Amalgamer la littérature et le jeu vidéo : les pratiques symbiotiques de recherche-création du Collectif Obèle

Collectif Obèle

Résumé

Cet article présente le processus de recherche-création du Collectif Obèle, dont les réalisations prennent la forme d’interventions littéraires au cœur d’environnements vidéoludiques dans une approche de transécriture. S’inscrivant dans le champ des arts littéraires et reposant sur une approche du jeu qui procède par métarèglementation, chaque projet du Collectif Obèle est développé en suivant un protocole méthodologique s’appuyant sur des formulaires qui placent l’écriture au centre de la démarche de recherche-création tout en mobilisant des concepts issus de plusieurs champs disciplinaires. C’est également en suivant l’approche de recherche-création des cycles heuristiques,formulée par Louis-Claude Paquin, que des résultats visant l’atteinte d’un amalgame entre littérature et jeu vidéo, et prenant la forme d’artéfacts multimodaux, sont produits. Cet article aborde ces différentes perspectives sur les travaux du Collectif Obèle en présentant les différents projets complétés par celui-ci comme cas d’étude de sa démarche de recherche-création.

Abstract

This article presents the research-creation process of the Collectif Obèle, whose projects take the form of literary interventions in video games according to the principles of transwriting, a concept initially proposed some thirty years ago, which has been renovated and extended by the members of the Collectif Obèle in order to circumscribe the contours of its poietics. As part of the literary arts and based on an approach to play that can be described as transformative, each project from the Collectif Obèle is developed following a methodological protocol which places writing at the heart of its research-creation process, while mobilizing concepts from several disciplinary fields. It is also by following the research-creation approach of heuristic cycles, formulated by Louis-Claude Paquin, that results aimed at achieving a hybrid amalgam between literature and video games, taking the form of multimodal artifacts, are produced. This article addresses these different perspectives on the work of the Collectif Obèle, presenting the various projects it has completed as case studies.

Mots-clés
recherche-création, transécriture, littérature, jeux vidéo, arts littéraires.

Keywords
research-creation, transwriting, literature, video games, literary arts.
Citer
Pour citer
Collectif, Obèle (2025). Amalgamer la littérature et le jeu vidéo : les pratiques symbiotiques de recherche-création du Collectif Obèle. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 21.

Introduction

1L’internaute qui se rend sur le site web du Collectif Obèle trouvera sur notre page d’accueil la déclaration suivante : « Le Collectif Obèle effectue des interventions littéraires dans des environnements vidéoludiques, des projets de recherche et création qui provoquent des hybridations entre littérature et jeu vidéo. »2 Déclaration d’intention, slogan et programme d’action tout à la fois, cette description des activités du Collectif Obèle présente notre démarche et nos projets comme tenant à parts égales de la littérature et du jeu vidéo. Il s’agit en effet de dépasser les rapprochements de surface entre ces médias qui sont offerts, par exemple, lorsqu’un livre est représenté dans un jeu vidéo3 ou que la prémisse narrative d’une œuvre vidéoludique devient l’objet d’une série de romans4. De fait, si la littérature et le jeu vidéo ont une riche histoire d’emprunts mutuels, d’inspirations et de côtoiements5, ce à quoi aspire le Collectif Obèle est un rapport si étroit entre ces médias qu’il serait mieux décrit comme une volonté de symbiose entre ceux-ci. En insérant, au cours de ses expérimentations, du contenu textuel dans un environnement médiatique reposant sur la vidéo et les actions cinétiques à l’écran, le Collectif Obèle prend en quelque sorte à rebours la définition de multimodalité proposée par Jean-François Boutin pour qui « au traditionnel code alphabétique s’imbriquent désormais des codes visuels, voire des codes sonores et/ou gestuels » (cité dans Provost, 2018, p. 34).

Dans cet article, nous nous proposons dans un premier temps de présenter notre posture en considérant tour à tour des notions provenant des études littéraires, puis des études vidéoludiques afin de caractériser adéquatement l’approche par laquelle nous souhaitons amalgamer la littérature au sein de jeux vidéo. Puis, nous introduirons la transécriture, concept au cœur de notre poïétique, en insistant sur son caractère multimodal. Ensuite, nous expliquerons l’apport de l’écriture de textes comme pratique subjective et réflexive au cœur de notre démarche de recherche-création en présentant les protocoles méthodologiques des documents utilisés lors de l’élaboration de nos projets, avant d’aborder brièvement quelques-uns de ceux-ci réalisés jusqu’à présent afin de démontrer comment notre approche de la recherche-création se déployant par « cycles heuristiques » (Paquin, 2019) aura eu un impact sur leur mise en œuvre. Nous terminerons ce survol de nos activités en expliquant en quoi celles-ci se doivent d’être abordées dans une perspective multimodale.

1. Au sein du jeu vidéo, parmi la littérature

Le Collectif Obèle trouve à la fois son origine et sa raison d’être dans la littérature, et plus précisément à travers les bouleversements qui l’affectent depuis des décennies, que Bertrand Gervais diagnostique dans un essai récent comme étant un imaginaire de la fin du livre (2023). Or, comme l’avance Gervais, si l’objet-livre, qui a longtemps incarné de manière quasi exclusive la pratique de la littérature, n’est plus au centre de nos pratiques culturelles, ayant été remplacé par l’écran relié, la littérature, elle, n’est pas en péril, puisque des pratiques de lecture différentes, originales, adaptées aux nouveaux supports médiatiques apparus dans le sillage du numérique, émergent : « Ce n’est pas une fuite hors du livre qui est amorcée, mais une exploration multimodale qui sort du livre » (2023, p. 193). La démarche du Collectif Obèle s’inscrit dans cette mutation de la littérature en introduisant des signes textuels au sein d’un environnement vidéoludique, à travers des insertions reposant sur des mécaniques de jeu qui n’étaient pas forcément – voire pas du tout – prévues à cet effet lors de la conception initiale des jeux vidéo investis par les membres du Collectif Obèle.

Les membres du Collectif Obèle étant à cheval entre les millénariaux et la génération Z, leur volonté d’amalgamer la littérature et les jeux vidéo est un reflet des pratiques sociales, culturelles et médiatiques qui ont pétri leur apprentissage6. Comme l’explique James Paul Gee,

Reading and writing in any domain, whether it is law, rap songs, academic essays, superhero comics, or whatever, are not just ways of decoding print, they are also caught up with and in social practices. Literacy in any domain is actually not worth much if one knows nothing about the social practices of which that literacy is but a part. And, of course, these social practices involve much more than just an engagement with print. (2003, p. 14-15)

Ces pratiques sociales prennent part dans ce que ce chercheur désigne par le terme « semiotic domains » (2003, p. 17) qui sont, à notre époque, structurés par la culture numérique (Gervais et Tremblay-Gaudette, 2024), donc potentiellement –voire assurément – des contenus médiatiques multimodaux. De fait, l’écran relié (et l’appareillage informatique qui alimente et opère cet écran) devient le théâtre de remédiatisations7 invitant à la combinaison d’affordances aux provenances multiples et ouvrant la possibilité à des avenues formelles fluides et hybrides.

