Volume 8 / Littérature de jeunesse, à l’ère numérique

Linum: un projet numérique pour interroger l’enseignement de la lecture littéraire

Agnès Perrin-Doucey
Université de Montpellier
Eleonora Acerra
Université du Québec à Montréal

Résumé

Cette contribution se propose d’analyser le logiciel réalisé dans le cadre du projet de recherche et développement LINUM. Lire, dire, écrire avec la littérature pour la jeunesse et le numérique (oct. 2014 – oct. 2017). Conçu comme un prototype d’enrichissements didactique et pédagogique pour enseigner et apprendre la lecture littéraire au cycle 3 de l’école primaire française, il permet aussi la constitution de données de recherche par les remontées de traces des activités des élèves comme de l’enseignant dans le cadre d’une expérimentation en classe. LINUM questionne donc à la fois les démarches d’élaboration des ressources numériques et les pratiques effectives d’enseignement et apprentissage dégagées par l’utilisation d’un dispositif didactique numérique en classe de littérature. L’article interroge ces deux aspects pour montrer d’une part en quoi l’élaboration de la ressource LINUM a tenté de modéliser un dispositif didactique pour enseigner la lecture littéraire qui prenne en compte les travaux récents des didacticiens de la littérature ; d’autre part comment les enseignants du panel expérimental se sont emparés de l’outil dans leurs classes. Après avoir défini le cadre théorique didactique et les contraintes technologiques qui ont guidé la conception de l’outil, la ressource sera décrite pour mettre en évidence la manière dont cet objet numérique configure un dispositif d’enseignement de la lecture littéraire. Enfin, une étude de cas fondée sur l’examen des parcours didactiques de deux enseignants expérimentateurs éclairera quelques modalités d’usage scolaire de la ressource pour mieux comprendre comment le numérique peut contribuer à organiser et révéler des pratiques effectives de lecture littéraire à l’école.

Abstract

This contribution is aimed at analyzing the digital learning tools developed within the research and development project Linum: Reading, speaking and writing with Children’s Literature and digital tools (France, Oct. 2014 – Oct. 2017). Conceived as a didactic and pedagogical prototype for enhancing the study of literary reading at primary school, it also serves research purposes by gathering data on a selection of activities realized by pupils and teachers during thescientific testing of the resource. Linum thus allows an analysis of the developing perspectives of the resource and an accurate description of the actual teaching-learning practices led by its usage. The article explores these two aspects: it illustrates on the one hand how the resource attempted to include in its construction the most recent research in literature teaching and, on the other hand, how teachers have effectively used the platform and its tools in their classes. After having defined the pedagogical and theoretical framework of the project, as well as the technological constraints that have guided the design of the resource, we will describe the platform and its functionalities, here considered as literary teaching devices. Finally, two case studies will exemplify some possible usages, while proving how digital tools can contribute to organize and reveal the effective literary reading practices at school.

Mots-clés
apprentissage littéraire, objet scolaire numérique, didactique de la littérature, école primaire, numérique scolaire.

Keywords
literary learning; digital tools; literature didactics; primary school; digital learning object.

Introduction

En 2012, le ministère de l’Éducation nationale français (MEN) annonce un vaste plan de développement visant à faire entrer son école dans l’ère du numérique par la formation des enseignants, le développement d’outils pédagogiques et lefinancement de matériels. S’appuyant sur une campagne politico-économique dite d’investissement d’avenir destinée à renforcer le lien entre la recherche et le développement pour dynamiser l’innovation industrielle, il lance plusieurs appels à projets afin de mettre en relation des équipes d’industriels, de chercheurs et d’acteurs institutionnels. Le projet LINUM (« Lire, dire, écrire avec la LIttérature NUMérique pour la jeunesse », oct. 2014 – oct. 2017), objet de notre article, s’inscrit dans cette perspective, en répondant au troisième appel lancé en 2013 et intitulé « Services et contenus numériques innovants pour les apprentissages fondamentaux à l’École ».

Conçu par un consortium d’éditeurs (Bayard, Tralalère), d’industriels (BIC), de représentants de l’institution (Académies de Lille, Créteil, Montpellier et Canopé Créteil) et de laboratoires universitaires de recherche (L3I, Les Gobelins, LIRDEF), LINUM s’est donné pour ambition de créer un prototype d’application numérique scolaire pour la lecture littéraire de fictions pour la jeunesse. Pour ce faire, il s’organise en deux volets consécutifs. Tout d’abord, il se propose de développer une ressource digitale à caractère prototypique apte à intégrer un roman pour la jeunesse et un dispositif didactique destiné à la lecture littéraire de ce dernier, virtuellement adaptable à d’autres œuvres. Dans cette perspective sont croisées des recherches récentes dans les champs scientifiques concernés (didactique, lecture numérique, dimensions technologiques et cognitives). Dans un second temps, il prévoit une expérimentation en contexte scolaire de deux démonstrateurs conçus respectivement à partir de deux romans issus du fonds Bayard pour la jeunesse1. La ressource est alors programmée pour faire remonter automatiquement certaines traces de l’activité enseignante comme de celle des élèves, offrant ainsi aux chercheurs des données pour analyser les choix didactiques et les usages effectifs de la ressource. La réalisation d’un tel projet associant recherche scientifique, développements didactique, technologique et commercial avec des retours pratiques, interroge donc à des niveaux fort différents la notion de dispositifs numériques pour l’enseignement littéraire au cycle 3 de l’école primaire française.

En effet, le logiciel favorise l’analyse de dimensions encore inexplorées des pratiques effectives d’enseignement de la lecture littéraire, en traçant automatiquement des informations relatives aux choix didactiques et pédagogiques de chaque enseignant durant la phase d’anticipation de dispositifs (préparation de la classe) ou en cours de séance (régulation des dispositifs). Parallèlement, il répertorie des données provenant de l’activité de l’élève, permettant alors une analyse du travail effectué à partir de la ressource numérique. Par son ambition et sa dimension innovante, un tel projet favorise donc bien une réflexion sur les enjeux, la forme et la pertinence du logiciel comme objet numérique au service de l’enseignement de la lecture littéraire.

À ce jour, alors que le projet achève sa vocation prospective, développementale et sa première phase expérimentale, l’analyse des données recueillies durant le 1er semestre 2017 débute seulement et se poursuivra sur plusieurs années. Cependant, d’ores et déjà, la conceptualisation et la réalisation de la ressource ainsi que les premiers retours des usages par les enseignants expérimentateurs permettent d’interroger la manière dont le média numérique peut configurer ou reconfigurer l’apprentissage de la lecture littéraire de romans pour la jeunesse au cycle 3. Nous nous demandons en effet dans quelle mesure la constitution d’un consortium regroupant chercheurs, acteurs institutionnels ou issus de la société industrielle, comme de l’édition littéraire multimédiatique, se montre féconde pour le développement de contenus et outils numériques pour l’enseignement de la lecture littéraire pour la classe. Dans cette perspective, nous voulons analyser ce que nous apprend déjà LINUM2 sur les démarches didactiques sollicitées et leur opérationnalisation via une ressource digitale : quelles informations le projet nous apporte-t-il sur la prise en main del’objet numérique et didactique réalisé ? Quels défis est-il réellement à même de relever ? Quelles limites didactiques et technologiques rencontre-t-il ?

