Cet article propose une exploration de la (re)création esthétisée des paysages linguistiques comme acte de littératies mobilitaires multimodales. Les chercheuses ont adopté une approche multisensorielle et esthétique pour interagir avec les lieux, les langues et les histoires lors de marches ethnographiques, révélant des éléments cachés et réhabilitant les langues et les cultures marginalisées. Cette démarche, ancrée dans des approches de recherche dites sensibles en didactique des langues et du plurilinguisme (Dompmartin-Normand et Thamin, 2018), permet de mieux comprendre les fonctions symboliques des langues et d’aborder des questions de pouvoir et d’équité.
Le corpus s’appuie sur un recueil ethnographique de photos, vidéos et sons captés lors de marches solitaires et collectives, de notes de terrains, de journaux réflexifs et de leur analyse croisée. L’ensemble donne lieu à des (re)créations multimodales et plurilingues, cartographiées et poétisées, comme invitation à traverser les intersections entre théorie et expérience vécue et comme exploration des dynamiques créatives en recherche.
Enfin, cette proposition vise à souligner le potentiel du paysage linguistique pour transformer l’interaction et l’interprétation du monde et de l’environnement sémiotique, en articulant engagements artistiques et réflexions sur la (dé)colonisation, la résistance et la résilience.
This article proposes an exploration of the aestheticized (re)creation of linguistic landscapes as an act of multimodal and mobile literacies. Through a multisensory and aesthetic approach, the researchers interact with places, languages and histories during ethnographic walks, revealing hidden elements and giving voice to marginalized languages and cultures. This approach, rooted in so-called sensitive research approaches in language and plurilingualism didactics (Dompmartin-Normand and Thamin, 2018), enables a better understanding the symbolic functions of languages and to address issues of power and equity.
The corpus is based on an ethnographic collection of photos, videos and sounds captured during solitary and collective walks, field notes and reflexive diaries, and their cross-analysis. The result is multimodal and multilingual (re)creations, mapped and poeticized, as an invitation to cross the intersections between theory and lived experience, and as an exploration of creative dynamics in research.
Finally, this proposal aims to highlight the potential of linguistic landscapes to transform the interaction and interpretation of the world and semiotic environment, by articulating artistic expressions and reflections on (de)colonization, resistance and resilience.
Cet article se penche sur la (re)création esthétisée de paysages linguistiques (PL) comme acte de littératies mobilitaires multimodales engagé. Nous explorons comment la lecture de l’environnement par l’expérience sensible du PL, à travers un prisme plurilingue, peut transformer notre compréhension des espaces (Melo-Pfeifer, 2023), encourager une relecture de nos propres biographies langagières (Molinié, 2023) et transformer nos identités et nos manières d’être au monde et en recherche (Rosa, 2021 ; Moore, 2024).
Notre démarche cherche à révéler les dynamiques, souvent invisibilisées, d’effacement ou de résistance linguistiques dans les espaces publics de Colombie-Britannique, une province à l’ouest du Canada, tout en expérimentant des formes alternatives de mises en récit et de compréhension du lieu. Cette recherche vise non seulement à élargir les conceptions du PL comme objet à la fois sensoriel, politique et pédagogique, mais aussi à créer des failles dans les postures épistémologiques qui tendent à séparer théorie et praxis éducatives. En croisant marche ethnographique, cartographisation sensible, photographie, collage et création multimodale, nous proposons une lecture incarnée et relationnelle des espaces, où le plurilinguisme devient expérience vécue, acte de résistance co-langagière et espace d’espoir pour imaginer d’autres manières d’habiter, de vivre, d’enseigner, d’apprendre et d’entrer en relation avec nos environnements quotidiens dans une perspective décoloniale et, dans le contexte canadien, de Réconciliation (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015, Olmédo, 2021 ; Pidgeon, 2016 ; Sterzuk, 2020).
Dans le cadre d’un séminaire doctoral, nous avons entrepris ensemble une exploration multisensorielle (Pink, 2015) et esthétique du PL en marchant et en interagissant avec les lieux, les langues, les histoires autour des lieux et leurs mises en résonance avec nos propres trajectoires et histoires de vie (Molinié, 2023 ; Moore, 2024). Ce projet a révélé les potentialités des approches de recherche sensibles pour apprendre à sentipensar1 (Escobar, 2020) différemment, notamment à travers la marche (Lasczik et al., 2021 ; Springgay et Truman, 2019 ; Vergunst et Ingold, 2016). Cette démarche nous a permis d’accéder aux perceptions et représentations des fonctions symboliques des langues, de déceler des éléments dissimulés et de mettre en lumière ce qui est absent, tout en (re)donnant voix aux langues et cultures ignorées ou marginalisées et, enfin, développer une compréhension plus nuancée de notre environnement (Sabatier et al., 2013). Dans cet article, nous présentons des données recueillies au cours d’expériences collectives et sensorielles auxquelles nous avons participé au cours d’un programme d’études doctorales, lors de l’année universitaire 2022-2023. Notre approche méthodologique a consisté en des visites à pied, en considérant la marche comme « a particular form of embodied ethnography » (Yi’En, 2014, p. 11) pour sentir et ressentir notre environnement. Le corpus s’appuie sur un recueil ethnographique de photographies, de prises de sons et de vidéos captées lors de déambulations solitaires ou collectives dans les villes de Kamloops, Vancouver et Victoria, ainsi que de notes de terrains et journaux réflexifs et de leur analyse croisée. L’ensemble donne lieu à des (re)créations multimodales et plurilingues, cartographiées et poétisées, comme invitation à traverser les intersections entre théorie et expérience vécue et comme exploration des dynamiques créatives en recherche.
La Colombie-Britannique est l’une des 10 provinces du Canada, située la plus à l’ouest du pays, bordée par l’océan Pacifique. Il s’agit d’une vaste province qui s’étend sur plus de 920 000 kilomètres carrés et qui compte la plus grande diversité de cultures autochtones au Canada. On décompte 204 Premières Nations originaires de la zone géographique connue maintenant sous le nom de Colombie-Britannique, un total de 36 langues et plus de 90 dialectes associés à ces Premières Nations (First Peoples’ Cultural Council, 2024). Cette province regroupe à elle seule 60 % des langues de Premières Nations au Canada (First Peoples’ Cultural Council, 2018). Il s’agit aussi de l’une des provinces où l’on recense la plus grande diversité de langues parlées en famille, après l’Ontario. On considère ainsi qu’un ménage sur cinq, à l’échelle du pays, est plurilingue et multiculturel (Statistique Canada, 2023). Le paysage urbain s’inscrit ainsi comme un lieu de matérialisation ou d’effacement d’identités plurilingues dont l’étude permet de révéler les mises en tensions performatives pour interroger les plurilinguismes, les identités, le lieu et le sens d’appartenance (Melo-Pfeifer, 2023).