Gervais insiste sur le fait que le renouvellement des pratiques littéraires propres à notre époque ne vient pas accélérer la fin du livre, mais plutôt élargir le champ d’action de la littérature :

Nous sommes aux antipodes d’un imaginaire de la fin du livre, fondé sur une résistance aux développements techniques. L’heure est plutôt à la reconfiguration et au dépassement d’une certaine conception de la littérature, repliée sur elle-même et dont l’institutionnalisation a eu pour effet d’en figer la pratique. (2023, p. 195)

Apparue récemment, la notion d’arts littéraires caractérise cette approche ayant comme volonté d’élargir le champ de ce qui peut être considéré comme des activités littéraires :

Les pratiques littéraires se sont diversifiées, elles sont sorties du livre et de l’écran, pour exploiter tous les autres modes de médiation disponibles. C’est d’abord là que s’affirme la singularité de l’appellation, en ce qu’elle saisit tous les modes d’existence des écritures littéraires hors du livre. Plus encore, les arts littéraires se définiraient par cette présence d’une dimension créative (se distinguant d’initiatives visant la médiation ou la patrimonialisation de la littérature), impliquant la publication, cette mise à disposition publique d’un texte littéraire, qu’elle soit éphémère ou pérenne. (Bisenius-Penin, Audet et Gervais, 2022)

Audet et Lamy ajoutent à ce sujet que le concept d’arts littéraires « accueille toutes ces formes de pratiques où règnent en maîtres mots les idées de décloisonnement et d’hybridité, de diversité et d’expériences » (2020, p. 36). Comme nous le verrons, les projets du Collectif Obèle ont tous en commun l’incorporation d’un texte, inédit ou cité à partir d’une source mise en évidence, au sein d’un environnement vidéoludique, afin de produire des artéfacts numériques aux formes variées, allant des captures d’écran amplifiées sous la forme de GIF animés à des captations vidéo de performances effectuées en direct dans un jeu, en passant par des expériences pleinement interactives sollicitant activement la participation de la joueuse ou du joueur qui doit lire et jouer dans un même temps. En ceci, on peut dire que les travaux du Collectif Obèle s’inscrivent pleinement dans la perspective des arts littéraires.

Voyons maintenant ce que les études vidéoludiques ont à proposer comme concepts ou termes qui parviendraient à circonscrire notre pratique. D’emblée, le jeu vidéo est un terreau d’expérimentation fertile et propice à la créativité, comme l’établit Fanny Barnabé : « les jeux en tant que dispositifs formels (en tant que games) ont pour particularité de susciter une utilisation ludique (un play) susceptible de les reconfigurer ou même de déboucher sur une production originale » (2018, p. 442). De manière générale, puisque les projets du Collectif Obèle se déploient dans des jeux vidéo préexistants, en ceci qu’ils ont été conçus et développés par des compagnies professionnelles, notre approche prend place, selon la catégorisation proposée par John Sharp (2015), du côté du game art, soit un artéfact artistique créé à partir des éléments accessibles à même un jeu produit préalablement (typiquement dans une visée commerciale), plutôt que du art game, soit un jeu vidéo conçu à des fins strictement artistiques.

La production de game art repose sur un acte qui peut être décrit comme un détournement tel que défini par Guy Debord, soit « le réemploi dans une nouvelle unité d’éléments artistiques préexistants » (1959, p. 989-990). Or, le détournement d’un jeu vidéo par son public est pratique courante, en raison des modalités interactives et de l’espace d’action généralement prévus à même la programmation de celui-ci :

Le jeu vidéo représente l’originalité d’être un divertissement qui a beaucoup mis en avant la créativité des utilisateurs, leur capacité à marquer un écart avec le programme qu’on cherche à leur imposer, et accessoirement la possibilité de partager et cumuler les traces de leurs performances d’usage ou de leurs détournements (Georges et Auray, 2012, p. 147).

Le fait de jouer (play) au sein d’un système circonscrit (game) peut, aux premiers abords, sembler restrictif sur le champ d’action de la personne jouant à un jeu, mais il s’avère, au contraire, qu’opérer au sein d’un espace réglementé amène à chercher les manières de s’épanouir au sein de celui-ci, puisque, pour Sébastien Genvo, ces règles surdéterminant une pratique ludique sont « nécessairement expérimentées comme étant contingentes, flexibles et modifiables » (2006, p. 90). Or, il existe plusieurs façons d’envisager, de manières dévoyantes et alternatives, la pratique vidéoludique, et plusieurs termes ont été proposés afin de les différencier.

Une première appellation du détournement vidéoludique est le « emergent gameplay », que Jesper Juul présente comme « les situations où un jeu est joué d’une manière que le game designer n’avait pas prévue » (2005, p. 76). Cependant, cette approche décrit une pratique de jeu qui repose encore sur l’atteinte d’un résultat au sein des paramètres du jeu (par exemple, le speedrunning qui amène les joueuses et joueurs à traverser un jeu le plus rapidement possible au détriment de la maximisation de ses pouvoirs et capacités) ou l’exploitation de glitches afin de profiter de largesses et d’erreurs dans la programmation d’un jeu vidéo (tel le célèbre « truc des 100 vies » dans Super Mario Bros), et qui, par conséquent, correspond moins à nos objectifs spécifiquement littéraires. De même, le concept de « expansive gameplay »amené par Felan Parker8 s’apparente à la proposition de Juul, mais désigne plutôt une modification du jeu vidéo originalconsistant à y ajouter des règlements auto-imposés. Ces derniers engendrent la mise en place d’une variante du jeu de base, mais qui se cantonne strictement à une activité ludique, sans composante artistique, ce qui ne désigne pas adéquatement notre posture. La notion de « counterplay » étudiée par Meades (2015) ne s’applique pas à notre pratique,puisqu’elle désigne plutôt les comportements de jeu menant à un sabotage de la partie telles que l’utilisation de tricherie ou les assauts verbaux. De même, le jeu transgressif, tel que défini par Espen Aarseth9, repose sur une posture antagoniste face au jeu qui va à l’encontre de notre esprit de réunion entre deux médias.