Pour répondre à ces questions, il nous faut tout d’abord décrire les choix réalisés dans le développement de l’objetLINUM. Puis, après avoir décrit et analysé les conditions expérimentales et présenté les premières traces recueillies dans le premier semestre 2017, nous étudierons les parcours didactiques mis en œuvre par deux professeurs. En croisantces deux dimensions du projet, nous pourrons alors contribuer modestement à penser la forme et la pertinence d’un dispositif didactique numérique pour enseigner et faire pratiquer la lecture littéraire à l’école. Ainsi, nous espérons mettre en évidence quelques-uns des enjeux essentiels développés — ou non — par LINUM pour la lecture littéraire avec le numérique.

1. Le projet : ambitions, exigences et contraintes

Le projet LINUM, et avec lui l’ensemble des projets investissements d’avenir, associant recherche universitaire et développement industriel ou commercial, constitue un véritable défi pour la recherche en didactique dans la mesure où la formation du consortium engagé dans le projet allie des intérêts et des visées divergents. En effet, si chaque acteur souhaite contribuer à la production des ressources digitales qu’il juge pertinentes pour le public scolaire, l’enjeu sociocommercial implique d’investir le nouveau marché du numérique scolaire. Pour le gouvernement français, dont le MEN, cette visée est essentielle. En initiant et soutenant ce type de projets, il souhaite afficher auprès de la population un double engagement politique sur des questions sociétales vives. En effet, d’une part, il encourage l’innovation pour soutenir le développement économique dans une période troublée par un chômage en croissance permanente, d’autre part, il veut également répondre aux difficultés pointées régulièrement par les enquêtes internationales telles que le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) ou le Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS) à propos du faible engagement des élèves français et desdifficultés dans la maîtrise de la lecture-écriture3.

De ce fait, LINUM s’élabore dans une interface complexe qui mêle le scientifique, le pédagogique et l’institutionnel à l’industriel et au commercial sur une assez grande échelle. Sa conception s’appuie sur une double exigence institutionnelle : scolariser la littérature de jeunesse pour construire les compétences littéraciques et culturelles d’une part, développer le numérique scolaire d’autre part en créant une ressource interopérable et adaptable à des environnements informatiques multiples. Par ailleurs, la diversité des intérêts, des perspectives et des enjeux qui animent les différents partenaires installe d’autres paradoxes qui impactent considérablement la conception même du dispositif, des choix didactiques et pédagogiques qui le sous-tendent.

1.1. LINUM : un objet-frontière à vocation didactique

LINUM s’installe dans une triangulation entre recherche, développement et usage qui fait de ce projet, comme de la ressource dans laquelle il se concrétise, un objet aux multiples facettes. À l’instar de Bouchardon (2014) cherchant à définir la littérature numérique (2014, p. 37-41), nous empruntons à Davallon (2004) et aux sciences de l’information et de la communication le terme objet dans sa triple acception : « objet scientifique, objet concret, et objet de recherche ». Comme nous allons le montrer, LINUM se décline comme un objet-frontière articulant la conception scientifique d’un dispositif d’enseignement apprentissage de la lecture littéraire, sa réalisation concrète dans une ressource connectée, apte à recueillir et restituer des traces des usages. Elles constitueront les données de recherche en éducation et en didactique dont l’analyse favorisera une description des usages (enseignants et élèves) pour les comprendre et répertorier des pratiques effectives.

Ce polymorphisme de l’objet LINUM installe une tension entre des points de convergence et de divergence au sein même du consortium pour la formalisation des intentions liminaires présidant à son développement. En effet, pour les chercheurs en didactique, LINUM est un objet-scientifique voué à modéliser un dispositif d’enseignement de la lecture littéraire conçue comme un va-et-vient dialectique entre participation et distanciation (Dufays, 2002 ; Dufays,Gemenne et Ledur, 2015).

Son élaboration s’appuie nécessairement sur des contributions scientifiques pluridisciplinaires issues des travaux de recherche traditionnels en lecture (Giasson, 1999 ; Goigoux et Cèbe, 2007 ; Joole, 2006, 2008) et en didactique de la littérature (Dufays, 2007 ; Fourtanier, Langlade et Mazauric, 2011 ; Langlade et Rouxel, 2004 ; Rannou, 2013 ; Tauveron, 2002). L’objet-scientifique doit aussi penser la transformation technologique qu’implique toute numérisation d’une œuvre littéraire (Doueihi, 2011 ; Prost, Maurin et Lekehal, 2013) comme les dimensions cognitive et didactique des lectures multimodales (Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012).

Pour le marché éditorial, l’essentiel du projet réside dans la réalisation d’un objet-concret prenant la forme d’une ressource interopérable et adaptable à la diversité des matériels informatiques scolaires, qui pourra se décliner dans plusieurs produits commercialisables. Pour satisfaire aux exigences économiques, elle doit être pensée comme un levier de renouvellement pédagogique, permettant notamment l’individuation de l’élève comme sujet-apprenant. Elle se réalise dans la fabrication d’un artefact pensé sous forme de structure matricielle prévoyant une variété de schèmes didactiques et pédagogiques de lecture et de maîtrise de langue à partir d’œuvres littéraires numérisées. Pour diminuer la méfiance accompagnant les possibilités réelles offertes par la lecture numérique (Eco et Carrière, 2009), le dispositif intégré ne doit pas engager une rupture didactique trop importante avec les pratiques en cours à l’école primaire. Certes, il s’appuie sur des fonctionnalités hypermédiatiques adaptées et adaptables, mais il doit aussi convenir aux enseignants non formés aux humanités numériques. Enfin, en accord avec l’institution scolaire française, les sociétés Bic, Tralalère, Canopé et Bayard, fortes d’expériences antérieures réalisées avec L3i et les Gobelins, insistent sur la nécessité de penser le logiciel comme un instrument pour aménager les conditions mêmes de la lecture en fonction des handicaps rencontrés par certains élèves. Elles considèrent en effet que l’usage de ressources digitales peut faciliter de facto l’adaptation aux diversités des situations socioculturelles et scolaires comme aux besoins éducatifs particuliers des élèves, si tant est qu’elles soient pensées ainsi en amont.

Les acteurs du projet doivent enfin penser LINUM comme un véritable objet de recherche(s). D’une part, la réalisation de la ressource nécessite des développements technologiques et ergonomiques importants. D’autre part pour modéliser et réguler l’artefact, les chercheurs comme les industriels ont besoin de suivre, décrire et analyser les usages. Pour ce faire, le logiciel trace les contenus comme les procédures des enseignants et des élèves. Ces données numériques brutes constituent un recueil à partir duquel les chercheurs peuvent engager un travail d’analyse descriptive de l’enseignement apprentissage de la lecture littéraire avec LINUM.

