964). Avec sa connexion aux réseaux sociaux les plus en vogue auprès de la jeunesse (YouTube, TikTok, Instagram, etc. – HabilosMédias, 2023), cet appareil contient le nécessaire pour maintenir ses relations sociales et exprimer son identité visuelle numérique. L’absence de connexion Wi-Fi dans les lieux privés ou publics est souvent le théâtre d’insatisfaction adolescente, la coprésence connectée avec les ami·es ou la consommation de contenus en continu étant compromises. En somme, la jeunesse vit une mobilité connectée qui maintient sa socialisation de façon quasi permanente dans une porosité entre les espaces virtuels et les espaces physiques (Chayko, 2014). 

On ne peut enseigner les arts en faisant fi d’un contexte dans lequel les adolescent·es sont constamment outillé·es d’appareils qui leur permettent de recevoir et de générer des contenus visuels et multimodaux. Un potentiel de développement de compétences numériques et créatives est au bout de leurs doigts, et ce, dès lors où qu’ils et elles se meuvent avec leur appareil mobile. Si certain·es semblent déjà avoir acquis des habiletés pour s’en servir au-delà de la réception, d’autres demeurent plus passif·ves et adhèrent plutôt à une posture de consommation. Cet article examine comment cette mobilité connectée constante peut transformer l’enseignement des arts et le rapport qu’entretiennent les jeunes avec la création numérique. En présentant les résultats d’une étude réalisée en milieu scolaire secondaire au Québec (Canada), il explore le croisement de la mobilité connectée, de la corporéité et de la multimodalité pour le développement d’une littératie sensorielle chez les élèves adolescents.

L’article débute par la proposition de repères conceptuels reliés au phénomène de la mobilité d’un point de vue géographique, social, éducatif et corporéel. Les possibilités (multi)modales des appareils portables sont ensuite discutées et convergent vers la présentation de fondements sur la pédagogie de la corporéité. Pour poursuivre, la méthodologie ainsi que les paramètres d’un design pédagogique permettant de tester le croisement entre mobilité connectée, corporéité et multimodalité sont explicités. Enfin, la dernière partie de l’article révèle comment ce design a contribué à une certaine transformation du rapport à la création numérique des élèves, en soutenant leur littératie numérique par une approche sensorielle et une production performative. Cet article se fonde sur une thèse doctorale réalisée en éducation artistique en réponse à la problématique de l’hyperconnectivité des adolescent·es aux technologies mobiles connectées (Labrie, 2024).

1. Repères théoriques

Le phénomène de la mobilité sera d’abord situé à partir des études en sciences sociales et en éducation pour être relié, un peu plus loin, au corps de l’individu en mouvement équipé de technologies. Les possibilités (multi)modales des appareils portables pour exprimer le corps en transit seront ensuite discutées. Enfin, pour imaginer des possibles pédagogiques reliés à la corporéité, l’apprentissage sensoriel en situation sera mis en lumière.

1.1. Théorie sociale et géographique de la mobilité

Théorisé par les sciences sociales, le tournant de la mobilité émerge à la fin du 20e et au début du 21e siècle. Il est contemporain du tournant spatial (Soja, 1989), celui-ci préoccupé par une compréhension spatiotemporelle des interactions sociales, politiques, économiques. Le phénomène de la mobilité a été grandement influencé par les avancées dans les transports et les technologies des quarante dernières années (Sheller et Urry, 2006). Divers et accessibles sur les plans économiques et des infrastructures, les transports accroissent les déplacements de personnes partout sur la planète. Les dispositifs de communication, de plus en plus portables et faciles d’utilisation, multiplient les interactions sociales et provoquent aussi des déplacements, que ce soit dans les sphères géographiques ou virtuelles.

Un entrelacement et une interdépendance entre ces sphères géographiques et virtuelles se tissent à travers la mobilité des technologies. Des déplacements physiques seront influencés par des déclencheurs numériques, tandis que des actions hors ligne donneront lieu à des manifestations dans les espaces virtuels (Adey et Bevan, 2006). À titre d’exemple, une invitation publiée sur un réseau social peut donner lieu à un rassemblement dans un espace public physique. Ou encore, une discussion provoquée dans une salle de classe peut se poursuivre dans un module de conversation d’une messagerie texte. Les territoires, usuellement conçus comme des espaces aux limites fixes, sont décloisonnées, ce qui engendre une interrelation à la fois de nature mobile – entre les personnes, les biens, les informations, les modes de transport –, et de nature immobile – entre les lieux, les infrastructures, les bâtiments (Sheller et Urry, 2006). Cette vision de l’(im)mobilité change la conception des écosystèmes en établissant une relation entre mouvement et fixité, où l’espace joue un rôle essentiel de réseau de relations.

1.2. Mobilité et territoires de l’éducation pour la jeunesse

Au quotidien, la présence sociale continue des adolescent·es s’alterne entre lieux d’apprentissage et de divertissement, entre emplacements privés et publics et entre espaces physiques et virtuels. Leur usage social des technologies connectées provoque des va-et-vient dans ce réseau spatial : points de rencontre physique, discussions par un module de conversation en ligne, activités spontanées au parc, visionnement de contenus vidéo, déplacements en transport en commun. Ces espaces, physiques ou virtuels, laissent place à des apprentissages formels et informels. Pour Edwards (2012), le milieu de l’éducation et les pédagogies qui le soutiennent doivent tenir compte des changements de paradigme qu’instaure cette mobilité : « The mobilities approach point to the need not only to challenge any notion of treating cyberspaces as if they are a simulacrum of a classroom, but also to challenge the very notion of the classrooms as container for curriculum and pedagogy » (p. 214). De fait, même la classe en ligne n’est plus une option à considérer seule ; c’est plutôt l’hybridité des deux espaces qui doit être mise en œuvre. 