Le PL, défini par Landry et Bourhis (1997) comme la combinaison de « language of public road signs, advertising billboards, street names, place names, commercial shop signs, and public signs on government buildings » (p. 25), a cela de particulier qu’il nous amène à nous intéresser à notre environnement sous un prisme nouveau. En effet, les artefacts de signalisation qui ponctuent notre quotidien (panneaux, affiches, enseignes, etc.) forment un tissu complexe de langues, de cultures et de discours qui recèlent une mine d’informations quant à la diversité linguistique et culturelle d’une société (Calvet, 1994). Étudier son PL revient donc à « lire la ville » (Sabatier et al., 2013, p. 27) en mobilisant des pratiques de littératie multimodale afin d’analyser l’environnement sémiotique au moyen d’une démarche de mobilité par la déambulation. D’abord centrée sur la langue dans sa forme écrite (notamment sur les panneaux), l’étude du PL a progressivement élargi son champ. Elle inclut désormais une gamme étendue de ressources sémiotiques – art urbain (fresques, sculptures), paysages sonores et olfactifs, musique, culture matérielle (vêtements, nourriture), architecture, graffitis, histoire – ainsi que les pratiques d’interaction qui les mobilisent dans divers espaces. Cette évolution permet de saisir plus finement la complexité plurisémiotique des environnements sociolinguistiques (Aronin et Ó Laoire, 2013 ; Melo-Pfeifer, 2023 ; Pennycook, 2017 ; Shohamy et Gorter, 2008). Mais au-delà de l’observation et de l’analyse des signes explicites, il s’agit aussi d’éprouver le sensible : laisser affleurer les dimensions multisensorielles et affectives qui se tissent au fil de nos interactions avec notre environnement (Pennycook et Otsuji, 2015). Alors que les sociétés occidentales privilégient souvent le visuel comme sens pour appréhender l’espace (Prada, 2023), l’attention au multisensoriel ouvre d’autres façons de ressentir, parcourir et faire l’expérience de notre environnement. C’est dans cette perspective que Prada (2023) évoque des « sensescapes » plutôt que de simples « landscapes ». Cette vision élargie du PL offre une lecture plus contextuelle et ethnographique de l’espace (Higgins et al., 2014) : elle conduit à s’interroger sur l’origine des éléments qui le composent, sur la manière dont ils sont perçus et interprétés, et sur le rôle qu’ils jouent dans la structuration des lieux et à la circulation des personnes. Dans cette continuité, l’étude du PL nous fait entendre les « voix de la ville (Calvet, 1994) en lien avec les questions d’écologie linguistique et culturelle, de plurilinguisme, de littératies multimodales ou encore de rapports au et de pouvoir » (Sabatier et al., 2013, p. 138). Étudier le PL, c’est alors s’engager dans une exploration cognitive et sensorielle des multiples manières dont les langues et cultures cohabitent et interagissent dans un espace donné, révélant les facettes variées d’une société à travers ses dynamiques d’inclusion que d’exclusion. La dimension mobile, que nous envisageons dans ses articulations avec les dimensions biographiques attachées aux différentes formes de déplacements, introduit un angle d’analyse supplémentaire pour comprendre comment se construit l’expérience d’une « littératie mobilitaire multimodale » (Azaoui et Guichon, 2024),
[qui] recouvre la capacité d’un individu à construire du sens tandis qu’il se meut (et s’émeut) dans un nouvel environnement, à interpréter celui-ci en prenant en compte les degrés d’étrangeté qu’il comporte, de sémiotiser les déplacements identitaires qu’il occasionne, et de mobiliser les ressources culturelles, numériques et langagières multimodales aux moments opportuns (Guichon et al., 2022, np).
En effet, lire notre environnement ne se limite pas à ce qui se montre à l’œil. Il s’agit aussi de percevoir ce qui est absent : les langues et cultures invisibilisées, dont l’absence se ressent comme un silence ou un espace laissé vide sur une toile, révélant les dynamiques de pouvoir qui ordonnent l’espace et relèguent certaines langues et leurs locuteurs dans l’ombre. En ce sens, le PL permet d’accéder aux perceptions et représentations relatives aux fonctions symboliques des langues (Cenoz et Gorter, 2008 ; Landry et Bourhis, 1997). Les choix qui rendent certaines langues et cultures visibles, tandis que d’autres restent effacées, ne sont jamais neutres : ils trahissent des valeurs affectives, sociales, et politiques associées à ces langues (Shohamy, 2006) et façonnent la manière dont les personnes et vivent leur environnement linguistique (Cenoz et Gorter, 2008). Interroger nos rapports au(x) lieu(x) soulève en ce sens des questionnements glottopolitiques et identitaires profonds, particulièrement en Colombie-Britannique, où l’ensemble de la population habite sur des territoires autochtones jamais cédés au Canada, et où chaque langue et culture porte la mémoire des présences et des absences dans l’espace. Comme le soulignent Hornberger, de Korne et Weinberg (2016), « [t]he incorporation of issues of place can raise awareness of the contested [political] history, as well as the natural environment of [learners’] current place of residence » (p. 15).
Tandis que l’humain n’a jamais cessé de se déplacer, les formes de mobilités se sont à la fois accélérées et ont connu des évolutions profondes. Les outils connectés (comme les téléphones, les montres ou les tablettes) offrent de nouvelles possibilités, notamment de déplacements virtuels ou d’immersion dans des réalités alternatives. Dans le cadre de cet article, nous faisons usage de ces outils et profitons des avantages qu’ils offrent, mais nous nous inscrivons résolument dans une approche méditative du mouvement, en adoptant la marche comme tempo de nos mobilités physiques. En effet, la marche offre pour nous le temps réflexif nécessaire à une mise en relation profonde avec nos sens et notre environnement (Bai et al., 2010).