1.2. Penser un artefact original et exigeant

Ainsi, le cœur du dispositif imbrique des ambitions transversales fortement innovantes. En effet, si le développement contemporain du numérique scolaire dans la formation des Lettres s’accroît, il ne répond pas encore à l’ensemble de ces ambitions croisées parce qu’il se développe dans des directions et des objets divers. Il s’efforce d’une part de saisir les enjeux d’une lecture transformée par les dimensions multimodales et multimédiatiques (Lebrun et al., 2012 ; Perret, 2015), d’autre part il détourne à des fins didactiques des outils généralistes ou commerciaux tels que les diaporamas(Cahen, 2017), les blogues et les forums (Moinard, 2017) ou les réseaux sociaux (Crête- D’Avignon, Dezutter et Larose, 2014 ; Rannou et Le Baut, 2017).

Par ailleurs, le traitement digital de l’œuvre elle-même, dans une visée didactique ou pédagogique, semble privilégier les enrichissements hypertextuels, pour contextualiser, actualiser, guider linguistiquement ou culturellement la lecture4. D’autre part, les études évaluant les compétences littéraciques à partir de textes littéraires numériques ne sont jamais conduites à partir d’outils conçus pour une utilisation scolaire (Doty, Popplewell et Byers, 2001 ; Frye, 2014 ; Korat, 2010 ; Manresa et Neus, 2015 ; Smeets et Bus, 2015). Dès lors, les enfants sont questionnés dans un système de pratiques, de compétences et de postures lectorales lié à la classe, mais ses dynamiques restent à la marge, les ressources testées, indépendamment des supports de reproduction et des formats (applications, CD-ROM, livres numériques), n’étant pas nécessairement outillées pour accompagner ou guider les démarches de construction de sens ni pour évaluer les rôles, les apports et les gestes professionnels des enseignants.

Quelques expériences de développement de logiciels comportant des ressources didactiques sont aussi conduites à partir de textes patrimoniaux ou d’extraits courts (Iwazsko, Evain et Lojkine, 2017 ; Perret-Truchot et Rampnoux, 2013). Des outils d’accompagnement de la lecture tels que ceux produits par les éditions Tralalère pour étudier des contes5 n’offrent pas encore la possibilité d’une réelle adaptation aux besoins des élèves, ni aux objectifs des enseignants. Le défi de l’adaptation didactique et pédagogique s’avère donc majeur pour LINUM.

En effet, pour Amadieu et Tricot (2014), l’idée selon laquelle l’informatique pédagogique doit pouvoir s’adapter aux élèves relève véritablement du mythe. Il serait né avec les premiers dispositifs pédagogiques dans les années 1970-80 et la volonté de programmer des ressources favorisant « l’adaptation à l’apprentissage de l’élève, ou plus exactement l’adaptation à la dynamique intra-individuelle de l’apprentissage, aux difficultés rencontrées par l’élève au fur et à mesure que celui-ci apprend » (p. 52). Pourtant, selon ces chercheurs, les ambitions de la personnalisation des programmes se sont progressivement restreintes et sont maintenant circonscrites à « l’évaluation fermée et sommaire » ou « aux dispositifs d’aide » (p. 54-55). De fait, la plus-value du numérique dans les années 1990 a surtout été pensée dans sa capacité à organiser une certaine autonomie dans les apprentissages, les logiciels étant alors programmés pour installer une interaction entre l’élève et l’exercice allant jusqu’à l’évaluation de sa réalisation (Mangenot et Moulin, 1997). Cependant, il est évident que ce type d’adaptation ne semble pas pouvoir être développé dans le cas de la lecture littéraire, définie comme une activité complexe et créative. Son apprentissage nécessite en effet une régulation par l’échange langagier pour saisir les dimensions polyphoniques des réceptions subjectives et interprétatives.

S’appuyant sur une étude diachronique des logiciels pédagogiques développés ces vingt dernières années pourl’apprentissage des mathématiques, Amadieu et Tricot montrent encore que c’est moins par la programmation automatisée d’une réponse de la machine que par l’externalisation des scénarios pédagogiques favorisant laprogrammation et la régulation réalisées par les enseignants ou les élèves que les adaptations sont rendues possibles. Ainsi, à l’instar de Rabardel (1995), il s’agit de différencier l’artefact conçu « pour répondre à un (des) objectif(s)précis » de l’instrument « construit par le sujet à partir de cet artefact au cours de son usage lors d’une activité » (p. 39). Proposant un dispositif adaptable et personnalisable selon la programmation de l’enseignant avant, pendant et à l’issue des séances de travail, il est un outil de travail pour l’élève. LINUM participe donc à l’élaboration d’un nouvel instrument didactique et pédagogique qu’on peut considérer « comme un outil et comme une médiation dans le travail didactique » (Nonnon, 2000, p. 87).

1.3. Des contraintes non négligeables

L’ensemble des contraintes évoquées ici et la vocation prototypique de l’application imposent donc de penser l’objet-concret LINUM comme un artefact ouvert et généraliste au service de l’enseignement et comme un instrument au service de l’apprentissage de la lecture littéraire.

La première phase du travail s’est focalisée sur l’objet-scientifique en recensant les travaux et les expertises de chaque partenaire (cf. p. 1-2) avant d’entrer dans l’étape de conception véritable. La ressource numérique a été développée à partir des deux démonstrateurs pour lesquels deux séquences didactiques ont été rédigées par les chercheurs. Cette procédure partant du particulier pour conduire au général a permis de concevoir une architecture numérique qui :

  • développe des espaces de travail correspondant à des moments de l’apprentissage ou des catégories de savoirs à acquérir d’une part ;
  • pense les exercices et les activités non pas en partant du contenu spécifique lié à l’œuvre, mais en fonction des visées, des modalités et des activités indispensables à l’apprentissage d’autre part.

Pour cette raison, la ressource prévoit des modules matriciels définissant des fonctionnalités, reproductibles ou déclinables, que l’on peut relier entre eux. Elle est également conçue comme un milieu ouvert et adaptable par l’enseignant, mis en ligne sur une plateforme dédiée à laquelle les acteurs accèdent grâce à des codes permettant une traçabilité des données dans le respect de l’anonymat requis par l’éthique de la recherche.