La remise en question de la fixité de l’espace affirmée par les théoriciens de la mobilité et de la spatialité, cités plus haut, suggère une classe davantage décloisonnée. Les frontières délimitées de la classe sont rompues parce que cette classe entretient une interdépendance avec d’autres espaces informels d’apprentissage, formés à l’extérieur de la classe. C’est la vision du rapport intérieur et extérieur des lieux d’éducation qui est renouvelée : « In such spatial approaches, conceptions of inside (classroom, school) and outside (home, community) are problematized. In a sense, there is no inside and outside, but rather a relational set of practices and mobilities » (Fenwick et al., 2011, p. 152). Ces derniers auteurs indiquent d’ailleurs que les programmes et les modes pédagogiques ne se déploient pas dans des espaces spécifiquement délimités, mais que ces espaces sont plutôt constitués d’un « assemblage » d’interactions entre les intervenant·es scolaires et les apprenant·es et avec les éléments non humains inhérents (contenus, lieux, discours, matériaux, infrastructures, télécommunications, etc.). Les espaces informels inévitablement produits lors d’interactions en ligne et hors ligne par la mobilité des technologies recèlent de potentialités éducatives signifiantes, spécialement pour la classe d’art. Celle-ci laisse habituellement peu de possibilités de sortir à l’extérieur pour favoriser l’inspiration si importante dans le processus de création des élèves. Une réinvention de la classe d’art pourrait-elle passer par davantage de mobilité dans l’apprentissage ?

1.3. L’apprentissage mobile

Des initiatives d’apprentissage mobile se multiplient dans les milieux éducatifs, depuis la persistance du recours aux tablettes numériques et aux téléphones portables. Grâce à cet apprentissage mobile, il devient très facile d’interagir avec des contenus signifiants et d’en produire, quel que soit l’endroit, même en dehors du cadre éducatif prescrit. Cela incite au décloisonnement de la classe. Ce modèle d’apprentissage se centre sur trois dimensions de mobilité : 1) celle de l’apprenant·e; 2) celle de l’apprentissage et; 3) celle de l’appareil qui rend possible la relation entre l’apprenant·e et l’apprentissage dans l’intersection entre espaces physiques et virtuels (Pegrum, 2014). L’apprentissage mobile nécessite l’accès à l’appareil et à Internet, la mise en relation entre des apprenant·es sans égard à leur colocalisation, la génération de contenus contextualisés socialement et culturellement, et l’ajustement de ces contenus aux nécessités d’apprentissage (Kothamasu, 2010). 

Sans en dénier la disparité, l’accès aux appareils portables et à Internet chez les adolescent·es des pays développés est tout de même généralisé. Cet accès apparait propice à une utilisation accrue de ces outils pour l’apprentissage, en particulier l’apprentissage mobile tel que décrit ci-dessus, et pour la création artistique numérique en classe d’arts visuels et médiatiques au moyen d’une diversité de modes de production (image, son, texte). La création au moyen de ces technologies de tous les jours pourrait soutenir la singularisation de leur personnalité. En effet, selon Ranieri et Bruni (2013), en choisissant et en produisant des contenus au moyen des technologies mobiles connectées, en échangeant avec les pairs, les adolescent·es se développent, affinent leur identité et distinguent des intérêts. Selon les mêmes auteurs, le rapport social et culturel de l’apprentissage mobile concourt ainsi à la stimulation de la créativité qui, pour naître, cherche les échanges sociaux et la construction de soi par le contact avec la culture. Cet apprentissage mobile en classe d’art pourrait susciter la pensée créative des jeunes en accordant de l’importance, au cœur des apprentissages vécus à l’école, à leurs pratiques sociales et culturelles informelles signifiantes (Richard et al., 2020). Et au premier plan de ces apprentissages, il y aurait son corps se mouvant avec ses composantes affectives, sensorielles, sociales et cognitives.

1.4. Corps et mobilité

Selon Sheller et Urry (2006), le corps participe au phénomène de la mobilité en traversant différents endroits, guidé par ses perceptions sensorielles et ses affects. Dans l’instant, ce corps saisit les stimulations multisensorielles de l’environnement et, concomitamment, il peut être plongé dans ses mémoires, son histoire passée et ses affects, une particularité que Pearce (2020) nomme le « relais perceptif cognitif » (p. 206). Cette simultanéité entre action du corps et résurgence d’expériences antérieures, par des souvenirs ou des affects, constitue autant de possibilités, pour l’individu, d’orienter ses déplacements et de redéfinir sa représentation de cet environnement. Ce relais perceptif cognitif contient une quantité de possibilités pour la création multimodale (photographies, séquences vidéo, textes, clips sonores). Cette création multimodale pourrait être facilitée par ce que Petrova et al. (2018) nomment le « corps-mobile », c’est-à-dire la symbiose qui se manifeste entre le corps et l’appareil, voire l’écran, les images, les textes, les sons qui y sont enchâssés. L’individu traverse les espaces en fusion avec des images, des sons ou des applications qui le relient à des systèmes connectés. Le corps et l’identité de l’individu s’intègrent littéralement à l’appareil mobile pour produire, consulter ou sélectionner des contenus. L’individu ne fait qu’un avec son téléphone.

La symbiose avec son appareil crée un nouvel espace d’intimité dans lequel l’individu se sent libre d’exprimer et de partager de nouvelles habitudes et de nouvelles formes de créativité, peu importe son contexte social, économique et culturel (Hinton et Hjorth, 2013). Pour l’adolescent·e, cette symbiose est le théâtre de l’identité visuelle et numérique : ses photos ou ses vidéos personnelles, ses jeux vidéo, ses fils d’actualités, ses conversations textuelles ou vocales constituent la trame de son quotidien et son univers intime.

1.5. Multimodalité des appareils mobiles et expression sensorielle du corps

Le quotidien connecté des jeunes est rempli de contenus multimodaux diffusés sur TikTok, YouTube, Snapchat, etc. Tout un chacun a le loisir d’en produire et d’en consommer. Les téléphones intelligents et mobiles sont munis de caméras photographiques et vidéo, de dictaphones, d’applications de prise de notes textuelles ou sonores ou d’assemblage multimédia pour la production de GIF animés. Selon Pegrum (2014), avec l’utilisation intensive des appareils mobiles avec écran, les jeunes ne sont plus confrontés majoritairement à du texte, mais à des images ou à des assemblages de textes, d’images et de sons. L’auteur invite le monde de l’éducation à se préoccuper de développer leur littératie dans une perspective multimodale pour le décodage et la production de ces contenus et à raffermir leur rapport critique à ceux-ci.