Nous nous inscrivons ici dans des méthodologies collaboratives de recherche-création (Courier et Majeau, 2025 ; Dompmartin-Normand et Thamin, 2018 ; Vander Gucht, 2023), où récits de vie et biographisation des expériences (Molinié, 2023) se mêlent à l’a.r.t.ographie (Lee et al., 2019) et à la cartographie sensible du vécu (Christmann et al., 2018), notamment en formation des enseignants (Moore et al., 2025). Ces démarches, en croisant sociolinguistique et didactique des langues et du plurilinguisme, cherchent à capter le mouvement des expériences, à sentir la circulation des sens et à tresser les histoires de vie. Lasczik et al. (2021) qualifient ce processus de « deep mapping of connections, ecologies and experiences » (p. 12), une cartographie qui ne se limite pas aux lieux mais embrasse les fluxs, les relations et les textures des expériences humaines.
Ce travail collaboratif relève de la recherche-création, car, même si nous ne sommes pas artistes et n’avons pas de formation artistique, nous voulons nous engager dans une expérience esthétique et réflexive, en constante évolution et qui transforme notre relation au monde. Nous sommes ainsi particulièrement redevables aux travaux d’Alexandra Lasczik, de Rita Irwin et de leurs collègues qui étudient, en éducation et en formation des enseignants, la marche et sa cartographisation comme démarche formative créative (Lasczik et al., 2021 ; Lee et al., 2019) et au travail des géographes qui s’intéressent aux imaginaires attachés aux récits géographiques (Dupont, 2014) ou aux créations cartographiées mobiles et sensibles des itinéraires (extra)ordinaires des personnes évoluant dans ces lieux (Christmann et al., 2018 ; Olmédo, 2021). Dans des travaux précédents (Moore et al., 2020 ; Oyama et al., 2023), nous avons souligné l’importance de la marche, des sens, du dessin ou de la photographie dans les biographisations des expériences. Dans cette continuité, nous parlons ici de la notion de cartographisation pour en faire ressortir les dimensions mobiles, sensibles et subjectives, ainsi que les mises en relation qu’elles suggèrent et encouragent. En effet,
[l]a carte est ouverte, elle est connectable dans toutes ses dimensions, démontable, renversable, susceptible de recevoir constamment des modifications. Elle peut être déchirée, renversée, s’adapter à des montages de toute nature, être mise en chantier par un individu, un groupe, une formation sociale. On peut la dessiner sur un mur, la concevoir comme une œuvre d’art, la construire comme une action politique ou comme méditation (Deleuze et al., 1980, p. 20).
La biographisation des expériences par une cartographie sensible de nos environnements, en tant que production esthétique performative, consiste pour nous à remarquer et à rechercher des liens, des connexions, en engageant tous nos sens. En tant que processus participatif et collaboratif, les productions créatives telles que les cartes sensorielles comme formes tracées de biographisation des expériences racontent des histoires qui entremêlent nos souvenirs, nos émotions et nos expériences du lieu et guident notre sens de l’orientation. Ainsi, nous nous inscrivons ici dans une approche réflexive de la pluralité par la recherche-création ainsi que la définit Paquin (2022), soit comme
forme de pratique de la recherche universitaire par la création artistique (Frayling, 1993), littéraire ou médiatique, une recherche universitaire dont les résultats prennent la forme d’artefacts plastiques – peinture, sculpture, installation, d’écritures créatives – poésie, récit intime, récit autofictionnel et, pourquoi pas, une écriture « potentielle » de performances – théâtrales, dansées, vivantes ou machiniques – ou encore d’événements – convenus et cadrés, improvisés, furtifs (Paquin, 2022, p. 5-6).
Autrement dit, il s’agit d’une pratique de recherche tout autant qu’une pratique d’apprentissage et de formation. Une pédagogie sensible au lieu (Ellsworth, 2005) nous ancre en effet dans notre environnement immédiat tout en établissant des connexions avec les contextes sociaux, locaux et du monde, ce qui nous pousse à percevoir nos communautés comme des sites d’apprentissage importants. Cette approche invite à repenser et réimaginer la vie et l’éducation comme des processus interconnectés, en explorant les géographies de soi et des autres par le truchement des itinéraires de marche qui incarnent le mouvement (Lasczik et al., 2021). En tant que méthodologie de recherche, la marche possède une riche et longue histoire dans les sciences sociales et humaines. De plus en plus intégrée comme pratique artistique et pédagogique, elle ouvre la voie à des recherches approfondies sur les dimensions sensorielles, relationnelles et matérielles. En tant qu’acte incarné, la marche remet en question les catégorisations traditionnelles du savoir et se révèle être une forme de connaissance en devenir (Lasczik et al., 2021 ; Springgay et Truman, 2019). En ce qui nous concerne, la dimension politique de notre démarche réside dans notre engagement sensible envers des enjeux complexes liés aux langues, aux lieux et à la Réconciliation (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015), dans les écologies urbaines diversifiées dans lesquelles nous vivons et travaillons. En effet, selon Fettes (2022),
[t]he languages belong to the land. Since this is the land we all live on, coming to embrace this as a truth about Canada will have consequences for how we think about Canadian multilingualism. It is not too soon to be asking these questions (Fettes, 2022, p. 187).
Nous présentons ici trois tableaux qui illustrent deux étapes distinctes de notre expérimentation du lieu et des plurilinguismes.
Les deux premiers tableaux correspondent à la première phase de la recherche, où nous nous sommes engagées dans des trajets pédestres « dérivants », effectués au hasard de nos déambulations. Les photographies sensibles recueillies lors de ces parcours ont ensuite servi à un marquage sur des cartes dessinées ou avec l’application Google Map. Ces cartes et ces photographies ont alors été partagées sur un mur virtuel grâce à l’application Padlet, qui permet de recueillir des textes, des images et des sons, ainsi que des recompositions poétisées et esthétisées de cet ensemble.
Le troisième tableau renvoie à la seconde phase d’expérimentations plurilingues, réalisée lors d’un séminaire d’été, où nous avons élaboré, à l’aide de deux applications mobiles, ímesh et Vancouver Mural Festival (VMF)2, un itinéraire centré sur la collection de fresques murales autochtones. Ce parcours s’est d’abord déroulé sur le campus de l’Université Simon Fraser (SFU), puis au centre-ville de Vancouver, deux lieux situés sur les terres non cédées xʷməθkwəy̓əm, Skwxwú7mesh et Səlil̓wətaɬ. L’ensemble des photographies utilisées dans cette étude proviennent de nos propres prises de vue. Elles mettent en scène nos expériences d’immersion déambulatoires et nos engagements plurilittératiés multimodaux et critiques. Nous nous décrivons ainsi comme des chercheuses-promeneuses, pour qui la photographie et la cartographisation des déplacements dans la ville constituent un moyen de tracer, de manière sensible et subjective, la pluralité ainsi que les dynamiques de visibilité et d’invisibilisation des langues dans les espaces que nous habitons et dans lesquels nous nous déplaçons.