2. Une ressource complexe et adaptable

Le dispositif didactique mis en œuvre par l’objet-concret LINUM a donc cherché à modéliser dans un outil pédagogique l’objet-scientifique lecture littéraire conçue dans une articulation dialectique entre la participation et la distanciation du lecteur. Le développement ou la prise en compte d’une implication subjective et créative du lecteur doit être pensé et modélisé tout autant que la distanciation indispensable pour réfléchir — aux deux sens du terme — cette expérience symbolique qu’est la participation. L’articulation dialectique, voire dialogique, entre ces deux dimensions concourt à construire le raisonnement auquel invite tout scénario fictionnel, par ses personnages, actions, intentions, et par les valeurs que le récit et son écriture mettent en œuvre explicitement ou implicitement. Comme nous l’avons déjà exposé (Perrin-Doucey et Acerra, 2017, p. 200-201), le dispositif doit :

  • permettre au lecteur de dire et lire sa lecture via l’usage d’un carnet de lecteur et ainsi permettre de « faire une place au sujet-lecteur » (Vibert, 2013) ;
  • offrir les moyens de construire des aptitudes pour comprendre et réguler sa lecture ;
  • prendre en compte les apports des sciences cognitives en matière de compréhension de texte (Beltrami, Quet, Rémond et Ruffier, 2004) tout en sollicitant les dimensions cognitives et métacognitives de la compréhension comme les conditions de leur déploiement (Giasson, 1999 ; Goigoux et Cèbe, 2007).

La ressource, si elle veut pouvoir être considérée comme un dispositif prototypique, doit être à même d’intégrer ces différentes composantes de la lecture et son enseignement.

2.1. Penser une structure générale et générique

L’objet-concret élaboré sur ces paradigmes scientifiques parce qu’il est un outil pour la classe, est contraint à prendre en compte :

  • la nécessité d’une interopérabilité et d’une adaptabilité technologique ;
  • les formes variées de lecture (personnelle et scolaire) favorisant un travail langagier, linguistique, culturel et de structuration des connaissances ;
  • le rôle des débats pour confronter la réception individuelle des œuvres.

Pour ce faire, LINUM se décline en deux parties :

  • une plateforme en ligne qui propose un espace connecté personnel pour organiser le travail et les classes, personnaliser les apprentissages et observer l’état d’avancement des travaux des élèves ;
  • une application consacrée à la lecture et aux apprentissages qui propose une structure matricielle pour les enrichissements.

La plateforme6 est un espace de connexion, de stockage et d’organisation didactique et pédagogique articulant une interface enseignante et une interface élève.

L’interface élève permet de choisir entre la lecture et l’écoute personnelles de l’œuvre ou de résumés et le travail scolaire d’étude du texte.

Dans l’interface qui lui est dédiée, l’enseignant constitue des classes, identifie des élèves ou des groupes auxquels il attribuera individuellement ou collectivement des séances ou séquences. Cette section reste ouverte à la création de nouveaux groupes ou à l’attribution de nouvelles séances ou séquences adaptées selon les besoins réels des apprenants. Un tableau de bord permet d’identifier l’état d’avancement des travaux réalisés par les élèves. Enfin, un espace présente la séquence embarquée duplicable ou modifiable tant sur le plan de la structure que des activités elles-mêmes, jusqu’à faire disparaître totalement la séquence initiale.

L’arborescence développée construit une organisation didactique qui décompose le dispositif en séquences, séancesphases numériques7activitésconsignes et items. Cette architecture veut faire converger l’ensemble des tâches de lecture pour construire le sens de l’œuvre et l’apprentissage de la lecture littéraire. Elle décline des matrices d’activités et des espaces préformatés que l’enseignant va devoir s’approprier. Ceci implique de concevoir systématiquement chaque séance en fonction de la mobilisation des espaces de travail, des activités et des variables possibles (justification, réponse automatisée ou non, etc.). La plateforme prend ainsi en considération la complexité de la lecture en tentant d’englober de façon systématique, dès la conception, des niveaux macro et micro de l’organisation pédagogique et didactique des apprentissages. Dès lors, elle peut être considérée comme un outil detravail qui permet une médiation didactique de l’objet d’enseignement lui-même.

2.2. Une application dédiée à l’enseignement apprentissage

L’application est l’instrument de didactisation de la lecture littéraire et de structuration des apprentissages dans la mesure où elle intègre l’œuvre littéraire et son enrichissement pédagogique. Elle se décline en cinq espaces différents consacrés chacun à des temps et à des objets d’apprentissage spécifiques. Elle construit donc de ce fait une transition pédagogique entre l’objet d’enseignement pensé par l’enseignant pour les élèves vers l’objet enseigné ou appris engageant effectivement leur travail comme celui du sujet-lecteur. Ces espaces architecturent véritablement le travail parce qu’ils ont été conçus pour répondre aux différents besoins de l’apprentissage (découverte, entraînement,structuration, mémorisation, recontextualisation). Ils favorisent en même temps une dynamique par le croisement des différentes visées de formation (compréhension, interprétation, développement de la subjectivité, construction des savoirs, etc.).

L’application s’ouvre systématiquement sur l’espace principal qui « se présente comme un outil double et semi-ouvert » (Perrin-Doucey et Acerra, 2017, p. 202) dont l’organisation se conforme au modèle classique du manuel scolaire de lecture (voir illustration 1). Dix matrices d’activités structurent le déroulé logico-chronologique des séances (voir illustration 2).

Illustration 1 : Espace principal double et semi-ouvert

Chaque matrice propose des tâches spécifiques articulant le questionnement du texte et de la lecture à sa restitution ou son prolongement par des exercices ou des situations d’écriture. Elles interrogent soit le texte comme produit linguistique et langagier et objet sémiotique, soit la fiction comme expérience symbolique, soit la lecture et sa subjectivation. L’ensemble de ces matrices constituent donc une « véritable fabrique d’exercices » (Perrin-Doucey et Acerra, 2017, p. 203).

Les quatre autres espaces permettent de structurer des savoirs sur l’œuvre, le texte, la lecture ou le lexique ; de manifester sa subjectivité pour garder la mémoire des textes comme de leur lecture ; de recourir à d’autres documentshypermédiatiques destinés à l’acculturation ou au travail. Ces espaces périphériques, par leur liaison hypertextuelle, favorisent une circularité dans les apprentissages. Deux sont dédiés à la transversalité qu’implique toute lecture littéraire par le stockage de ressources lexicales (lexique) et culturelles (ressources). Enfin, les deux autres sont dévolus à la structuration des connaissances littéraires, fictionnelles (fiches) et à l’expression de la subjectivité (carnet de lecteur).

Illustration 2 : Matrice d’activités

La rubrique fiche invite à relever et synthétiser les éléments de la fiction (repérage des lieux, évènements, système des personnages). La rubrique carnet de lecteur vise l’expression de la subjectivité et de la créativité. Elle incite à exprimer les réactions axiologiques et permet de répertorier des figures ou motifs littéraires ou les œuvres connues pour développer une « bibliothèque intérieure » personnelle (Louichon et Rouxel, 2010). Son arborescence décline cinq rubriques (mespersonnagesma médiathèquemes passagesmes lieuxmes notes) subdivisées en deux parties organisant l’expression binaire de réactions axiologiques justifiées. Des propositions sous forme d’items préremplis soutiennent la formation du jugement critique.