Pour stimuler une littératie numérique qui prend en compte cette perspective multimodale, la mise à profit de la corporéité peut être une avenue à emprunter. Le terme corporéité est employé ici conformément à la définition de Pink (2011) qui considère ce phénomène comme le lien qui unit le corps biologique et la cognition. Pour l’autrice, le corps biologique prend conscience du monde qui l’entoure et l’éprouve par sa sensorialité, ses mouvements dans l’espace et une interrelation avec son environnement physique et social. Avec son mobile connecté, l’apprenant·e a la possibilité de produire et d’interagir avec des contenus en tout temps à partir de sa corporéité (ses mouvements, ses perceptions sensorielles directes, ses affects). Sur le plan sémiotique, les modes d’expression variés engagent la sensorialité dans les productions (Lacelle et al., 2017). Plus précisément, Stein (2008) relie ce croisement entre multimodalité et sensorialité aux potentialités du corps : « The materiality of semiotic modes is related to the sensory possibilities of the body » (p. 26). Le corps en soi devient un producteur de sens ayant accès à plusieurs modes d’expression, particulièrement lorsqu’il est équipé de son appareil mobile. Par exemple, la voix est expressive, le visage évoque des émotions, les gestes illustrent des codes. Ce rapport au corps et à la sensorialité lors de l’expérience de la mobilité connectée, porte à examiner les potentiels de la pédagogie de la corporéité pour stimuler la littératie numérique.

Dans leur recherche, Richard et Monvoisin (2023) font l’exercice d’articuler multisensorialité, expérience du corps dans l’environnement et production multimodale. Leur matrice, encore en cours d’élaboration, suggère que la multimodalité pourrait être propice à la transposition de la multisensorialité vécue par la matérialité du corps de l’élève. Dans le cas de la présente recherche, en symbiose avec son appareil mobile connecté, l’élève pourrait transposer en des formes sensibles et complexes des perceptions directes issues de son environnement proche, à tout moment. Par exemple, il pourrait être invité à exprimer sa perception du toucher d’un élément de la nature (texture) en la transposant par une séquence sonore exprimant son expérience. Son portable connecté deviendrait alors un véritable petit laboratoire de création mobile. Ne se limitant plus à une dimension visuelle, le corps-mobile (Petrova et al., 2018) aurait l’agentivité, à partir d’un large spectre modal et sensoriel, de faire des choix, mettre en forme ses idées et les exprimer. De fait, investir la multimodalité dans une intervention en arts visuels et médiatiques recèlerait de potentiel pour créer et représenter à partir de la sensorialité et de la corporéité de l’adolescent·e.

1.6. Mobilité, multimodalité et pédagogie du corps

La mobilité du corps équipé d’un appareil multimodal connecté permet à l’apprenant·e d’être présent·e simultanément dans les espaces physiques et virtuels, rendant possible l’apprentissage et la création à tout moment, en tout lieu, au cœur de nouveaux espaces pédagogiques décloisonnés. Par exemple, l’élève peut être appelé à photographier une œuvre d’art public dans un espace physique, à publier cette photographie dans une classe virtuelle et à accompagner sa photo d’une émoticône au sujet de son ressenti face à cette œuvre. Cela fait écho à la pédagogie événementielle d’Ellsworth (2005). Celle-ci est à l’intersection entre lieux et temps, facilitant les rencontres corporelles, sensorielles et affectives de l’apprenant·e avec des objets, des éléments vivants ou non vivants, des lieux ou des personnes. Ces rencontres, nouvelles, irrégulières, inédites, offrent à l’apprenant·e une expérience du monde renouvelée. Ellsworth stipule que ces rencontres ne sont pas nécessairement vécues et communiquées par le langage verbal, mais plutôt par le corps. Une pédagogie de la corporéité peut animer ce type d’espace d’apprentissage en favorisant la simultanéité de l’action consciente du corps et de la réflexion de l’apprenant·e dans un rapport relationnel avec l’environnement (Nguyen et Larson, 2015).

Selon Fors et al. (2013), l’apprentissage se réalise au sein d’un « lieu-événement », un concept qu’elles empruntent à la théoricienne de l’espace Massey (2005). L’apprenant·e, par ses sensations corporelles et ses mouvements, est alors engagé·e dans des microrelations spécifiques et éphémères. Les autrices parlent d’un « apprentissage sensoriel en situation ». Ces microrelations réorientent les actions de l’apprenant·e et redéfinissent sa conception de l’espace. L’apprenant·e, équipé·e de son appareil mobile multimodal connecté, est disposé·e à saisir ces microrelations qui adviennent à tout moment et à créer du sens de manière corporéale et sensorielle au fil des déplacements dans l’espace physique. Dans ce contexte, la personne pédagogue a le rôle de faciliter ces croisements lieu-temps et de susciter la curiosité, la créativité et la singularité de l’apprenant·e.

2. Un design pédagogique pour croiser mobilité, multimodalité et expression des sens

Une étude a été menée en enseignement des arts visuels et médiatiques au secondaire au Québec (Canada) auprès de quatre groupes d’élèves et de deux enseignantes. En tout, 41 élèves ont accepté d’y participer. En 2e, 4e et 5e secondaire, ils et elles étaient agé·es entre 13 et 17 ans. Pour répondre à ce contexte de mobilité connectée prégnant dans la vie des adolescent·es, l’étude s’est penchée sur le développement de leur littératie multimodale dans une perspective corporéale et sensorielle au cœur d’espaces physiques et virtuels. Cette section traite des dimensions méthodologiques et des éléments fondamentaux du design.

2.1. Méthodologie et design pédagogique

L’étude a été menée au moyen de la recherche design en éducation (RDE), une méthodologie spécifiquement orientée vers la conception et l’implantation de designs pédagogiques ancrés dans les théories sociales et d’apprentissage préliminairement sélectionnées pour répondre à une problématique locale (McKenney et Reeves, 2014). Les résultats d’une RDE résident à la fois dans la production d’une théorisation reliée à l’objet d’étude et dans la formulation de principes ou de stratégies éducatives exploitables de façon flexible dans d’autres circonstances pédagogiques (Anderson et Shattuck, 2012 ; Bakker et van Eerde, 2015). Un des intérêts de cette méthodologie est son rapport situé, c’est-à-dire que les chercheur·es l’employant considèrent la complexité des situations d’apprentissage et la multiplicité des variables qui peuvent faire varier l’objet d’étude (Wang et Hannafin, 2005 ; Class et Schneider, 2013). 