Ces trois tableaux sont composés d’écrits autobiographiques, réflexifs et poétisés, qui présentent un intérêt ethnographique selon une perspective postmoderne. Les tableaux présentent trois moments (tempo) distincts de la démarche de recherche, tout en en proposant une cerclature permettant de rendre visibles les recoupements entre les différents moments, comme lorsque le titre du tableau 1 correspond à un moment présenté également dans le tableau 2. Ce procédé nous permet de mettre en avant la circulation des discours, leurs mises en relation résonantes, ainsi que les intranquillités de nos trajectoires (Moore, 2024). L’image du cercle nous permet aussi d’entrevoir celui-ci comme espace physique mais aussi d’en percevoir d’autres unités figurales, plus texturées et rebondissantes. Enfin, nous empruntons l’image du tableau à Lalonde et al. (2016) qui s’intéressent aux représentations multimodales hybrides, artistiques, visuelles et numériques comme formes d’affichages identitaires et d’engagement civique. Chaque tableau se décline en plusieurs figures qui en portent la signature rythmique et la tonalité.
Ce premier moment met en scène les regards croisés sur le mur collaboratif (Padlet) des étudiantes Linda (franco-algéro-canadienne), localisée à Victoria, capitale de la Colombie-Britannique située au sud de l’Île de Vancouver, et Sara (colombienne-canadienne), localisée à Kamloops, une ville du centre de la province. Il rassemble des visuels textualisés sous forme de photographies du paysage linguistique rencontré et traversé de mises en récit autour de questionnements sur la place des langues (officielles, autochtones, de migration) dans l’espace public. Ces tissages visuotextuels (eux-mêmes potentiellement mobiles sur le mur partagé, selon les ajouts des autres participantes) examinent comment ces affichages façonnent le sentiment d’appartenance chez le marcheur.
Notre réflexion sur les questions de mobilités et d’identités porte sur la manière dont les expériences de déplacement influencent la construction identitaire et la pratique des littératies multimodales et plurilingues. Les mobilités, qu’elles soient physiques ou virtuelles, créent des occasions de rencontre et de croisement entre différentes langues, cultures, et histoires, permettant une reconfiguration continue des identités, souvent marquées par des expériences de translocalité et de transculturalité.
La Figure 1 juxtapose ainsi trois entrées du Padlet collaboratif des étudiantes : celle de gauche montre le panneau qui indique l’emplacement de la bibliothèque sxʷeŋxʷəŋ təŋəxʷ James Bay Branch, et celle de droite, l’entrée principale de la bibliothèque publique Esquimalt sxʷimétət təŋəxʷ à Victoria, capitale de la province. Ces deux images encadrent une photographie prise lors du premier festival multiculturel de Kamloops : une grande affiche montrant une carte du monde, invitant enfants et passants à y ajouter un point coloré pour représenter leurs lieux d’origine.

Les deux inscriptions en langue autochtone (à gauche et à droite de la Figure 1) affichent la volonté de reconnaitre et de mettre en avant les langues autochtones, dans un contexte où la revitalisation de ces langues constitue un enjeu crucial de la Réconciliation pour le gouvernement de Colombie-Britannique (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2024). Ces affichages identitaires pluriels révèlent cependant certaines contradictions : ils visent à soutenir la réconciliation avec les peuples autochtones en valorisant des langues locales, mais ne considèrent pas toujours toutes les implications liées aux pratiques plurilingues. La municipalité de Victoria a en effet adopté une politique depuis quelques années qui consiste à donner aux bibliothèques nouvellement construites un nom dans une langue autochtone locale. La bibliothèque du quartier de James Bay porte ainsi le nom de « sxʷeŋxʷəŋ təŋəxʷ James Bay Branch ». Ce nom, qui signifie en langue lekwungen « le peuple qui parle du nez », en référence à la façon de parler du groupe de premières nations qui occupait le territoire, a été adopté à la suite de consultations avec les Premières Nations Songhees et Esquimalt. On constate que c’est le nom en lekwungen qui est mis en position dominante puisqu’il apparaît en premier sur l’enseigne, et la municipalité propose sur son site Internet un enregistrement audio fourni par un aîné autochtone pour en écouter la prononciation.
En mars 2022, une deuxième antenne avec un nom en lekwungen a vu le jour dans le grand Victoria. Il s’agit de la bibliothèque « Esquimalt sxʷimétət təŋəxʷ ». Dans ce cas-ci, on note que c’est le nom en anglais qui se trouve en position dominante, et en faisant quelques recherches, nous nous sommes rendu compte que la municipalité ne proposait alors encore aucun enregistrement de la prononciation. Cette situation amène les employés et les usagers de la bibliothèque à négliger ce nom en lekwungen, qui a pourtant été choisi pour célébrer et (re)donner voix à cette langue autochtone en danger, compte-tenu du nombre très limité de ses locuteurs (Endangered Languages Project, s. d.) (à droite sur la Figure 1).
Mises en relation avec l’image centrale, Mapping Belonging, les trois entrées remettent en question les transformations identitaires dans lesquelles les communautés locales s’engagent dans ces formes de participation publique, que ce soit en s’autodéfinissant comme des communautés plurielles marquées par différentes formes de mobilités, notamment migratoires, ou de contribuer à la cohésion sociale autour d’une identité collective commune. Ces dynamiques d’appartenance s’expriment visuellement dans le PL et la signalétique de la rue par l’usage de nouveaux graphèmes, dont la puissance symbolique l’emporte largement sur les médiations de lecture. Les lettres et signes diacritiques des langues locales, une fois écrites, demeurent souvent illisibles et imprononçables, y compris par une bonne partie des Autochtones eux-mêmes.