Au contraire du carnet, les fiches sont conçues pour synthétiser et interpréter les indices relevés et mettre en évidenceles éléments narratologiques importants. Elles se répartissent en trois catégories (personnages, lieux, évènements) et invitent les élèves à organiser la caractérisation des constituants essentiels de la fiction et leur mise en relation poursaisir les enjeux narratifs : contexte, intentions explicites ou implicites, actions et réactions. En outre, elles visent simultanément la mémorisation du récit et la structuration des connaissances culturelles, par le repérage des stéréotypes inhérents à l’écriture littéraire fictionnelle (Dufays, 2010). Inspirées des travaux de Giasson (Giasson-Lachance et Escoyez, 2013), elles se déclinent à partir de modèles matriciels reproductibles.

Le carnet de lecteur et les fiches intègrent des liens hypertextuels pour une navigation aisée ; un générateur de fichiers imprimables8 permettant de conserver les états provisoires de chaque réalisation ; des menus déroulants pour soutenir la caractérisation subjective ou objective des notions ainsi que la mise en relation des idées. La systématisation de leurs usages et le retour métacognitif qu’ils imposent visent à focaliser l’attention de l’élève sur les éléments constituant le sens de la fiction et le rôle du lecteur. Chaque espace propose des activités permettant d’articuler les niveaux micro et macro de la compréhension, tout en développant la réflexion métacognitive. Les menus déroulants sont censéssimplifier les opérations complexes que requiert ce type de réalisation en soulageant la recherche lexicale et conceptuelle. Ils proposent en effet un lexique de la caractérisation (pour préciser par exemple le tempérament des personnages) et des expressions pour enrichir leur réflexion avec des items du type : « j’aimerais ressembler à ce personnage », « j’aimerais être son ami », « je n’aimerais pas le rencontrer », etc. Dans les fiches personnages par exemple, les élèves doivent identifier nom, sexe, statut, caractère, relations, intentions des personnages. Les menus proposent une multiplicité de choix pour une réponse unique ou multiple selon les cas. Ainsi, pour caractériser un personnage, il faut observer s’il est adulte ou enfant, son sexe, le rapport au réel qu’il engage. Les propositions assez complexes ont été déclinées avec trois niveaux d’informations : humain ou autre ; adulte ou enfant ; masculin, féminin ou inconnu. Ces activités nécessitent une appropriation préalable pour comprendre les items développés et manipuler aisément l’espace (notamment du fait du défilement – scrolling), mais l’étude de la typologie des personnages présents dans les récits qu’elle favorise est à même de créer un réseau de connaissances pour identifier l’ancrage générique d’une fiction.

3. L’expérimentation

L’expérimentation des deux démonstrateurs9 a été réalisée auprès de 58 classes françaises (issues des Académies de Lille, Créteil et Montpellier), lors de deux panels d’observation (janvier à mars 2017 ; avril et juin 2017) essentiellement en CM1/CM2, faute de candidats en classe de 6e. Si les industriels et les éditeurs attendaient des remontées d’usages, pour les chercheurs, l’objectif était d’observer les pratiques d’enseignement et d’apprentissage de la lecture littéraire engagées via la plateforme.

Le logiciel étant capable de tracer de nombreuses actions signifiantes réalisées dans l’environnement de travail, nous ne viserons pas ici l’exhaustivité. Dans cette section, nous rendrons compte des usages de deux enseignants du deuxième panel expérimental (dorénavant appelés Ens_1 et Ens_2), sélectionnés pour leur usage « complet10 » de la ressource. Nous interrogerons notamment les modalités d’utilisation de l’application et de ses espaces, ainsi que les variables didactiques et pédagogiques dégagées par les choix des deux professeurs, à la lumière des contraintes technologiques relevées dans leurs classes.

3.1. Contexte expérimental

La démarche d’observation suivie avec les deux classes d’Ens_1 et Ens_2 est commune à celle employée pour le reste de l’expérimentation.

Les enseignants ont eu à disposition la ressource durant deux mois, comprenant un temps d’appropriation des ouvrages et des outils numériques de plus ou moins deux semaines. Ils ont été formés aux aspects technologiques de la ressource par les équipes informatiques, mais pas à ses dimensions didactiques et pédagogiques11, afin de ne pas infléchir leurs projets pédagogiques et prendre en compte leurs contraintes technologiques.

Les enseignants ont d’abord renseigné un questionnaire destiné à croiser les contextes de classe, les représentations personnelles et les usages professionnels du numérique, avec d’éventuelles divergences dans l’exploitation de la ressource.

Le recueil des données est constitué par les traces numériques des actions conduites par les expérimentateurs. Cesinformations sont essentiellement tirées de la remontée algorithmique interne au logiciel. Elles comportent des indicateurs temporels (notamment les horaires de connexion à la ressource et la durée de chaque tâche) et procéduraux (tels que l’accès à un espace, le lancement d’une activité ou l’activation d’une fonctionnalité, l’attribution d’une séquence à un certain nombre d’élèves, etc.), ainsi qu’une copie exacte des contenus conservés, modifiés ou saisis dans chaque séance12. À l’issue de l’expérimentation, des retours d’usage ont été effectués lors de réunions réalisées par des membres du consortium. Les données tracées par la machine ont donc pu être complétées par des retours spontanés des enseignants (choix et démarches didactiques). Ens_1, par exemple, a commenté quotidiennement via des échanges de courriels avec les chercheurs, les séances réalisées via la plateforme LINUM en indiquant ses intentions pédagogiques, sa perception de l’atmosphère de classe, les échanges et les activités ayant eu lieu au sein du groupe, ou encore les adaptations réalisées pour réguler ex abrupto les séances.

Enfin, les élèves, de leur côté, devaient réaliser deux tests de compréhension du texte, l’un avant le début de l’expérimentation, l’autre à la fin. Il s’agissait de recueillir des données pour corréler ultérieurement les choix aux résultats et approcher au moins partiellement l’efficience potentielle des pratiques. Cependant, les conditions techniques de tests rendent caduc cet aspect du projet pour la majorité des classes du panel.

3.2. Le portrait des deux enseignants

La recherche se voulant écologique, aucune donnée socioculturelle n’a été recueillie. Néanmoins, l’enquête liminaire a offert un portrait du parcours des participants, ainsi que du contexte d’utilisation de la ressource.

Ens_1 exerce dans une classe de 26 élèves de CM1, équipée de 2 PC en classe de littérature et de 13 ordinateurs en salle informatique, tandis qu’Ens_2 a une classe de 27 élèves de niveau CM1-CM2 pour un tiers bénéficiant d’aides13 et ayant à disposition 13 PC.