La pédagogie de la corporéité oriente le design pédagogique. Ce dernier repose sur les repères conceptuels élaborés plus haut : ce corps mobile et connecté, possédant l’agentivité de consulter et de produire, en tout temps et en tout lieu, des contenus multimodaux dans lesquels ils projettent ses affects, ses perceptions sensorielles et ses intérêts, et ce, dans l’entrelacement des espaces en ligne et hors ligne.

2.2. Un design pédagogique basé sur un dispositif de création dans un réseau social 

Le design pédagogique a été implanté auprès des élèves en 2020 et 2021, au cœur de la pandémie de COVID-19, obligeant à tenir compte d’un enseignement hybride, c’est-à-dire des périodes de classe à la fois en visioconférence et en personne. Le design pédagogique est fondé sur un dispositif de création intégré à un groupe privé sur le réseau social éducatif Edmodo1, accessible par les appareils mobiles des élèves, faisant écho à leurs pratiques de mobilité. Le design prévoit un va-et-vient entre pédagogie formelle lors de périodes en classe et pédagogie informelle dans le réseau social lors de moments personnels, rappelant l’apprentissage mobile et l’enchevêtrement des espaces physiques/virtuels. Les périodes en classe par visioconférence ou en personne permettent de faire naître une relation pédagogique par la présence sociale : discussions, démonstrations techniques, rétroactions, appréciation esthétique d’œuvres numériques. Cette présence sociale solidifie le sentiment d’appartenance et renforce la présence cognitive (Garrison et al. (2000). Le dispositif de création est animé par des « missions de création performatives », c’est-à-dire des consignes de création lancées à tout moment dans le fil d’actualités du réseau social et reçues sous la forme de notifications. Chaque mission exige des élèves une petite création numérique multimodale qui est immédiatement publiée, à la vue de tout le groupe.

2.3. Des missions de création performatives sollicitant le corps et les sens 

La création numérique multimodale des élèves au sein du dispositif de création connecté est inspirée par ces « missions », dans le but d’entraîner des croisements spatiotemporels précis et susciter un « apprentissage sensoriel en situation » (Fors et al., 2013). Il s’agit d’un procédé engageant une attitude de curiosité et de recherche visuelle de la part de l’élève au sein du collectif d’apprentissage incarné dans un réseau social (Castro, 2019 ; Castro et al., 2016 ; Akbari et al., 2016). La présente étude est l’occasion d’ajouter une dimension corporelle et performative à ce concept de mission, entrevue comme un défi pour l’élève. La performance devient ici une tactique pour engager le corps dans la réponse à cette contrainte, exigeant que l’élève pose une action dont il ou elle laisse une trace numérique multimodale dans le réseau social. Réalisé à partir des sensations directes, cette action est nécessairement réflexive sur l’agir du corps de l’élève dans l’espace et le temps. Pour qualifier ces missions de « performatives », je me réfère à l’acception du performatif par Wood (2018) qui le définit ainsi : « enacting-as-doing » (représenter comme faire [traduction libre]) ou « doing-as-enacting » (faire comme représenter [traduction libre]). L’action engendre la création simplement par le fait d’être accomplie. La mission met en tension la représentation (un corps signifié dans l’image) et la production (un corps qui produit).

Ces quatre principes fondateurs des missions tentent de susciter l’« apprentissage sensoriel en situation » :

  • La mission de création performative est constituée d’un énoncé textuel lancé dans le réseau social initiant un acte artistique.
  • La mission est reçue soit pendant le cours ou en dehors du cours, entraînant une temporalité pédagogique formelle ou informelle.
  • Selon le moment de réception de la mission, l’élève se trouve soit dans un espace éducatif, soit dans un espace personnel ou public. Cela implique une pluralité de lieux de création dans la mobilité (école, classe, lieux publics, transports, maison, cuisine, chambre, etc.).
  • La mission dirige la création à partir d’un ou plusieurs sens (sensorialité) et d’un ou plusieurs modes sémiotiques (images fixes et en mouvement, son, texte).

Le tableau qui suit présente quelques exemples de missions de création performatives lancées chronologiquement dans le réseau social au cours de la quinzaine de jours que dure l’intervention. Environ deux à quatre missions sont lancées entre chaque période d’enseignement-apprentissage en présence des élèves. Cela veut dire que chaque apprenant·e a le temps de créer de manière individuelle, avant que le groupe agisse comme un moteur réflexif par la suite, inspirant ou orientant les manières de créer pour les autres missions.

Énoncé de missionTemporalitéSpatialitéModes et sens
À 16 h 30 aujourd’hui, trouve le mouvement autour de toi, filme-le [vidéo] et publie-le ici.16 h 31 – hors des heures de coursSpatialités diversesVisuel (vidéo)  Sonore
Vue – Mouvement
Montre-toi et ce que tu vois. [fais-le en vidéo]13 h 10 – pendant les heures de coursClasse, école ou spatialités diverses, selon le moment de créationVisuel (vidéo) Sonore
Vue – Mouvement
Trouve un bruit que tu n’aimes pas dans ton environnement, enregistre-le et partage-le ici.18 h 30-19 h 36 – hors des heures de coursSpatialités diversesSonore
Ouïe
Où es-tu quand tu vois ce post et quelle heure est-il ? Fais une photo le plus spontanément possible, publie-la ici et écris où tu es.7 h 36 – hors des heures de coursSpatialités diversesVisuel (Photo) Textuel Sonore
Vue Ouïe
Assieds-toi trois minutes dans le lieu où tu es présentement. Écoute, regarde, sens, touche (fais appel à tes sens). Après écris 4 mots ici et laisse une trace vidéo ou photo ou sonore qui reflète l’expérience que tu viens de vivre.14 h 36 – pendant les heures de coursClasse, école ou spatialités diverses, selon le moment de créationVisuel (Photo et vidéo) Sonore Textuel
Vue Ouïe Toucher Odorat
Va faire un court trajet à l’extérieur. Prends quatre photos qui représentent les textures que tu vois sur le trajet. Assemble-les et publie-les ici.11 h 30 – pendant les heures de coursClasse, école ou spatialités diverses, selon le moment de créationVue (Photo et vidéo)
Vue Kinesthésie Mouvement Toucher
Tableau 1. Quelques exemples de missions de création performatives 

Chaque consigne exige de se déplacer, de chercher ou de performer un son ou un mouvement, d’écouter attentivement, de goûter – puis de produire une trace multimodale de cette action et de la publier dans le fil d’actualités du réseau social. Le jeu de la consigne, propulsée par la mobilité et la connectivité des technologies, transforme le rapport de l’élève à son environnement social, géographique et sémiotique, et ce, au fil de ses apprentissages en classe d’art. Il est vrai que les missions sont formulées de manière prescriptive. L’intention était de lancer un défi, davantage à l’image d’un jeu qu’à celle d’une obligation. En classe, dès le début du projet, on a mentionné qu’il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse aux missions, qu’on favorisait l’exploration et que les missions pouvaient être détournées et personnalisées. De plus, les élèves n’étaient pas obligés de répondre à toutes les missions.