Dans cette logique, la carte participative présentée au centre de la Figure 1 matérialise une autre forme de représentation plurilingue et identitaire : bien qu’elle ne contienne pas de textes écrits, elle reflète la diversité linguistique implicite des parcours migratoires des participants et des participantes. Le geste de placer un ou plusieurs points sur la carte devient un acte performatif d’affirmation d’appartenances hybrides et de répertoires linguistiques pluriels. Ce dispositif participatif complète ainsi les dynamiques institutionnelles observées dans les inscriptions des bibliothèques, illustrant la coexistence de formes de visibilité linguistique imposées par les institutions et choisies par les individus, à la fois collectives et personnelles.
Comme formes visuelles de nos narrations croisées et tissées, ces Padlets collaboratifs créatifs offrent une multiplexité (un mot valise construit sur les deux idées de multiplicité et de complexité) bricolée des « agencements collectifs d’énonciation » (Deleuze et al., 1980, p. 33). Le Padlet se présente en soi comme un objet littératié multimodal intéressant par les lectures et entrées multiples qu’il permet d’offrir : objet de lecture lui-même mobile, il s’appréhende comme un tout, il devient alors une œuvre esthétisante et visuelle du texte ; on peut le lire de gauche à droite ou inversement, ou verticalement ; on peut jouer avec le texte et en changer l’ordre et le sens ; enfin, on peut aussi « entrer » dans le texte, et entendre du son ou visionner un enregistrement.
Au cours de déambulations dans les ruelles du centre-ville de Kamloops et celle proche de Vernon, nous avons pris en photo à l’aide de nos téléphones portables plus de 30 peintures murales qui font partie d’une collection éclectique. Kamloops, située au cœur de la Colombie-Britannique, est une ville marquée par une croissance rapide de la diversité culturelle et linguistique, notamment due à l’immigration récente et à la mobilité (inter)nationale. Toutefois, cette pluralité sociale demeure peu visible dans les espaces publics. Comme pour la diversité linguistique de la ville, la plupart des fresques murales sont imperceptibles depuis les rues principales. Pour les voir, il faut se promener dans les ruelles, où peu de gens s’aventurent. Ce caractère dissimulé du paysage artistique fait écho à l’invisibilité relative des langues minorées et des répertoires plurilingues dans l’espace public local. Ce paysage artistique varié met en lumière de nombreux récits sur la ville de Kamloops, au sujet de son histoire, des valeurs de ses habitants et d’une diversité riche mais encore peu mise de l’avant. Cette juxtaposition entre présence et invisibilité, lisibilité et opacité, reflète des dynamiques similaires à celles des entrées du Padlet explorées dans le premier Tableau. L’étude du PL d’une communauté urbaine ou rurale peut offrir des informations précieuses sur les dynamiques et les changements sociaux qui ne sont pas encore visibles (Blommaert et Maly, 2014). Dans l’histoire de mobilité de Sara, la fresque photographiée à Vernon, en Colombie-Britannique (The Sun Flower Project) fait écho à une autre, prise à Medellín en Colombie, son pays d’origine (Todos somos migrantes) (Figure 2).

Les deux œuvres présentent de grands visages humains colorés, les visages des migrants, entourés d’éléments naturels, d’animaux, de lettres, de couleurs, et d’autres éléments qui ancrent les fresques dans le contexte et l’espace où elles ont été réalisées. Ces éléments visuels renforcent le lien avec l’environnement et l’histoire locale, enrichissant le récit de chaque communauté et leur contribution au paysage culturel et artistique. La première photo, prise dans la Comuna 13, un quartier de Medellín en Colombie, est celle d’une fresque murale dans une zone autrefois connue pour son histoire de violence et de pauvreté, mais aujourd’hui célébrée pour sa résilience et son renouveau. La Comuna 13 est devenue un symbole mondial de transformation urbaine, incarnant un esprit de renaissance et de possibilités. Les habitants de la communauté, originaires de diverses régions de Colombie et du monde, ont joué un rôle essentiel dans cette métamorphose grâce à l’art, la musique et la danse. La fresque murale porte l’inscription « Todos somos migrantes » (Nous sommes tous des migrants), réalisée par des artistes colombiens et vénézuéliens. Ce message puissant dénonce la xénophobie, en particulier la discrimination subie par les migrants et réfugiés vénézuéliens, dont le nombre a atteint 2,8 millions en Colombie en janvier 2024. La deuxième fresque, dont le titre The Sunflower Project rend hommage à plus de 8500 citoyens d’Europe de l’Est, principalement d’origine ukrainienne. L’œuvre rappelle des moments traumatiques liés à leur internement au Canada pendant la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, la ville de Vernon est fière de son riche patrimoine culturel ukrainien et a accueilli des centaines de réfugiés fuyant la guerre ces dernières années. Ces deux fresques murales relatent des histoires de migration, mettant en lumière les défis, la discrimination, et finalement une résilience exceptionnelle. Elles rappellent avec force les luttes et les forces des communautés migrantes, offrant un témoignage visuel de leur capacité à se réinventer.
Une autre forme de mise en résonance des expériences mobiles et marchées est illustrée dans la Figure 3, intitulée Collages identitaires. Bienvenue chez vous, qui superpose et assemble des photographies, une carte du monde épinglée et un cadavre exquis. Les multiples lectures que l’on peut faire de cette figure révèlent un poème visuel qui se transforme, au fil des interprétations, en texte identitaire plurilingue pour Sara, son auteure.
La Figure 3 présente trois collages. Le premier, à gauche, rassemble des photographies de fresques murales peintes dans les ruelles du centre-ville de Kamloops. Dans le deuxième, à droite, la carte du monde qui était présentée dans la Figure 1 est entremêlée de fragments de textes qui, mis bout à bout, composent le cadavre exquis de Sara. Le troisième collage montre une fresque murale sur laquelle sont graffés des slogans — dont « Sisterhood, Integrity, Community, Explore » —, ainsi que des figures humaines, animales et végétales entremêlées. Un panneau routier indiquant une interdiction de stationner y est également accroché. Sur cet ensemble est superposé un texte identitaire plurilingue et plurigraphié, rédigé par Linda. Véritables croisements d’appropriations territoriales et identitaires de résistance, ces collages, souvent créés de manière fortuite, nous invitent à voir chaque peinture murale sous un nouvel angle : non plus comme des œuvres isolées d’artistes différents, mais comme des récits interconnectés. Ensemble, les œuvres tissent des histoires sur la ville de Kamloops, décrivant des périodes de difficultés, des époques prospères, des accomplissements dans les domaines du sport, de la musique et de l’activisme. Elles capturent des moments de transformation, des rêves pour l’avenir et la présence du peuple autochtone de ce territoire, Tk̓emlúps te Secwépemc, « les gens de la confluence ». Par le collage, nous pouvons également nous intégrer dans l’histoire, soit en tant que créateurs, soit en tant que participants visibles de la communauté. Par exemple, dans son collage, Sara a intégré deux portraits d’elle-même pour illustrer une histoire de migration, de mobilité, de citoyenneté et d’identité, en lien avec son PL.