Ce serait plutôt à la notion de « transformative play » que nous pourrions être associé·es. Proposée par Katie Salen et Eric Zimmerman dans leur ouvrage fondateur Rules of Play, elle est définie dans les termes suivants : « a special case of play that occurs when the free movement of play alters the more rigid structure in which it takes shape » (2004, p. 321). Cette conception du jeu transformatif s’apparente aux concepts de Juul et de Parker. Olli Sotamaa précise : « [Transformative play is] about players appropriating the playgrounds, innovating new tactics and changing the rules » (2007, p. 386). Il ajoute aussi et surtout : « transformative play can expand outside gameworlds and brings aspects of play outside the immediate playing experience » (ibid.). Le mouvement décrit par le jeu transformatif de Sotamaa est centripète (depuis le jeu vers le monde extérieur), tandis que ce qu’effectue le Collectif Obèle est une manœuvre en sens inverse (importer de la littérature au sein du jeu); toutefois, l’idée d’appropriation d’un jeu par son altération demeure pertinente.

Précisons qu’un des membres du Collectif Obèle a proposé la notion de métarèglementation afin de décrire les activités initiées par la joueuse ou le joueur dans le but de provoquer une expérience de jeu divergente de celle proposée à l’origine à travers l’imposition de règlements additionnels, opérant ainsi en quelque sorte une synthèse des différents termes présentés jusqu’ici. Voici la définition exacte de ce terme : « l’ensemble des pratiques contraignantes, volontairement effectuées par [la joueuse ou le joueur] qui désire s’approprier et modifier une œuvre à la suite d’une réflexion sur sa nature, et ce, afin d’en tirer une satisfaction personnelle » (Roy, 2020, p. 1). Précisons au passage que cette « satisfaction personnelle » passe, dans notre cas, par l’exécution de notre démarche artistique, ce qui diverge donc légèrement de la notion d’expansive gameplay proposée par Parker mentionnée plus haut – qui nous apparaît, au demeurant, trouver place dans le concept de métarèglementation proposé par Roy. Cette approche de la métarèglementation rappelle les projets littéraires de l’OuLiPo, aussi basés sur la contrainte d’écriture10, qui s’employait à découvrir de nouvelles potentialités langagières et à moderniser l’expression littéraire par les jeux d’écritures. Nous envisageons donc les projets du Collectif Obèle comme reposant sur une métarèglementation où notre contrainte consiste à insérer de la littérature dans un jeu vidéo.

Ainsi, ces projets s’inscrivent dans l’éventail des pratiques d’écritures transgressives, desquelles nous nous inspirons afin de développer nos propres méthodes. Fanny Barnabé décrit la pratique du détournement comme suit : « Détourner un objet suppose […] un acte d’appropriation, suivi d’un acte de reconfiguration, d’altération – voire de dévoiement – de cette manière première et, enfin, un acte d’assemblage, de reconstruction d’une œuvre dérivée » (2023). En somme, les projets du Collectif Obèle sont des formes de détournements produits par une approche de jeu transformatif centrifuge procédant par une métarèglementation littéraire résultant en des œuvres se classant dans la catégorie des arts littéraires.

2. Mobiliser des concepts au service de notre poïétique de recherche-création

Le spécialiste de littérature numérique Serge Bouchardon (2010) considère que la combinaison de recherche et de création au sein d’une même démarche permet d’éprouver, dans un cadre expérimental, la viabilité de certains concepts. Pour sa part, Chantal Provost ajoute que « la recherche-création est une zone poreuse qui permet non seulement de créer, mais aussi de se tromper. Elle relève d’une logique de l’instable et du risque » (2018, p. 31). C’est ce que nous cherchons à faire en reprenant le concept de transécriture ayant initialement été proposé pour convoquer une perspective analytique sur des processus d’adaptations transmédiatiques en le mettant au service de notre poïétique.

Cette notion qui préside à nos activités de recherche-création permet précisément de se pencher sur les manières de créer des intersections, amalgames et symbioses entre médias (les distinctions entre ces différents termes seront abordées en conclusion du présent texte). Apparue dans le giron des études médiatiques, la transécriture a été appelée de ses vœux lors d’un colloque Cerisy en 1992, pour être immédiatement laissée en jachère faute d’un consensus sur sa définition exacte (Gaudreault et Groensteen, 1998)11. Une tentative de réactivation du concept a été effectuée dans un article coécrit par le fondateur du Collectif Obèle (La Manna et Tremblay-Gaudette, 2015), puis il a été formulé de manière plus satisfaisante et définitive dans un article présentant notre premier projet, que nous nous permettons de citer ici :

[…] la transécriture désigne un processus d’adaptation transmédiatique qui se caractérise par les libertés, parfois radicales, que prend cette dernière vis-à-vis de l’œuvre originale, afin d’occasionner un dialogue entre les médias convoqués. […] Il s’agit, en quelque sorte, de réfléchir aux manières dont deux disciplines peuvent se transformer au contact l’une de l’autre à travers des points d’intersection à cerner, à définir et à investir. (Collectif Obèle, 2023, p. 66)

En ce sens, nous envisageons la transécriture comme une opération consistant à identifier et exploiter des moyens d’engendrer un dialogue entre des médias autrement distincts, voire tenus à l’écart l’un de l’autre. Dialogue au sens fort, puisqu’il s’agit de produire des discours à travers les affordances sémiotiques des médias concernés; dans le cas qui nous occupe, nous produisons des textes qui sont insérés, de gré ou de force, dans des jeux vidéo à travers leurs environnements et grâce à nos activités de joueuses et joueurs à même ces jeux. Ceci s’inscrit dans la perspective du détournement ludique qui cherche à élargir le public de nos projets; comme l’explique Fanny Barnabé :

Que ce soit en transformant la matérialité des jeux ou en y superposant de nouvelles lectures par le biais d’un usage inattendu, les détournements ludiques ont pour propriété commune d’ouvrir le potentiel expressif des jeux dont ils s’emparent. Ils exercent, à ce titre, une fonction proprement rhétorique de renouvellement du langage ludique : ils font entrer dans les jeux des composantes inhabituelles, produisent des rapports inédits entre les unités ou les significations et rendent ainsi « de nouveaux découpages accessibles à de nouveaux partenaires de l’échange sémiotique » (Klinkenberg, 2000) (Barnabé, 2023, p. 93)

Dans notre cas, il ne s’agit pas tant d’occasionner l’apparition de « nouveaux partenaires », mais plutôt de s’appuyer sur d’autres compétences sémiotiques que celles habituellement requises par le public afin de jouer à l’un des jeux dans lesquels nous déployons l’un de nos projets. À titre d’exemple, nous faisons appel à la capacité de lecture de textes littéraires dans le cadre du projet Monstres et poésie, où nous détournons l’item « pancarte » pour mettre de l’avant une forme de poésie fragmentaire, invitant ainsi le public à prendre le temps durant son aventure de s’arrêter pour lire, ce qui est contre-intuitif dans l’univers de Valheim où des monstres peuvent surgir à tout moment.