Ens_1 (13 ans d’ancienneté générale de service) est titulaire d’une Licence alors qu’Ens_2 (8 ans d’ancienneté générale de service) a un Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées ; chacun a enseigné en moyenne quatre ans dans le niveau. Plutôt à l’aise avec les pratiques scolaires du numérique, ils en ont intégré l’usage en classe depuis quatre et deux ans respectivement, tant pour l’enseignement des sciences, des mathématiques, de la géographie, de l’art visuel, de l’anglais et de l’éducation musicale, que du français. Chacun (conformément à la tendance générale relevée par l’enquête) plébiscite les activités d’écriture et de recherche documentaire. En revanche, les exercices d’entraînement à la maîtrise de la langue et les activités de lecture littéraire sont utilisés uniquement par Ens_2.

Convaincus de l’intérêt pédagogique du numérique et de sa nécessité pour la formation des élèves, les deux enseignants considèrent toutefois que l’installation des pratiques reste à ce jour complexe, les difficultés ne relevant pas nécessairement de la formation technique ou pédagogique reçue. Apprécié pour son caractère participatif et pour sa capacité à favoriser la coopération entre élèves, le numérique est jugé moins indispensable pour son approche ludique ou pour la lecture et la compréhension du texte contemporain (préoccupations secondaires d’Ens_2 et absentes des priorités d’Ens_1).

La fréquentation de lieux de culture est moins uniforme. Ens_2 l’estime à une fois par période, les élèves ayant l’habitude de se rendre dans le centre documentaire de l’école ou dans la bibliothèque de classe, notamment pour des lectures autonomes sollicitées par l’enseignant. Ens_1 étant déchargé d’une partie de son service pour la formation déclare qu’il ne s’occupe pas de l’enseignement littéraire, généralement confié à son collègue.

3.3. Les usages généraux

Ens_1 et Ens_2 ont travaillé chacun sur l’œuvre de Maryse Condé, Rêves amers, en utilisant l’application LINUM respectivement pour une durée de 3 heures et 50 minutes et 15 heures 31 minutes14.

N’ayant pas à disposition un équipement technologique individuel, les deux enseignants ont trouvé différentes solutions pour la mise en œuvre en classe. Ens_2 a opté pour la création de quatre groupes de travail, différenciés sur la base des résultats du prétest15 et non réaménagés lors des régulations successives. Ens_1 a, au contraire, pallié la sous-dotation informatique de sa classe en établissant a priori des binômes d’élèves et en divisant les séances en deux temps : un premier qui se déroule en classe de littérature et est essentiellement dédié à la présentation du chapitre ou de la problématique de la séance ; un deuxième qui est réalisé en salle informatique pour permettre aux élèves une manipulation effective de la ressource.

Conformément aux pratiques repérées chez les autres enseignants expérimentateurs, Ens_1 et Ens_2 se sont servis prioritairement de l’espace principal de la ressource, recourant de manière plus sporadique aux fiches personnages,lieux et évènements. Les carnets, tout comme le lexique, ont été utilisés seulement par Ens_1, tandis que la médiathèque et ses ressources ont été consultées par les deux enseignants à une seule occasion.

Parmi les matrices d’activités sont plébiscités les QCM et les QCU, presque régulièrement couplées à des espaces dejustification, sollicitant les élèves soit pour un repérage d’indices dans le texte (« Tu justifieras ta réponse avec des indices prélevés dans le texte » [Ens_2]), soit par un retour argumenté sur la réponse fournie. Les espaces spécifiquement dédiés à l’écriture, quatre fois moins utilisés que les matrices de réponses, semblent d’une part viser l’expression de la subjectivité et du vécu individuel du lecteur (« Écrivez un texte qui montre ce qui vous touche le plus dans ce poème [Ens_2]), de l’autre la compréhension littérale du récit.

L’autovalidation par la machine, auparavant reconnue comme l’un des avantages structuraux du numérique scolaire (Mangenot et Moulin, 1997), apparaît comme minoritaire et réservée aux étapes conclusives d’évaluation de l’étude d’un chapitre. En ce sens, les deux enseignants considèrent bien la lecture comme une activité complexe, voire créative.

3.4. Choix et démarches didactiques : les différenciations d’Ens_2

Le travail d’Ens_2 est notamment caractérisé par deux éléments : un recours régulier et polyvalent aux activités de repérage d’indices textuels et une importante différenciation pédagogique. Quatre séquences ont été générées pour l’expérimentation ; trois à destination d’autant de groupes de travail et une conçue pour un seul élève aux besoinsspécifiques. Les quatre parcours s’ouvrent avec la caractérisation du cadre et des personnages du roman, nécessitant un retour constant au texte. Le degré de complexité varie selon les parcours et l’activité s’appuie sur des espaces oumatrices divers (fiches lieux et personnages dans un cas, cartes mentales et questions ouvertes dans les autres). Par ailleurs, les contours géographiques du récit ainsi que les références aux coutumes et à l’histoire haïtiennes qui participent à l’effet de réel du roman sont convoqués (« Construisez une fiche lieu en cherchant des indices dans le texte. Recherchez des informations sur le mode de vie et l’histoire du lieu »). Enfin, les activités proposées interrogentle système des personnages : leurs profils, les relations qui les relient les uns aux autres ou aux évènements vécus (« Le personnage de Rose- Aimée et les évènements qu’elle va subir. Relevez les indices dans le texte […] »).

Ces repérages systématiques permettent d’une part de polariser l’attention sur des objets ponctuels, comme les noms des protagonistes d’un chapitre, de l’autre d’interroger les émotions des personnages (« Que ressent Rose-Aimée lors de ce second départ ? Justifie ta réponse en surlignant des éléments du texte »), leurs rapports (« Relève le nom de tous les personnages […]. Tu mettras en couleur violette les membres de sa famille ») ou les réactions divergentes face à une même situation (« En t’appuyant sur le texte des pages 8 et 9, tu compareras la vision qu’a Rose-Aimée de Port-au-Prince et celle de son amie Florette »).

D’autres activités de repérage d’indices sont introduites afin de clarifier ou exemplifier des notions rhétoriques oulittéraires : les « ellipses temporelles » et les « comparaisons » sont ainsi respectivement illustrées par une recherche de traces du passage du temps (« À la fin du chapitre 3, on apprend qu’il s’est passé un trimestre entre l’arrivée de Rose-Aimée à Port-au-Prince […]. Tu justifieras ta réponse avec des indices prélevés dans le texte ») et d’une comparaison métaphorique dans un passage donné (« À quoi Rose-Aimée compare-t-elle la vie (p. 55) ? »).

Le retour au texte offre parfois l’occasion d’une reformulation : l’enseignant renvoie à une expression du texte pour que l’élève l’énonce avec ses propres mots (« Reformule avec tes mots la réponse de Jean-Joseph […] (p. 51) »), voire pour qu’il exprime un jugement ou un ressenti personnel (« Relevez les expressions utilisées pour présenter la relation de Mme Zéphyr avec Rose- Aimée. Que pensez-vous du rapport de Mme Zéphyr avec Rose-Aimée ? »).