3. Résultats

Dans cette section, les résultats de l’étude sont analysés afin d’en examiner la potentialité à susciter un changement dans l’enseignement-apprentissage en arts plastiques et multimédias par le croisement entre mobilité connectée, corporéité et multimodalité. Le corpus de données de cette étude se compose des créations numériques des élèves publiées dans le réseau social, de questionnaires portant sur leur expérience de création et leurs pratiques culturelles informelles, distribués à dix-huit élèves volontaires, ainsi que d’entretiens avec six d’entre eux et de deux enseignantes. Ces entretiens abordaient l’expérience d’apprentissage et de création vécues durant l’intervention, en lien avec l’approche pédagogique corporéale et sensorielle. En préambule à la présentation des résultats, un aperçu des pratiques informelles des élèves avec les technologies mobiles connectées est présenté, de même que les pratiques pédagogiques des enseignantes avec ces mêmes technologies. Ce préambule permet de mieux mettre en perspective une utilisation différente des technologies mobiles connectées vécue dans le cadre de cette intervention. 

Ensuite, les résultats tirés des créations numériques des élèves sont présentés. Ces créations prennent la forme de combinaisons de photographies, de vidéos, de capsules sonores et de textes. Il est important de mentionner que les entretiens avec les élèves ne comportaient pas de questions permettant de comprendre comment chacune de leur création a été produite ni de questions sur la signification de chacune d’elles. Ces questions se centraient davantage sur leur expérience de création et d’apprentissage vécue dans l’intervention. En conséquence, on a analysé et interprété leurs créations d’un point de vue extérieur, celui de la chercheure, avec la méthode des catégories conceptualisantes (Paillé et Muchielli, 2021). Le but était d’en faire ressortir des phénomènes théorisants, traduisant des manières de créer et de produire du sens. Les résultats majeurs résident dans l’observation d’une littératie numérique qui semblait devenir sensorielle, en mettant en tension la multisensorialité et la multimodalité. De plus, on a remarqué que cette littératie mobilisait le corps en le positionnant dans une double fonction de producteur et de représentation. Ces résultats sont également commentés à la lumière des données issues des questionnaires et des entretiens, aussi analysées à partir des catégories conceptualisantes et qui permettent de comprendre les différentes dimensions de l’expérience de création.

3.1. Pratiques préalables avec les technologies mobiles connectées

Au tout début de l’étude, les pratiques sociales et culturelles de dix-huit élèves participant·es ont été sondé·es à l’aide d’un questionnaire en ligne. La réception de contenus culturels semblait être l’élément le plus important des pratiques informelles des élèves avec les technologies mobiles connectées. La communication avec les ami·es ou avec la famille constituait l’activité priorisée par les élèves, puis arrivait au deuxième rang celle de s’informer, puis de regarder les publications d’autrui. La majorité des répondant·es n’avaient pas de pratiques créatives avec ces outils. Pourtant près de 95 % d’entre eux ont affirmé que ces technologies pouvaient leur permettre d’apprendre. Tous les élèves ont indiqué que, selon eux, ces technologies avaient le potentiel de stimuler leur créativité. Il est à noter que sur les dix-huit élèves sondés, dix-sept détenaient un appareil mobile. Du côté des pratiques des enseignantes, il est important de mentionner qu’au moment de l’étude, en 2020 et 2021, aucune règle gouvernementale ne restreignait la présence du téléphone en classe. L’une des enseignantes, Odile2, a indiqué que les élèves avaient avec eux leur téléphone en classe. Étant donné qu’elle enseigne parfois la manipulation photographique à partir d’applications mobiles, Odile a spécifié que cette accessibilité offrait la possibilité aux élèves de prendre des photos occasionnellement, dans le cadre de son cours. De son côté, Lisa, l’autre enseignante, affirmait utiliser les réseaux sociaux pour rechercher du contenu pédagogique ou pour des travaux d’enrichissement de certain·es élèves plus rapides. Elle expliquait également que les travaux des élèves étaient diffusés sur une plateforme en ligne, gérée par l’école, ainsi que sur des pages Wiki. En somme, les enseignantes recourraient peu aux outils mobiles connectés dans leur pratique. L’intervention pédagogique et artistique de cette recherche propose une tout autre expérience en lien avec ces technologies mobiles connectées.

3.2. Création produite par l’interconnexion des modes et des sens

Dans le cadre des missions, les élèves étaient invités à produire du contenu avec leurs sens et en les exprimant avec différents modes. Ainsi, on perçoit que la multisensorialité a été mobilisée pour la production et qu’elle est aussi représentée au sein même des créations. Elle est notable par la combinaison de textes, d’images photographiques et vidéographiques, et de sons. Par ailleurs, une certaine proportion des créations numériques analysées ne suggérait pas de différenciation des sens selon les modes. Si la multimodalité a tendance à associer un sens à un mode précis (la vue avec le mode visuel, par exemple), ici les sens sont représentés par des modes qui ne sont usuellement pas exploités pour les exprimer, rappelant la théorisation de nature anthropologique de la multimodalité traitée par Pink (2011). Ainsi, dans les créations, on perçoit une interconnexion accentuée entre (multi)sensorialité et (multi)modalité. Des créations d’élèves sont analysées ci-dessous pour illustrer ce constat.