Envisager nos hybridations sous l’angle de la transécriture nous amène à trouver des points de convergences entre, d’une part, des mécaniques d’action proposées par un jeu au sein de son environnement permettant d’y écrire du texte d’une manière ou de l’autre et, d’autre part, des formes littéraires qui correspondent au discours du jeu et à l’espace d’insertion de texte. Il est rare que cette union, au cœur de notre pratique, soit d’emblée organique. Toutefois, il est important pour nous – afin de rester en corrélation avec notre démarche de symbiose médiatique – que l’insertion de la littérature au sein du jeu vidéo ne s’effectue pas dans une logique d’imposition. Afin de mieux naviguer ce processus, la mobilisation de travaux de recherche et de concepts issus des études littéraires nous sert d’appui dans l’idéation de nos projets.

À titre d’exemple, le projet L’ambiguïté parmi nous est inspiré par le numéro classique « Who’s on First? » du duo comique états-unien Abbott et Costello. Dans ce dialogue de sourds, Abbott veut aider son ami Costello à identifier les noms des joueurs d’une équipe de baseball, mais ceux-ci se nomment Who, What, I Don’t Know, Why, Because, etc., ce qui donne lieu à des quiproquos et à des méprises de toutes sortes. Le Collectif Obèle a préservé la prémisse de ce sketchreposant sur des noms de personnages générant de la confusion pour la transposer dans l’univers science-fictionnel du jeu Among Us (2018) où les joueuses et joueurs, réunis dans un vaisseau spatial, doivent accomplir certaines tâches sous la menace constante d’un intrus dans l’équipage qui assassine ses congénères; des séances de discussion, sous la forme de clavardages en direct, permettent d’interagir et de porter des accusations afin de démasquer l’intrus. Ainsi, « l’espace de clavardage détourné de sa fonction première devient une scène où se rejoue sous une forme déguisée un dialogue devenu célèbre » (Gervais, 2023, p. 162). Cependant, cette fois-ci, les personnages se nomment Qui, Quoi, Tout, Personne, Rien, Quelqu’un, etc., déictiques qui servent à embrouiller la conversation. C’est donc l’ambiguïté qui a servi de forme spécifique de métaréglementation dans cette performance. Cette ambiguïté a fait l’objet de recherches et d’une distinction terminologique chez les membres du Collectif Obèle entre le quiproquo, la méprise et le malentendu, ce qui nous a permis d’apporter certaines nuances dans l’usage de ces termes. De fait, ces recherches, entre autres basées sur les travaux de Kerbrat-Orecchioni (2005) et de Szpirglas (2006), ont éclairé notre propre pratique de création, principalement la scénarisation des dialogues et des actions à effectuer lors de notre performance. En nous appuyant sur les travaux menés à propos de ces différents procédés littéraires, nous avons été en mesure de mieux les mettre en application lors de notre performance afin d’en maximiser le potentiel comique (figure 1).

Figure 1. Capture d’écran tirée du projet L’ambiguïté parmi nous. Source : « L’ambiguïté parmi nous », https://collectifobele.art/projets/lambiguite-parmi-nous/.

Un autre projet du Collectif Obèle, intitulé Mario Morse, se développe cette fois au sein de l’éditeur de tableaux de Super Mario Maker 2 (2019). Le projet consiste à traduire de courtes citations en code morse, qui servent ensuite de base à la création de tableaux. Plus précisément, chaque signe de la citation textuelle, traduite en code morse, correspond à une action devant être posée par la joueuse ou le joueur au sein d’un tableau créé sur mesure en fonction de ces actions à accomplir. La structure du code morse agit comme dénominateur commun entre le langage et la jouabilité rudimentaire de Super Mario Maker 2. Ainsi, en traversant le tableau, la joueuse ou le joueur interprète la citation mise en forme dans la structure architecturale du tableau. C’était dans le but de réfléchir à notre propre démarche de littéralisation des énoncés en mécanique d’action dans le jeu que nous avions convoqués des recherches sur la pragmatique du langage – notamment avec J. L. Austin (1970 [1962]) et Wolfgang Iser (1985 [1976]), sur les théories de la lecture et de l’interprétation, et avec Henry Jenkins (2004) sur le level design en jeu vidéo. Ce sont d’ailleurs et notamment des citations tirées des travaux d’Austin et d’Iser qui ont servi de matériaux textuels pour les premiers tableaux produits dans le cadre du projet Mario Morse (Figure 2 et 3).

Figure 2. Capture d’écran d’un tableau composé à partir du mot « bonjour », premier prototype du projet Mario Morse.
Figure 3. Capture d’écran du premier tableau du projet Mario Morse composé à partir de la citation : « L’énonciation de la phrase est l’exécution d’une action » de J. L. Austin.

3. Protocoles de création et documents écrits : l’utilisation de journaux

Chantal Provost identifie l’un des défis cruciaux de la recherche-création en affirmant ceci : « un des enjeux dans la diffusion de la recherche-création est de savoir comment témoigner de la complexité des processus à l’œuvre. Quoi archiver ? Quelles traces conserver ? Comment les présenter ? » (Provost, 2018, p. 42) Nous avons choisi de répondre à cette question en consignant quasi compulsivement nos activités au moyen de traces écrites. La matière première de notre démarche de recherche-création est une documentation textuelle (parfois suppléée par des captures d’écran et des captations vidéo) produite tout au long de nos projets, depuis leur idéation initiale jusqu’à leur exécution.

Nous croyons que la forme écrite est celle qui est le plus à même d’incarner et de partager nos réflexions croisées. L’article Écrire : Une méthode de recherche de Laurel Richardson et al. (2022) aborde des enjeux méthodologiques que nous épousons. Dans une posture imprégnée du poststructuralisme, ce texte décrit les ethnographies CAP (processus analytiques créatifs), où l’écriture elle-même est utilisée comme méthode de production du savoir. Richardson met de l’avant un modèle d’écriture scientifique qui assume pleinement sa subjectivité, et l’utilise d’ailleurs comme outil de validation de la recherche :

Premièrement, [le poststructuralisme] nous commande d’adopter une posture réflexive, de prendre conscience que nous écrivons à partir de lieux spécifiques, à des moments donnés. Deuxièmement, il nous délie de l’obligation d’écrire un seul et unique texte dans lequel tout devrait être dit, à l’intention de toutes et tous. En nourrissant la singularité de nos voix, nous nous libérons de l’emprise sévère qu’a l’“écriture scientifique” […]. L’écriture est validée comme méthode de production du savoir. (2022, p. 5-6)

Dans le même article, Elizabeth Adams St. Pierre aborde un projet de recherche conduit en s’inspirant de la méthode proposée par Richardson : « La réflexion s’est déployée dans l’écriture. […] Il m’est arrivé d’écrire quelque chose de si formidable que j’en ai été surprise. Je doute qu’une telle pensée aurait pu émerger par la seule réflexion. » (Richardson et al., 2022, p. 17; les italiques sont de l’autrice) Le Collectif Obèle partage cette relation à l’écriture, où la pratique réflexive de la rédaction favorise l’émergence d’idées; l’obligation que nous nous imposons de formuler nos pensées sous forme écrite donne corps à celles-ci. Qui plus est, cette méthode de recherche qualitative est particulièrement efficace pour un collectif, puisqu’elle permet aux membres de rebondir sur les idées et impressions des un·es et des autres. Ainsi, le champ de pensée qui aurait été produit à travers une méthode plus traditionnelle et individuelle s’élargit grandement, laissant davantage de place à l’itération, aux rencontres fortuites et à la sérendipité.