L’attention au détail textuel n’exclut pas l’ouverture au débat littéraire et à la réflexion morale et civique. Le lien à l’actualité et la problématique du travail des enfants sont au contraire soulevés à plusieurs reprises et dans une approche multimodale. Dans un premier temps, les élèves sont invités à débattre sur l’iniquité de la répartition de la richesse dans le monde (« Pourquoi des peuples sont- ils riches, et d’autres si pauvres qu’ils doivent aller chercher hors de leur pays natal des moyens de subsister ? »), puis à réfléchir à l’écrit sur les conséquences de la misère, donc à visionner etdébattre autour d’une vidéo présentant les conditions de vie des enfants travailleurs (rubrique ressources). Les consignes et les questions de ces étapes sont souvent formulées par enregistrement vocal, ce qui pourrait s’interpréter comme une volonté de tempérer la dureté du sujet par l’implication physique dans l’activité.

3.5. L’approche d’Ens_1 : entre adaptation et régulation

Le parcours d’Ens_1 témoigne d’un travail d’adaptation et de régulation constant des séances, selon le niveau des élèves, les difficultés repérées et les contraintes technologiques. Si l’enseignant n’est pas intervenu sur la séquence pédagogique initiale, en prévoyant le respect des séances et des activités et des exercices suggérés par la séquence initiale, le journal de bord transmis par courriel durant l’expérimentation et les travaux des élèves témoigne d’une modification globale des séquences et des contenus, ainsi que des modalités du travail programmées pour les différentes activités.

Dans son compte rendu, l’enseignant affirme que la lecture de l’ouvrage a été anticipée par les élèves en dehors du temps scolaire16 (« Les élèves pouvaient lire le chapitre 2 chez eux »17) ; il évoque une relecture collective pour garantir le bon déroulement de la séance, comme une plus grande autonomie des élèves dans la réalisation des activités.

Les étapes de rédaction via les carnets ont été souvent omises (« Les élèves n’ont pas fait l’étape 3.3 sur le carnet de lecteur par manque de temps18 » ; « Nous n’avons délibérément pas fait la phase 4 du carnet de lecteur, car je savaisque le temps nous manquerait19 »), voire assignées comme devoirs optionnels à réaliser à la maison (« Concernant la dernière phase sur leur lieu et passage préférés, le temps a manqué pour le faire […] J’ai choisi l’option de ne pas la faire, et proposé à ceux qui le souhaitent de le faire de chez eux20 »).

Enfin, dans les échanges, l’enseignant affirme que l’utilisation des fiches (lieux, personnages et évènements) a été réduite du fait des contraintes temporelles et de la complexité des tâches. La construction progressive des portraits d’un personnage ou de ses aventures étant jugée trop chronophage, il a souvent opté pour une saisie libre de moments significatifs, l’association avec les personnages concernés n’étant rétablie que de manière occasionnelle.

D’autres adaptations ont visé plus ouvertement l’allègement ou la simplification de la séquence pédagogique initiale.C’est le cas pour l’étape conclusive de l’étude de Rêves amers, qui est jugée « un peu difficile à comprendre pour certains élèves » et remaniée en conséquence. La production d’un contenu de synthèse critique (un article de journal, une affiche ou un commentaire du roman) pour sensibiliser des lecteurs fictifs aux conséquences de la misère a été remplacée par un résumé de la vie de la protagoniste. Le choix effectué sacrifie la réflexion sur la problématique sociale et le lien avec le monde contemporain au profit d’une restitution succincte de couches superficielles de sens21.

Les ajustements peuvent également concerner les modalités du travail, qui alternent des activités individuelles et des moments d’échanges collectifs. Destinées à solliciter le débat interprétatif et à soutenir les élèves en difficulté22, les discussions, recherches d’indices et corrections communes sont ouvertement pratiquées afin de permettre aux « élèves bloqués de terminer » leur travail23, de résoudre une difficulté de compréhension ou d’interpréter une consigne.

L’attention à la mise en commun s’accompagne d’une représentation de la littérature devant avant tout favoriser la compréhension de l’œuvre, l’appropriation du point de vue des personnages (« On sent qu’ils ont adopté l’héroïne24 ») et l’appréciation de l’expérience littéraire. Cette préoccupation se traduit par la suppression des questions estimées trop complexes ou bloquantes et par la non- correction des erreurs syntaxiques et orthographiques qui n’entravent pas la lisibilité du message. L’enseignante déclare, en effet, ne pas vouloir décourager les élèves par un retour sur les aspects grammaticaux : « Le but étant vraiment qu’ils comprennent ce qu’ils lisent et qu’ils développent leur réflexion, je leur demande de modifier leur écrit quand je ne le comprends pas25 ».

Conclusion

Le projet LINUM, par ses ambitions comme par le croisement des attentes et des compétences de ses acteurs, a abouti à la réalisation d’un objet-concret : un outil numérique complexe pour enseigner la lecture littéraire à l’école. L’architecture du logiciel avec ses deux interfaces et son articulation en espaces de lecture cursive et d’étude du texte, favorise simultanément l’apprentissage de la compréhension et l’interprétation des œuvres, la construction deconnaissances sur la fiction littéraire, comme sur la lecture, le développement et l’expression de la subjectivité du lecteur. Si l’espace enseignant rend possible la personnalisation des séquences embarquées et la différenciation pédagogique, l’interface principale de l’application organise, quant à elle, une didactisation de la lecture littéraire par le recours à des espaces de travail distincts et complémentaires. Dans la mesure où cette ressource s’élabore sur une double structure linéaire et circulaire, elle se trouve à même de favoriser — au moins dans sa conception — le va-et-vient dialectique entre participation et distanciation que réclament aujourd’hui des didacticiens de la littérature dans l’espace francophone. En effet, l’horizontalité de l’espace principal et son organisation chronologique donnent corps à la lecture dans ses dimensions linguistiques, cognitives et culturelles pour accéder au sens et se saisir des œuvres. Par ailleurs, la circularité des espaces périphériques dessine des trajectoires spiralaires, qui offrent aux élèves des moyens d’engager une lecture active puisqu’elle peut être à la fois subjective et raisonnée. En effet, le lecteur peut croiser le récit avec des documents extérieurs à l’œuvre, structurer ses connaissances lexicales, culturelles ou fictionnelles, exprimer sa réception subjective pour se former et construire un rapport personnel à la lecture. De fait, l’objet-concret LINUM est donc bien une traduction dans le réel de l’objet-scientifique pensé dans la phase de développement.

Par ailleurs, la dimension matricielle imposée par la nécessité de produire un prototype d’enrichissement didactique et la remontée de traces favorisent une observation des usages qui fonde l’objet de recherche. Ainsi, peut être décrite la manière dont les enseignants se saisissent du dispositif lui-même, le croisement des données et des enquêtes réalisées aux travaux des chercheurs facilitant l’interprétation des choix didactiques. Cependant, le dispositif qu’architecture le logiciel n’est rien sans son articulation aux contenus des séquences réalisées qui éclairent le sens des apprentissages programmés. En effet, chacune des matrices peut être utilisée aussi au service d’un questionnement binaire et linéaire du texte, avec éventuellement des réponses automatisées, ou d’une appréhension linéaire et simpliste du récit. Les espaces périphériques, cœurs de la dimension purement littéraire du dispositif, peuvent être désactivés, utilisés ponctuellement ou librement par les élèves.