La création vidéo de Kelly, présentée ci-dessous à la figure 1, illustre le métro qui arrive à la station. En format vertical, la caméra effectue un travelling pour suivre ce passage, puis se stabilise alors que le train continue sa course. Une combinaison complémentaire d’images et de sons s’opère pour exprimer le mouvement du train : le métro passe rapidement (mouvement-vidéo) et produit un fort bruit (mouvement-son). Sur le plan de la littératie numérique sensorielle, le « mouvement autour de moi » est autant exprimé et vécu par le son que par l’image en mouvement.

Figure 1. Réponse de Kelly à la mission « À 15 h 15 aujourd’hui, trouve le mouvement autour de toi »

La figure 2 réfère à la réponse sonore d’Élise à la mission « Enregistre un son de ta présence dans l’espace ». Dans cette séquence sonore, on peut entendre le poids d’un corps se déplaçant dans un lieu et interagissant avec des objets : on perçoit un craquement de plancher et de chaise. Puis, probablement une fois assis, ce corps manipule un livre, on entend le froissement du papier lorsque les pages sont tournées. L’analyse de cette création permet de saisir que le mouvement des pages et la texture du papier ne sont pas ici représentés par le mode visuel, mais par des sons suggérant le mouvement, la texture et le poids du corps dans l’espace.

Figure 2. Réponse d’Élise à la mission « Enregistre un son de ta présence dans l’espace. »

Enfin, toujours illustrant cette interconnexion des sens et des modes, la photographie accompagnée de texte de Flavie représente « où elle est quand elle voit la publication et le son qu’elle entend » (Voir figure 3). Les lattes du ventilateur rappellent les ailes d’un oiseau, mais on ne sait pas si c’est par hasard ou planifié. Par ailleurs, ces lattes sont cadrées en contre-plongée, vers « un ciel » substitué par le plafond de la pièce. Les sens du mouvement et de l’ouïe sont ici complètement évoqués par l’image fixe. 

Figure 3. Réponse de Flavie à la mission « Où es-tu quand tu vois ce post et quelle heure est-il ? Fais une photo le plus spontanément possible, publie-la ici. Et écris un mot qui représente un son que tu entends. ».

On peut remarquer, dans les créations, une complémentarité ou une dissonance dans l’interaction entre le mode et le sens (Serafini et Reid, 2019). À cet égard, partant du fait que ces élèves, dans leurs pratiques informelles, sont peu enclins à la création numérique au moyen des outils mobiles connectés, il semble qu’ils aient appris à composer des créations numériques par le truchement de leur sensorialité « en mouvement ». Ici, en analysant les créations, on peut penser qu’une littératie numérique sensorielle et multimodale a été initiée pour permettre à l’élève de produire du sens en exprimant ce que ses perceptions directes lui ont fait vivre à un moment très précis à travers l’action prescrite par la mission. Est-ce que cela permettrait d’étendre les capacités d’expression ? En effet, l’élève n’est plus confiné à l’espace de la classe pour créer ; il peut personnaliser ses créations à partir de son quotidien intime ou de ses lieux préférés. De plus, il peut directement exprimer ce que son corps (ses affects, sa sensorialité, ses mouvements) lui inspire, sans intermédiaire. À ce titre, lorsque Lisa, l’une des enseignantes, est interrogée sur ce qu’elle a pensé des missions performatives et sensorielles lors de l’intervention, elle répond : 

[…] je trouve que ça leur créait à la fois une contrainte et à la fois des possibilités infinies d’utiliser le corps, les mouvements parce que ça les forçait à regarder l’influence de ce qu’il y a autour d’eux sur la création qu’ils allaient faire. (Témoignage de Lisa, tiré du premier entretien, 3 décembre 2020)

3.3. Processus esthétique à partir d’une sensibilité croisée modes/sens

Lors des entretiens, les jeunes apprenant·es ont mis en évidence leur processus de création relié à l’exploration sensorielle et modale dans laquelle l’intervention les plaçait. Des élèves ont noté avoir apprécié qu’on leur demande de vivre le moment présent dans différents lieux ; estimant que peu de travaux scolaires ou tâches quotidiennes sollicitent ce type d’actions et gestes. À ce sujet, dans le deuxième questionnaire distribué lors de la deuxième moitié de l’intervention, Caroline révèle : 

J’ai trouvé que prendre le temps de vivre le moment présent, en étant à l’écoute de notre environnement, juste en prenant une pause de quelques minutes, a fait du bien, car on prend rarement le temps de s’arrêter pour se demander ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on sent, etc. (Témoignage de Caroline, tiré du deuxième questionnaire, 15 novembre 2020)

La quête directe d’une idée dans un lieu précis, à un moment indiqué et à des fins de création les poussait à prendre conscience de leurs sensations. Dans le troisième questionnaire, Kelly explique que grâce à la mission « Où es-tu quand tu vois ce post ? » (Tableau 1), elle est devenue attentive à la présence de son propre corps dans l’environnement : « Ça a fait appel à mon sens de la vue comme j’avais à regarder autour de moi et observer quelque spontané [sic]. Ce [sic] mission m’a aussi fait réaliser mon corps et celui des autres dans l’espace. » Les témoignages d’autres élèves évoquent que la trajectoire de création induite par le projet leur a permis de faire sens de leur environnement et de leurs affects immédiats, qu’ils et elles revisitaient par leur création. Les possibilités modales et sensorielles de la mission guidaient leur conscience spatiale et temporelle. L’accès continu à leur appareil mobile facilitait l’accès à cette conscience, car les élèves pouvaient capter, à tout moment, leurs perceptions. Certains élèves ont repéré des affinités d’expression avec certain·es modes et sens. Sur ce point, Caroline relève :

Puis les deux [missions] que j’ai préférées, c’est celles où il fallait nommer la texture d’un objet parce que on [sic] n’avait pas fait beaucoup de missions qui impliquaient des mots, puis moi, j’aime bien ça traduire quelque chose qu’on voit en des mots. (Témoignage de Caroline, tiré de l’entretien de groupe, 30 novembre 2020)

Une autre élève, Flora, constate que certaines perspectives sensorielles sont plus complexes à déployer :

Dépendamment des sens qu’on utilisait, j’ai trouvé qu’il y en avait certains qui me demandaient plus d’apprentissage que d’autres, […] les missions où il y avait du toucher, je trouve ça assez simple, c’est juste… tu touches. Alors que des missions qui… où il y a du sonore, par exemple, demandent une plus grande interprétation. (Témoignage de Flora, tiré de l’entretien de groupe, 30 novembre 2020)

Cette attention particulière accordée à son corps et à son environnement semble participer au développement d’une sensibilité esthétique. À cet égard, Élise relate que les missions l’invitaient à entrer en contact de façon instantanée avec les espaces de son quotidien et à trouver ce qui répondrait le plus sensiblement à la mission. Elle indique que le travail avec la lumière et les couleurs lui sont d’une grande importance pour créer une photo qui soit attrayante. Ce rapport aux diverses modalités et leur potentiel de représentation sensorielle renforce une littératie multimodale dans le choix que doit opérer, pour chaque mission, l’élève pour créer sa réponse, tout ceci dans la mobilité.