Par ailleurs, l’écriture comme procédé méthodologique nous amène à œuvrer dans l’écriture partagée; cette dimension de la littérature a été explorée, notamment, par des artistes surréalistes avec leurs cadavres exquis, par des groupes littéraires tels que l’OuLiPo. Ainsi, notre démarche méthodologique engendre elle-même une hybridation de la ludicité et de la littérature. Les résultats qu’elle entraîne ne pourraient être obtenus à travers des méthodes de recherche plus conventionnelles. En quelque sorte, il s’agit d’une transécriture d’un autre ordre qui s’installe, entre science et ludicité, par la consignation à l’écrit de notre démarche.

La production écrite qui alimente et documente notre travail de recherche-création est également un atout au moment de faire valoir notre démarche. En effet, l’un des principaux arguments remettant en question l’utilisation de la recherche-création comme méthode a trait à ses critères d’évaluation et de validité de la recherche, qui ne sont pas aussi clairement établis que dans le cas de la recherche qualitative. Toutefois, comme le soulignent Chapman et Sawchuk : « Evaluation of research-creation projects in academic contexts is not intrinsically any more or less difficult than other assessment standards […]; we simply have fewer precedents to work with in terms of fair and effective standards for peer review » (2012, p. 22). Laurel Richardson propose d’ailleurs un modèle d’évaluation divisé en quatre critères, soit la contribution, l’esthétique, la réflexivité et la portée de la recherche. Le texte devrait donc contribuer « à notre compréhension de la vie sociale [dans une recherche en sciences sociales] » (2022, p. 9), produire une satisfaction esthétique chez le lectorat, faire preuve d’une réflexivité profonde et toucher le lectorat « sur les plans émotionnel et intellectuel » (ibid.). Ces critères spécifiques ne sont pas parfaitement adaptés aux travaux du Collectif Obèle. Ils proposent néanmoins des lignes directrices concernant les attentes envers une recherche utilisant l’écriture comme méthode; ils nous guident donc dans la détermination de nos propres critères de validation. C’est dans cet esprit que nous avons élaboré un protocole d’écriture en subdivisant l’élaboration d’un projet en trois étapes distinctes auxquelles correspondent des documents écrits.

La première étape est une phase d’exploration nous servant à comprendre le jeu de l’intérieur : ses objectifs, ses mécaniques, ses particularités et ses utilisations subversives par la communauté. De ce rapport au jeu émergent des impressions et des réflexions qui sont mises en mots dans un document que nous appelons un journal de bord. Il s’agit aussi, lors de cette étape, de développer des compétences au sein du jeu vidéo : amélioration du niveau du personnage et de son équipement dans le cas d’un jeu de rôle (role-playing game), déblocage de phases de jeu ou de niveaux à explorer, acquisition d’habiletés dans l’exécution du jeu. C’est au sein, et à travers, de l’univers sémiotique du jeu (« l’univers sémiotique » englobant ici aussi bien les aspects proprement vidéoludiques que narratifs, esthétiques et textuels d’un jeu) qu’une perspective littéraire sur celui-ci peut graduellement être élaborée.

Une fois le jeu sensiblement bien maîtrisé et un filon de réflexion littéraire mis en place, il s’agit d’explorer les possibilités d’insertions textuelles au sein du jeu afin d’en tester les portées et limites lors de la phase de développement. C’est à ce moment que des décisions par rapport aux modalités de l’artéfact qui résultera de notre projet peuvent être envisagées : prendra-t-il la forme d’une performance scriptée puis enregistrée à des fins de diffusion ? Sera-t-il produit en direct face à un public passif ou reposera-t-il au contraire sur la participation des joueuses et joueurs ? S’agira-t-il d’une série d’interventions éphémères qui seront cristallisées par des captures d’écran ? Si les artéfacts sont accessibles à un plus large public, y a-t-il moyen de prévenir leur dégradation ou leur destruction par autrui à travers certains mécanismes du jeu ? À cette phase de travail correspond un journal de développement, qui dresse une liste des étapes de création et des paramètres à envisager; les éléments de cette liste peuvent être déclarés accomplis après quelques tests ou au contraire être modifiés, voire abandonnés, à la suite de la découverte de possibilités plus attrayantes ou encore d’obstacles imprévus.

La dernière étape de production du projet, la phase d’exécution, ne peut être amorcée qu’une fois que nos connaissances et aptitudes liées à un jeu sont très avancées. Le déploiement du projet dans sa forme finale requiert un plus grand degré de planification : par exemple, l’accumulation de tous les objets et matériaux qui seront requis pour construire le texte, ou la coordination et la chorégraphie d’une performance destinée à être enregistrée. La planification est établie au sein d’un journal de production qui peut aussi bien réunir des conseils pratiques que des consignes rigides.

Il importe de préciser que les étapes se déclinent dans un ordre successif logique, mais que les journaux qui y correspondent ne sont pas forcément complétés dans cet ordre. En effet, les trois documents sont remplis à mesure que nous avons des idées à y déposer; par exemple, des consignes de production peuvent être établies rapidement dans le cadre d’un projet, sans signifier que l’expérimentation a pris fin. L’ensemble de ces traces écrites est crucial dans notre processus de collaboration interne. La consultation de ces documents en cours de projet représente une manière efficace pour les membres du Collectif Obèle de prendre acte de manière asynchrone des avancées récentes et des idées proposées. En guise d’exemple, lors de la production du projet Monstres et poésie, qui sera abordé plus longuement dans la section suivante, des séances de jeu hebdomadaires réunissaient les participant·es du projet au sein du serveur, mais il arrivait à l’occasion que des membres effectuent des séances de jeu en solitaire ou en plus petite équipe; la consignation des tâches effectuées et des démarches entreprises au sein du journal de bord permettait aux membres qui souhaitaient se connecter par la suite de se mettre à jour rapidement sur l’évolution des travaux au sein du projet. De plus, certaines réflexions consignées dans le journal de bord, ayant émergé spontanément au cours d’une séance de jeu, ont pu être transférées dans le journal de développement par la suite, afin de garder une trace d’une réflexion à mener ensuite en équipe de travail. De même, des indications précises en vue de la production définitive du projet en cours peuvent être consignées dans le journal de production dès qu’elles ont été envisagées puis éprouvées lors de séances de jeu.