En ce sens, les données tracées par l’application sont fort intéressantes puisqu’elles proposent une remontée brute des choix didactiques des enseignants et des travaux réalisés par les élèves. Les premières analyses relatées ici renseignent effectivement sur l’usage de la ressource en trahissant implicitement des conceptions de l’enseignement de la lecture littéraire. Elles mettent déjà en évidence la distance entre l’intention d’un groupe de chercheurs dans la réalisation d’undispositif et l’usage qu’il en est fait pratiquement.

LINUM interroge donc une forme de l’activité de l’enseignant jusque-là plutôt ignorée dans cette dimension brute : celle du passage de la préparation de la classe à sa conduite. Bien sûr, les descriptions que vont favoriser l’analyse des corpus de données recueillies doivent être vulgarisées avec prudence : elles n’émanent pas de la conduite de classe, n’interrogent pas explicitement l’intention de l’enseignant, ne disent pas explicitement les conditions de la réalisation. Cependant, elles mettent en évidence des pratiques d’appropriation d’un outil que l’on peut qualifier d’ordinaires.

L’étude de cas que nous réalisons ici permet déjà de dégager quelques premiers éléments de description des pratiques effectives dans les classes. D’une part, les enseignants du panel étudié se sont appropriés chacun la plateforme et ont réalisé des modifications significatives sur la ressource. En ce sens, on peut considérer qu’il y a eu une volonté depenser un dispositif à partir de LINUM en adaptant le contenu proposé pour le faire coller aux réalités de la classe et aux différentes conceptions de la lecture littéraire. En premier lieu, nous constatons que les deux enseignants du panel conçoivent bien la lecture d’une œuvre littéraire comme une activité complexe et créative. En effet, d’une part ils dédient l’autocorrection par la machine à une évaluation simple de la compréhension littérale des chapitres ; d’autre part, ils incrémentent de façon quasi systématique une matrice de justification pour imposer au lecteur une confrontation de sa compréhension- interprétation avec la lettre du texte. À plusieurs reprises, ils cherchent à étayer les processus de compréhension par des jeux de reformulation et suscitent la créativité des élèves en les amenant à faire état, dans des productions écrites, des réactions axiologiques que l’œuvre provoque chez eux. Ens_2 les engage aussi à utiliser le carnet de lecteurs pour exprimer leurs réactions subjectives relevant des émotions ou du jugement critique et liées aux personnages comme aux évènements. Enfin, une ouverture aux ancrages réalistes de l’œuvre comme à la portée axiologique du texte est réalisée, au moins en ce qui concerne les thématiques de la misère et du travail des enfants.

En ce sens, nous pouvons affirmer qu’il y a bien l’intention de prendre en compte la dimension littéraire de l’œuvre. Cependant, nous constatons aussi que les deux enseignants privilégient largement l’espace principal de la ressource, la sélection d’items au détriment des activités d’écriture et à la structuration des connaissances fictionnelles par les fichesou le carnet de lecteur.

En conséquence, il nous apparaît aussi que la lecture littéraire est encore largement pensée par ces deux professeurs d’abord comme une activité cognitive et non comme un va-et-vient dialectique entre lecture participative et distanciée.

Notes
  1. Hirshing, N. (1986). Le mot interdit. Montrouge, France : Bayard jeunesse. (pour des CE2/CM1) Condé, M. (2001). Rêves amers. Montrouge, France : Bayard jeunesse. ↩︎
  2. Nous utiliserons l’acronyme LINUM pour évoquer le projet et la ressource qui en est issue tout au long de notre article. ↩︎
  3. Les projets investissements d’avenir pour l’école ne se limitent pas à la discipline français ou maîtrise de la langue comme du lire-écrire bien évidemment. ↩︎
  4. À ce sujet, voir par exemple la table ronde Le livre numérique enrichi quels modes de lecture des œuvres littéraires ? Pour quels lecteurs ? lors du colloque international L’enseignement de la littérature avec le numérique. Université Grenoble-Alpes, 7-8 mars 2017. ↩︎
  5. Conte-moi la lecture Récupéré du site https://www.conte-moi.net/lecture ↩︎
  6. Pour une présentation plus détaillée de l’outil, voir Perrin-Doucey et Acerra (2017, p. 201-202). ↩︎
  7. Sont ainsi nommés les changements d’espaces de travail ou de matrices d’activités découlant de la création d’une phase sur un écran type ou sur une succession d’écrans de même type. ↩︎
  8. Au format *.pdf. ↩︎
  9. Les deux prototypes ont été conçus à partir de deux ouvrages de la collection Bayard : Le mot interdit, destiné à une utilisation en fin de cycle 2/début de cycle 3, et Rêves amers, préconisé pour un usage en fin de cycle 3. ↩︎
  10. Nous considérons comme « complets » les usages impliquant un investissement temporel supérieur à la moyenne générale des usages et comportant des modifications par rapport à la séquence pédagogique initialement proposée. ↩︎
  11. Un guide pédagogique de la séquence proposée était toutefois laissé à disposition des enseignants dans un espace dédié et toujours accessible de la ressource. ↩︎
  12. Chaque action ou élément utilisé dans l’environnement numérique a été associé à un code qui, couplé à un double processus de masquage des participants, a préservé l’anonymat des expérimentateurs. ↩︎
  13. APC, orthophonistes, PPRE et RAN. ↩︎
  14. Cette donnée concerne les temps d’utilisation de la ressource de la part de l’enseignante et ne correspond pas nécessairement aux temps des élèves. ↩︎
  15. Échange courriel avec les équipes de recherche (18 avril 2016). ↩︎
  16. La remontée de trace ne permet pas de le vérifier la véridicité de cette information, la modalité de seule lecture n’étant pas tracée par la machine. ↩︎
  17. Échange courriel du 11 mai 2017. ↩︎
  18. Échange courriel du 11 mai 2017. ↩︎
  19. Échange courriel du 4 mai 2017. ↩︎
  20. Échange courriel du 27 avril 2017. ↩︎
  21. « L’étape 2 était un peu difficile à comprendre pour certains élèves ; j’ai donc pris le parti de la simplifier et demandé aux élèves de raconter en quelques lignes la vie de Rose Aimée » (Échange courriel du 29 juin 2017). ↩︎
  22. « Nous avons donc fait un débat collectif avant que les élèves répondent de nouveau en binôme » (Échange courriel du 22 juin 2017). ↩︎
  23. Échange courriel du 24 mai 2017. ↩︎
  24. Échange courriel du 15 juin 2017. ↩︎
  25. Échange courriel du 22 juin 2017. ↩︎
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Multimodalité(s)

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