3.4. Le corps : mode de production/objet de représentation

Une récurrence remarquée dans plusieurs créations numériques des élèves révélait un corps performatif qui agissait dans le processus de création et qui devenait la représentation, c’est-à-dire que l’action performée par le créateur devenait la création. La caméra subjective est utilisée et met en évidence le geste artistique ; on comprend que le processus de la personne qui crée porte en soi la signification. Les compositions des élèves évoquent le performatif de Wood (2018) (faire comme représenter – représenter comme faire). Le corps-mobile (Petrova et al., 2018) performant le « lieu-événement » (Massey, 2005) contenu dans la mission montre toutes ses possibilités de mobilité dans l’entrecroisement des espaces physiques et virtuels. Dans cette intervention pédagogique, le corps apparait comme le réceptacle de l’expérience vécue dans l’espace – par ses affects, ses sens, ses déplacements, ses mouvements – et informe la création émergeante de manière non planifiée lors du « lieu-événement ». 

Selon les enseignantes, qui ont assisté au processus créatif des élèves, les corps de ses dernier·ères, se mouvant et réfléchissant simultanément (Nguyen et Larson, 2015), deviennent un mode de création et possèdent l’agentivité d’influencer le résultat créatif. L’une des enseignantes, Lisa, exprime : 

C’était de dire, je vais la traduire [en parlant de l’intention artistique] avec mon corps au lieu de passer par un autre médium. Je ne vais pas prendre un crayon, je ne vais pas prendre la peinture. Donc comment, moi, je vais faire cela, ce mouvement-là, ce son-là… comment je vais le faire entendre, où est-ce que je vais aller mettre mon micro pour que tout le monde l’entende ? (Témoignage de Lisa, tiré du deuxième entretien, 7 avril 2021)

Cet extrait révèle l’observation d’un processus de création orienté par le corps ; un corps se mouvant dans l’espace, restant attentif à ses perceptions et ses sens, en espérant trouver la solution créative la plus appropriée, au moyen des (multi)modalités dont il dispose, et faire des choix qui pourront reproduire son intention artistique. L’attention corporelle dans un lieu précis porte l’élève à demeurer « à l’écoute » des possibilités de création. Selon le regard pédagogique d’Odile, l’une des enseignantes, ce processus « leur permettait peut-être de voir autrement les photos qu’ils prenaient ». Il semble que ce corps soit devenu un médium de création, possédant plusieurs modes, grâce à sa symbiose avec l’appareil mobile, mais aussi grâce à un design pédagogique et ses missions dont les principes fondateurs exigent de créer par la mobilité du corps informé par les sens et les affects.

La création vidéo de Rafaël, dont des captures d’écran sont présentées dans la figure 4 ci-dessous, est un bon exemple de ce « corps performatif comme processus de création et représentation ». L’élève choisit de produire lui-même ce « mouvement autour de lui » en tapant le mot « allo » au clavier d’ordinateur. La séquence vidéo sonore commence par présenter et faire entendre sa main gauche qui écrit au clavier, et puis passe à un pan vers le haut pour montrer le mot à l’écran. Son processus de production du mot « allo », capté par la caméra de son mobile, devient également le message multimodal. 

Figure 4. Deux captures d’écran de la réponse vidéo de Rafaël à la mission « À 16 h 30 aujourd’hui, trouve le mouvement autour de toi ».

Une autre création évocatrice de ce phénomène est celle d’Anton en figure 5. Dans sa réponse sonore, on entend l’élève pianoter avec intensité sur son clavier d’ordinateur. Puis, on perçoit un son affirmé de tapement, indiquant probablement l’appui sur la touche « Entrée ». Ce geste provoque la projection d’une voix électronique exprimant : « Access Denied » (accès refusé [traduction libre]). Le geste affirmé se répète quelques fois, signifiant un certain acharnement de la part de l’élève, et engendre chaque fois le même appel « Access Denied ». Cette séquence sonore, sans doute mise en scène, témoigne d’un corps engagé dans le processus de production et de représentation du « son de la présence dans l’espace » de l’élève.

Figure 5. Capture d’écran de la réponse sonore d’Anton à la mission « Enregistre un son de ta présence dans l’espace. ».

Dans une création documentée à la figure 6, Flora exprime ses émotions et ses affects en répondant à une mission conçue par l’une de ses pairs : « Filme ton environnement à la fin de tes cours ». L’intervention avec son groupe-classe a eu lieu à l’automne 2020, pendant la pandémie de COVID-19. Flora suivait alors ses cours à distance. En plan vidéo subjectif, elle effectue un panoramique sur son bureau de travail situé dans sa chambre, le vendredi à la fin de la journée de cours. Ce « geste panoramique » dévoile ses effets personnels et son matériel scolaire, devenant la représentation. Le mode textuel exprime son ressenti.

Figure 6. Deux captures d’écran de la vidéo de Flora, dans le cadre de la mission « Filme ton environnement à la fin des cours ».

3.5. Synthèse

Les résultats majeurs de cette étude croisant mobilité connectée, corporéité et multimodalité au cœur d’un design pédagogique, résident dans des créations numériques reflétant une interconnexion entre (multi)sensorialité et (multi)modalité élargissant les possibilités d’expression de la corporéité certes, mais également des préférences esthétiques chez les élèves. La mobilité et la corporéité stimulent également des créations dans lesquelles le corps devient à la fois outil de production et objet de représentation, exprimant le « lieu-événement » sensoriel vécu par l’élève au moment du jeu performatif. Ces résultats appellent à une transformation de la littératie numérique des jeunes à partir d’une dimension sensorielle et corporelle.