4. L’approche des cycles heuristiques : quelques exemples de résultats

L’élaboration de nos projets repose donc sur une marche à suivre, mais celle-ci n’est pas aussi linéaire que l’enchainement des trois phases peut le laisser croire. En effet, notre processus de recherche-création s’articule dans un aller-retour au cours duquel la recherche oriente l’expérimentation et vice-versa. Le Collectif Obèle s’est notamment inspiré de la méthode des cycles heuristiques théorisée par Louis-Claude Paquin :

[Cette méthode] met de l’avant une démarche itérative qui assure une articulation constante et étroite entre la recherche et la création, ce qui constitue un enjeu majeur de la [recherche-création] pour que la création oriente la recherche et que, en retour, la recherche nourrisse le processus de création. La méthode consiste à effectuer plusieurs cycles où alternent des périodes d’expérimentation et de réalisation à des périodes de réflexion et de réflexivité. (2019, p. 3)

La synergie entre démarche d’écriture réflexive et cycles heuristiques s’est notamment manifestée au sein du projet Stardoux, déployé dans Stardew Valley (2016), un jeu vidéo de type jeu de rôle dont l’activité principale consiste à s’occuper d’une ferme agricole à travers les saisons, notamment en cultivant sur son terrain différentes variétés de plantes. L’un des membres ayant mis en œuvre ce projet, Max-Émilien Marques, est un joueur chevronné de Stardew Valley, il a donc utilisé le journal de bord afin de consigner son réexamen de Stardew Valley spécifiquement à l’aune de la perspective de la transécriture. S’interroger sur les mécaniques de jeu propices à faire l’objet de commentaires littéraires l’a d’ailleurs amené à produire les premiers artéfacts du projet. À titre d’exemple, il a échoué dans ses tentatives de rentrer à son domicile avant deux heures du matin, heure-limite imposée par le jeu, ce qui cause un état d’échec. En effet, lorsque le personnage-avatar n’est pas de retour dans son lit avant une heure fixe, il s’effondre de sommeil, un état signifié par un phylactère contenant des Z. C’est ce très bref texte qui a été inscrit à même le sol de la ferme afin de marquer les échecs réitérés de Marques à rentrer au bercail à temps (Figure 4). Ainsi, la tâche de remplir le journal de bord aura été pour lui source d’une première intégration de texte, une itération prototypale de son concept12.

Figure 4. Le personnage-avatar de Max-Émilien Marques, ayant une fois de plus cédé au sommeil, à côté de sa première installation de land artagricole. Source : https://collectifobele.art/projets/stardoux/.

Marques a également entrepris de faire des tests visuels de la pousse graduelle de certaines plantes que l’on peut cultiver dans le jeu et les « inscrivant » à même le sol sous la forme d’un double obèle (Figure 5). Il a conduit ses tests dans le solarium de la ferme, un emplacement propice à cela tant sur le plan vidéoludique – puisque ce lieu est un environnement contrôlé, non affecté par les saisons et les conditions météorologiques – que sur le plan visuel, puisque l’espace de cultivation disponible est en quelque sorte « déjà encadré » par des bordures. Découvrir les tests de Marquesdans le journal de bord a incité un second membre du projet à, cette fois, effectuer des captures d’écran de chacune des étapes de la croissance des plantes, et de les réunir dans une vidéo à intermittence sous forme de GIF animé (Figure 6). C’est ce format, que nous avons jugé plus abouti puisque mettant en valeur l’apparition graduelle des plantes-textes, qui a ensuite été adopté pour les itérations suivantes des artéfacts produits dans le cadre du projet Stardoux.

Figure 5. Capture d’écran de la première version de la recréation du logo du Collectif Obèle à même le potager du solarium. Source : Collectif Obèle.
Figure 6. Un GIF animé qui présente les différentes étapes de croissance d’un plant de riz. Source : Collectif Obèle.

Ce choix d’incorporer une dimension temporelle aux artéfacts de ce projet a bien servi l’écriture du message « tempus fugit », proverbe latin qui peut être traduit vers le français par « le temps fuit ». Ce texte a été composé pour deux raisons. La première répond à une contrainte d’écriture : la concision de ce message est adaptée à l’espace d’écriture restreint, qui se limite à la dimension du sol de la ferme du personnage-avatar. La deuxième correspond davantage à notre volonté de transécriture, où une certaine forme de l’expérience du jeu est exprimée à travers un texte. En effet, en découvrant l’expérience, par ailleurs paisible et pacifique de jeu proposée par Stardew Valley, l’un des membres du Collectif Obèle a néanmoins commencé à ressentir une anxiété de performance (non pathologique) de par sa volonté d’accomplir le maximum de tâches possibles pendant une journée de jeu13, au point de considérer (de manière peut-être saugrenue) que l’ennemi de la joueuse ou du joueur dans Stardew Valley était le temps, ou plutôt le passage du temps.Cette idée s’est déployée à la fois dans une inscription littéraire à même l’espace et les affordances du jeu et dans le choix du média de présentation choisi, soit le GIF animé, outil permettant d’illustrer le passage du temps (Figure 7 et 8). C’est donc à travers des cycles heuristiques où le prototypage alimente l’idéation, qui à son tour génère de nouveaux prototypages, que nous sommes arrivé·es aux résultats du projet Stardoux.

Figure 7. La variante automnale du message tempus fugit voit apparaître graduellement ce texte par la croissance de plantes qui ne peuvent être cultivées qu’à l’automne au sein de Stardew Valley.
Figure 8. La variante hivernale du message tempus fugit s’appuie sur l’une des mécaniques du jeu faisant en sorte que le sol de la ferme qui n’est pas entretenu reprendra son apparence initiale; le travail effectué par le personnage-avatar s’efface graduellement, marquant le passage du temps dans un mouvement de disparition plutôt que d’apparition.