Nous avons expérimenté le collage, visuel et sonore, comme méthode pour interagir avec les matériaux que nous avons collectés. Le terme « collage » décrit traditionnellement l’action de regrouper une sélection de papier, de photographies et d’autres supports éphémères et de les coller sur une surface (Bradley et Atkinson, 2020). Le collage transforme des éléments disparates en quelque chose de nouveau, permettant à de nouvelles perspectives d’émerger. Le collage est un exercice de juxtaposition, pouvant inclure à la fois des images, du son et du texte, pour créer du sens et ouvrir de nouvelles compréhensions qui seraient autrement inaccessibles (Leavy, 2020). Ce sont ces mises en résonances, du ici et du là-bas, qui permettront plus tard à Linda de créer son propre poème identitaire plurilingue. Dans ce poème, elle mêle anglais, français et arabe — sa langue de cœur —, ainsi que des accords de musique, donnant à son texte une dimension multisensorielle.

Ces collages identitaires, faits avec des images « fortes en sensations » (Carinhas et al., 2020), mettent en résonance différentes formes de franchissements frontaliers dans les expériences migratoires et les affirmations de soi (Dabène, 2020), ainsi qu’une réappropriation de l’espace, du lieu, des langues, et des identités (Razafimandimbimanana et Fillol, 2022).
La Figure 4 illustre une autre forme de collage, en associant une carte, des photographies et une vidéo commentée, enregistrée lors d’une marche. Le concept de cartes, introduit dans le cadre de cette réflexion, se réfère à la création de représentations multimodales et plurielles des expériences vécues et observées. Ces cartes ne se limitent pas à une dimension géographique, mais incluent également des aspects affectifs, sensoriels et narratifs. Elles sont conçues comme des outils pour cartographier les dynamiques de pouvoir, les absences, et les présences dans les espaces que nous habitons. Ici, le Padlet incarne une forme de mobilité virtuelle et intersites, offrant une plateforme flexible et interactive pour la collaboration et la co-construction de connaissances. Ce tableau numérique permet de documenter et de partager des réflexions, des observations, et des créations, tout en facilitant l’évolution des contenus au fil du temps. Il est possible d’y ajouter ou de supprimer des éléments multimodaux, de commenter les contributions d’autrui, et de partager le contenu avec un public plus large. Cette fonctionnalité reflète l’aspect dynamique et participatif des littératies multimodales, où les narrations ne sont jamais figées, mais continuellement enrichies et révisées par les interactions et les perspectives croisées.

Dans ce collage réalisé par Linda et Danièle (Figure 4), on peut retrouver les photographies et vidéos partagées par Linda en la suivant dans ses déplacements sur une carte virtuelle plurilingue dynamique qu’elle a créée avec l’application Google My Maps3. Cette carte permet de rendre compte de l’organisation de l’espace grâce à une vue en trois dimensions et de retracer les déambulations de Linda en suivant les points jaunes qui marquent les lieux qu’elle a choisis de documenter. L’objectif, avec l’usage de cet outil technologique, est de transporter les utilisateurs au cœur de la ville tout en montrant que la découverte d’un PL peut être vécue comme une expérience dynamique et immersive. En cliquant sur les points jaunes, on accède aux photos et aux vidéos qu’elle a téléversées pour documenter la signalétique des lieux publics dans la ville de Victoria. Certaines de ces vidéos sont accessibles dans cet article grâce aux codes QR qui proposent un commentaire sonore de la visite marchée et illustrée sur Google My Maps.
Par exemple, lorsqu’on clique sur le point jaune indiquant Royal BC Museum, la vidéo accompagnant la Figure 5 montre l’organisation des langues sur la porte d’entrée du Musée royal de la Colombie-Britannique, situé dans la ville de Victoria.

La Figure 5 montre un croquis représentant comment les inscriptions dans différentes langues sont organisées sur la porte du Musée royal. L’entrée de ce musée est un exemple intéressant de médiation glottopolitique et de communication plurilingue, mises en jeu dans ce cas-ci par l’institution muséale à destination de son public. Tout en haut du bâtiment, le nom du musée est affiché en anglais. En dessous, le nom est inscrit en français d’un côté de la colonne centrale, et en mandarin de l’autre, dans un jeu de miroir à la fois architectural et langagier. Plus bas, on voit une inscription de reconnaissance du territoire traditionnel autochtone en lekwungen d’un côté, et en anglais de l’autre. Si sur les portes du musée, on voit des formules de salutations dans 36 des 60 langues autochtones de la Colombie-Britannique. Une fois qu’on passe ces premières portes, on se retrouve dans un sas avec un deuxième jeu de portes qui affichent encore une fois des formules de salutations, mais en d’autres langues comme le français, l’italien, l’allemand, le mandarin, l’anglais, le swahili et l’espagnol. On voit qu’il y a une vraie réflexion autour de l’intégration des langues dans le paysage physique : le musée a utilisé le style du bâtiment pour mettre en valeur les langues dans l’architecture et les organiser de sorte qu’elles se répondent. Cette décision, en créant un espace de dialogue pour les différents groupes linguistiques et culturels, s’insère dans ce qui pourrait relever d’une politique de pédagogie publique, contribuant à des formes de littératie créative et multiple et au développement d’une culture locale et d’une identité plurielle commune. Li et Moore (2020) se sont ainsi penchées sur le rôle des productions artistiques par des collectivités culturelles et avec ces dernières. Dans leur cas, il était question de festivals communautaires et dans le nôtre, du musée de la ville ou des bibliothèques de quartier, considérés comme des lieux d’intersections culturelles et de réflexion critique sur notre environnement. Ces espaces de créations collectives (qu’il s’agisse d’une œuvre signée ou d’une inscription sur un mur ou une porte), s’inscrivent alors comme
[…] a socially meaningful means for collective action, community building, and multiliterate meaning-making in urban environments (Li et al., 2018).