En scrutant les résultats de cette étude, on remarque que la mise à profit de la multimodalité, intrinsèque à la création numérique par téléphone mobile, accroitrait les possibilités de mise en forme et d’expression de la corporéité et favoriserait la littératie numérique des élèves. Selon Greene et Crompton (2025), la littératie numérique serait contextuelle, influencée par des aspects socioculturels et développementaux, et impliquerait des habiletés à repérer, réguler, critiquer et articuler des contenus numériques disponibles. Dans ce processus, l’individu développe de nouveaux savoirs par l’intermédiaire de processus métacognitifs, d’une pensée critique, d’une résolution de problèmes et d’aptitudes créatives. L’étude présentée dans cet article pourrait-elle contribuer à une réflexion sur l’apport possible d’une dimension sensorielle à la littératie numérique ? Cette dimension se nourrit des affects, du corps en mouvement et des perceptions directes de l’apprenant·e se déplaçant entre différents espaces connectés et physiques pour saisir et produire du sens au moyen du numérique.

Si les élèves participant à l’intervention indiquent avoir eu des préférences modales ou sensorielles pour s’exprimer, on peut en conclure qu’une littératie numérique multimodale promeut l’accessibilité et la différenciation dans l’apprentissage et la création. Une variété de choix de combinaisons est accessible pour exprimer ou communiquer son univers, et comprendre celui de ses pairs dans le réseau. La possibilité de créer en fonction de sa sensorialité par les moyens de la multimodalité constitue une complémentarité féconde à l’inclusion des élèves en fonction de la singularité de leur sensibilité, en considérant aussi que certains trouvent plus d’affinités à s’exprimer au-delà du visuel.

Conclusion

L’étude présentée dans cet article a été menée en 2020-2021 dans l’intention de rendre signifiant l’apprentissage des arts pour les élèves adolescent·es en fonction de leurs expériences technologiques et sociales quotidiennes, par l’usage d’outils qui leur sont familiers dans leurs pratiques informelles. Ce cadrage postnumérique reconnaît que les technologies connectées sont imbriquées dans toutes les dimensions sociales, culturelles, professionnelles et scolaires des individus et des communautés (Klein, 2021) et transforment intimement les relations sociales et le rapport à l’apprentissage. La manipulation de l’appareil de technologie mobile et la symbiose que peut vivre l’adolescent·e apprenant·e avec cet appareil réaménagent profondément la façon dont il ou elle se déplace, interagit, prend des décisions, communique, crée, partage. Cette étude se préoccupe de certaines transformations qui peuvent surgir de cette symbiose connectée dans la sphère éducative, ici précisément en lien avec la création artistique à l’école secondaire. Il est à préciser que le système scolaire québécois, au primaire et au secondaire, s’est muni d’un règlement restreignant l’usage des appareils de technologie mobile dans tous les lieux de l’école, applicable dès la rentrée scolaire du mois d’août 2025 (Laberge, 2025). À l’image d’autres gouvernements à l’international, ce règlement vise une amélioration de l’attention des élèves en classe ainsi que de leur bien-être. Une intervention telle que décrite dans cet article devrait être ultimement transformée ou réalisée avec des balises plus strictes et avec une autorisation pédagogique toute spéciale.

L’article a d’abord présenté un cadre conceptuel avec des repères sur la mobilité, d’un point de vue géographique, social et éducatif. Prenant en compte que cette mobilité se vit dans l’entrelacement des espaces en ligne et hors ligne, il a été explicité que le corps de l’individu mobile connecté est partie prenante de cet entrelacement et qu’il peut l’influencer, y réagir, et en être affecté. Par la suite, en empruntant au concept de corporéité, on a proposé une pédagogie qui émerge du corps, de l’affect et de la sensorialité, en proposant l’« apprentissage sensoriel en situation » (Fors et al., 2013) et une pédagogie qui favorise le « lieu-événement » (Massey, 2005). Tablant sur ces repères conceptuels, un design pédagogique qui visait à répondre au contexte postnumérique a été présenté et mis en lien avec cette pédagogie de la corporéité. Les détails méthodologiques d’une étude menée en classe d’arts visuels et médiatiques au Québec (Canada) ont été exposés et ont mené à la présentation de résultats, c’est-à-dire les effets de ce design sur leur littératie numérique et sur leur manière de créer « à travers » le corps. 

Cette intervention décloisonne la classe d’art, en offrant un espace de création à la jonction d’un réseau social en ligne et de la vie quotidienne hors ligne. Accessible par les téléphones mobiles, cet espace donne accès à tout le spectre sensoriel de l’élève pour exprimer un rapport complexe et sensible à son environnement immédiat. Les résultats de l’étude révèlent que cet outil, le téléphone mobile connecté, permet au « corps-mobile » (Petrova et al., 2018) d’être affecté par des microrelations vécues au quotidien et d’affecter par la suite ses créations numériques. Cette connexion et cette mobilité se fondent en un fil conducteur entre l’élève et son univers, sa culture et son contexte social tout en le reliant à l’apprentissage en arts plastiques et multimédias, favorisant ainsi la créativité. Ce déploiement d’une littératie numérique à dimension sensorielle élargit également le régime visuel de la classe d’art pour le mener à interroger d’autres formes sensibles : la performance, la combinaison de modes et de sens, et le sonore. Et « […] to rethink our traditional, exclusive focus on things visual » proposait Duncum en 2004. Ce changement de régime rapproche-t-il les arts en milieu scolaire des pratiques hybrides de l’art actuel (Molinet, 2016) en prenant en compte un contexte dans lequel le numérique interpénètre toutes les sphères de notre quotidien ?

Notes
  1. Edmodo est une plateforme en ligne utilisée par les enseignant·es pour structurer une classe virtuelle et déposer différents contenus ou activités. La plateforme possède un fil d’actualités, à l’image des réseaux sociaux commerciaux, mais demeure un espace éducatif sans publicité et opéré en circuit fermé. Edmodo a fermé ses portes en septembre 2022.  ↩︎
  2. Tous les prénoms utilisés dans cet article pour nommer les enseignantes ou les élèves sont des pseudonymes, afin de conserver leur confidentialité.  ↩︎
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