Dans le projet Mario Morse, l’aller-retour entre l’idéation et le prototypage s’est incarné à travers l’évolution de nos constructions de tableaux (level design). Si, au début, nous options plus intuitivement pour des transpositions visuelles du code morse, nous avons changé notre approche pour mettre de l’avant l’élément sonore, à la fois plus fidèle à l’origine du code morse, initialement prévu pour une transmission auditive, mais également plus adapté à des constructions de tableaux rythmés et fluides. En effet, dans Super Mario Maker 2, l’un des éléments contribuant au plaisir de jeu réside dans la rythmique et la fluidité des tableaux. Les tableaux mal construits sont nommés « janky » (boiteux, abrupts) et requièrent des pauses brusques lors de l’exécution. C’est en prenant en considération cette donnée que nous avons changé notre manière de faire. Ainsi, le prototypage nous a permis de revenir sur notre méthode de création et de mettre en lumière la multimodalité – voire la multisensorialité – de notre démarche de transécriture, alors que le caractère d’abord strictement visuel des messages insérés a ensuite été agrémenté d’un encodage acoustique et kinésique (Figure 9).

Figure 9. Captation vidéo du tableau intitulé « le temps c’est de l’argent » créé dans le cadre du projet Mario Morse, où la séquence d’actions requises afin de traverser le tableau engendre un rythme sonore s’apparentant davantage au code morse.

Finalement, le projet Monstres et poésie a pris forme dans Valheim (2021), un jeu de survie et de construction dans un monde ouvert. La joueuse ou le joueur incarne une ou un viking devant prouver sa valeur à Odin en reconquérant le monde de Valheim. Pour ce faire, il lui faut survivre dans cet environnement hostile et peuplé de créatures maléfiques. Dans ce jeu « monde ouvert » (open world) divisé en biomes, la joueuse ou le joueur est appelé à se construire des installations, à se nourrir, à produire de l’équipement et à accumuler des ressources diverses. Notre projet consiste à incorporer de courts textes sur des pancartes accrochées à des stèles en forme de doubles obèles installés en différents endroits de ce monde. Ces messages sont accessibles aux joueuses et joueurs dans un parcours balisé auquel on accède en se rendant sur la partie hébergée sur un serveur en ligne. Nous avons confié l’écriture des textes littéraires à insérer dans notre projet à la poète Laurance Ouellet Tremblay, qui a été enthousiasmée à l’idée de collaborer avec nous après avoir visité un premier prototype conçu à partir d’un poème tiré de son recueil La vie virée vraie (2023) (Figure 10).

Figure 10. Un artéfact-prototype du projet Monstres et poésie basé sur un poème tiré du recueil La vie virée vraie de Laurance Ouellet-Tremblay.

La poète a commencé à assister à nos séances collectives de jeu afin d’y puiser de l’inspiration. Ce qu’elle a choisi d’utiliser comme matériau pour les vers qu’elle nous a soumis nous a initialement pris de court, puisqu’elle a retranscrit et légèrement modifié des fragments de nos échanges oraux lors de nos séances de jeu afin de « composer » sa contribution. Ce qui nous a d’abord apparu comme une manœuvre un peu simpliste s’est plutôt avérée un geste de transécriture rusé.En effet, surmonter la très grande difficulté du jeu Valheim découlant de l’hostilité de l’environnement au sein duquel les joueuses et joueurs évoluent requiert un effort constant de coordination entre celles et ceux-ci. La meilleure manière d’y parvenir est par le biais de communication verbale, à travers la plateforme Discord dans notre cas précis. La multimodalité de Valheim s’étend à l’extérieur de l’écran; l’expérience de ce jeu repose en grande partie sur les discussions qui ont cours alors que plusieurs personnes sont connectées à une même partie. Le regard – ou plutôt, l’oreille – de Laurance Ouellet Tremblay a repéré cette dimension invisible de notre expérience de jeu, nous permettant de la réifier au sein des parcours du projet Monstres et poésie. Ainsi, l’un des aspects les plus significatifs et porteurs de sens découlant du jeu en ligne à plusieurs participant·es a été dévoilé par l’intermédiaire d’une production littéraire.

Conclusion : obèle, flou sémantique et alliage

Cet article aura employé des notions telles que la recherche-création (qui n’est ni recherche ni création – ces termes sont trop partiels pour qualifier adéquatement notre démarche) et la transécriture (qui n’est ni adaptation, ni remédiatisation – ces termes ne suffisent pas pour désigner notre approche) afin d’aborder notre production artistique, à cheval entre la littérature et le jeu vidéo. Plusieurs termes pourraient être employés afin de décrire ce couplage en apparence hétéroclite; la première phrase du présent texte cite notre site web où nous déclarons procéder à des « hybridations », nous avons soumis une proposition afin de participer à un festival artistique en qualifiant notre travail de « symbioses », et nous trouvons place dans le sommaire d’une revue scientifique qui a comme thématique les amalgames. Ces termes sont-ils interchangeables ? Devrait-on en privilégier un au détriment des autres ? Qu’est-ce que le choix d’un de ces termes pourrait potentiellement révéler de notre poïétique ?

Avant d’aborder ces considérations, il nous apparaît pertinent de citer un passage de notre manifeste, disponible sur notre site web, qui fournit une explication à propos du nom de notre collectif et de la volonté qu’il incarne pour nous :

L’obèle (†) est un signe typographique en forme de croix, quelque peu tombé en désuétude, qui a servi plusieurs fonctions à travers les époques. Il signale un deuxième appel de note si l’astérisque a déjà été employé au sein d’une page (d’où son emploi afin de désigner le plus corpulent des célèbres Gaulois); une autre variante, le double obèle (‡), doit être employée lorsque trois appels de note sont requis dans une même page. L’obèle est également utilisé de manière plus spécifique dans des domaines spécialisés : par exemple, dans l’étude des textes anciens, il signale des passages dont l’origine est douteuse ou non attestée, des formulations linguistiquement incorrectes, voire barbares, ainsi que les interventions des copistes. En chimie, le double obèle exprime une phase de transition générée par un mécanisme réactionnel engendrant un état moléculaire instable et éphémère. Il permet, de manière générale, de désigner un acte d’interpolation, où est inséré dans une chose un élément second, d’une nature autre. En somme, l’obèle exprime un doute, une invasion, un phénomène inhabituel, subordonné et transitionnel. Visuellement, le double obèle, par son trait vertical, unit deux droites horizontales et parallèles qui n’entreraient pas en contact autrement que par cette intervention perpendiculaire. C’est pour toutes ces raisons – la jonction, l’hybridité et l’interpolation – que nous avons retenu ce symbole afin de désigner notre projet et ses visées.

En somme, ce terme, et le symbole typographique qui le signale, a été choisi parce qu’il incarne, tant sur le plan visuel que sémantique à travers ses emplois variés, ce rapprochement d’éléments hétéroclites, ce mélange de contenus différents et cette concaténation de corps étrangers au sein d’une même manifestation artistique.