Ces collages pluriculturels peuvent aussi prendre la forme d’un jeu de mises en tensions architectoniques dans l’espace et le temps, enchevêtrant matériau fabriqué (un alliage comme le bronze) et élément naturel (le cèdre), comme autant de « sculptures scripturales » (Ntamack, 2013), invitant à réfléchir au rôle de l’espace et de l’histoire dans la production des formes de savoirs, en l’occurrence la résilience et la réconciliation. Ainsi, à quelques pas du musée se situe un des lieux emblématiques de Victoria : les édifices du Parlement de la Colombie-Britannique (Figure 6). Sur son parvis se trouve une statue de la reine Victoria. Cette statue en bronze a été réalisée en 1914 par l’artiste irlandais Albert Bruce-Joy, mais sa livraison en Colombie-Britannique a été retardée par la Première Guerre mondiale. Il était prévu que cette statue soit installée juste devant l’entrée du parlement et placée pour y faire face, mais elle a, finalement, été placée à l’autre bout du parvis, le long de la rue, faisant dos au bâtiment. On ne peut donc plus voir la statue correctement, à moins de se placer au milieu de la rue, en risquant de se faire heurter par un véhicule. Le sculpteur a été outré par ce choix, au point qu’il a refusé d’être présent le jour de l’inauguration de son œuvre (Legislative Assembly of British Columbia, s. d.).
De l’autre côté du parvis se trouve le totem de la connaissance, sculpté par Cicero August, un artiste Coast Salish de la ville de Duncan. Le totem a été érigé en 1990, en préparation aux Jeux du Commonwealth qui allaient se tenir à Victoria quatre ans plus tard. Ce mât totémique évoque les traditions orales des peuples autochtones de la côte nord-ouest. On y voit la grenouille, un personnage clé des récits autochtones qui portent sur la création d’une montagne en Colombie-Britannique, le joueur d’osselets qui met en scène un jeu non verbal permettant à des gens qui ne parlent pas la même langue de jouer ensemble, le pêcheur qui symbolise le mode de vie ancestral des nations autochtones Salish de la Côte, et le huard, tout en haut, qui représente un interprète des langues autochtones.

Dans ces deux sculptures, ce sont deux visions du monde qui se côtoient : l’une ancrée dans une approche coloniale où le pouvoir est représenté par une figure unique dont l’austérité se dégage par son expression faciale et par la couleur sombre du bronze; l’autre exprimant le partage et la communication, symbolisés par les couleurs vives et la pluralité des personnages et animaux mis en scène.
Ces deux symboles donnent un aperçu de la complexité du paysage culturel, social et politique du Canada. Le pays essaie d’œuvrer à la réconciliation avec les peuples autochtones, mais dans un contexte et selon des mécanismes encore largement fondés sur des valeurs et des logiques coloniales, toujours présentes aujourd’hui (Côté, 2019).
L’exemple qui suit met en scène le dernier moment de notre recherche-création collaborative. Celui-ci a eu lieu un an après le début de la recherche-création, pendant un séminaire d’été en 2023. Pour certaines d’entre nous, c’était la première fois que nous nous rencontrions et marchions ensemble, sac au dos et téléphone portable en main. Nous avons suivi l’itinéraire des œuvres autochtones rassemblées sur le campus de SFU, Indigenous Art at Lhuḵw’lhuḵw’áyten (Jour 1, voir photo en bas à droite du collage de la Figure 7) en utilisant l’application ímesh. Puis nous avons parcouru l’itinéraire de fresques murales proposé sur l’application du VMF (Jour 2, autres photos, Vignette 7). Nous avons pris des photos, mais nous avons aussi pu nous immerger dans la réalité augmentée des œuvres, dont les images s’animent et sortent de l’écran ou de leur mur pour offrir au public un monde dessiné et mouvant, en trois dimensions. La Figure 7 propose une mise en abîme de nos visites marchées et de nos engagements multimodaux avec les œuvres, illuminée par la déclaration de l’artiste qui éclaire l’œuvre, qui se lit comme un poème d’espoir et de résilience.

Pour réaliser cette marche plurilittératiée et multimodale, nous avons utilisé deux applications, l’une appelée ímesh, qui signifie « qui marche » dans la langue Sḵwx̱wú7mesh snichim, a été développée par le Centre Bill Reid4 pour faciliter une expérience incarnée des œuvres présentées à l’Université Simon Fraser et contribuer à la décolonisation des institutions post-secondaires au Canada5. La seconde application utilisée est celle du VMF, centrée sur les fresques murales qui ornent les murs du centre-ville de Vancouver. Elle propose également des visites guidées marchées ou virtuelles, avec des circuits de circulation, des photographies des œuvres et des artistes en performance (par exemple, des artistes montés sur des échafaudages, en train de peindre une fresque). Les cartes auxquelles a accès l’utilisateur proposent un parcours didactique, incluant un système d’itinéraire avec des drapeaux sur la carte et un suivi en pointillé du déplacement du promeneur par GPS. Chaque œuvre présentée est accompagnée d’une courte biographie des artistes, mais aussi de l’histoire que raconte la fresque murale et son message social. Les différentes œuvres sont présentées sur l’application par thématiques. Nous avions choisi la catégorie « Indigenous Art » (art autochtone) croisée à celle intitulée « Climate Collection » (collection Climat), qui invite à réfléchir aux ressources locales et à la préservation de l’environnement. Des codes QR sur les murs offrent aussi des expériences immersives sensibles de ces œuvres, des peintures vivantes, en réalité augmentée6.
L’œuvre présentée dans la Figure 7 est celle de l’artiste Ocean Hyland shḵwen̓ ts;simtelot, issue d’une lignée matrimoniale des Nations Sel̓íl̓witulh, Sḵwx̱wú7mesh Úxwumixw, Xwchí:yò:m, d’une lignée patrimoniale écossaise et irlandaise, mais aussi d’origine hawaïenne et chinoise. L’œuvre s’intitule The Winds and the Water will always call us Home7. Il s’agit d’une peinture complexe, sur vinyle, décorant un mur du Centre des conventions de Vancouver, situé sur les terres et les eaux des peuples xʷməθkʷəy̓əm, Sḵwx̱wú7mesh et Sel̓íl̓witulh8. L’artiste décrit l’œuvre comme mêlant différents éléments des cultures Salish de la Côte pour révéler les intrications fondamentales des relations qu’entretiennent humains et non-humains pour la préservation de la vie et du bien-être de chacun.