En ce sens, des termes comme « symbiose » et « hybridation » pourraient tout à fait convenir afin de décrire les intentions et les résultats des travaux du Collectif Obèle. Nous avons toutefois choisi, dès le titre du présent article, d’y aller avec l’action d’amalgamer non seulement afin de s’inscrire pleinement dans la thématique du numéro, mais aussi parce qu’à bien y regarder, ce terme fonctionne surprenamment bien pour qualifier notre approche. Le dictionnaire Usito propose les définitions suivantes du nom amalgame :

  1. Alliage de mercure avec d’autres métaux.
  2. Mélange d’éléments hétérogènes ou parfois contraires
  3. Gramm. Mot grammatical résultant de la contraction d’une préposition et d’un déterminant ou d’un pronom (ex. : au, du, auquel, etc.). (Usito, 2024)

La troisième définition est appropriée parce qu’elle repose sur une fusion entre deux éléments linguistiques joints en un seul, la deuxième s’apparente à l’interpolation en chimie qui est déjà évoquée par le nom de notre collectif, et la première nous rappelle qu’en métallurgie, l’amalgame est le procédé permettant la création de métaux aux propriétés nouvelles, adaptés aux besoins du moment.

Toutefois, le terme « amalgame » a aussi une connotation négative justement parce qu’il est employé afin d’attirer l’attention sur des connotations négatives. On parlera par exemple des « amalgames douteux » entre un groupe de gens et un comportement qui sont à la base de nombreux préjugés, et on utilise ce mot comme un reproche envers un discours qui contient des rapprochements vaseux, des analogies malhonnêtes et toute autre forme de comparaison injuste.

Or, l’alliage d’éléments en apparence disparates au sein d’un même procédé, soit l’amalgame, nous apparaît parfois souhaitable. C’est notamment le cas pour la littérature et le jeu vidéo, unis par nos projets; c’est également le cas pour la recherche et la création, unies dans notre démarche méthodologique; et c’est, après tout, bel et bien le cas pour les études multimodales, dans lesquelles nous nous inscrivons à présent.

L’amalgame est une science, ce n’est pas qu’un mélange. Les propriétés des matériaux d’origine doivent être bien comprises, ciblées, puis alliées pour que l’amalgame soit, finalement, opérationnel. Les travaux du collectif Obèle se comprennent à travers la métaphore de la forge. Les médias qu’ils ciblent ont leurs propres contraintes, et ne s’infléchissent qu’à travers un travail constant (et collectif) d’engagement, ce dont témoignent les projets présentés ci-dessus. Il faut chauffer le fer pour le battre. Et, c’est par l’action de l’écriture, traitée à la fois comme approche d’artisanat et outil méthodologique, que nos expérimentations multimodales sur les affordances de la littérature et du jeu vidéo engendrent des résultats inédits.

Notes
  1. Ont participé à la rédaction de cet article : Vincent Cliche (UQAM), Léa Martin (UQAC), Priscillia Mateus (UQAM), Frédéric Dion (Université de Montréal) et Gabriel Tremblay-Gaudette. Le Collectif Obèle comprend également dans ses rangs les membres suivants : Léa Rouleau, Léa Rose Tremblay, Alexis L’Étoile, Mathieu Pierre, Vince Roy, Amélie Vallières, William Rail, Laurance Ouellet Tremblay, Benjamin Bouillon, Max-Émilien Marques, Marc-Antoine Riopel. Jean-François McDonnell, Laurie Briand et Laurent Dupuis ↩︎
  2. https://collectifobele.art/ ↩︎
  3. À cet effet, se référer à l’étude très complète de ce cas de figure effectuée par Mauger (2014). ↩︎
  4. Nous pensons notamment à la franchise de jeux vidéo d’Ubisoft, Assassin’s Creed, dont la transmédiatisation littéraire a généré, au moment d’écrire ces lignes, plus d’une vingtaine de romans. ↩︎
  5. Une synthèse de cette histoire est proposée par Dumont (2023). ↩︎
  6. Une enquête effectuée par l’Académie de la transformation numérique, basée à l’Université Laval, et publiée en 2023, démontre hors de tout doute que l’utilisation des médias numériques est en hausse chez les membres des générations auxquelles appartiennent les membres du Collectif Obèle. Les résultats de cette enquête sont disponibles ici : https://transformation-numerique.ulaval.ca/wp-content/uploads/2024/07/netendances-2023-portrait-des-generations.pdf ↩︎
  7. Le concept de « remédiatisation », traduit de l’anglais remediation et introduit par Jay David Bolter et Richard Grusin dans un essai du même nom paru en 2003, est malheureusement abordé de manière si oblique dans cet ouvrage qu’il ne nous est pas possible d’en citer un passage qui permettrait de le définir succinctement. Nous nous risquons donc à en proposer notre propre définition : la remédiatisation décrit le mouvement par lequel les dispositifs informatiques (l’ordinateur et l’écran qui lui sert de support de diffusion, ainsi que les haut-parleurs qui permettent d’émettre des sons) sont en mesure d’absorber différents médias (cinéma, théâtre, radio, journal quotidien) au sein d’une interface visuelle et interactive qui peut potentiellement tous les contenir, ou du moins les émuler de manière partielle, mais satisfaisante. ↩︎
  8. « Expansive gameplay […], involves players dictating additional or alternative rules from completely within the confines of the existing game rules, using the game in a very different manner. » (Parker, 2008) ↩︎
  9. « Transgressive play is a symbolic gesture of rebellion against the tyranny of the game, a (perhaps illusory) way for the played subject to regain their sense of identity and uniqueness through the mechanisms of the game itself. » (2014, p. 185) ↩︎
  10. Maxime Godfirnon (2020) a consacré son mémoire de master aux pratiques de contraintes ludiques pratiquées par l’OuLiPo (et l’Oubapo) et aux pratiques d’actualisation du jeu vidéo tel que le speedrunning ou le glitchless. ↩︎
  11. Voici comment l’un des organisateurs de ce colloque présente l’infortune critique de ce terme : « Commençons par un point de vocabulaire. D’abord, ce fameux titre, la “transécriture”, qui n’est ici dit “fameux”, dans un sens du mot, que précisément parce qu’il n’était pas fameux avant le colloque, qu’il ne l’a pas vraiment été au cours même du colloque, et qu’il n’a que fort peu de chance de le devenir à la suite de ce colloque… » (1998, p. 267) ↩︎
  12. Toute la documentation produite au cours de ce projet est disponible à l’adresse suivante : https://collectifobele.art/projets/stardoux/. ↩︎
  13. Dans Stardew Valley, le temps s’écoule à un rythme constant; chaque journée débute à 6h et se termine brusquement à 2h du matin ; dans le monde réel, cette durée intradiégétique équivaut très exactement à 12, 9 minutes. ↩︎
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