Nous avons été frappées par toutes les imbrications rhizomiques que dépeint cette fresque, en particulier par le lien qui unit humains, plantes, animaux et environnement naturel, comme les harengs qui font partie des cheveux de la femme autochtone représentée, ou bien encore les gouttelettes de l’océan qui se mêlent au bleu du ciel. L’ouverture de ventilation du mur se fond dans la fresque, comme une énorme lune blanche sur l’océan, elle-même surmontée de symboles représentant les yeux du soleil. Notre code QR offre une vidéo montrant quelques secondes de notre étonnement lors de cette découverte immersive (grâce au code QR présent au bas du mur à droite de l’œuvre murale et que nous avions pu visualiser sur nos téléphones portables).
Ces outils numériques proposent de nouveaux usages de l’espace urbain, en permettant des narrations polyphoniques autour d’enjeux sociaux et environnementaux, ainsi que la mise en abîme des regards : pour voir ce qu’une personne observe, il faut se déplacer derrière elle. Ils contribuent ainsi pleinement au développement de nouvelles pratiques littératiées, mobilitaires, multimodales, sensibles et plurilingues.
L’adoption d’une approche de recherche sensible et artistique offre un potentiel immense pour développer une perspective de Many-eyed-seeing (Kelly, 2021) permettant une compréhension plus holistique des dimensions sensorielles, discursives, matérielles et affectives du PL. Grâce aux expressions artistiques et multimodales, nous avons pu explorer d’autres formes de réflexion critique, selon nos réalités, nos mondes sociaux, notre environnement et nos identités plurielles, à travers le prisme de nos expériences et celles des autres.
En interrogeant la portée esthétique, politique et didactique de notre projet de recherche-création, nous avons montré comment ces espaces collaboratifs tissés ont réveillé un travail de mémoire, ravivé la résilience et attisé l’engagement critique (Araújo e Sá et al., sous presse). Ils ont rendu perceptibles les strates socio-historiques et politiques, du proche au lointain, qui traversent nos vies, ouvrant des brèches où se défont les postures épistémologiques trop fermées qui dissocient encore théorie et praxis éducatives (Lebreton et Lorilleux, 2020).
Nous avons donc proposé une lecture des littératies multimodales par l’intermédiaire d’une implication sensible de la part du chercheur. En effet, cette lecture libère de nouvelles potentialités de représentation, d’autres conceptions de la narration — où réalité marchée et réalité virtuelle augmentée s’entrelacent comme autre forme de perception du lieu—, de narration de la recherche, de compréhension, d’autres modalités de mobilités et d’échanges.
Les approches de recherches artistiques et sensibles accordent une grande importance à différentes formes de connaissances et reconnaissent que les arts et la créativité ont la capacité de générer du savoir, de susciter des prises de conscience et d’agir comme moteurs de transformation (Leavy, 2020). Grâce aux expressions artistiques comme la peinture, la poésie et la photographie, nous pouvons entrer en contact avec nos réalités, notre société, notre environnement et les expériences vécues par d’autres d’une manière qui exige une réflexion critique et un engagement sensible (O’Neill, 2012). Pour explorer, en marchant, notre paysage, linguistique et plurisensoriel, nous avons recouru à des méthodes multimodales et créatives de collecte de données, dont la photographie et le collage. En tant qu’arts visuels, ces méthodes ont la capacité de favoriser la défamiliarité, ce qui est essentiel pour apprendre à regarder quelque chose sous un nouvel angle (Leavy, 2023). Elles peuvent également nous permettre de regarder des endroits et des objets du quotidien à travers un prisme différent, ouvrant ainsi la voie à l’émergence de nouvelles compréhensions et relations avec différents éléments de notre environnement.
Ensemble, nous avons transformé nos images, nos collages, nos cartes sensorielles et d’autres matériaux en murs virtuels grâce à l’application Padlet. Cet espace cocréé et en constante évolution reflète nos identités plurilingues et nos récits individuels et collaboratifs. Il devient également un espace qui incarne la relationnalité inhérente au processus de recherche, et nous permet de tisser ensemble des histoires plurilingues et multimodales. Des textes identitaires dont les effractions-diffractions plurilingues graffent la corésistance des langues. Bradette (2018) parle de « résistance co-langagière ». Car,
c’est bien davantage une manière de prendre position dans le texte et dans la langue, de se tenir debout comme l’enfant dans le tikinagan [porte-bébé autochtone], dans et par la langue, et de se tourner vers l’avenir avec la résistance nécessaire de la langue et de la culture en guise d’étai poétique (Bradette, 2018, np).
Nombreux sont les Canadiens, les autres habitants et les visiteurs dans l’incapacité de lire une bonne partie des panneaux signalétiques et autres messages visuels présentés dans d’autres langues que l’anglais, langue majoritaire de cette province du Canada bilingue. Les statistiques montrent pourtant l’écrasante présence d’un plurilinguisme dans une grande variété de langues, surtout dans les milieux urbains. La signalétique dans différentes langues autochtones locales, dont les systèmes d’écriture comportent de nombreux diacritiques inconnus dans les langues européennes, entraîne fréquemment des difficultés de lecture, d’oralisation et de compréhension, y compris pour les Autochtones. Toutefois, ces panneaux ou fresques murales contribuent au marquage d’espaces résistants et à la création de sens, ils contrecarrent le silence visuel en plaçant la langue au centre du discours et de la narration.
Les méthodes de recherches sensibles mettent à disposition différents modes de connaissance grâce au sentipensamiento (Fals Borda, 1984, nos italiques) favorisant une compréhension incarnée et une mise en lien solidaire. Faisant écho à Pahl et Pool (2020), nous percevons alors ces méthodes comme porteuses d’espoir : « Cultural making practices and cultural forms such as poetry, music, and visual art offer opportunities to reimagine the everyday, and they contribute to new ways of thinking and knowing » (Pahl et Pool, 2020, p. 84). Également importantes, les approches de recherche sensible créent un espace et un format propices à des pratiques et littératies émergentes et collaboratives, intégrant la réflexion, le dialogue et l’écoute, sans prétendre aboutir à des vérités absolues (Finley et al., 2020). Il s’agit de méthodes de recherche profondément relationnelles qui requièrent un engagement éthique, humble, orienté vers le désir, l’espoir et la résilience, afin de construire ensemble de nouvelles façons de vivre ensemble, d’enseigner, d’apprendre et d’entrer en relation.
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